Economie communautaire et développement approprié

Intérêt individuel, intérêt collectif, impossible de concevoir leur convergence. Moralisation de l’économie, au nom de quoi quand on récuse toute morale au nom de la liberté individuelle ou de la science économique. La justice et le développement, sur quels principes lorsqu’on a confié à des systèmes naturels l’explication et la cause des phénomènes économiques. Restent les positions anti, confortablement installées dans la dénonciation des autres sans exigence de contribution au bien commun déployant leur nuisance sur la faiblesse conceptuelle des alternatives. Après tout l’économie est humaine et c’est l’humanisme méthodologique qui semble seul pouvoir proposer un modèle cohérent basé sur le paradigme communautaire.

Introduction

La refondation du capitalisme, l’introduction d’une dimension éthique dans la gestion financière avec par exemple la finance islamique et sa référence à la charria, le rééquilibrage des revenus du capital et du travail, l’intervention régulatrice des Etats, tout cela devient une évidence sur l’ensemble de la planète. Même Davos veut plus de régulation. Mais de quoi s’agit-il?

Il y a notamment quatre approches différentes de la crise financière. Celle qui vise à réparer un dysfonctionnement pour rééquilibrer le système économique, c’est le cas des économistes vertueux. Celle qui consiste à régler des comptes selon une nostalgie de type marxiste qui a pour but de satisfaire des pulsions vindicatives mais pas de construire un nouvel ordre économique, c’est le cas en France notamment de la plupart des « mouvements sociaux » ou plutôt de ceux qui les mobilisent, entièrement voués à l’idéal étatique qui est le leur. Celle qui consiste à rationaliser le système économique, en intégrant mieux les facteurs sociaux sous la gouverne de l’Etat, chargé de réguler les agissements économiques, c’est celle des sociaux démocrates libéraux. Celle, enfin, qui considère qu’une refondation à cette échelle ne peut être un simple réajustement ni le retour aux solutions qui ont échoué, c’est la cas d’une mutation dont la crise économique est un symptôme révélateur qui invite à repenser l’ensemble des conditions des affaires humaines selon des configurations entièrement nouvelles.

La prospective humaine appuyée sur les concepts et l’ingénierie de l’Humanisme Méthodologique, propose une relecture des questions économiques déjà explorées avec « Le renversement économique Le renversement économique  ». La nouveauté c’est le concept d’économie communautaire qui ramène l’économie à ses bases et notamment la production et l’échange de biens et services, au sein d’une communauté en devenir.

Les nouvelles régulations économiques vont poser les fondements d’une révision des principes économiques qui semblaient acquis et notamment l’universalité du système économique indépendamment des communautés humaines et des cultures.

Près de 18,4 milliards de dollars de primes viennent d’être distribués par les banques de Wall Street à leurs employés au titre de « leurs performances » en 2008, suscitant la colère du nouveau président Barack OBAMA. Il y a en effet une étrangeté à voir simultanément deux systèmes de valeurs entrer et collision; celui né de la critique des origines de la crise financière et celui du système financier qui n’a pas changé de références. Pourquoi? Parce que le système financier est une communauté d’intérêt qui a voulu imposer ses valeurs propres à l’ensemble de l’économie non sans des complicités dans l’industrie ou chez les spéculateurs, même modestes, et qui en ont fait une loi de l’économie, avec le concours de spéculations scientifiques ou calculatrices.

On explorera ici deux thèmes : celui de la valeur dans l’économie communautaire en comparaison avec des conceptions classiques et celui du développement économique approprié.

I – La valeur dans l’économie communautaire.

L’économie est l’ensemble des dispositifs de production et d’échanges de biens et services au sein d’une communauté. Il faut rappeler ici qu’il s’agit de communautés humaines, donc des « communautés de Sens » portant chacune une problématique humaine fondatrice et engagée dans la culture du « Sens du bien commun ». S’il y a forcément d’autres Sens en jeu dans chaque communauté, alors on ne peut parler de biens et de services à leur endroit.

Un « bien » c’est ce qui concoure au bien commun dans le Sens qui est propre à la communauté. Un « service » c’est ce qui est reconnu comme rendant service pour la progression dans ce même Sens.

Il faut alors souligner que biens et services sont destinés aux membres de la communauté sachant que le bien commun résulte de la poursuite des biens particuliers dès lors qu’ils sont engagés dans le Sens du bien commun. Nous sommes là à une articulation majeure du rapport entre les personnes et la communauté qui échappe aux conceptions individualistes et collectivistes et à leurs dialectiques antagonistes ou combinatoires. D’ailleurs ne reconnaissons nous pas déjà la valeur d’un bien et d’un service par un prix de marché où le collectif intervient sur la valeur de ce qui est destiné au particulier? C’est un aspect de l’économie communautaire de relier les références particulières avec les références communes. Cependant, pour l’économie communautaire il ne s’agit pas simplement des indicateurs de valeur, prix, monnaie, il s’agit aussi de la nature même des biens et services.

Rappelons d’abord qui si les personnes sont des êtres autonomes, du moins potentiellement, leur existence individuelle est prise dans l’existence communautaire du moment (multiple et changeante de plus en plus), dont ils sont dépendants de part en part. C’est pour cela que sur le terrain de l’économie tout est pris dans les réalités communes mais destiné à cultiver l’accès à l’autonomie des personnes au travers de leur parcours existentiel. L’économie communautaire n’est pas étrangère à cet enjeu que l’on retrouvera avec la socio-performance économique.

Le Sens du bien commun d’une communauté est la source des valeurs propres qui sont les siennes. Les valeurs en question sont des indicateurs du Sens du bien commun. A ce titre elles ont pour fonction d’indiquer le Sens et sont contingentes, devant être retraduites selon les circonstances du lieu et du moment. L’idée de valeurs formelles universelles n’est jamais que l’imposition des valeurs propres d’une communauté (et son langage) à l’ensemble de l’humanité. Toutes les puissances s’y sont exercé, l’Occident parmi d’autres. Laissons de côté pour le moment la question de la communauté humaine toute entière qui est à constituer ou en émergence.

Les valeurs économiques s’expriment sous trois modes structurants.

Le mode subjectif qui renvoie aux aspirations essentielles dès lors qu’elles expriment le Sens du bien commun et se traduisent en intentions, volontés, motivations et aussi qualifications. Qualités des produits et des hommes y trouvent leur source.

Le mode projectif qui renvoie aux buts que l’on souhaite atteindre ainsi que les voies pour y arriver. La trajectoire de progression défini ce que l’on peut appeler une échelle de valeurs (à gravir). Le Sens du bien commun se traduit là en « biens communs » ou « services communs » dont les échelles de valeurs propres donnent les degrés d’accomplissement.

Le mode objectif qui renvoie aux faits mesurables et dont on mesure la valeur. Il n’y a pas de valeur économique si on ne dispose pas d’échelle de valeur appropriée et pas d’échelle de valeur sans le Sens du bien commun. De fait on ne peut réellement séparer la mesure de la valeur des autres dimensions.

Retenons que la valeur de quoi que ce soit n’est mesurable que dans un système de valeurs dérivé du Sens du bien commun, dans une communauté de Sens ou de valeurs de référence. C’est bien ce que l’idée de marché vient dire bien au-delà des seules transactions inter-individuelles. Cependant si la communauté pose le système de valeur et les échelles de valeurs circonstancielles elle ne le fait que par l’action des acteurs qui forment la communauté.

La valeur est la mesure de la contribution à un bien commun, dérivé du Sens du bien commun dans une communauté de Sens, d’enjeu, de devenir, de développement, de projet. On en verra l’infinie diversité.

Supposons maintenant qu’un produit ou service soit considéré comme un bien commun, l’éducation, un produit alimentaire, une construction et toute la diversité des biens et services qui incarnent le Sens du bien commun. Chacun est bien commun dans cette communauté là selon ce Sens là et participe à l’existence collective tout en s’adressant à des individus qui participent ainsi à cette vie collective. Y aurait-il une norme fixe qui fige le bien ou le service dans une forme établie? Le bien commun est « servi » à chaque personne ou usager selon les conditions particulières de sa participation à la communauté. C’est ainsi que l’unité de Sens est compatible avec une multiplicité de circonstances et de situations particulières et singulières.

