Les groupes de concourance
L’efficience et la structure des équipes de travail sont mises en évidence à partir de la structure cohérencielle qui explicite la nature des liens de concourance. Ces liens sont ceux qui correspondent aux entreprises et aux projets humains et à la poursuite du bien commun.
L’efficience et la structure des équipes de travail sont mises en évidence à partir de la structure cohérencielle qui explicite la nature des liens de concourance. Ces liens sont ceux qui correspondent aux entreprises et aux projets humains et à la poursuite du bien commun.
INTRODUCTION
1° PARTIE – LA THEORIE :
LES STRUCTURES DE CONCOURANCE ET LA CONSTITUTION DES COLLECTIFS DE TRAVAIL
LA STRUCTURE DE CONCOURANCE
LA CONDUITE DES GROUPES DE CONCOURANCE
2° PARTIE – LA PRATIQUE DES GROUPES DE CONCOURANCE
1) L’initiative du groupe de travail et la centration initiale
2) La constitution des groupes de concourance
3) L’engagement du groupe de concourance
4) La maîtrise des groupes de concourance
5) Maturité des groupes de concourance
CONCLUSIONS
Méthodologie pour la constitution et la conduite des groupes de concourance
Les perspectives du concept de concourance :
Télétravail et évolution des structures d’entreprises.
Le rapport au travail et le lien social
INTRODUCTION
Il est de plus en plus évident pour beaucoup que les mutations en cours vont affecter profondément les modes de travail et particulièrement les structures du travail collectif.
Trois facteurs y concourent .
D’abord la nécessaire réactivité dans un monde qui bouge et qui condamne les structures rigides auto conservatrices.
Ensuite l’évolution des mentalités et de la maturité dans les démocraties modernes qui remet en question les rapports au travail et les investissements personnels par rapport au collectif .
Enfin le déferlement des moyens de télétransmission avec Internet et Intranet qui ouvre des possibilités insoupçonnées tant sur le plan des outils que sur celui des conduites individuelles et collectives.
Les apports au travail, les structures par projet, la question du télétravail et enfin ce que certains appellent travail coopératif ou collaboratif sont des indicateurs des préoccupations émergentes.
En fait, tout cela marque l’achèvement annoncé de la prédominance de deux modèles :
Celui du monde industriel dont le taylorisme n’a cessé d’être le référent avec la « réduction » du travail à l’opératoire plus ou moins décomposé en tâches élémentaires aliénantes.
Celui du monde administratif où la conservation d’une architecture statique des fonctions transforme les organisations en systèmes de procédures autoréférencées.
Or, si les thèmes de l’animation d’équipe, des groupes autonomes, groupes de progrès ou cercles de qualité ont fleuri au cours des dernières décennies ils n’ont pas donné lieu à l’établissement d’une doctrine suffisamment fondée et étayée en pratique qui puisse faire référence. La dérive gestionnaire, conjuguant les défauts des deux anciens modèles, poursuit ses ravages en décomposant le tissu de la société de travail au profit d’une rationalité économique et spéculative disjointe.
Le champ de la problématique est très large. Il touche à la structure de travail des entreprises avec la multiplicité des formes d’activités et de partenariat. Il touche à la structure de travail des services publics mais aussi à la ville et au développement dans les collectivités locales. Il touche aussi au type de relations entre les entreprises, les institutions, les espaces du politique et aussi entre les régions et les nations, comme dans le cas de l’Europe.
Au fond, au travers du modèle de travail en groupe, c’est toute la question du lien structurant les communautés engagées dans un projet et leur conduite qui est posée.
C’est probablement en résolvant ce problème à l’échelle pragmatique du groupe de projet que l’on pourra en tirer des enseignements généralisables.
LA PROBLEMATIQUE
Lorsque l’on considère que les participants à une équipe de travail sont plus autonomes, porteurs eux-mêmes de projets, alors se pose les questions :
Comment engager une équipe dans le même Sens et de façon efficiente ?
Quel est la nature du lien qui structure le groupe de travail durablement et efficacement ?
Comment former et piloter une équipe cohérente et efficace.
Cela touche à la fois à la cohésion du groupe, à la participation de chacun, à la responsabilité et la direction de l’équipe, aux méthodes de travail, aux moyens collectifs, à la différenciation des rôles, à l’évaluation du travail collectif et particulier, et pourquoi pas au fruit du travail et sa rémunération. Il faut évidemment penser à ces groupes de travail plus grands : les entreprises formées de multiples groupes, par exemple.
Rien de tout cela ne peut être réglé isolément, c’est pour cela qu’une doctrine claire doit être élaborée tant pour penser les problèmes que pour l’action.
C’est l’enjeu de ce document de présenter, d’une façon relativement sommaire il est vrai, une réponse à ce type de préoccupation.
Les groupes de concourance
Le point d’appui est la théorie des Cohérences Humaines et les éclairages, méthodes et outils qui en sont issus*.
Cette compréhension neuve de l’homme et des affaires et phénomènes humains éclaire tout d’abord le contexte des mutations en cours*. Ce qui permet de situer l’historicité et l’actualité du problème.
Ensuite, elle montre que le lien interhumain est toujours un lien de Sens qui prend des formes évidemment multiples. Cela retentit sur notre question dans la mesure où cela montre que le lien de fond qui constitue une équipe de travail est comme un vecteur orienté, ce qui est particulièrement intéressant lorsqu’une dynamique et des enjeux communs sont fixés comme dans une entreprise ou un groupe de travail.
On a pu montrer que si l’unité de direction vient de l’unité de Sens, la façon de comprendre le rapport souhaitable de chacun à l’ensemble, c’est le concours apporté aux enjeux communs. C’est pour cela que l’on parle de lien de concourance, puis de structures de concourance, et enfin de groupes de concourance. C’est la manière d’identifier un groupe de travail par la nature de ce qui l’organise et l’engage.
Les groupes de concourance ont de multiples enjeux qui peuvent les différencier, de même que leur taille peut aller de deux personnes (un couple !) à des dizaines de milliers ou plus, sachant que les parties prenantes peuvent être alors d’autres groupes.
Le principe de courance* est donc ce sur quoi on peut faire reposer une nouvelle conception du lien social, du lien de travail en situation d’engagement collectif.
Des architectures de concourance sont alors à envisager, c’est là que la théorie des Cohérences Humaines apporte aussi un élément décisif avec « la structure cohérencielle » qui définit les dimensions et les plans sur lesquels se joue la cohérence et la dynamique des groupes de concourance et donc de toute entreprise de concourance*.
Enfin vingt années de conseil en Cohérences Humaines ont permis d’élaborer des méthodes et outils qui permettent la conduite des groupes et des entreprises de concourance.
1 PARTIE – LA THEORIE :
LES STRUCTURES DE CONCOURANCE ET LA CONSTITUTION DES COLLECTIFS DE TRAVAIL.
On examinera ici les principaux paramètres qui interviennent dans la constitution et l’efficience des groupes de concourance avant d’envisager le cadre méthodologique et les outils pour l’action.
Rappelons cette évidence qu’un groupe de travail agit dans la durée. Son action n’est pas la simple juxtaposition de tâches élémentaires, ni la reproduction programmée d’une procédure formelle. L’action d’un groupe de concourance, c’est d’abord l’engagement de personnes qui, par leurs actes personnels et conjoints, visent un certain but. Le premier élément théorique est que ce qui réunit les membres du groupe de travail, c’est le Sens de leur engagement dans ce groupe et le conSensus (Sens partagé) qui en permet la réalisation. L’essentiel n’est pas là où on l’attend d’habitude, l’objectif, la méthode, l’organisation mais plus profondément le Sens.
Le Sens, c’est ce qui donne signification pour comprendre et s’entendre. Le Sens c’est l’orientation qui justifie le travail et le cheminement, le Sens c’est le vecteur de l’action qui lui donne sa force et sa structuration.
Un groupe de concourance est d’abord fondé sur un Sens partagé en ConSensus. Ce Sens est au départ : problème, quête ; en chemin : mouvement, rationalité ; à l’arrivée : solution, réalisation ou du moins s’y exprime-t-il.
La première réponse à la question de la constitution des groupes de concourance est l’unité de Sens. Elle participe de ce que l’on appelle une centration. Un groupe de concourance doit être centré pour qu’il y ait une unité, une identité, une cohérence qui se traduit d’ailleurs par une « centration » des efforts qui est en fait une co-centration des personnes.
Pour atteindre à cette centration qui noue l’unité du groupe de concourance, on devra passer le plus souvent par quelques artifices. Ceux-ci consistent à établir la structure de concourance du groupe de travail.
Cette structure est à la fois ce qui permet de le constituer et à la fois ce qui permet d’en assurer la conduite.
Cette structure de concourance est directement dérivée de la structure cohérencielle des phénomènes humains et on va en examiner les paramètres .
