021 – La réalité sensible
Dernière composante de l’expérience du Sens en conSensus la réalité sensible, disqualifiée par le réductionnisme rationaliste, a pourtant été très présente dans la recherche de compréhension de la réalité et de l’expérience humaine. Cela soulève des difficultés qu’il va falloir éclairer.
Cette composante se situe dans le cohérenciel, la structure de l’expérience première, entre le vecteur objectif et le vecteur subjectif. Qu’y a-t-il entre le Sens qui sous-tend la dimension subjective et la multiplicité des autres Instances qui participent au conSensus. Il n’y a rien dans l’Instance sinon la variation des rapports de conSensus. Dans l’expérience c’est un vécu sensible qui est éprouvé. Toute la gamme des vécus sensibles se trouvent ressentis depuis la peur de perdre l’être en perdant un conSensus, peut-être le bonheur de se retrouver en conSensus, rassuré sur son être en passant par la gamme de tous les vécus sensibles en rapport avec la multiplicité des éléments objectifs, des aléas d’altérité, et si on prend la composante factuelle comme référent la multiplicité des choses et des corps. On trouvera par exemple aussi ce que l’on appelle la perception. La vision, l’audition, toute l’expérience des sens, correspondent à un vécu sensible dans leur registre propre.
Un aspect du problème est que ce vécu sensible n’est pas propre au sujet ni aux objets. Seulement l’éprouvé peut-être affecté au sujet et celui-ci s’identifier à cet affect ou bien il peut être affecté aux objets comme l’une de leurs propriétés. Le bleu du ciel est-il dans celui qui le perçoit ainsi, ou bien dans le ciel comme une de ses propriétés. La peur est-elle le sentiment de défaillance du sujet ou la menace de l’objet. Certains diront c’est dans le cerveau que ça se passe. Idée mentale intéressante mais personne n’a vu le bleu dans le cerveau. Même si c’est en rêve que le bleu ou la peur apparaissent cela ne change rien à l’affaire.
Le plan des affects vécu comme affectation réciproque sujet objet est celui d’une grande confusion. Entre sujet et objet, subjectivité et objectivité. Entre soi et non soi. Et pourtant le bleu du ciel fait partie de l’expérience d’un conSensus de l’Instance avec d’autres (nombreuses à en voir l’accord sur ce fait). En font partie aussi le ciel comme la terre et tous les corps et tous les affects et toutes les sensations et perceptions.
Si on pousse l’analyse du conSensus sur le plan des affects et de la réalité sensible c’est la fréquentation des autres avec ses alternativités qui est éprouvé au lieu même où le Sens de son Instance y participe. De ce fait on trouvera une réalité ondulatoire, vibratoire, ou rythmée par le jeu complexe du conSensus entre nombre d’Instances. Il y a un rapport entre le nombre de la dimension objective et la fréquence de la perception sensible et aussi donc avec les corps ou corpuscules du plan factuel. Ce qui est corps dans le plan factuel est vibratoire ou ondulatoire dans le champ de la réalité sensible. Du moins c’est une possibilité.
La confusion du plan d’expérience sensible est source de bien des difficultés humaines à surmonter dans le rapport aux autres et, en définitive, au monde lui même comme champ de perceptions et d’affects. Il peut aussi conduire à des exclusions meurtrières. La difficulté d’une conscience de soi séparée, bien montrée par Boris Cyrulnick dans la période prénatale, se résoudra par des épreuves de séparation dans un jeu de relations intensives
C’est aussi tout le champ des relations humaines qui est le théâtre de cette expérience du conSensus dans le champ des affects. La proximité/distance y conduit à vivre des variations d’affects qui touchent au plus profond de la conscience de soi ou de la confusion associée. On voit que la question de la conscience va être tout à fait importante dans l’expérience de la réalité. Ce sera pour un prochain chapitre.
Il est encore un aspect important de cette exploration de la réalité sensible et du plan des affects. C’est par exemple ce que des émotions fortes font vivre. Ce qui semble c’est la présence d’une source de puissance et d’énergie qui peut être menaçante débordante, paralysante ou motivante. Pour Sartre l’émotion est la privation de motion ou de mouvement. Peut-être en effet qu’un mouvement peut contribuer à épuiser cette puissance. Ce sentiment de puissance dans les affects est aussi source de confusion avec l’attribution de la puissance au sujet ou bien à des objets. Il est cependant une propriété du conSensus qui procure son énergie à l’expérience, à la réalité d’expérience humaine. Cette énergie vécue comme source de puissance avec toutes ses variations est aussi impliquée dans le mouvement projectif ou cinématique (factuel). Des propriétés des corps, l’équivalence masse énergie, trouvent là leur source aussi bien que les motivations intentionnelles, et même les images mobiles de la création par exemple. Il est vrai que l’exercice du corps, de la pensée, de l’affectivité dans leur ordre propre semblent épuiser cette énergie qui trouve encore à se renouveler dans quelque conSensus. Cette énergétique de l’expérience première se retrouve ainsi bien dans l’existence ou réalité individuelle ou dans l’existence ou réalité du monde, réalité réalisée.
Cette compréhension de la réalité comme expérience humaine réalisatrice est bouleversante par rapport surtout aux réductionismes rencontrés y compris celui qui trouve dans la puissance des affects la source de toutes réalités. Cependant elle permet de comprendre la place de l’homme non seulement dans la réalité mais à sa source même. Il faudra mettre à l’épreuve cette conception de l’homme tant dans l’expérience humaine personnelle que dans celle des réalités et notamment toutes les affaires humaines. C’est ce qu’apporte l’Humanisme méthodologique comme perspective de l’orientation et de l’agir humain. Il reste cependant, bien des aspects de la connaissance de l’homme et de la réalité humaine à explorer.
La question de la conscience des réalités et de la conscience de soi comme être de Sens jouera notamment un rôle majeur pour envisager et le devenir de l’homme et son accomplissement dans son existence. Ils ne se limitent ni à son existence ni à celle du monde.