Chaque produit/service participant à la vie communautaire de chacun trouve sa valeur dans son concours à cette participation. On retrouvera alors les composantes de l’expérience humaine et des situations humaines communautaires, c’est-à-dire la composante affective ou sensible, la composante factuelle ou pratique, la composante mentale ou identificatrice, la composante relationnelle ou rôle communautaire. Tous sont présents dans le produit ou service et participent à sa valeur contributive. Cependant les niveaux de conscience et de maturité communautaire les dévoilent peu à peu dans l’ordre indiqué. On pourra parler d’ailleurs de niveau économique, ou de niveau de développement selon que c’est à tel ou tel niveau que la communauté a pu accéder.

Observons alors que cette croissance en valeur économique est la définition du développement communautaire caractérisé par une maîtrise croissante de son devenir, le grandir humain communautaire. Cette croissance en humanité évoque ces tentations de décroissance économique que l’on peut soupçonner de régression humaine, confondant la quantité avec la valeur.

Il faut considérer maintenant comment la valeur d’un produit ou d’un service se construit par la production et la prestation. Chaque composant, chaque étape apporte une « valeur ajoutée » qui est le fruit de l’activité des acteurs par un effet de concourance et pas une simple additivité. En effet un travail qui ne contribue pas à une progression du bien commun ne vaut rien en rapport avec celui-ci. Cela met d’ailleurs en question la logique salariale comme la logique spéculative lorsqu’il y a découplage de l’apport et du gain obtenu indépendamment du Sens du bien commun; une des sources de la crise de l’individualisme radical.

Pour qu’il y ait concourance des valeurs il faut simultanément unité de Sens (pertinence avec le Sens du bien commun), unité de perspective (cohérence avec le bien commun visé et son échelle de valeurs associée) l’unité de composition, (performance selon la mesure de la valeur). Le niveau de conscience intervient dans l’appréciation de la valeur et suppose une « régulation » communautaire spécifique. La « démocratie communautaire  http://journal.coherences.com/article401.html » et la « gouvernance communautaire » seront nécessaires alors, hiérarchisant les rôles et les participations selon le niveau de responsabilité possible.

La complexité intracommunautaire se traite selon le jeu de la concourance des valeurs, y compris lorsque de multiples produits et services constituent un « bien commun » général ou des biens communs majeurs de la communauté, ceux que l’on inventorie dans un projet de développement par exemple. Le développement économique est donc ce visage du développement constitué par la production et l’échange de biens et services propres. Il faut ajouter la question de l’échange intra communautaire qui est évidemment un service commercial ou simplement l’échange de valeur, ce qui pose la question des équivalences et par suite de la monnaie d’échanges.

Auparavant il faut envisager les échanges intercommunautaires. Leur généralisation, leur standardisation, l ‘unicité d’une monnaie d’échange en vient à gommer les économies communautaires. Est-ce fatal? La querelle libéralisme protectionnisme relève aussi d’une posture épistémologique qu’il s’agit de dépasser. En fait pour qu’il y ait production ou échange de valeurs il faut qu’il y ait une communauté de référence et son Sens du bien commun, ses biens communs et ses échelles de valeurs. Il n’y a donc pas d’échanges intercommunautaires sauf à constituer une communauté de valeur spécifique. Ainsi les membres de deux communautés de valeurs, groupes, régions, entreprises pays etc. ont quatre possibilités.

Se « déplacer » culturellement dans l’autre communauté en adoptant son système de valeurs (son marché). Il faudra pour celui qui se déplace assumer en lui même la dualité des valeurs et des valeurs ajoutées. Une des figures en est celle du transport mais a aussi d’autres composantes à considérer.

Se rencontrer sur une communauté ad-hoc qui peut être une communauté de proximité ou d’opportunité. Chacun a à gérer l’introduction ultérieure dans sa communauté de référence et son système de valeurs propres.

Se rencontrer dans une communauté plus large à laquelle participe chaque communauté de référence. Cela relève de la théorie des ensembles communautaires qui fait que différents « marchés » peuvent être présents selon les communautés auxquelles on se réfère, tant pour les affaires communes que pour les affaires particulières.

Sans doute est-il temps de préciser ce que sont les communautés économiques.

Elles sont toutes ou presque des communautés de communautés. Cela suppose une focalisation sur une communauté donnée pour aborder la question de son économie, sous le régime de son Sens du bien commun propre et donc de ses systèmes de valeurs appropriés.

Cependant on distinguera trois types de communautés économiques.

Les communautés de proximité avec leur trame de relations interpersonnelles où se produisent et s’échangent biens et services selon des habitudes plus ou moins constituées. Il est toujours destructeur de leur imposer, comme l’a fait la modernité, les valeurs de communautés autres, dépossédant les populations d’un possible apprentissage du développement économique et les maintenant ainsi dans une impotence durable. C’est en fait pour sauver des conceptions économiques erronées où seul le mimétisme des valeurs a été proposé, détruisant les économies de subsistance mais aussi, au-delà, les capacités même de subsistance. Les communautés de proximité ne sont pas seulement faites pour les autres, moins développés, mais aussi pour tout un chacun pour une part de sa vie économique et en tout cas pour grandir économiquement. Le chômage des jeunes, pour lequel le pays où règne la Raison sans le Sens est si performant, relève de cette sorte d’interdiction, traduite dans des barrières légales par exemple. Le travail au noir en est un symptôme massif dont les méthodes de traitement aveugles aggravent la pauvreté et les difficultés d’un plus grand nombre comme les méthodes de lutte contre le sous développement ont aggravé la situation du fait de leur inanité conceptuelle persévérante. Les luttes ne sont pas des méthodes de construction et de production de valeurs. Comment ne pas voir l’erreur matérialiste machinique où c’est le jeu des forces qui ferait tourner la machine déshumanisante de l’histoire humaine. Comment ne pas être inquiet de la sollicitude idéologique de ceux qui exploitent la situation des plus démunis pour démontrer leur théorie vide de cohérence mais pleine de l’animosité qui les submerge.

Les communautés culturelles qui cultivent un système de représentations et d’identifications qui permet de formaliser le système de valeurs. Ce sont des territoires identifiés en développement, des pays, des grandes régions et continents mais aussi, on le verra, ces nouvelles communautés qui s’établissent autour d’enjeux sociaux-économiques, professionnels et bien d’autres. Nous sommes aussi dans le champ des communautés de communautés avec la question de l’articulation de ces économies aux systèmes de valeurs différents. L’additivité des économies ne fonctionne pas dès lors que ce n’est pas le même système de valeurs. On retrouve ici la question des relations intercommunautaires ou celle de la domination d’un système de valeur qui ignore les autres et dont on peut sérieusement douter qu’il exprime le Sens du bien commun. (Voir théorie du Sens et des communautés de Sens). Chaque communauté culturelle constitue un marché puisqu’elle dispose d’un système de valeurs commun engagé dans le Sens du bien commun qui est le sien et porteur de son projet singulier de développement. On notera que les imbrications avec d’autres communautés peuvent être nombreuses sous réserve que soient recentrés les échanges communautaires sur des systèmes de valeurs partagés ad-hoc. Il nous est sans doute difficile après des siècles de normalisation et d’universalisme forcé de comprendre que le même produit apparemment n’est pas le même culturellement ni sa valeur lorsqu’il s’agit d’une autre communauté culturelle, même voisine. On a renoncé à produire les mêmes choses pour tous les pays mais sait-on pourquoi en dehors de l’analyse de la supposée « demande du marché »? Chaque économie est située dirait Hassan Zaoual.

La communauté monde pourrait se porter candidate à une universalité retrouvée, mêmes valeurs, mêmes échelles de valeurs, même Sens du bien commun. Il y a, avec la mondialisation de l’économie, une double espérance, celle d’atteindre à l’universel systémique qui vient de recevoir un démenti magistral, celle de s’ouvrir à une conscience plus large du Sens du bien commun de l’humanité démenti par les tentatives de régulation mondiales où on voit le poids des intérêts particuliers se poser en intérêt général au nom de la science économique universelle.