LA STRUCTURE DE CONCOURANCE
a) Les trois paramètres structurants du groupe :
Un sujet :
C’est -à-dire une intention commune qui forme le vouloir collectif du groupe.
Un objet :
C’est-à-dire une attention commune qui focalise le groupe autour d’une même affaire.
Un projet :
C’est-à-dire une déploiement commun qui structure le groupe selon une démarche commune.
Dans cette structure objet et sujet se conjuguent.
L’intention précède quelque fois l’objet et détermine quel objet est pertinent pour le groupe. C’est le cas où le groupe de concourance est déjà constitué et cherche à se focaliser sur un objet de travail ail significatif pour lui.
L’attention a un objet précède quelque fois l’intention et la suscite ou la favorise comme une motivation nouvelle.
Cependant c’est toujours la conjugaison des deux qui initie la dynamique du groupe de travail.
Le troisième terme est toujours la résultante des deux premiers.
Aucun projet n’est intelligible si on ne sait pourquoi (intention). Aucun projet n’est portable si on n’en connaît pas l’objet.
La concourance n’est possible que s’il y a :
Unité du sujet : Intention commune
Unité d’objet : Attention commune
Unité de projet : Extension commune
C’est là un moyen d’établir et de vérifier la centration du groupe.
b) Les trois plans de réalisation du groupe.
Le groupe de concourance manifeste son unité de centration sur trois plans qui le constituent :
Le plan opérationnel qui réclame une unité d’action. Il s’agit du rapport objet- projet qui se traduit en général par l’organisation du travail et donc une coopération organisée.
Le plan formel qui réclame une unité d’identification. Il s’agit du rapport sujet-projet qui se traduit par une représentation commune du groupe et de son projet qui sert de support, d’identification collective pour le groupe et aussi d’identification par l’environnement des potentiels et des promesses du groupe.
Le plan relationnel qui réclame une unité de cohésion et d’engagement. Il s’agit de la conjugaison sujet-objet et de l’affectation mutuelle des rôles et des responsabilités. Le potentiel et le dynamisme du groupe sont directement dépendant de ce « sociogramme » des rôles et relations.
Les groupes de concourance se caractérisent donc par une structure d’intégration des paramètres et composantes dont l’unité donne au groupe sa centration, donc la centration indispensable à son efficience.
On observera que si le plan opérationnel est souvent mieux connu, le plan formel des représentations est moins bien pris en compte et le plan relationnel des responsabilités encore moins. C’est aussi la cohérence de ces six dimensions qui est indispensable sur une groupe de concourance.
Pour bien comprendre cette première partie le plus simple est de procéder par l’hypothèse de carence et le lecteur en verra rapidement l’intérêt :
Que se passe-t-il si un groupe n’est pas centré, va dans tous le Sens ? C’est la question générique.
Que se passe-t-il s’il n’y a pas unité d’intention, soit qu’elle n’est pas connue, soit qu’il y en a plusieurs, divergentes, soit parce qu’elle change au grès des humeurs et circonstances, soit parce qu’elle n’est pas recevable par le groupe.
Que se passe-t-il si l’objet n’est pas partagé, si chacun se préoccupe de quelque chose de différent, sans lien avec la préoccupation d’ensemble du groupe, si chacun ne prend en compte que ce qui l’intéresse ou un aspect parcellaire des choses.
Que se passe-t-il si les démarches ne sont pas communes, pas au même rythme, pas architecturées, si on ne mesure pas l’avancement de façon identique, si les buts ne sont pas reconnus en commun, ni articulés entre eux.
Que se passe-t-il si chacun fait son travail dans son coin avec ses critères d’efficacité, de qualité, de rapidité et sa propre organisation.
Que se passe-t-il si chacun se fait une idée différente du projet ou n’arrive pas à se situer ou n’a pas de vue d’ensemble, s’il y a une multiplicité de versions, s’il y a des messages morcelés, contradictoires ou même erronés.
Que se passe-t-il si chacun exerce sa compétence sur son secteur sans souci de l’ensemble, si l’ensemble des rôles ne couvre pas tous ce qu’il y a à prendre en charge, si chacun se décerne des appréciations indépendantes de la communauté d’engagement.
Tout cela est à la fois très banal et en même temps laissé à une résolution spontanée quand encore les thèses en présence ne sont pas radicalement fausses.
LA CONDUITE DES GROUPES DE CONCOURANCE
Si on sait maintenant ce qui les définit, il faut maintenant comprendre comment ils peuvent être conduits et peut-être exercée une certaine maîtrise de leurs réalisations.
On distinguera alors :
La maîtrise cybernétique qui porte sur les paramètres structurants, autrement dit le gouvernement du groupe,
La maîtrise virtuelle qui porte sur les plans de réalisation du groupe, autrement dit le management du groupe.
La dimension cybernétique
Il faut là noter que si le groupe est auto gouverné, y participe au premier chef l’intention commune et non de simples mécanismes régulateurs.
Cette dimension cybernétique a pour enjeu l’essentiel, la détermination et la persévérance de la centration du groupe. Pour cela trois paramètres sont à maîtriser :
L’intention générale. Il est quelque peu angélique de croire les hommes parfaitement lucide sur leurs intentions et celles des autres, aussi ont-ils besoin de s’aider à cela et de faire appel à des compétences spécifiques. Il y a donc le plus souvent un sujet de référence, membre du groupe ou extérieur, qui détermine l’intention et en assume l’autorité.
Pour cela il faut qu’il puisse discerner les Sens possibles, choisir le meilleur possible et l’indiquer à temps et à contre temps avec persévérance.
Le caractère de participants relativement autonomes est qu’ils sont capables de détermination personnelle de leurs intentions.
Ils ne peuvent partager l’intention commune que de leur propre chef. Cependant les degrés de maturité des hommes et du groupe donneront à ce propos une grande diversité de configurations qui mettent à mal les modèles trop simplistes.
De toute façon entre les extrêmes d’une détermination arbitraire de l’intention générale, c’est-à-dire autoritaire, et une détermination conjoncturelle liée à la versatilité des humeurs collectives, il y a place pour une pratique responsable.
Elle suppose :
– Un certain degré de participation au discernement des intentions possibles.
– Une possibilité de prise de position soit à priori, soit à posteriori par rapport à une intention déterminée.
– Une participation au partage de l’intention commune.
Tout cela dépend des niveaux de maturité, du caractère exogène ou endogène de l’intention du groupe (source externe ou interne de détermination).
De toute façon la mission d’autorité est toujours utile et la liberté s’exerce pour chacun à la mesure de son jugement. On peut espérer que celui qui est investi de la mission est le plus à même de maîtriser le Sens et donc la direction générale.
L’objet d’attention et de préoccupation commune . Une groupe de travail part toujours d’une situation où un besoin, une attente, une demande sont présents. C’est l’objet de son travail que de les prendre en charge et d’y exercer sa volonté.
L’objet de préoccupation répond à la question « de quoi s’agit-il ? » et la réponse peut être assurée par la désignation d’un objet central. Cependant cet objet central de préoccupation se place toujours dans un contexte qui est pour le groupe un champ de données et un domaine d’activité.
L’objet de préoccupation se place toujours ainsi dans un contexte et des circonstances qui représentent les conditions de l’activité du groupe, ressources et contraintes, facteurs et acteurs environnants ou disponibles, etc…
Il importe donc pour le groupe de concourance de bien se situer et de « prendre en compte » toutes les données significatives. Cela réclame, observations, analyses, mesures, comptabilités, amélioration des conditions, etc…
Il n’y a pas de gouvernement si on ne sait dans quel Sens on va, ni où on est, et dans quelles conditions.
On comprendra aussi que l’objet principal puisse être décomposé en objets secondaires et que, de ce fait, les préoccupations peuvent être différentes dans un groupe de concourance à conditions d’être reliées et hiérarchisées vis-à-vis de l’objet principal. Le contraire amènerait la dispersion et la désintégration du groupe.
Le projet et l’encadrement d’une même démarche. Si les deux paramètres précédents sont déjà suffisants, la redondance est très utile surtout lorsque il n’est guère pensable que la maîtrise en soit parfaite.
Aussi définir les buts, les voies et les moyens pour y parvenir au travers d’un projet et tous les plans, les stratégies ou même les programmes qui le traduisent rationnellement sont-ils très important. Il faut savoir cependant qu’il s’agit d’encadrer une démarche pour aider à la conduite d’un processus et non pas l’exécution d’un simple formalisme.
L’exercice de l’intention commune dans des conditions centrés mais complexes, donne un processus unifié dans son architecture temporelle mais diversifié dans ses modalités, adaptées aux diverses conditions.
