042 – L’homme debout
Deux positions existentielles opposées dès le commencement de l’existence. Après la naissance la séparation d’avec un milieu auquel il se trouvait confondu inaugure pour le petit homme cette dualité entre retrouver le milieu premier et découvrir le monde et y grandir. Une des plus grandes joies de l’existence que de voir un petit homme s’évertuer à grandir, une des plus grande peine que de voir des hommes régresser vers des postures archaïques pulsionnelles. Nous nous y reconnaissons parce que ces deux Sens sont en nous et résonnent à l’expérience. Progression et régression deux mouvements existentiels auxquels nous sommes confrontés en nous même et dans les autres. D’un côté le conSensus, inconscient, passe pour le tout dans une dépendance absolue au milieu à l’environnement aux déterminations qui s’exercent sur la totalité de notre existence. L’objectivisme est acte d’objectivation qui dénie le sujet du verbe objectiver. Il n’y a qu’une réalité englobante aussi bien pour l’extérieur que l’intérieur de notre corps. De l’autre le Sens par lequel nous participons à ce conSensus mais qui nous pose comme sujet de désir, d’aspirations, d’une élévation qui nous qualifie et nous permet de viser un plus grand bien humain.
D’un côté un matérialisme qui nous engage dans une régression, de l’autre un humanisme qui nous engage dans une progression. L’homme debout est celui qui se dresse et grandit, l’autre est celui qui se traine et survit.
Comment les reconnaître, en nous même aussi ?
Le Sens de la régression
Il vise à retrouver cette situation de non différence, de confusion fusionnelle, par toutes sortes de moyens qui abolissent les frontières entre soi et non soi. Faut-il les inventorier ces pratiques de perte de contrôle signalées par une promesse de jouissance si tant est que cette jouissance est coïncidence de soi et du non soi. L’émotion est un vecteur comme toutes les mises en sommeil et ce qui nous emporte, comme malgré nous, plus fort que nous qui fait que l’abandon de soi est possible. Seulement il y a un déni de soi, un clivage en soi entre ce qui est, entre celui qui désire régresser et sa négation. L’autre par sa non confusion avec soi et surtout par la manifestation de son désir différent vient démentir la perspective fusionnelle sauf à éliminer cette différence soit dans sa disparition soit dans quelque confusion. La culpabilité est ce sentiment de contradiction interne, de coupure entre l’être fusionné, sans vouloir donc et le vouloir être ainsi qui dément le non soi. Cette culpabilité est bien sûr de la faute à l’autre qu’il faut donc sanctionner ou dont il faut alors sectionner ce par quoi il se différencie dans sa volonté, sa tête par exemple.
Le Sens de la régression est comme une chute, comme on tombe sous le coup d’un sentiment qui submerge, emporté dans un emportement plus fort que soi. C’est aussi la source d’une croyance opportuniste celle de l’exo-détermination totale par l’environnement, un environnement dont les éléments font masse. La masse y est alors source de toute puissance et, en tant qu’élément, nous ne pouvons que jouïr de cette puissance ou être éliminé. Mais il a quelque fatalité qui fait que l’abandon de soi à la masse (être à la masse) entraine une souffrance. L’être en soi reste en souffrance d’être nié par lui-même et dont la négation trouve obstacle partout dans l’existence avec les autres sauf à les ramener au même, sans plus d’altérité que de singularité. On notera que les théories matérialistes ont du mal à soutenir les mises en question de sciences interrogatrices.
Parmi les caractéristique de cette position de vie vouée à une quête de jouissance fusionnelle ou à la lutte pour la survie dans l’obéissance aux «besoins naturels» qui ne dépendent pas de soi on va retrouver différentes scènes.
La manichéisme qui sépare le bien fusionnel du mal qui justement l’en sépare. La division, la différence c’est le mal, le différent est diviseur il faut l’exclure. La fatalité du mal, l’autre, obsède sa nécessaire éviction, combat permanent, rapport de force vital, lutte finale toujours avortée. A vouloir le bien hors de soi la lutte contre soi en l’autre est fatale et l’éradication du mal la condition du bien.
La matière qui est première est source de toutes les convoitises et les oppressions. La puissance des masses et de la masse est nécessité vitale et détermine la primauté de l’exploitation matérielle source de tous biens et de tous maux.
Mais la matière est aussi comme la matrice d’où on vient et à laquelle le retour est coupablement désirable, celui des autres notamment. Que de luttes et règlements de compte sur ce chemin de la régression. Les portes du paradis dont l’homme a été chassé sont gardées par les cerbères qui font du retour un enfer. C’est cela qu’on se raconte dans le Sens de la régression.
A l’opposé le Sens de la progression humaine.
Lieu d’un désir propre qui peut se faire volonté, l’homme poursuit la recherche de son bien dans l’accomplissement de sa quête. Cet accomplissement le révèle comme capable de réalisation, de cheminement, de développement, eux-mêmes révélateurs de cette capacité. Il est assez commun lorsqu’une civilisation est engagée que les hommes élèvent leurs enfants. Par là ils les aident à «sortir des jupes de leur mère» figure de régression, non pas tant pour rester à distance que pour s’investir dans l’élévation de leur qualification d’être humain. Le jeu comme les apprentissages y participent pour exercer une volonté qui se fait détermination au fur et à mesure de la maturité humaine. Ce progrès en humanité est la visée de l’humanisme (en principe). Assumer le Sens en soi sous le mode intentionnel l’exercer dans la quête d’un plus grand bien qu’il soit bien faire ou bien penser par exemple telle est la visée du Sens de la progression. Cette sorte de maîtrise de son intentionnalité qualifiant par ses actes et ses oeuvres le fait d’être humain, ne vise pas seulement à accomplir un désir quelconque mais à témoigner de l’humanité en soi comme potentiel de devenir, de grandir en maîtrise et détermination. C’est cela la valeur humaine.
Le Sens de la progression se retrouve dans la quête du progrès humain comme témoignage d’humanité. Développement personnel développement de toutes sortes de projets, expression de richesses de l’intentionnalité humaine dans ses oeuvres qui sont belles par cela seulement qu’elles en portent témoignage à d’autres hommes qui sont invités à s’y investir. Les objectifs qui voudraient faire fi de l’intentionalité subjective par exemple sous le mode de la nécessité vont à contre Sens substituant au témoignage du vouloir la reddition au besoin et au nécessaire c’est-à-dire au non vouloir.
Le développement des oeuvres humaines personnelles et collectives est à la fois édification de l’humanité et à la fois édification de ces oeuvres. A la fois apprentissage et à la fois témoignage. Grandir c’est l’enjeu de toute la vie, la formation tout au long de la vie n’est pas une nécessité mais un témoignage d’humanité porteuse de Sens et qui en exprime la valeur. Dans ce Sens là tout est devenir intentionnel, tout est projet à une étape ou l’autre, tout est expression d’humanité dans ce témoignage même. Le fatalisme en est l’inverse et la lutte contre le mal l’antithèse. Cultiver cette valeur d’humanité dans ce qui est oeuvre humaine en toute chose et en toutes circonstances telle est l’intention de l’humanisme.
Mais suffit-il de se mettre en chemin de progression pour que le bien de l’homme soit assuré ? Il y a encore d’autres Sens à discerner et à déterminer. Toutes les intentions, tous les désirs n’accomplissent pas l’homme.