Il y a en effet l’approche d’un début de conscience mondiale de l’humanité c’est à dire de l’humanité entière et de l’humanité en chacun. Il accompagne la mutation de civilisation qui nous engage à un nouveau niveau de compréhension mais avec de nouveaux moyens. Les modèles classiques (c’est à dire modernes) sont obsolètes pour aborder le réel des affaires humaines comme on l’a développé ailleurs (Voir le paradigme communautaire http://journal.coherences.com/article405.html ). Il faut donc de nouvelles compétences. Les compulsions conservatoires auxquelles on assiste de part et d’autre leur tournent le dos. Malgré tout on vient d’assister ces derniers mois tant au niveau de l’Europe que du monde à un début d’intelligence collective qui associe des principes communs à une grande diversité de traductions au niveau des nations. Le Sens et ses déclinaisons ne sont plus tout à fait confondus comme avec les normes formelles antérieures.

L’économie monde est à la fois encore ce champ de bataille de puissances économiques plus en quête d’emprises que de valeurs, sauf à titre de postures, et aussi le lieu d’émergence de questionnements économiques culturellement situés. Il y a place pour une économie communautaire où beaucoup est à faire et où les acteurs dominants ne sont pas les mieux équipés. Ainsi l’économie communautaire, présente dans les travaux de l’ONU sur le développement approprié fondé sur les cultures, se trouve contredit par un « développement durable » dont les formules seraient universelles.

Ayant identifié trois types de communautés économiques où nous nous trouvons simultanément situés, il nous reste à explorer quelques questions essentielles avant d’en venir à un nouveau modèle de développement.

D’abord la différence entre investissement spéculatif et investissement productif. S’agissant de phénomènes humains, d’attitudes, ils sont de Sens opposés.

L’investissement spéculatif est le fait d’un individualisme radical. Il s’agit de « tenter le sort » en misant le moins possible. Le spéculateur ne veut pas y mettre de soi, le minimum nécessaire pour cette « tentation du sort » auquel on peut prêter différentes figures comme celle « des marchés ». Toujours une figure distributrice qu’il s’agit de séduire par les appâts de la mise. Le « calcul » viendra diminuer les risques, on le pense, mais c’est une sorte de tricherie par rapport à la figure distributrice. « Les marchés » c’est le nom de l’ensemble de toutes les communautés sur lesquelles il s’agit de prendre, de gagner, s’exonérant de toute responsabilité grâce à l’invocation des vertus de la rationalité économique et de l’excellence de calculs méritoires. Le joueur n’hésite pas à exiger de ses intermédiaires des taux de gain exorbitants, 15% de rapport par exemple là où l’activité ne croit que de quelques pour cents, avec les licenciements à la clé, indicateurs de prochains bénéfices. La spéculation boursière n’est pas la seule, il y a un salariat spéculatif consistant à mettre de soi le moins possible en espérant un gain pris sur la masse, ou sur l’Etat, disjoint de l’investissement de travail. Il y en a de multiples formes qui toutes s’exonèrent de la responsabilité du bien commun érigeant leur intérêt particulier en intérêt général. Ne nous laissons pas aller à la dénonciation des spéculateurs alors que l’individualisme radical est une tendance dominante de nos sociétés, riches ou pauvres (on sait que l’on ne gagne pas à tous les coups à spéculer). Il règne, dès lors que le Sens du bien commun d’une communauté réelle identifiée n’est pas pris pour Sens de l’investissement personnel et collectif.

Dans la logique spéculative, l’intérêt particulier est toujours érigé en intérêt général qu’il soit géré par l’Etat ou par telle ou telle organisation intermédiaire. La légitimité donnée pas le Sens du bien commun est absente alors que c’est elle qui permet la concourance des intérêts particuliers au bien commun. Lorsque l’intérêt général n’est pas soumis à la démocratie communautaire alors il est spéculation d’une caste ou d’un groupe particulier comme on le voit dans un système jacobin étatiste. D’ailleurs la façon dont l’Etat jacobin se comporte vis-à-vis des communautés étrangères devrait nous alerter.

Ainsi pour la spéculation il n’y pas de différence de nature entre des formes de libéralisme économique et des formes d’étatisme qui peuvent être renvoyées dos à dos notamment dans la logique de l’économie systémique parasitaire (voir texte L’erreur économique : l’économie parasitaire systémique ). L’organisation du conflit des intérêts, par exemple, méconnait la convergence du Sens du bien commun et la liberté responsable de la démocratie communautaire

A l’inverse l’investissement productif consiste à apporter des ressources concourantes avec la production du bien commun ou d’un bien commun particulier. C’est le Sens du bien commun qui en fait la pertinence, la cohérence et la performance. Il faut donc écarter les « investissements » qui, au nom d’une spéculation éthique, se désintéressent du bien commun en question. Il y a de nombreux exemples où ce n’est pas le cas et où, en bourse, dans le capital des entreprises, dans le financement de fondations (difficile encore en France à cause du long monopole de l’Etat concernant l’intérêt général), dans les prêts du micro crédit de Muhamad Yunus ou le « social-business » qu’il suggère, dans l’investissement dans les petites et moyennes entreprises plus engagées dans leur espace communautaire local ou transversal. Il est cependant important que la valeur soit référée aux communautés de références et pas aux valeurs idéales des occidentaux individualistes en mal de « moral washing ».

Il y a toute une ingénierie de l’investissement communautaire avec le Sens du bien commun différenciant, les valeurs du système de valeurs et des échelles de valeurs associées, du bien commun qui est développement communautaire approprié, des biens communs que vont incarner les biens et services et dont la production et l’échange feront l’initiative et la compétence des entreprises dont on voit maintenant que l’intérêt particulier et l’intérêt public sont les mêmes. L’opposition services publics – services privés ne fait que maintenir la spéculation des uns et des autres. Tout service particulier concoure au service public et vice versa lorsque les uns ou les autres sont engagés dans le Sens du bien commun et dans des conditions forcément circonstanciées.

Il y a aussi à souligner un aspect de l’investissement communautaire c’est qu’il n’y a de valeur que par rapport aux valeurs communautaires de biens et services, que par rapport aux biens communs, de compétence individuelle que concourant à une compétence collective. C’est le conSensus communautaire qui en organise la régulation par les moyens de gouvernance appropriés.

Le travail dans l’économie communautaire. Il y a une façon de le qualifier : la concourance au développement communautaire. Qu’elle soit évaluée par et pour la communauté ou par la contribution apportée c’est le même système de valeurs et les mêmes échelles de valeurs qui sont en jeu. Cela veut dire que le travail individuel et collectif est toujours défini par rapport à un bien commun et dans le Sens approprié pour la communauté. Toute production qui ne se mesure pas à cette aune et même tout effort qui ne s’y justifie pas n’est pas un travail valorisable. Ainsi le travail-peine (voir texte) n’incarne pas la valeur du travail pas plus qu’un travail-oeuvre qui se voudrait exempt d’évaluation communautaire (aujourd’hui ou demain). Dans l’économie communautaire la rémunération du travail n’est rien d’autre que celle de la concourance au bien commun selon les critères de valeurs communautaires donc culturels. La réification du travail assimilé à la production machinique ou cérébrale oublie le travail intérieur de co-centration sur le bien commun aussi modeste soit-il.

On connaît les réponses des tailleurs de pierre au travail qu’ils accomplissent. Le premier dit « je taille des pierres » (factuellement), le deuxième dit « je construis un mur » pour dire qu’il voit plus loin que son geste, le troisième dit « je construis une cathédrale » pour dire qu’il concoure à un bien commun. Un quatrième lui participe au développement spirituel de la communauté dans l’Esprit du bien commun. Le quatrième rajouté par l’auteur il y a 25 ans suppose une vue sur le Sens du bien commun des communautés de Sens (ou d’esprit) que nous apporte la mutation de civilisation au travers de ses crises actuelles.

Il faut dire que l’étymologie de « tripalium », choisie par le passé, devrait laisser la place à « tripalis » où l’intégration des trois dimensions structurantes sujet, objet, projet n’est pas sans intérêt pour l’avenir, sachant que les réponses sont toujours communautaires donc culturelles.