La dimension cybernétique de maîtrise des groupes de concourance inclue donc le pilotage de processus inscrit dans un cadre où chacun peut retrouver son propre processus, concourant au processus général. L’encadrement et le pilotage aident à garder l’unité, c’est-à-dire la centration et la concentration des efforts.
Tenir ces trois termes, c’est assurer la centration du groupe de concourance.
La dimension virtuelle
Il faut étudier ensuite la dimension virtuelle de la maîtrise du groupe de concourance.
Un groupe de concourance est une réalité virtuelle parce qu’il est porteur de Sens et donc qu’il réalise une intentionalité humaine. Or la racine Vir, de virtuel, vient de WIR qui veut dire homme et se retrouve dans vertu, virtuel, valeur. (Les racines des langues indo-européennes de R. Grandsaignes d’Hauterive, Larousse 1948). Autrement dit, virtuel veut dire porteur d’intention humaine.
En cela, un groupe de concourance n’a de réalité que par rapport à l’intention qu’il porte et qu’il cherche à accomplir dans son projet, en fonction des conditions où il se place. La maîtrise virtuelle du projet ou management consiste à assurer de façon compétente et maîtrisée, la réalisation des différents plans du groupe de concourance.
Le plan opérationnel. Il s’agit de l’organisation du travail optimisée en efficacité, en qualité, en moyens, à partir des conditions disponibles mais en fonction de l’intention commune. L’action opérationnelle incarne l’intention et c’est la concentration des intentions qui est agissante par l’utilisation opportune des ressources, moyens et savoir-faire. C’est avant tout un travail de coordination des coopérations.
Le plan formel . Il s’agit de l’expression et la communication d’une représentation commune du groupe et son projet. C’est là qu’interviennent divers supports qui permettent le dessin d’un tableau qui fait appel à l’imaginaire, aux références culturelles, aux idées et identités diverses, à la modélisation, la conception, la raison et c’est là qu’un certain nombre d’outils collaboratifs se placent. C’est en effet la question à régler, comment élaborer le cadre de référence identificatoire du groupe de façon à ce que tous s’y retrouvent, justement, et que l’ensemble soit cohérent avec l’intention qui doit être ainsi médiatisée.
Les espaces d’expression commun sont très utiles, les espaces de projection imaginaires aussi, mais encore la possibilité de concourir à l’élaboration d’une vision commune du groupe, du projet de de l’évolution des choses. Là un management participatif, non angélique et bien centré, est très utile pour forger les représentations communes. Les moyens de télécommunication, d’Internet et d’Intranet offrent de nouvelles possibilités particulièrement intéressantes.
Le plan relationnel . Le groupe de concourance est une coalition de responsabilités différenciées selon les potentiels respectifs et selon l’intégration nécessaire de tous les aspects de la réalité virtuelle à assumer. La caractéristique est que la cohésion tient à l’unité de Sens et donc au consensus différencié.
Le groupe de concourance doit intégrer l’ensemble des compétences formant une unité intégrée, c’est-à-dire couvrant la totalité du cohérenciel. En effet, chaque dimension réclame un profil particulier, des savoir-faire et des méthodes spécifiques. Si une dimension n’est pas maîtrisée, c’est l’ensemble qui ne l’est pas.
Qu’il y ait une ou cent personnes pour assurer une dimension de la maîtrise, ou une personne pour en assurer plusieurs, c’est l’intégralité qu’il faut viser.
Au niveau du groupe chaque responsabilité est alors une responsabilité de l’ensemble du groupe sous l’angle qui est le sien. Pour exemple la direction est celle de l’ensemble du groupe, la gestion aussi, la communication est une responsabilité globale du groupe de concourance comme l’animation ou la coordination. Ainsi chacun a une autorité globale, une responsabilité générale mais ne peux l’exercer sans le concours des autres. On est loin des chapelles, territoires et spécialités, il ne s’agit pas d’une juxtaposition de fonctions mais d’une concourance de responsabilités. Chaque personne est caractérisée par son « potentiel de concourance » et le profil qui est le sien et c’est leur conjonction qui forme le groupe.
Il y a là un point particulier à noter , c’est que la concourance à un groupe n’exclue pas la concourance à un autre groupe totalement différent dans sa centration où à tout autre activité.
Les réseaux intranet et internet et les outils de travail en commun sont l’occasion de mettre en scène cette concourance des rôles. Toutes sortes de possibilité en sont offertes comme dans les projets concourants. Par contre il faut insister sur le fait que sans cette concourance intégrale, sans cette centration et sans cette conduite cybernétique et virtuelle, il est difficile d’assurer une efficience durable et suffisante. A l’inverse les bénéfices sont considérables et notamment :
Économie de moyens (déplacements, locaux…)
Pertinence des projets et réalisations.
Cohérence des structures et de l’action.
Performance liée à la co-centration
Qualification et mobilisation des personnes.
2 PARTIE – LA PRATIQUE DES GROUPES DE CONCOURANCE
Les principes énoncés plus haut vont servir de trame à l’examen de différents aspects de la pratique. Les moments importants en sont les suivants :
a) L’initiative du groupe de travail et la centration initiale.
b) La constitution du groupe et de la structure de concourance.
c) L’engagement du groupe et la méthodologie de réalisation ;
d) La maîtrise du groupe et sa conduite.
e) L’évolution et la maturité d’un groupe de concourance
f) La généralisation aux entreprises et aux projets de grande amplitude.
1) L’initiative du groupe de travail et la centration initiale
Il y a groupe de concourance dès qu’une visée de progrès ou de réalisation collective est en jeu qui appelle donc le concours de plusieurs.
C’est là une première condition pour la création d’un groupe de concourance : considérer un enjeu qui soit un bien commun, tant parce que son approche ou son atteinte sont désirables pour tous que parce que le fruit du travail du groupe a une valeur pour d’autres qui en attendent un service.
Il n’y a pas vraiment concourance si le groupe ne fait qu’appliquer des procédures ou des modèles. Il n’y a pas concourance mais concurrence lorsque le groupe est engagé dans une logique de compétition (à ne pas confondre avec émulation), ni lorsque le groupe est engagé dans une logique de domination ou de démonstration. Les « bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves » sont là bien suffisantes.
La concourance est la finalité du groupe : Il concoure à un bien commun à d’autres, hors du groupe. C’est aussi l’esprit et la méthode du groupe. Il y a cohérence entre les fins et les moyens (unité du Sens).
C’est un aspect de la centration initiale que d’élucider le Sens du groupe de travail et d’accorder finalité et logique d’action ou d’organisation.
Dans certains cas, une analyse importante peut être reprise. L’élucidation, ou discernement des Sens, peut s’appuyer sur l’intuition mais aussi sur des techniques comme l’analyse figurative, l’utilisation de cartes de cohérences ou l’analyse de cohérences, toutes issues de la théorie des Cohérences Humaines*.
En second lieu, il est toujours bon de préciser l’objet du groupe de travail. L’expérience montre que cela ne va pas toujours de soi pour un groupe nouveau et que c’est la source de bien des malentendus.
L’objet du groupe détermine son activité par le rapport au contexte où il se situe qu’il réclame. Qu’a-t-on à y apporter ?
Focaliser le groupe sur sont objet, c’est :
Situer dans quel contexte et quelles conditions il travaille (ressources, contraintes, etc…).
Préciser l’objet principal dont il va prendre la charge.
Définir la nature de l’activité qui sera la sienne.
Sur ce dernier plan on retrouve un souci exprimé par certaines typologies de la conduite des réunions. Nous proposerons ici une typologie plus générale pour l’ensemble des groupes de concourance quelle soit leur durée ou leur taille.
Les groupes d’études , d’observation, d’analyses, de recherche qui contribuent au développement des connaissances.
Les groupes de décision , d’orientation, de positionnement, de direction qui contribuent à déterminer une prise de position décisive.
Les groupes de pilotage , ils ont pour mission d’accompagner un développement selon des voies définies et de le conduire à bonne fin.
Les groupes de production . Ils ont quelque chose à produire, plus ou moins complexe et sont donc attachés à l’efficacité et la qualité de leur production.
Les groupes de conception . Ils sont chargés d’imaginer, formuler, représenter un projet ou une solution.
Les groupes d’appropriation. Ils sont destinés à favoriser l’intégration d’un enjeu par le groupe de façon à permettre l’engagement de chacun et de tous. C’est le cas le plus souvent des groupes de formation, d’évaluation, d’évolution, etc…
Il faut noter que chaque groupe de concourance comporte peu ou prou ces différentes modalités mais l’objet de chacun sera plus ou moins engagé dans telle ou telle dominante ce qui retentira sur sa constitution, ses méthodes et sa conduite.
Il est important qu’un groupe ait un seul objet principal quitte à ce qu’il soit décomposé en objets secondaires sinon la concourance n’est pas possible.
Enfin, l’initiation d’un groupe de concourance réclame évidemment une initiative. Les situations sont nombreuses. Est-ce l’initiative d’un seul ? Est-ce une initiative collective ? Est-ce le fruit d’un processus complexe ? Tout est possible. Le seul point de repère est qu’il doit y avoir la prise de position de quelqu’un, d’un sujet, ce qui se traduit par la détermination, au moins approchée, d’une centration.
Même s’il y a une conjonction de contributions il y a presque toujours une personne qui s’en porte référent ou garant qu’il soit membre ou non du groupe de concourance.
2) La constitution des groupes de concourance
Un groupe de concourance doit rassembler tous les concours qui couvrent l’ensemble de la structure de concourance (cohérenciel) à la mesure de ses ambitions. Cette constitution présente un aspect de maîtrise, couverture de toutes les dimensions et un aspect évolutif qui rassemble des concours différents à plusieurs stades de son activité.
Ce second volet sera examiné ultérieurement. On envisagera ici la façon de constituer la structure de concourance indépendamment de la dynamique historique du groupe.
La structure cohérencielle indique qu’il y a six types de concours à apporter dans un groupe de concourance
– Ce qui relève de la connaissance de l’objet et du contexte et des conditions – ressources – contraintes internes et externes, indispensable pour savoir où en est l’état des situations. Cela réclame un profil particulier, fait de qualités d’observation, d’attention, d’analyse, d’objectivité, de rigueur, etc… Les aspects comptables et certains aspects de la gestion s’y rattachent mais aussi tout ce qui permet de fournir au groupe l’information dont il a besoin sur lui-même et son environnement.
– Ce qui relève de la position intentionnelle (sujet) du groupe . La finalité, l’esprit, l’orientation, le système de valeur doivent être déterminés, signifiés, incarnés. C’est l’autorité de direction qui en a en général la charge. Elle réclame discernement, détermination et un art de diriger qui réclame un certain charisme (porteur de l’esprit, du Sens, par son témoignage). Cette autorité (présente ou non dans le groupe) lui rappelle le Sens et la volonté déterminée d’aboutir. Il confère au groupe unité et raison d’être indispensable à la pérennité des investissements des personnes
– Ce qui relève de la conduite et de la marche en avant du groupe . Il faut pour cela intégrer les dimensions précédentes et projeter de façon anticipée les voies à prendre et la distribution des processus concourants dans le temps. Qualités d’intégration, d’anticipation, de rationalisation sont requises pour un travail d’encadrement du mouvement collectif selon les plans et stratégies élaborées et l’orchestration des moyens et des concours.
– Ce qui relève de la production du groupe. Fonction plus classique, elle touche aux techniques et savoir-faire spécifiques, l’organisation des tâches, l’optimisation de la productivité en quantité et qualité, la coordination des opérations, etc… Cela suppose des compétences spécifiques d’habileté pratique dans divers domaines.
– Ce qui relève de la représentation du groupe. Il s’agit de donner au groupe les « représentations » dont il a besoin. Conceptions de projets, de solutions, de formulations, expressions, interprétations des situations et des évolutions, modélisations, visualisations, tout cela pour le groupe lui-même et pour son environnement. Les qualités de conceptualisation, d’expression, de créativité, de synthèse, d’imagination, etc. sont particulièrement appréciables.
– Ce qui relève des relations et responsabilités du groupe . Il s’agit de coaliser des responsabilités différenciées qui chacune assume la charge du groupe de concourance sous un angle particulier, fusse-t-il modeste. Cela réclame une certaine maturité et de faire preuve de qualités complémentaires qui servent les enjeux du groupe (internes, externes). Le tissu et la diversité des relations à tenir couvrent toute la structure de concourance mais aussi le contexte relationnel du groupe.
On voit qu’il est besoin de six types de profils. Plusieurs peuvent être rassemblés chez la même personne ou au contraire, il faut rassembler plusieurs personnes pour assumer l’un des types de concours. Il est possible aussi d’envisager des concours permanents ou épisodiques, internes ou externes, individuels ou collectifs.
C’est la grande souplesse de ces groupes pour lesquels c’est la structure des concourances qui importe. Sont ouvertes toutes les possibilités de distance, de statuts différents, toutes les solutions et l’existence d’un tissu de relations complexes à condition que la structure de concourance soit assumée.
Insistons ici sur un point capital. L’efficience d’un groupe de concourance tient à sa centration et à sa structure de concourance donc à la proximité et la densité des concours apportés.
Or, cette proximité dépend essentiellement de ce que l’on vient de voir, centration, intégration à la structure de concourance. Cela n’implique plus aujourd’hui une concertation physique dans des espaces de travail structurés (usines, bureaux qui n’étaient que des artifices pour y parvenir). Les moyens à notre disposition, internet-Intranet rendent caduques ces nécessités à condition de reconnaître et maîtriser quelque peu les facteurs de constitution et de conduite des groupes de travail. Cela retentira sur les entreprises et le télétravail y trouvera sa véritable place par la constitution de groupes de concourance et non par la satéllisation d’individus reliés par une dépendance excessive. Le groupe de concourance est l’unité constitutive de structures complexes ce n’est pas l’individu sauf exceptions.
Il est néanmoins possible qu’un individu assume à lui seul toutes les dimensions d’une structure de concourance mais la plupart du temps il ne le fait qu’avec le concours d’autres personnes ou groupes de personnes.
De même un groupe de concourance peut être plus ou moins autonome et devoir s’entourer des concours qui lui manque (individus ou groupes). A l’inverse un groupe peut participer à une autre structure de concourance.
Ainsi un groupe d’études peut participer à un projet assumé par un groupe de concourance plus vaste auquel il s’intègre avec d’autres qui apportent des concours différents.
De cette manière il faut voir la constitution du groupe de concourance sous l’aspect analytique et synthétique de sa propre existence (différents concours, structure cohérencielle intégrative) mais aussi comme partie prenante de structures de concourance auquel il concoure en participant à la recherche à chaque fois du bien commun.
On rejoint la vision en réseau, avec une dimension « holographique » au « fractale » pour faire image. Les groupes de concourance s’inscrivent dans un espace de réalités virtuelles peu familiers. La pratique demande en conséquence une plus grande exigence sur les principes.
Pour la constitution des groupes de concourance, il reste deux aspects majeurs à examiner :
– Le profil de concourance du groupe
– Le profil de concourance des membres du groupe ou de ceux qui y concourent.
Le profil de concourance du groupe peut être établi en qualifiant chaque dimension et plan de sa structure cohérencielle en fonction de son projet ou plus généralement du concours que le groupe est destiné à apporter c’est-à-dire le service qu’il doit rendre. Ce profil servira à définir le requis à partir duquel la constitution du groupe pourra être entreprise. C’est un exercice important, à faire, soit avant la constitution du groupe, soit dans ses débuts, ou à tout moment pour évaluation. Une méthode consiste à répondre aussi précisément que possible à des questions de ce type :
Quel objet principal, dans quels objectifs dans le contexte ?
Quelle finalité (ou quel est le Sens, la raison d’être du projet du groupe) ?
Quel est le but et quel cheminement pour l’atteindre ?
Quel savoir-faire, techniques et moyens employés ?
Quelle identification du groupe et son projet ?
Quels partenaires internes, externes ?
Une technique de l’analyse figurative peut servir utilement pour clarifier un projet et déterminer le profil de concourance requis. C’est là un équivalent du travail initial de centration.
Le profil de concourance des membres du groupes
On notera que l’on se rapproche des problèmes de recrutement, de compétence, de cohérence d’équipe et que l’on y introduit le nouveau concept de concourance. C’est un vaste chapitre dont on ne donnera là que quelques indications.
Le premier principe est que le seul critère d’évaluation pertinent, c’est le concours apporté au groupe de travail en vue du service collectif à rendre.
Ce concours est identifié par la part spécifique pris à la structure de concourance en fonction évidemment d’un potentiel personnel et professionnel. Or, il faut distinguer le potentiel intrinsèque d’une personne qui est toujours infini du potentiel de concourance qui est toujours relatif. Il est relatif dira-t-on aux acquis – formation, expérience, maturité, etc. – mais aussi aux enjeux du groupe où il s’inscrit.
Une assemblée de « hauts potentiels » peut présenter un potentiel de concourance quasiment nul. Une coalisation de « faibles potentiels » peut selon un enjeu particulier porter un potentiel de concourance très élevé. Il en va de même pour chaque personne dont le potentiel de concourance dépend de ce qu’elle est, en rapport avec les requis d’un projet.
Il est donc très important d’évaluer les potentiels de concourance pour constituer un groupe de travail ce qui permet d’articuler l’individuel et le collectif.
Il faut pour cela avoir établi le profil de concourance requis pour le groupe et en conséquence pouvoir établir les profils de concourance requis pour le constituer.