La monnaie peut-elle être dégagée de la question économique? Dans l’économie de proximité on peut penser que les échanges se régulent par la discussion directe et même que des équivalences entre biens communs différents puissent voir le jour. Les SEL Services d’Échanges Local, tendent à reconstituer sous forme de réseaux ce qui est d’ordre communautaire. Il y a quelques fois un hiatus, l’échange communautaire existant presque toujours, de façon informelle au moins, et le réseau constituant souvent une vision appauvrie de la communauté.

Les communautés culturelles ou communautés de marché réclament une monnaie d’échange pour établir des équivalences entre biens et services. Si au départ c’est à la valeur matérielle de la monnaie que l’on se réfère, bien vite c’est la figure du souverain ou du moins de la souveraineté qui est gage de valeur dans le champ de celle-ci. Les conquêtes impériales ou économiques imposent bientôt leur système de valeurs par les signes de valeur que constitue la monnaie comme gage de crédibilité. La valeur est dans le signe et l’imposition du signe élimine les échelles de valeurs et donc les valeurs propres aux communautés. Voyons comment l’euro a produit des souffrances symboliques, des défiances qui alimentent des fantasmes, moins pires que les destructions symboliques. Faut-il revenir aux monnaies nationales? Il faut en revenir à des monnaies communautaires et alors l’Euro a autant sa place que d’autres monnaies plus régionales. Voyons comment dans les nouvelles communautés qui s’annoncent, même balbutiantes, comme sur Second Life, une monnaie, le Linden, convertible en dollars est venue bien vite comme monnaie communautaire. Nul ne songe à un conflit entre Linden et dollars ni compétition avec un quelconque équivalent communautaire. A ceux qui pensent que ce n’est pas possible il faut les inviter à consulter le réel plus que les croyances économiques.

Nous sommes en plein dans les effets délétères d’économies qui ne sont pas fondées sur le Sens du bien commun et qui imposent leur système de valeurs qui vient de s’écrouler. Barack Obama affirme « Yes we can » et le monde entier veut y croire, ce qui prouve quelles aspirations sont présentes. Il incarne le Sens du bien commun des Etats Unis, aux autres d’en faire autant dans leur propre culture. Il est vrai que c’est plus difficile dans une culture qui s’est construite sur la défiance, sur le ressentiment et qui cultive le mal commun : la dénonciation de l’autre, comme vertu révolutionnaire. Même un tel pays dispose d’un Sens du bien commun où le franc pouvait symboliser la franchise, celle de l’échange en confiance et pas seulement en défiance avec force arguties juridico-administratives. Encore faut-il que ce pays respecte les communautés qui le forment et les communautés qu’il forme comme l’Europe. Alors ce n’est pas une ce sont plusieurs monnaies qui sont nécessaires mais dans un champ donné où elles trouvent leurs valeurs de référence. Il faut pour cela que ces économies communautaires soient considérées et pas niées ou infantilisées. C’est l’économie communautaire qui fera la monnaie et non l’inverse et la démocratie communautaire qui en sera gage de régulation selon la gouvernance propre à chacune.

Observons que si on n’en est pas là des communautés dites « open source » tentent de penser une économie communautaire sans le dire, peut-être avec l’obstacle de visions trop systémiques des communautés et une certaine insuffisance de la réflexion sur les valeurs communautaires. Il y a là cependant une expérience de grande envergure de révision des principes économiques.

Enfin l’économie monde justifierait une monnaie mondiale annulant la compétition monétaire sur le champ commun. Cette monnaie mondiale serait le signe d’une conscience communautaire émergente, et le noeud symbolique d’un travail sur le Sens du bien commun et donc une économie mondiale qui ne soit une économie sauvage, dotée d’une gouvernance qui aujourd’hui se cherche encore dans de mauvaises voies celles de la systémique universaliste et spéculative.

Pour finir il faut rappeler que l’économie est un phénomène humain qui exprime les complexités et les enjeux de la nature humaine. Chaque communauté porte la charge d’une problématique humaine dont le Sens du bien commun est l’issue résolutoire d’accomplissement. Le symbolique de la monnaie comme des valeurs s’étend à tous les termes de l’économie qui inversement couvre tout le champ de l’existence communautaire. Il ne faut plus craindre la marchandisation de la vie collective qui n’est qu’une réification du désir en divergence avec le Sens du bien commun. Par ailleurs, on l’a vu, pas de valeur sans communauté et toute relation inter-individuelle se fait dans un champ communautaire de valeurs. S’il n’en était pas ainsi alors la relation duelle resterait dans la démesure au-delà de la vie et de la mort…

II – La socio-performance économique du développement approprié, un nouveau modèle de développement.

Personne ou presque ne croit qu’il suffit de rétablir un modèle économique ancien sauf certaines rigidités crispées. C’est un signe de la crise des représentations et des modèles qui précède la crise de Sens où c’est l’indétermination qui doit être résolue, détermination de la pensée et de la volonté vont alors de pair. C’est là que le bât blesse. Si un effort de volonté a été enregistré l’effort de pensée correspondant est encore bien maigre. Il faut dire que l’échafaudage d’une pensée économique doit s’ancrer dans une anthropologie fondamentale et une révision générale des fondements que seul l’Humanisme Méthodologique semble en mesure d’apporter.

Cependant des pistes sont identifiables par les attentes manifestées.

Une économie plus morale. Mais comment intégrer des paramètres moraux dans ce qui est vu par beaucoup comme un exercice mathématique? Efficacité des affaires et éthique en étaient venus comme antinomiques tant pour les cyniques que cela arrangeait que pour les pessimistes que cela exonérait d’agir. Les dénonciateurs, eux-mêmes tenants d’un amoralisme opportuniste, n’ont jamais produit d’alternative crédible.

De nouvelles régulations, tout le monde est d’accord. Mais de quoi s’agit-il? On a bien entendu que le chômage ne devait pas constituer une variable de régulation mais en même temps on l’a vu exploiter comme tel. En effet la science économique et ses pseudos rationalités semblait tellement plus crédible que quelques effets sentimentaux. L’insupportable de cette analyse si souvent entendue ne tiens qu’à la prééminence de la raison sur le Sens et, disons le tout net, la carence de discernement des Sens chez nombre d’experts de la Raison. Accident éducatif pour les uns, distorsion morale pour les autres, en tout cas une maladie de ce qui pouvait être simplement une étape et se trouve être un handicap à l’aube d’un âge du Sens. Alors ces régulations? Celles d’un système rationnel dont on aurait découvert tardivement qu’il n’était pas automatique ou mieux qu’il pouvait être détourné au profit de quelques-uns. Retenons pour le mieux que la volonté humaine éclairée par le discernement devraient reprendre la gouverne d’un système que l’on considérait comme quasi naturel avec ses lois propres.

Un nouveau modèle de développement. Un leitmotiv maintes fois entendu depuis des décennies avec comme en Afrique les mêmes échecs dus évidemment à la malignité des hommes, des autres surtout. Le plus surprenant c’est que la prolifération des expériences à toutes les échelles n’ait débouché ni sur une analyse critique générale ni sur une « science » du développement en situation réelle mais sur des collections de certitudes tenant à quelque truc imparable. Très rarement la question de ce dont on parle avec le développement a été approfondie. Fermeture du débat avec les modèles occidentaux magiquement incontournables, échec du développement fondé sur la culture faute d’avoir approfondi le fondement en question, miracle de la panacée qui évacue toute question avec le développement durable. Qu’il soit seulement soutenable le laisserait indiquer une condition mais pas un état impérieux. Or on le verra, avec l’économie communautaire et sa socio-performance le développement en est une caractéristique principale. Il faudra bien y aller voir de plus près.