D’un autre côté on va s’intéresser au potentiel de concourance des individus et ensuite au profil de concourance spécifique sur lequel se fera l’engagement réciproque définissant les termes et la place du concours apporté.
Le potentiel de concourance qui est circonstancié s’appuie sur le spécifique de la personne et singulièrement sur sa vocation personnelle. Cette vocation souvent mystérieuse pour chacun se traduit par des qualités, des aptitudes, etc… qui en sont l’expression et le révélateur.
Il est donc très utile de reconnaître les profils vocationnels des personnes pour le rapporter aux enjeux et requis du groupe de travail afin d’évaluer d’abord le potentiel de concourance à ce groupe et établir ensuite le profil de concourance effectif sur lequel se feront les engagements réciproques.
En cette matière délicate beaucoup d’innovations sont possibles par rapport aux modèles simplistes en vigueur. Ils articulent la reconnaissance des valeurs propres des personnes et le meilleur de leur vocation avec les valeurs collectives et les enjeux du groupe de travail.
Tout cela se fait quelque fois intuitivement mais une démarche méthodique est aussi bien utile, des outils ont été développés pour faire de telles analyses et procéder aux ajustements nécessaires (à partir de la théorie des Cohérences Humaines).
Notons enfin la possibilité d’appliquer les mêmes principes au niveau de personnes, de groupes de travail, d’institutions, d ’entreprises et même de villes, régions ou nations (cf. problèmes européens).
3) L’engagement du groupe de concourance
Nous rentrons là dans la dynamique historique du travail collectif qui devient la vie et l’activité du groupe de concourance. On utilise pour cela des assises théoriques liées à l’anthropologie des affaires humaines que développe la théorie citée en référence. Elle rejoint heureusement le bon sens mais permet de mieux comprendre comment un groupe se mobilise et s’engage dans la réalisation de son projet.
La première phase doit être une phase d’appropriation. Elle vient dans le prolongement du travail d’initialisation et de constitution du groupe. Il s’agit sur le fond de partager la centration et d’appréhender la structure de concourance et la part de chacun. La cohésion du groupe ne suffit pas. La représentation du projet non plus. C’est là une co-centration qui est nécessaire avec son déploiement structurel (cohérenciel).
En pratique l’appropriation passe par l’exercice collectif d’appréhension des termes de la centration et des dimensions de la structure de concourance. Cela touche à la fois au déploiement du groupe mais aussi à son projet, ses enjeux. Cela articule le collectif et l’individuel et l’on trouvera là des obstacles de type individualiste ou du type confusionnel, identification aliénée au collectif.
Le cheminement de cette phase peut être long, interactif. Il peut intervenir pour un groupe neuf ou pour un changement de Sens ou de projet d’un groupe existant ou une entreprise.
C’est dans cette phase que chacun trouve la disposition intérieure qu’il doit prendre et l’articulation avec les autres.
Le groupe y trouve son élan, le projet y ancre ses racines et l’équipe sa cohésion et sa cohérence. En cela, on peut dire que le groupe se rassemble, se recueille, entre dans un rapport intime avec son projet et ses enjeux.
Les moyens de la culture du virtuel sont particulièrement utiles. La création en commun d’un site web, l’emploi de certains outils collaboratifs (groupe/ware, etc…) trouvent là leur utilité et on soulignera particulièrement les ouvertures permises par l’utilisation ou la création d’espaces virtuels communs comme moyens d’appropriation, préfigurant la dynamique du groupe et son projet.
La difficulté, il ne faut pas se la cacher, est que la conduite réclame une maturité qui seule consentira à prendre le recul (et l’élan) nécessaire et donc à obtenir une centration réelle du groupe. On suppose néanmoins résolue la question de l’authenticité de la participation des membres de l’équipe.
La deuxième phase est une phase de projection . Il s’agit pour le groupe de dessiner ses horizons et son parcours. C’est un travail de conception, d’expression, d’architecture, de créativité et de formalisation. L’identification est indispensable pour garantir la pertinence de l’action et assurer la cohérence de la démarche. Conception de projet, de solutions, de stratégies, plans etc. vont permettre une identification forte, interne et externe, un langage commun et un système de référence partagé.
Ce travail, phase de réalisation de tout projet, s’appuie sur ce qui en a déjà été ébauché dans la phase d’appropriation et se poursuivra dans les phases suivantes. Il est clair que la phase d’appropriation se poursuit et s’affine aussi au fur et à mesure.
Dans cette seconde phase on remarquera cependant que l’on va mobiliser certains profils plutôt que d’autres. Il en va de même pour chaque phase. Leur synchronicité qui les rend simultanés va avec une diachronicité qui les fait se succéder donnant à la séquence de travail un caractère évolutif et surtout qui permet une mobilisation progressive de l’équipe et de ses ressources.
Les moyens nouveaux permettent une intégration des représentations collective en même temps qu’une élaboration collective des représentations. Dans le prolongement de la phase précédente, ils trouvent là une utilité majeure d’idendification collective et d’intégration des concourances. C’est aussi, on le verra, un excellent moyen d’évaluation partagé.
Par ailleurs les techniques de l’homologie, et spécialement de la créativité générative, sont particulièrement propice dans cette phase.
La troisième phase est une phase de réalisation du projet mobilisant les moyens de production et les compétences nécessaires.
L’organisation du travail étant déjà de science ancienne, il n’est pas nécessaire d’y insister. On observera seulement que cela n’est qu’un plan parmi d’autres et l’isoler revient à perdre la possibilité d’une concourance féconde et d’une maîtrise effective. De nombreuses tentatives portant sur des groupes de travail réduit à ce plan ont échoué et ce n’est pas sur ce terrain que les nouveaux moyens apporteront le plus spectaculaire.
Néanmoins les ressources qu’ils offrent vont permettre de déplacer le centre de gravité du travail en groupe, de l’opérationalité technique vers l’ensemble du processus de concourance, simplifiant le premier et découvrant la complexité de l’ensemble et aussi son importance.
La phase d’évaluation finale, appropriation nouvelle.
Les concourances requises dans les phases précédentes laissent place à nouveau à d’autres.
L’évaluation porte simultanément sur le concours apporté par le groupe, la valeur du service rendu et, par ailleurs, le concours personnel de chacun aux fruits du travail collectif. C’est là la source de nouvelles approches sur les rémunérations, sur la capitalisation des fruits de l’expérience, et en définitive l’appropriation de nouveaux projets.
L’évaluation qui dépend toujours de l’échelle de valeur instaurée initialement par la centration portera sur la pertinence, la cohérence et la performance des concours, celui du groupe et celui de chacun ainsi que de toutes les dispositions qui ont été prises. Évaluer, c’est apprécier la valeur, prendre conscience, mesurer le rapport aux autres et se placer sur une échelle de progrès. La phase d’évaluation est très importante dans un groupe de concourance tant sur le plan individuel que collectif.
Le processus d’engagement du groupe de concourance en quatre phases est ponctué par trois moments charnières. Ils prennent appui sur la structure de concourance pour structurer la maîtrise du projet.
Entre la première et la deuxième phase vient le stade de la décision d’engagement qui fait suite à l’appropriation. C’est l’acte d’autorité et de détermination qui sera l’appui des développements ultérieurs tout en étant garant de la pertinence de l’action.
Entre le second et le troisième vient le stade de l’ordonancement. La rationalisation de la conception se traduit en plans et programmes. C’est là que s’établissement les calendriers et que se fait l’allocation des ressources pour la phase suivante. C’est la cohérence du projet qui est ainsi assurée.
Après la troisième phase vient celle des comptes, des bilans, des mesures. C’est la transition qui permet ensuite l’évaluation finale et que peut être appréhendée la performance effective.
Ces trois seuils sont décisionnels en tant qu’ils proposent et permettent la phase suivante.
L’utilisation d’un modèle virtuel du projet, site web ou tout autre réalisation, peut servir tout au long de la réalisation pour favoriser l’intégration et l’avancée de chaque phase et aussi pour apprécier individuellement et collectivement l’avancée du projet avec ses étapes et ses points de repères. Les moyens dont nous avons parlé permettent maintenant de l’envisager même pour un travail à distance ou pour une diversité de personnes ou de groupes concourants.
De nombreuses innovations sont à prévoir à cet égard.
4) La maîtrise des groupes de concourance
Il faut d’abord dire que comme pour la qualité il n’y pas le travail d’un côté et la maîtrise de l’autre, mais qu’il s’agit d’un travail maîtrisée.
La pratique des groupes de concourance est déjà justifiée par une efficience mieux maîtrisée. Cependant on envisagera maintenant tout particulièrement les problèmes de maîtrise de la conduite de ces groupes.
On distinguera deux volets, celui répondant au gouvernement des concourances et celui qui répond à leur management.