Une justice économique qui a servi d’argument aux luttes les plus meurtrières du siècle dernier et dont les nostalgiques essaient de raviver la flamme pour embraser l’ennemi de classe. Or comme souvent c’est dans la question que se situe le problème. Et la question ici est celle de la redistribution. Compensatrice d’une sorte d’injustice elle serait alors légitime. L’ennui c’est qu’elle cautionne l’injustice éventuelle en en faisant un système. Les systèmes de redistribution sont fondés sur un paradigme d’injustice et ne font que le propager. En fait c’est une distribution juste qu’il s’agirait de rechercher mais juste s’applique à la valeur et donc au système de valeurs, aux échelles de valeurs de toute évaluation. Or c’est le Sens du bien commun qui, au sein d’une communauté donnée, supporte les valeurs et toute évaluation. Ainsi c’est à une fraternité communautaire qu’il s’agit de se référer et non à une « solidarité calculée » dont le « calcul » augure mal d’une vertu de justice, substituant la norme à la singularité. Selon les communautés il faudra bien trouver les justes évaluations de la valeur communautaire des enfants, des accidentés ou malades, des handicapés et de tous ceux qui contribuent à la socio-performance communautaire. Le justice économique n’est en aucune sorte proportionnée à un temps passé, à un effort physique, à une production seulement quantitative et encore moins une spéculation. Ce sont bien les critères de définition de l’économie communautaire qui déterminent la justice économique et non pas un système compensatoire. Rien n’interdit de considérer que laisser quelqu’un dans la misère est contraire partout, par définition, à la socio-performance communautaire. Par contre consentir à l’existence de la pauvreté (non pas son exploitation) est aussi un critère de respect qu’il serait bon de retrouver pour permettre la croissance d’un socio-performance propre au sein d’une communauté. Il n’y a rien de plus injuste que d’empêcher le passage par des phases de pauvreté, condition pour grandir.

La référence au bien commun. Elle monte en puissance pour contrer la souveraineté de l’intérêt particulier. Seulement ce sont souvent deux logiques parallèles qui chercheraient à se compenser mécaniquement. La question du bien commun est dépassée radicalement par celle du Sens du bien commun. C’est en effet ce Sens et pas telle ou telle expression circonstanciée, conjoncturelle, qui donne à l’intérêt particulier qui s’y source et s’y légitime sa valeur communautaire. Ce n’est pas la main invisible qui opère mais l’esprit invisible; le Sens du bien commun. Par ailleurs la caractéristique de la référence au Sens du bien commun est son nécessaire ancrage communautaire. Du coup c’est une réponse de démocratie communautaire qui est seule capable de répondre à ces questions, certainement pas un Etat qui domine la nation ou communauté nationale. L’argument de raison supérieure, de raison d’Etat a trop souvent servi l’intérêt particulier de ceux qui s’y identifient au nom de l’intérêt général. C’est pour cela qu’ils préfèrent à tout prendre les systèmes anonymes que les responsabilités communautaires.

Plus d’Etat ou plus d’économie libérale? Les deux sont renvoyés dos à dos, complices dans la négation de l’économie communautaire, sauf à revoir la définition des notions en jeu.

Une nouvelle cohérence de l’intérêt des parties prenantes pour les entreprises. C’est toute la gouvernance des entreprises qui est en question avec toutes les tentatives historiques de répondre par la prééminence de tels ou tels. Hormis les volontés hégémoniques bien classiques c’est le modèle mécaniste sous-jasent qui, recherchant un équilibre des forces ou des intérêts, se condamne à l’injustice ayant occulté le référentiel des valeurs communautaires au profit de rationalités bien circonscrites. De même ne sait-on pas respecter les différences radicales dans un ensemble sauf en passant par des clivages ou des effacements. Seule la pensée communautaire sait intégrer l’absolue différence et la participation contingente au bien commun. Il y a là une question de paradigme auquel font obstacle les systèmes de pensée antérieurs mais qu’il va falloir réviser radicalement. La théorie des ensembles communautaires apporte avec la démocratie communautaire et ses principes de gouvernance les moyens de sortir des impasses actuelles qui fragilisent les bonnes volontés. Il s’agit là d’aller bien au-delà des entreprises classiques pour toucher à la structure des entreprises du futur, de toutes les entreprises humaines, institutions y compris. La différence public, privé, dès lors que l’on se réfère au Sens du bien commun n’a plus lieu d’être, hormis dans des configurations spécifiques aux cultures communautaires. Le monopole de service public dit bien son projet, monopoliser un privilège et pas le service de quiconque d’autre, une partie « prenante » sur la communauté. On verra plus loin que l’initiative de quiconque ne se référant pas au Sens du bien commun et aux biens communs est possible mais contraire à la socio-performance communautaire.

La refondation du capitalisme. Si on continue à identifier le capitalisme aux puissances du bien ou au puissances du mal il n’y a rien à refonder sinon l’éternel archaïsme manichéen de l’animisme humain. Reste que la mobilisation de capitaux financiers en dehors des pratiques spéculatives paraît bien comme un investissement, rentable en termes de valeurs communautaires. Il est vrai aussi que l’origine des capitaux ne joue que sur sa pertinence de motivation vis-à-vis du bien commun poursuivi. Dans le capital c’est aussi le Sens l’essentiel et la somme, une dimension de la valeur. Dans le contexte communautaire de socio-performance le capitalisme est une pratique culturelle de la communauté pour engager des entreprises d’intérêt communautaire menées par des groupes ou des particuliers. Les problèmes du capitalisme sont alors ramenés à trois. La capacité communautaire à mobiliser des ressources à investir dans ses projets, la gouvernance communautaire de la gestion de ces capitaux, l’évaluation des différentes concourances dans le développement des biens et services et de la socio-performance. Il y a là une révolution par rapport à l’opposition privé public, la propriété n’est pas par essence privative, prise sur les autres ou la communauté, mais appropriée, au seul critère de la socio-performance communautaire, soumis au jugement personnel mais non à son arbitraire. Le bien particulier est encore évalué par son concours au bien commun. Le capitalisme ne peut se départir de la fonction capitaliste qui fait partie des « services à la communauté ».

Ces attentes étant examinées rien ne dit qu’un modèle autre que celui que nous proposons soit en gestation. Pourtant il devrait y en avoir des signes. Le nouveau capitalisme de Muhammad Yunus et son business social n’est rien d’autre que l’extension des biens et services à tout ce qui concoure à la socio-performance communautaire, critère en définitif de toute évaluation.

L’économie communautaire, le développement approprié et la socio-performance économique.

L’économie communautaire a pour base les communautés humaines. Elle se définit par la communauté désignée au préalable. Si on ne le fait pas ou bien elle est implicite mais on ne sait pas de quoi on parle ou bien on divague et on passe d’un système de valeurs à d’autres dans une confusion générale. Il a fallu éliminer ce système de valeurs pour découpler l’économie des communautés qui la définissent étymologiquement.

Alors parlons de l’économie du pays, de celle de la région, de celle de l’Europe, de celle de la ville, de celle aussi d’une communauté professionnelle, d’une institution, d’un groupe d’intérêts, de celle du quartier ou d’un groupe fréquenté, de celle d’une entreprise ou de ses collaborateurs ou d’une institution ou d’un groupement d’entreprises, ou d’une association, ou enfin de ce cas particulier de l’économie monde. Pour chaque communauté aussi il faudra désigner sa propre économie, celle des communautés qui participent à son existence et celles des communautés auxquelles elle participe ou pourraient participer.

Pas d’analyse économique concrète ni de projet économique sans cette focalisation préalable et quelques fois l’exercice de passer de l’une à l’autre de ces focalisations. Par exemple la ville peut envisager dans son économie la place de l’éducation mais aussi envisager l’économie de tel établissement éducatif et encore celle du personnel éducatif. C’est bien comme cela que se bâtissent les régulations économiques ou alors les malentendus conflictuels faute de « considération » des points de vue économiques, des économies.

Le champ économique étant posé ce qui en ressort ce sont les biens et services, leur production et leurs échanges. Ce qui est bien ou service est ce qui contribue à un bien commun lui même engagé dans le Sens du bien commun. De ce fait l’économie n’est pas réduite aux choses matérielles mais à tout ce qui participe de l’expérience humaine avec ses composantes affectives, matérielles, mentales notamment lorsqu’elles sont considérées comme contribuant au bien commun. Les biens de Muhhamad Yunus sont aussi des biens sociaux que l’on dirait ici d’intérêt communautaire servant les membres de la communauté. Les biens et services considérés sont culturels par le Sens et les valeurs propres qu’ils incarnent et selon lesquels ils sont évalués. Chaque communauté économique interprète d’ailleurs les biens et services venus d’ailleurs pour les faire siens et les transposer dans son monde. Prendre en considération l’économie communautaire fait découvrir l’infinie variété déjà existante et les regards normatifs ne voient que des standards reproduits. Une conscience des demandes communautaires est déjà montée en puissance mettant en question les productions de masse extra communautaires.

L’économie communautaire réclame un examen du paysage des biens et services, leur pertinence communautaire, leur évolution. Il faut rajouter la production et l’échange mais ce ne sont que des services et, sont des biens, les moyens de le faire. Les échanges extra communautaires, on l’a vu, réclament une intégration, une appropriation qui les fait changer de système de valeurs et peut-être de configuration. Où commence et où finit un bien ou un service? Un bien sert et ne peut être totalement distingué de la catégorie des services. Les services mobilisent des biens matériels et immatériels pour se réaliser. Un service, dans le Sens du bien commun, n’est pas une chose mais la contribution à une maîtrise plus grande, pour quelqu’un, de ses propres enjeux dans le contexte communautaire. Cette contribution relève d’une pratique qui n’est service que dans la mesure de son appropriation. D’une façon générale la valeur ne se réalise que dans l’appropriation du bien et du service, dans la relation. Ce champ est ainsi à ré envisager mais surtout avec la diversité des considérations culturelles. N’y a-t-il aucune ressemblance entre les biens et services de communauté différentes? Autant qu’entre des personnes différentes toutes uniques mais semblables.

Une autre approche de l’économie communautaire reconnaît que tout ce qui fait partie de son monde est un bien potentiel, tout ce qui se produit dans son monde est un service potentiel. Ainsi le champ de l’économique est-il exhaustif. Cependant le Sens du bien commun n’est jamais le seul qui se manifeste mais il devrait être le seul porteur d’un système de valeurs économique. Tout le reste non seulement ne contribue pas au bien commun mais en épuise des potentialités jusqu’à constituer une nuisance communautaire.

Il y a là un point majeur à souligner. Il n’est pas possible ni souhaitable de rechercher la seule expression du bien commun mais seulement de le privilégier comme nous le faisons en élaborant une conception communautaire de l’économie. L’autre disposition importante est celle de la dévolution des biens et services communautaire dont on peut penser qu’il favorise l’économie du bien commun plutôt que d’autres pratiques qui en quelques sortes doivent le prix de leur usage à la communauté.

Mais qu’en est-il de l’impôt? On rappellera ici deux choses : l’erreur du principe de redistribution, la nécessité de mobiliser des capitaux pour investir dans le bien commun et la mobilisation de biens et services communs. Chaque communauté culturelle trouvera ses usages pertinents selon ses talents et ses faiblesses.

Comment l’existant peut-il être ré envisagé? D’abord généraliser le principe de la communauté de référence. Pas d’objet ou de réalité économique qui ne soit ainsi située. Les entreprises, par exemple, doivent déterminer leur communauté de référence et prendre en compte les communautés où elles interviennent. Comme chacun, chaque communauté, chaque entreprise la participation à plusieurs communautés est et deviendra la règle. Sauf exception il s’agira donc de considérer à chaque fois plusieurs communautés de références, plusieurs économies. Cela fait partie du monde des communautés qui va se généraliser tout en se reconfigurant.

Le Sens de l’économie communautaire : l’accomplissement humain

L’économie est tellement familière que la question de son Sens ne paraît pas se poser. Pourquoi l’économie? Une réponse traditionnelle c’est la nécessité, l’enjeu de survie, la satisfaction des besoins vitaux. A l’opposé l’économie c’est le développement, la réalisation du progrès humain, l’édification d’une société plus évoluée. D’un autre côté l’économie est vue comme un ensemble de règles qui s’imposent au fonctionnement de la société et lui réclament une discipline permanente. A l’inverse l’économie est simplement le mode de fonctionnement habituel des acteurs d’une société selon les habitudes qu’ils se sont données. Les comportements individuels et collectifs en dépendent. On peut identifier encore quatre modèles types dont le discernement du Sens est primordial, notamment pour comprendre ce qu’est l’économie communautaire.

L’économie de possession, c’est la lutte pour la vie où l’emprise sur les choses mais aussi sur les gens est la mesure du sentiment d’exister, de l’importance de soi. On comprend que la guerre économique soit intrinsèque à cette conception là. Sa logique est l’inquiétude qui ne serait rassurée que par la possession totale, monopolistique. La loi de la jungle, logique de prédation où la dévoration de l’autre ou du moins de ses biens est encensé comme une victoire sans morale et pour cause puisque c’est un obstacle à trouver la paix dans la disparition de l’autre, de la menace qu’il constitue par sa seule altérité. Sujet inépuisable de la lutte des classes, de l’aventure économique de conquête des marchés, d’accumulation sans mesure, d’appropriation des ressources, des armes politiques et idéologiques et des guerres coloniales. L’affrontement des puissances pour compenser quelqu’impuissance humaine.

L’économie système, c’est la loi de la nature, l’équilibre des échanges, sans entraves, le bien de l’économie. S’il y a des inconvénients dans une conception dénuée de notion de juste ou d’injuste alors il est possible d’introduire des régulations dans la mesure ou l’équilibre n’est pas menacé. Redistributions, compensations, et surtout normalisation des fonctionnements au point que chaque acteur est déterminé par le fonctionnement qui lui est assigné. Economie scientifique sensée optimiser le système, recyclage des exclusions, recherche de nouveaux équilibres en cas d’instabilités. Cette économie est paradoxale échappant aux déterminations humaines et exigeant néanmoins une discipline constante, une économie d’automates idéalement. La consommation et le recyclage des consommateurs alimentent ce système en fonction de règles sans rapport avec le bien commun.

L’économie de construction. Des buts supérieurs, ceux d’une société rationalisée, optimisée déterminent les actes économiques qui passent par la construction de la cité. Elle donne la mesure des exigences et des méthodes, des compétences et des ordonnancements. La répartition et l’investissement des ressources est déterminé par les normes de gestion. L’action économique à tous les niveaux est un devoir moral aligné sur la rentabilité des investissements et l’efficacité des moyens. Les états d’âme sont réservés aux réussites mais pas à leurs justifications. Un modèle que les entreprises et les gestionnaires publics sont censés respecter.

L’économie communautaire. C’est le mode de fonctionnement et de développement d’une communauté pour progresser dans le Sens du bien commun. Cela suppose de reconnaître qu’il s’agit de communautés humaines, fondées chacune dans une problématique humaine singulière et cherchant à accomplir sa vocation humaine au travers d’enjeux qui figurent le bien, commun aux membres de la communauté. Le Sens du bien est la condition du rassemblement sur une trajectoire, une histoire où la diversité des enjeux peut concourir au bien commun. S’il n’y a pas de critères du « bien faire », au moins implicite, il ne peut y avoir de projet partagé, d’histoire commune, de communauté de devenir donc. L’économie de la communauté est l’ensemble des dispositions de toute nature qui concourent à cet enjeu commun et donc en dépend, culturellement. L’expérience de la monnaie dit bien que tout peut être évalué sauf ce qui n’est pas monnayable, c’est à dire de l’ordre de la relation duelle interpersonnelle. Il est infantile de penser qu’il puisse y avoir une quelconque production, un quelconque échange qui ne coûte rien à la communauté, qui échapperait à toute évaluation. Autre chose est la façon dont c’est organisé, qui est culturelle redisons-le. La communauté pourrait très bien cultiver d’autres Sens que celui du bien commun. Par exemple ceux des types précédents. Faut-il les « comptabiliser » dans l’économie communautaire? Oui mais pas avec leur système de valeurs spécifique. Autrement dit se couler dans des logiques économiques quelconques revient à les renforcer, à accepter la domination de leur système de valeurs. C’est bien ce qui résulte du choix de ne traiter d’économie que dans le Sens du bien commun de la communauté. Il en va de même malheureusement pour toutes les approches économiques qui, se voulant objectives ou opportunistes, renforcent la domination de n’importe quelle nuisance. On l’a vu avec la crise financière lorsque les modèles ont défailli c’est-à-dire une part de leur aveuglement. D’où l’importance de ne pas présupposer la pertinence à priori des systèmes de valeurs et toujours en rechercher fondements et légitimité dans une communauté de référence.