Le premier volet vise à soutenir l’unité et la dynamique du groupe par ses déterminants.
Le gouvernement consiste à assurer les trois dimensions de la structure cohérencielle :
Fermeté de l’intention
Exactitude de l’objet
Contrôle du développement du projet.
C’est le volet cybernétique de la maîtrise.
Le management consiste à optimiser les modalités d’existence et de réalisation du groupe :
Productions
Représentations
Relations
C’est le volet virtuel de la maîtrise du groupe de concourance.
Le gouvernement des groupes, cybernétique
Pour mieux en comprendre l’enjeu la négative est parlante..
Dispersion du groupe, le contraire de la diversité du travail ? Distraction, le contraire à la concentration sur son objet. Divagation, le contraire d’une conduite disciplinée. Certaines idéologies modernes trouveront très satisfaisant ce type de situation. Leur exclusion de toute centration exonère de toute responsabilité et donc de toute évaluation du travail.
De nombreux groupes donnent l’illusion de l’unité et de l’engagement parce qu’ils sont « contenus » par différents artifices. Dans le contexte de télétravail ou des entreprises virtuelles, certains craignent de perdre leur emprise sur leurs équipes ne pouvant les « contenir ».
Ils ont tort quant à leur rôle mais il serait angélique de croire en la cohésion spontanée, disciplinée et durable d’un groupe de travail sauf à ce qu’il se donne les moyens de son gouvernement, c’est-à-dire de maîtrise de son projet.
Dans la pratique cela veut dire que les trois dimensions doivent être prises en charge par une ou plusieurs personnes ou équipes pour apporter ce concours là au groupe. Il faudra faire appel à des profils appropriés et donc aux qualités spécifiques à chacune des dimensions. Il faudra en outre les doter de moyens et de méthodes répondant aux exigences de leur charge.
La dimension cybernétique de la maîtrise des groupes se traduit notamment dans les activités d’évaluation.
La maîtrise intentionnelle passe par le contrôle de pertinence pour répondre à la question : Est-ce que les choses vont dans le bon Sens ? C’est à la fois un travail de discernement, de confirmation du Sens (autorité) et d’ajustement pour se recentrer. C’est le rôle dirigeant par excellence que l’on retrouvera dans toutes les collectivités engagées et particulièrement les collectivités de travail ou entreprises.
La maîtrise du développement du projet passe ensuite par le contrôle de cohérence. Est-ce que tout va bien ensemble (sous entendu dans le bon sens ce qui suppose que le contrôle de pertinence vienne en premier). Le contrôle de cohérence justifie que l’on « dessine » des plans qui architecturent et intègrent les différents concours et moyens et les déroule dans le temps. Cela justifie les rationalisations préalables et la rationalité des conduites. Ce contrôle qui est souvent assimilé au pilotage, réclame une appréciation permanente des avancées et des concours au regard des prévisions et aussi des réalisations espérées de façon à réagir à temps et à restructurer les démarches ou les processus en tant que de besoin. C’est là aussi que se situe la notion de conduite de processus, processus résultant de la conjugaison des deux autres dimensions et qu’il s’agit de guider.
La troisième dimension de la maîtrise cybernétique du gouvernement du groupe réclame le contrôle de performance. Il ne s’agit plus du cheminement mais de l’état dans lequel les choses ont été amenées. C’est le lieu des comptes et des bilans qui sont autant d’états des lieux, sans lesquels on ne sait pas qu’elle est l’évolution de la situation. Le contrôle de performance ne peut être interprété que dans le cadre des contrôles précédents.
Évidemment s’il y a quelque ambiguïté sur l’une de ces trois dimensions, par exemple lorsque personne n’en assume la charge ou qu’il y subsiste un quelconque trouble, alors le gouvernement du groupe s’en ressent gravement.
Le management des groupes, virtualités
Le management est ici compris comme une compétence portant sur l’un ou l’autre des trois plans de la structurelle cohérencielle.
Maîtrise de l’activité productrice
Maîtrise des représentations identificatoires
Maîtrise des relations professionnelles.
Cette maîtrise managériale dépend du gouvernement du groupe où elle trouve ses repères, ses référents et ses évaluations. Notons que la concourance rend ces compétences subordonnées aux conditions de ce gouvernement sans lesquelles elles ne valent rien autant qu’elles rateraient alors leur objet, leur sujet et leur projet.
Il y a malheureusement comme cela de nombreuses compétences vaines dans les entreprises.
Pourquoi cette notion de virtuel ici. La maîtrise de la réalisation d’un projet se confond avec la maîtrise du groupe qui la réalise. Les moyens de maîtrise et les modalités de l’activité du groupe sont des médiations « virtuelles ». Virtuelle vient de VIR que l’on peut rapporter à l’intention du sujet humain, est virtuel ce qui exprime des virtualités humaines (par l’intentionalité) et dont la visée est l’accomplissement de ces virtualités.
Ici l’accomplissement des virtualités, c’est la réalisation réussie du projet collectif. Les virtualités ce sont les potentiels de concourance qui ont été rassemblés pour le projet (centration). Le groupe de concourance et toute sa structure, ses moyens, ses méthodes, sa maîtrise constituent une réalité. La réalité du groupe de concourance est virtuelle et le management est celui des virtualités au travers de modalités virtuelles.
Observons que dans les situations classiques ces modalités « virtuelles » sont nombreuses et plus ou moins bien maîtrisées. Réunion, locaux, aménagements collectifs, moyens matériels, expressions, échanges de signes, comportements, méthodes, hiérarchies, usages, etc.. L’utilitarisme nous a quelque fois fait perdre de vue tous les artifices par lesquels le management se réalise.
La nouveauté ici est l’apport des moyens techniques et d’une évolution où les intentionalités humaines sont plus à découvert par l’autonomie et la liberté qui est plus manifeste. Les « conditionnements » liés à un environnement de travail, à des règlements, des habitudes conservatrices tombent en partie, exigeant plus de maîtrise de la part des personnes qui ont à concourir à un projet collectif. Cette maîtrise n’étant pas parfaite et, on le verra, souvent en corrélation avec la maturité du groupe, la maîtrise managériale vient pour aider et faciliter la réalisation virtuelle du groupe par ses diverses activités.
La virtualité du groupe fait écho à la virtualité du projet et de ce fait un des moyens de management les plus prometteurs est la réalisation concomitante d’un site web et du projet du groupe. Sur le site se réalise comme un prototype du projet et cette réalisation met en jeu les potentiels de concourance qui s’y exercent, s’y ajustent et font l’apprentissage de leur mission. Au passage soulignons que cette fonction était tenue par différents artifices ; le dossier, le cahier des charges, le discours du chef, des réunions diverses, des revues, etc… La difficulté venait du manque d’unité sinon de cohérence des expériences des membres du groupe de travail, l’isolement ou la spécialisation de leur contribution.
Un site web est comme une cité et à ce titre, il forme la communauté de travail dans sa différenciation de rôles et de responsabilités et aussi par le tissu établi grâce aux liens avec toutes sortes d’autres instances.
Il est aussi l’incarnation d’une représentation collective faite du concours de chacun articulé dans une architecture commune (sous réserve d’un gouvernement suffisant).
La réalisation d’un site web par le groupe (ou avec son concours) est une façon de bâtir une représentation collective et de la faire évoluer au cours de la réalisation en intégrant toutes les dimensions de la structure de concourance.
Enfin un certain nombre d’instruments peuvent être installés sur le site pour favoriser l’activité productrice, sa coordination, son organisation et fournir quelquefois des outils ou instruments appropriés.
La réalisation d’un site web implique évidemment le tissu des connections et des moyens qu’offrent Intranet ou Internet, par ailleurs par les liens hypertextes un site est déjà aussi la concourance de plusieurs sites tout en concourant aussi à d’autres sites. La structure hypertexte de l’espace « virtuel et cybernétique » est de même type que celle des structures de concourance externes à un groupe et interne à un groupe (interne et externe étant des notions relatives à la centration qui inaugure à chaque fois une structure de concourance ad-hoc).
On peut alors dire que selon toute probabilité le « lien » des groupes de travail et celui des entreprises ne sera plus les locaux de travail que l’on a connu ni même les seuls espaces juridico identitaires dont le personnel est particulièrement volatil (délocalisation, précarité, flexibilité), mais l’espace symbolique incarné par le réseau des sites.
En définitive le lieu réel d’un groupe de concourance est sa centration et l’espace virtuel de ce groupe est le site qui l’incarne. C’est là que le management des groupes de concourance va être transformé, sa méthode et son instrument vont être la réalisation du site. Cela n’est pas de la science fiction tous les moyens sont là, les mentalités surtout ont à franchir le pas.