Peut-être est-ce pour cela qu’il y a tant d’écart entre une science économique qui ne veut que constater et ce faisant s’éloigne des aspirations et des valeurs humaines et ne se trouve cautionnée que par les seules pratiques qu’elle observe et cautionne. Que dire d’une économie qui ne sait rien des valeurs humaines, communautaires donc? Communauté, Sens du bien commun, valeurs, échelles de valeurs, valeur, évaluation, sont les fondamentaux de l’économie communautaire.

Une révolution par rapport aux certitudes dominantes? Certes mais si le concept n’est pas si courant le fait l’est depuis longtemps même s’il s’est épuisé sous le coup des « économies sans valeurs ».

Les banques françaises d’où viennent-elles? Crédit Agricole, Crédit mutuel, Banques populaires, Caisses d’épargne, Crédit Coopératif… De quoi était-il donc question? Qu’il s’agit peut être de refonder au moment où il était devenu d’avant garde de s’en débarrasser. Les banques étaient le signe qu’une communauté d’intérêt s’y retrouvait. Ont-elles perdu le Sens, et de la communauté et de l’économie communautaire et du bien commun?

Le projet économique communautaire : le développement approprié

Y a-t-il un modèle économique alternatif à ceux qui ont fait la preuve de leur fausseté?

Le modèle du développement approprié est candidat. Il ne s’agit pas de décrire un tableau universel des règles économiques qu’il suffirait de reproduire. Il s’agit d’une démarche où à chaque pas chaque communauté économique aura à trouver ses solutions.

1 – Définir une politique économique

2 – Construire une stratégie économique

3 – Définir et réaliser les actions économiques

Ces trois étapes sont à maîtriser au niveau communautaire pour en tirer toutes les conséquences. Il est clair que beaucoup de communautés ne sont pas à même de réaliser cela. C’est alors à des compétences plus éclairées qu’elles peuvent avoir recours en passant par un régime intuitif qu’il faudrait imaginer cas par cas.

Le modèle du développement approprié est simplement un guide de réflexion et d’action à transposer dans chaque situation particulière pour établir une gouvernance économique appropriée.

1 – Définir une politique économique

Tout d’abord désigner la communauté de référence celle dont l’économie est en question, celle dont le développement doit se trouver approprié par les acteurs et approprié aux situations conjoncturelles.

Pour cela il faut se poser la question et caractériser ce qui la détermine. Une origine, un territoire, une disposition ou tout autre élément fondateur. Il est bon de rechercher quelles communautés la composent, à quelles communautés plus large elle participe, quelles communautés la traversent, à quelles communautés elle accède. Ce tableau d’un ensemble communautaire aidera à mieux identifier la communauté qui doit être le siège d’une économie propre. Il aidera à entrer dans une attitude de considération indispensable, attitude perdue par les schémas anonymes et les modèles standards. Il ne faudra pas perdre cette considération et la faire partager comme préalable à tout échange économique ou à propos du modèle économique de développement approprié. Cette considération aidera notamment à prendre la mesure de la situation et des enjeux économiques.

Ensuite le Sens du bien commun. La théorie, bonne à connaître pour chercher dans la bonne direction, nous dit que toute communauté repose sur une problématique humaine qui préside à sa naissance, sa constitution, et qu’elle retrouve dans toutes les situations. C’est aussi au travers d’elle que la conjoncture et ses rapports avec toute autre communauté s’établit. Le savoir historique est de peu d’utilité en lui même s’il n’est pas interprété avec pertinence. Des témoins significatifs en exprimeront, même malgré eux, une version transposée. Mais ce n’est pas tout puisque le Sens du bien commun est celui par lequel la communauté peut trouver et chercher son accomplissement, celui aussi par lequel elle exprime le meilleur d’elle même. Il existe bien sur une méthode : l’analyse des cohérences culturelles pour élucider cela. Il est aussi possible d’imaginer des approches intuitives en repérant des formes du bien commun comme bien humain, celui de la communauté, celui des membres de la communauté, celui d’autres communautés. Le Sens du bien commun n’est jamais au détriment de qui que ce soit ou de quelque communauté que ce soit. Il ne peut être interprété par une quelconque idéologie qui prônerait la victoire sur quelque ennemi ou compétiteur ni par un succès narcissique, ni par une appropriation des biens d’autrui. Les déclarations immatures que l’on retrouve dans différentes chartes sont aussi invalides. Seule le sagesse et le discernement peuvent permettre cette élucidation authentique.

Le Sens du bien commun s’exprime en termes de valeurs et leur expression est très utile pour permettre à la communauté de le repérer. Deux référentiels structurants sont utiles à la communauté. Le référentiel de valeurs identitaires aide la communauté à s’identifier, pour elle et pour les autres et à se trouver disposée sur une position gratifiante et mobilisatrice. Le référentiel de valeurs opérationnelles aidera à qualifier et évaluer les biens et les services constituant l’activité économique. Le travail sur ces référentiels donnera aux responsables de la communauté des moyens de communication et de motivation utiles dans différentes circonstances. Un peu de rigueur méthodologique sera bien utile pour éviter les mirages opportunistes ou les banalisations. C’est toute l’originalité de la communauté sous son meilleur jour qui sera là disponible. Songeons au discours d’investiture de Barack OBAMA comme moyen de rassemblement et de mobilisation sur les valeurs américaines scénarisées (storytelling).

Vient le moment où la démocratie élective doit confier à un responsable le soin d’incarner le Sens du bien commun au travers de ses attitudes, ses paroles, ses comportements mais aussi sa vision de l’avenir et son Sens à partir du présent en fonction du passé. Des éclairages précédents il trouvera le moyen d’exprimer une vision du futur qui soit promesse et ambition, qui exprime une vocation communautaire originale et l’esprit d’un projet pour lequel il se trouve fortement déterminé. Cette détermination partagées par une équipe en général servira de base à l’édification d’une volonté collective à traduire dans tous les actes de l’économie et du développement, à court, moyen et long terme. Chaque communauté selon sa culture et sa maturité joue à sa manière cette « élection » selon des règles, des traditions ou des improvisations très variées. Il faut se garder d’en juger sans connaître les valeurs culturelles spécifiques et le Sens des rituels ou dispositions prises. L’imposition de formalisme issus de modèles culturellement marqués est une calamité qui se sert de la démocratie comme moyen d’aliénation, contraire à toute autonomisation.

La politique économique est l’expression de l’orientation formulée et incarnée par le référent politique « élu du coeur » de la communauté. C’est une philosophie, une vision, une vocation, une promesse une ambition, une projection dans le futur, un Sens donné au présent et au passé, un axe de cohérence du développement mais pas un plan ni des objectifs qui doivent être établis à d’autres stades de participation démocratique allant vers la concrétisation.

2 – Construire une stratégie économique c’est-à-dire aussi le modèle de développement approprié de la communauté économique.

Le mimétisme est toujours là une amputation de la richesse potentielle de la communauté et l’adoption d’une prothèse inappropriée. Il suffit de voir les effets des projets de développement dans de nombreux pays ou la dépersonnalisation de communautés fragilisées et dissoutes dans des communautés plus vivantes.

C’est le stade de la démocratie représentative dont l’acte majeur c’est de doter la communauté d’un projet de développement bien approprié à partir de l’orientation déterminée auparavant. Pour cela la méthode sera de dessiner d’abord un plan d’ensemble, un scénario du développement où les grands volets seront identifiés. C’est à la créativité collective des représentants de différents secteurs de la communauté que l’on fera appel pour dessiner les projets sectoriels intégrés dans un scénario d’ensemble. C’est comme cela qu’un projet cadre à moyen terme sera établi et révisé en tant que de besoin.