Il serait illusoire à contrario que croire que le maniement de quelques outils suffirait à venir à bout de la question du travail et de l’efficience collective si une doctrine n’en est pas élaborée et les moyens interprétés comme étant au service de ce management du virtuel. (des groupes d’innovations sont prévus sur le site de l’Institut Cohérences pour en développer les méthodes, outils et pratiques).
5) Maturité des groupes de concourance
La vie des groupes, petits et grands alors qu’ils sont investis dans une logique de concourance (et seulement dans ce cas) sont engagés dans une trajectoire d’évolution et de maturation.
On sait bien qu’un groupe peut être entièrement lié à un projet et ,disparaître avec celui-ci. On sait aussi, que de par la capitalisation d’un potentiel collectif les groupes de travail collectif perdurent, de projets en projets, et comme les entreprises, deviennent pérennes. Sur ce plan les groupes de concourance peuvent acquérir un potentiel très fort, très original, une véritable vocation. Leur « potentiel de concourance » évolue avec la maîtrise du service qu’ils peuvent offrir. (Notons que dans les entreprises des ensembles de travail collectif sont appelés « services » ce qui est la façon dont on parle d’une site web).
Il y a aussi une question de niveau de maîtrise des groupes de concourance selon leur maturité collective. Celle-ci n’est pas sans rapport avec la maturité professionnelle de ses membres mais non dans un rapport arithmétique quelconque.
Il y a d’ailleurs là à reconnaître le sens d’une hiérarchie des niveaux de maturité qui se mesure à l’histoire et la vocation du groupe de concourance et qui se traduit par une hiérarchie dans la conduite du groupe elle-même.
Il est intéressant d’établir l’échelle des niveaux de maturation et de maturité professionnelle qui établit la seule hiérarchie recevable entre les membres d’un groupe et d’ailleurs aussi entre les groupes.
Nous ne traiterons pas ici des aspects de formation sauf à souligner la notion de macropédagogie qui est liée à l’évolution des groupes, petits et grands, selon une trajectoire propre où on retrouve néanmoins les quatre niveaux indiqués ci-après. Ces quatre niveaux ne sont pas sans rapport avec le problème des structures hiérarchiques au travers justement des indications précédentes.
Un autre aspect de cette question est à considérer du côtéde la constitution d’un groupe de concourance. Il y a là aussi des phases de maturation qu’il faut prendre en compte pour tous les groupes (et entreprises). Les implications pratiques sont très nombreuses.
Les niveaux d’évolution que nous allons considérer doivent donc être envisagés :
pour les personnes en termes de niveau de professionnalisme,
pour les groupes en termes de niveau de maturité,
pour les structures de concourance en termes de niveau de hiérarchie,
pour les grands groupes (groupes de groupes), entreprises, collectivités… en termes de niveaux d’évolution.
a) Le niveau préparatoire . Il s’agit pour un groupe d’une phase initiale de sensibilisation à son projet et sa mission. Le groupe n’est pas encore bien constitué, il est en gestation. Malgré des intuitions ou des motivations fulgurantes, il est prématuré de tabler sur une quelconque fiabilité. Sur le plan personnel, comme celui des entreprises, on est dans une phase de spontanéisme qui n’a rien de professionnel et le plus sage c’est de considérer la période comme probatoire. La formule de stage d’intégration est assez bonne quelque fois.
On peut considérer de ce fait ce niveau comme hors hiérarchie précédent une véritable admission ou intégration professionnelle (exemple des stagiaires).
La hiérarchie véritable revient à trois niveaux principaux.
b) Le stade primaire : niveau du faire . Le groupe de concourance est entièrement vouée à l’organisation des tâches et à l’opérationalité. De ce fait, il se considère comme un assemblage de savoir-faire et de moyens sans vue d’ensemble qui, elle, devrait venir de l’extérieur. C’est pour un groupe une phase d’apprentissage qui n’est évidemment féconde que s’il est piloté par ailleurs. De nombreux groupes ne dépassent pas ce stade. Ils sont confondus avec leur production et leurs moyens et techniques. C’est pour cela qu’il est illusion de croire que les outils techniques suffisent à rassembler un groupe de concourance.
Niveau ouvrier dans une hiérarchie classique, c’est aussi un temps d’apprentissage pour les personnes et les entreprises qui doit être dépassé.
c) Le stade secondaire : niveau des représentations . Dépassant une organisation réduite à la « distribution » des tâches, le stade secondaire se traduit par une capacité de représentation, d’identification, de modélisation, de conceptualisation. Le groupe peut s’identifier à sa mission étant capable de l’identifier, la concevoir et la situer dans son contenu mais aussi ses tenants et aboutissants. Il est capable de se représenter sa propre organisation et les fonctions des uns et des autres. Il est en mesure d’encadrer sa propre production. C’est le rôle des cadres mais aussi de tous ceux qui ont atteint ce stade d’évolution professionnelle que de concourir à l’élaboration des représentations collectives du groupe. Il y a des entreprises à ce niveau qui situent leur activité dans un contexte plus large, plus anticipé, plus stratégique ce que ne peuvent faire les groupes ou les entreprises au stade primaire. Les moyens de communication modernes offrent aux groupes de concourance des possibilités d’avancer dans cette phase de maturité.
d) Le stade majeur : niveau du Sens et des finalités . Ce groupe en vient alors à reconnaître le Sens de sa vocation aussi bien en termes de potentiels propres, originaux, qu’en termes de mission ou de service d’un bien commun. C’est à ce stade que le jeu des responsabilités, des rôles et de la centration des intentions prend toute sa place. Alors le groupe peut être dit véritablement autonome, capable d’assurer ses dépendances et en tout cas capable de maîtriser véritablement ses réalisations.
On soulignera que la constitution d’un groupe et l’appropriation d’un projet réclament ce niveau pour être maîtrisés véritablement.
Ainsi cela explique la nécessaire direction « exogène » des groupes de travail lorsque les groupes, insuffisamment mâture, ne sont pas maîtres de leurs enjeux. Il est là aussi compréhensible que dans un groupe il est souhaitable que quelqu’un assure ce niveau hiérarchique qui est en fait celui de dirigeant. C’est la même chose pour les entreprises qui à ce stade reconnaîtraient et assureraient leur vocation et leur mission au regard du bien commun. Les professionnels atteignent, à ce stade la maturité, un engagement véritablement responsable qui tient plus aux enjeux collectifs qu’aux titres et aux statuts.
On peut dire ainsi qu’il y a :
des groupes en formation,
des groupes opérationnels,
des groupes de projet (conception et conduite de projets)
des groupes de responsabilité (autonomes).
Cette mise en perspective est indispensable pour comprendre et maîtriser les groupes de concourance, comprendre les limites de niveaux professionnels et donc les besoins hiérarchiques, ajuster les ambitions à la maturité des groupes et des entreprises.
Toute la maîtrise des groupes de concourance en dépend.
CONCLUSIONS
Elles seront développées sur deux plans :
Celui de la systématisation pour établir une référence méthodologique, forcément simplificatrice,
Celui d’une extension de la problématique et des solutions à des problèmes d’actualité fort préoccupants.
– télétravail et évolution des structures d’entreprises
– rapport au travail et lien social.
Méthodologie pour la mise en place et la conduite des groupes de concourance
On établira une séquence qui peut être itérative mais dont l’enchainement correspond aux différentes étapes indispensables.
La centration sur le projet
– Définir l’objet principal et les conditions : de quoi s’agit-t-il, que faut-il prendre en compte ?
– Préciser le sujet, l’intention ou la finalité du projet : qui en est l’initiateur, pourquoi ce projet…
– Fixer les buts et leur hiérarchie, ne pas oublier les antécédents et les conséquences attendues du projet au-delà des buts fixés.
La constitution du groupe de concourance.
– Dessiner le profil de concourance du groupe et la structure de concourance requise..
– Procéder à la constitution proprement dite avec l’évaluation des potentiels de concourance et des profils de concourance de chacun dans la structure de groupe.
Le plan de réalisation
– Définir le cadre et les modalités principales des quatre phases de réalisation :
L’appropriation avec ses analyses communes,
La conception avec ses moyens de représentation collectives,
La réalisation avec son encadrement et ses ressources principales.
L’évaluation finale avec les capitalisations et potentialisations à préparer.
Définir les modalités de maîtrise du groupe de concourance.
– Les rôles, méthodes, règles et moyens de contrôle inhérent au gouvernement du groupe (cyber).
– Les modalités de mise en oeuvre du management virtuel, moyens et méthodes d’animation, de communication, de coordination.
Etablir le plan d’évolution et de formation du groupe . Il s’agit de reconnaître et prévoir les périodes inhérentes aux différents stades d’évolution :
préparatoire,
opérationnel,
projectif
vocationnel.
et les moyens pédagogiques (macropédagogiques) de conduire et faciliter le processus d’évolution en s’appuyant notamment sur une hiérarchie de maturités professionnelles et des concours de l’environnement.
Les points de repères qui sont donnés ici, peuvent connaître une infinité de modalités. A l’inverse la défaillance d’un seul laisse deviner les déboires et défaillances des groupes.
C’est à cela que tient l’efficience du travail collectif que « virtualisent » les groupes de concourance au service de projets qu’ils ont à porter.
Les perspectives du concept de concourance
Télétravail et évolution des structures d’entreprises.
La civilisation industrielle s’est transformée dans son souci de maîtrise de la possession vers les moteurs du mouvement cinématique. Aujourd’hui l’industrie et le commerce des transports en tous genres, automobiles, trains, avions, bateaux et même satellites et navettes, est occupée au transport pondéreux des personnes et des objets matériels. Ce déplacement pondéreux représente à la fois une grande partie de l’activité productrice qui en est aussi principale consommatrice.
Jusqu’ici il allait de soi que pour travailler ensemble il fallait se déplacer dans des champs de concentrations industrielles, des usines et pour cela payer le prix et le temps des déplacements.
L’évolution du tertiaire qui a depuis longtemps largement supplanté l’industriel a conservé largement ce déplacement pondéreux et s’est souvent mis à son service (administration, gestion…).
C’est au moment où ce tertiaire est lui-même dépassé que l’on va commencer à considérer avec stupeur l’énormité de la consommation des ressources humaines et des ressources matérielles pour entretenir et multiplier ces déplacements. L’auto justification du système économique industriel (emploi, critères « circulatoire » de la richesse économique) a permis d’éviter de poser la question des finalités : A quoi cela concoure ?
Il faut donc s’attendre à une aggravation des difficultés tant qu’il s’agit de sauver un système devenu indéfendable.
Par contre les prémisses d’une logique tout à fait différente sont largement présentes et l’une de ses formes est le développement du télétravail (il ne faut pas prendre l’exemple de la France qui se révèle sur le plan des mutations du monde actuel embourbée dans des réflexes d’autoconservation qui tendent à la résistance passive sinon passionnelle).
Si on veut voir dans le télétravail un aménagement du système industriel avec ses prolongements bureaucratiques, c’est évidemment sans issue pour l’impossible d’assumer l’autonomie personnelle, aussi bien du côté des entreprises que du côté des individus, préparés ni les uns ni les autres.
Les « délocalisations » par télétransmission dans les pays éloignés ne sont que le prolongement de la logique industrielle ancienne.
Or avec le télétravail, c’est aussi la possibilité d’accomplir la mutation, d’intégrer une plus grande maturité et la capacité de référence au bien commun dont le partage est indispensable si l’autonomie du travail est acceptée. Il faut en effet une grande concentration des efforts pour avoir une véritable efficience collective.
Le télétravail est une des figures qui va permettre de penser l’entreprise autrement que par ses murs ou même par son pouvoir d’affichage, publicitaire notamment. C’est son concours à la vie de la cité (entreprises citoyennes), sa solidarité au devenir collectif (développement), sa contribution au progrès des cultures et civilisations (mecenat, éthique, connaissances, etc…) qui devient la principale légitimité, son Sens.
Dès lors le bien qui relie les individus à l’entreprise, c’est le Sens partagé, le concours aux enjeux de l’entreprise légitimés par ce concours à la cité. L’économie est condition et non pas finalité (sauf dans les sociétés sous développées, aliénées ou inquiètes qui n’ont pas la capacité d’une hauteur de vue qui dépasse le court terme).
Le télétravail, c’est en fait le travail « téléologique », c’est-à-dire voué à une fin qui est commune et dont tous les buts sont une déclinaison. Tout cela est fort présent dans la période actuelle avec le poids notamment de l’idée de projet. Or ce qui n’a pas été vu c’est que c’était le Sens, la finalité collective du projet qui en faisait ou non le vecteur de mobilisation, le lien de concourance.
Le télétravail se développera donc au fur et à mesure que l’essentiel, les finalités, reprendra la priorité sur l’accessoire, les conditions ; les fins sur les moyens.
Dès lors, c’est la conception même de l’entreprise et de ses structures qui changera. Le principe structurant, c’est la concourance. Tout y mène, il suffit d’en intégrer le concept et les conséquences pratiques. Il y a continuité par rapport aux tendances et apprentissage des années récentes et mutation radicale par rapport aux modèles anciens qui perdurent (industriel et bureautique).
La réflexion sur les groupes de concourance montre à la fois l’importance du lien et des structures d’efficience et de maîtrise en même temps que la plus grande autonomie des personnes et des groupes. Les entreprises auront en particulier à se concevoir comme groupes de groupes, projet de projets. Le groupe de concourance est l’élément de base de la structure des entreprises dans cette optique.
Le télétravail est donc à considérer à la fois dans ce qui permet à des personnes de constituer un groupe de concourance ou à chacune de participer à plusieurs groupes et à la fois pour faire concourir de multiples groupes aux mêmes fins.
Alors le déplacement pondéreux des personnes n’a plus qu’un caractère accessoire et tout ce qui n’y sera plus consacré pourra l’être au service du bien commun propre à chaque groupe, chaque entreprise, chaque collectivité, etc.
Il est possible d’entrer dans cette perspective avec les principes énoncés pour les groupes de concourance. Ils déboucheront bien sûr sur la découverte de nouveaux problèmes et de nouvelles solutions. En particulier, ce qui va permettre de tenir une unité de direction avec une grande diversité de relation renverra au concept de concourance généralisé.
Par ailleurs, l’interpénétration des réseaux, des entreprises, des groupes de concourance réclamera d’autres modèles de pensée que ceux qui ont permis à notre civilisation d’avancer jusqu’ici. Ce n’est pas néanmoins du côté des conceptions néo-mécanistes, ignorant les racines anthropologiques des phénomèes humains que les éclairages et les solutions viendront. Sans intention humaine, sans sujet, ni Sens pas de concourance possible. Voilà le contexte où, même sur le plan pragmatique, le télétravail peut se développer et les entreprises y trouver la véritable façon de passer le cap d’une nouvelle époque.
Le rapport au travail et le lien social
Il est possible d’en venir à des questions aussi cruciales que celles-ci. S’il y a perte d’emploi et délitement du lien social ce n’est pas par perte de Sens mais par disqualification du Sens des mondes industriels et bureaucratiques. Tout effort de « réparation » aggrave la situation et le refus de remettre en question les raisonnements d’experts qui les soutiennent ne fait que justifier la persévérance dans l’erreur.
Le travail dans ce contexte a été identifié soit au travail physique, soit au travail administratif. La part de créativité et de pensée autonome n’a pas, on le sait, bien été cultivée activement et les professions où l’initiative et l’implication personnelle dans le service sont fortes ont même été quelquefois dévalorisées (enseignants, infirmiers…).
Si le service devient le critère alors, au travers du bien commun à tel ou tel groupe, telle ou telle collectivité, c’est toujours un service humain qui est en jeu. Sans aller plus loin dans cette voie qui méritera à l’avenir bien des réflexions, on peut néanmoins souligner que le travail y trouve à la fois son meilleur Sens et y dévoile sa nature et ses modalités.
Le travail humain emprunte toutes les dimensions d’une structure de concourance. Par bien des côtés ce que l’on a dit des groupes de concourance se transpose à la concourance d’un seul.
Déjà approchée avec les potentiels et profils de concourance, l’application au travail personnel en général, et aussi aux métiers et professions, débouche sur des éclairages extremement riches*.
Le rapport au travail que l’on était prêt à découpler du lien social dans des modèles qui,, eux, faisaient problèmes se révèle au contraire encore plus essentiellement au noeud du lien social.
En effet dans une société où le Sens est l’essentiel, le principe de concourance explique et justifie les dispositions collectives. Le lien social est, au fond, Sens, (question complexe des con-Sensus) et les formes qu’il prend sont des structures de concourance.
Dès lors, les composantes des organisations sociales sont du type de celles des groupes de concourance, celles-là même qui déterminent les dimensions et facettes du travail humain (structures cohérencielles).
Les questions de responsabilité politique ou celles de gouvernement et management des entreprises* et collectivités sont aussi de même nature (toutes proportions gardées) que pour les groupes de concourance et en rapport avec les dimensions et composantes de la maîtrise personnelle qui détermine un niveau de professionnalisme.
Engagement de travail, groupes de travail collectif, entreprises, collectivités, sociétés, nations relèvent du principe de concourance.
Il est illustré par excellence dans les groupes de concourance, se déploie dans la structure des entreprises, implique un autre rapport au travail et débouche sur une perspective nouvelle pour penser le lien social jusqu’aux relations internationales. C’est la caractéristique de ce que l’on attend d’un nouveau paradigme qui mérite bien un néologisme (en français !).