Un scénario de développement approprié doit prendre en compte : tous les aspects de l’existence individuelle et collective, toutes les situations ou catégories de populations concernées, tous les volets particulièrement significatifs de la vocation communautaire.

Pour les premiers il faut intégrer : les sensibilités et les difficultés associées; le cadre de vie et l’environnement avec ses ressources et ses menaces; les conditions de subsistance, de sécurité et de confort avec les apprentissages associés, les trajectoires de développement et le stade actuel; les représentations collectives : identités, culture, connaissances, croyances, cadres juridiques, institutionnels, règles et lois, fonctions publiques, etc.; les aspirations, qualifications, repères de valeurs; les rôles et responsabilités, les groupes, les dispositions de gouvernance…

Pour les seconds il faut intégrer les âges de la vie leurs problèmes et les dispositifs d’évolution associés, les groupes de compétences et leur développement, les communautés spécifiques liées à leur histoire ou leurs enjeux, les personnalités et leurs rôles, les populations périphériques ou d’autres communautés…

Pour les troisièmes il faut se laisser étonner par la singularité et l’excellence culturelle qui peut porter sur toutes sortes de thématiques, autant qu’il y a de problématiques humaines. Souvent ce sera aussi un thème commun mais qui est développé à un niveau ou de façon exceptionnelle. Dans tous les cas c’est aussi par ces aspects singuliers que la communauté sera reconnue par d’autres leur apportant le service d’une excellence spécifique (vocation) et participant ainsi à d’autres communautés d’enjeux. L’ambition économique de développement approprié aura ainsi une portée au-delà de la communauté elle-même. C’est d’ailleurs dans ce rapport avec des acteurs étrangers, à des communautés autres qu’un enrichissement et un dynamisme communautaires seront favorisés.

Le projet cadre est la base de projection sur laquelle les acteurs vont pouvoir développer des initiatives, des actions d’intérêt communautaire, réaliser les productions et les échanges de biens et services, à la fois pour les personnes, leurs groupements, la communauté et même au-delà.

3 – Définir et réaliser les actions économiques

Il s’agit aussi d’organisations, d’institutions, de pratiques, et d’initiatives en tous genres.

Le projet cadre, porteur du Sens du bien commun, permet la plus large participation des acteurs tant pour les actions communautaires que pour les initiatives et entreprises particulières.

Nous sommes au stade d’un démocratie participative visant d’ailleurs l’autonomisation des acteurs c’est à dire la capacité d’exercice d’une liberté responsable. Liberté irresponsable et responsabilité conformiste sont les deux plaies des conceptions classiques de l’économie. Leur antagonisme obnubile toute réflexion et toute créativité. C’est un boulet pour le développement approprié malgré les bulles de productions de biens sans valeurs ou les postures justicières d’appauvrissement humain. Les deux paradigmes de l’individualisme radical spéculateur et du collectivisme radical sont tombés heureusement, au tournant du millénaire, nous mettant en situation de crises propices à la mutation.

La démocratie participative considère que ce sont les acteurs qui agissent et pas quelques délégués ou représentants. S’ils se font aider d’expertises ils ne leur confient pas leur charge de définir, réaliser et évaluer l’action économique dans tous ses états et selon le projet cadre communautaire. Le projet ne dit pas ce qu’il y a à faire mais dessine des horizons communautaires et des trajectoires possibles. Les représentants, auteurs du projet cadre, veilleront à en faciliter les traductions opérationnelles et à en évaluer les actions sans se substituer aux acteurs.

Ainsi les entreprises qui bénéficient d’aides en contrepartie de leur concourance au bien commun tant par leur activité de service et de production, bénéficient de la rémunération qui s’évalue selon les échelles de valeur communautaires. Il n’y a pas de différence de nature entre les entreprises d’initiative privée ou d’initiative publique et donc plus de privilèges illégitimes ni de prédation du bien commun. On notera que toute entreprise qui ne s’engage pas dans le Sens du bien commun ne peux bénéficier des aides et facilitations mais doit payer le prix des biens et services communautaires qu’elle consomme. La question de l’impôt ne doit pas être assimilée à une ponction publique pour financer des entreprises publiques mais à une contribution au bien commun selon des échelles de valeurs explicites et selon la politique et la stratégie de développement appropriée. Le financement des entreprises d’intérêt communautaire, quel qu’en soit l’initiative, est seulement la question du capital, rassemblé selon les règles culturelles communautaires, et du crédit que lui accorde la communauté pour bénéficier de ses biens et services.

Le modèle du développement économique approprié et son champ d’application

Caractérisé par un processus à la fois technique, démocratique et d’accomplissement communautaire, le problème de sa gouvernance se pose.

Dans un scénario d’économie communautaire avancée chaque projet cadre capitalise une compétence collective et un mode de gouvernance de plus en plus avancé. Cependant il y a tous les autres cas d’économies moins avancées et de difficulté à se doter d’une gouvernance suffisante.

On trouvera là le problème des communautés en difficulté ou peu développées et celui aussi des petites communautés de proximité qui ont besoin d’un certain pragmatisme par définition. Il y a là plusieurs solutions. Soit l’assistance issue d’autres communautés pour accompagner le processus de développement approprié, soit l’inscription provisoire de la communauté dans une communauté plus majeure.

Par exemple un quartier en difficulté peur être inscrit dans un projet de développement de la ville jusqu’à ce que les usages permettent une appropriation d’un projet propre. Ce sera le cas de communauté dont l’identité et la socio-performance sont défaillantes. C’est aussi le cas de communautés regroupées au sein d’ensembles plus capable de se doter d’un projet de développement approprié sachant que cela débouche normalement sur une autonomisation (responsable) à terme et la capacité de se doter de son propre projet. Il faut bien rappeler que les projets propres au sein d’une communauté sont des projets concourants et non concurrents.

C’est ainsi que les groupements économiques, de communautés économiques permettent non seulement de consolider des projets économiques ambitieux mais de contribuer au développement des projets propres au fur et à mesure de la capacité des acteurs et communautés économiques de les assumer. Il est donc indispensable d’introduire cette notion de communautés majeures et de communautés mineures à condition que cela soit transitoire. Ce n’était pas le cas dans le modèle jacobin de tutelle de l’Etat ou d’administration coloniale. Ce que l’on oublie trop dans la sanctification des bienfaits de l’Etat c’est qu’ils ont été trop souvent payé d’aliénation communautaires, de maintien dans un statut mineur qui fait que les populations restent encore peu informées des affaires publiques n’ayant pas eu l’occasion de se les approprier. C’est un enjeu majeur de la mutation économique. De même la liberté économique, sans légitimité communautaire a permis d’évacuer le Sens du bien commun érigeant l’intérêt particulier en intérêt général arbitraire.

Reste à rappeler que les communautés ne sont pas des groupes autarciques qu’elles sont toujours inscrites dans des communautés de communautés mais à leur mesure et non à la démesure d’un système économique mondial. Chaque projet de développement communautaire approprié doit intégrer comme on l’a vu ses échanges avec d’autres communautés et sa participation à de multiples communautés à toutes les échelles.

Un dernier mot sur la question du protectionnisme. Dans le cadre d’une communauté donnée, celle-ci établi les règles économiques qui conviennent à sa situation et son Sens du bien commun. Il est de son devoir d’assurer le développement économique approprié plutôt que le service d’un système économique fictif. Par contre s’inscrivant dans d’autres communautés elle participe à leur développement approprié selon les règles qui lui sont propres. Ainsi il peut y avoir des règles d’échange économiques européennes mais qui ne se substituent pas aux règles économiques nationales par exemple et ainsi à toutes les échelles. L’idée d’une normalisation est une solution simpliste sinon déviante comme si pour qu’une communauté existe ses membres devaient être normalisé, des clones. Au contraire c’est leurs originalités rassemblées qui fait la richesse communautaire. Voilà le type d’intelligence stupide que les paradigmes rationalistes nous ont habitué à subir. La question du protectionnisme ne se pose pas lorsque chaque communauté doit assumer l’entière responsabilité de son économie, en rapport avec d’autres communautés différentes au sein de communautés élargies.

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