Les entreprises et le bien commun 3

Evaluations, valeurs et valeur

La clé du management et de toute maîtrise professionnelle individuelle et collective passe par l’évaluation. Evaluation des situations, des projets par anticipation, des réalisations en cours et à leur issue, évaluations ponctuelles, périodiques, continues. Evaluations des compétences individuelles et collectives, des opportunités, des ressources. Evaluation des risques internes ou externes, évaluation des marchés, des parties prenantes, évaluation des évènements, évaluation de l’environnement dans toutes ses dimensions. On voit bien ici que l’évaluation est une activité principale pour tout responsable et dirigeant, y compris pour ceux qui, majeurs, veulent assumer leur activité et leur vie professionnelle.
Alors vient le problème de ce qu’est l’évaluation. Trois réponses classiques du qualitatif au quantitatif : l’intuition fruit de l’expérience, l’utilisation comparative d’un modèle de référence ad hoc, la mesure comptable de la valeur. Aucune de ces méthodes ne fait appel explicitement au Sens du bien commun et aux valeurs communes. De là des incompréhensions classiques, des incohérences, une déshumanisation des rapports, des conflits d’intérêts quasi mécaniques, et maintenant souvent l’appel incantatoire à des valeurs plus universelles les unes que les autres et donc anonymes. La communication avec la cité, le public et les parties prenantes est sans cesse faussée.

La crise financière a mit en évidence une dissociation entre la valeur et les valeurs, entre la rationalité purement comptable et les valeurs collectives. C’est un problème de fond qui peut se résoudre avec une conception et une pratique de l’évaluation fondée sur le Sens du bien commun. On en verra ici quelques articulations essentielles.

D’abord pas d’évaluation sans communauté de référence. Pour quelle communauté, dans quelle communauté veut-on évaluer. Se poser la question est capital, ne serait-ce que pour voir la diversité des réponses possibles et la confusion générale si on ne le fait pas explicitement, chacun évaluant alors de sa fenêtre. L’entreprise? Les actionnaires? L’environnement territorial? Le marché? Le personnel? En fait toutes les réponses sont légitimes. Celle choisie n’exclue pas les autres mais les relativise à la communauté de référence. C’est l’engagement dans le Sens du bien commun qui justifie cela. En effet les valeurs qui en sont les indicateurs sont des valeurs humaines. Le bien commun est un « bien de l’homme » et non pas l’objet d’un intérêt arbitraire. C’est donc « le meilleur » de la communauté de référence qui sera mis en commun. Nous sommes là au seuil d’une exploration philosophique et éthique qui sort de notre propos mais pas de celui de l’Humanisme Méthodologique qui sert ici de guide.

Ensuite vient l’élucidation du Sens du bien commun qui donnera son axe de cohérence à toute évaluation à partager. Elle relève d’une expertise qui rejoint et va au-delà de ce qu’une intuition aiguisée soutenue par une connaissance profonde des problématiques humaines permet d’atteindre. il s’agit d’un exercice d’intelligence symbolique pour accéder à des dimensions en général inconscientes des groupes et communautés humaines. Cette élucidation dépasse mais justifie des rationalisations auxquelles on est habitué concernant la raison d’être et les finalités de l’entreprise en en étendant le champ aux fins proprement humaines. Le Sens du bien commun et son expression constitue un puissant vecteur d’identification, de valorisation, de motivation, de mobilisation, d’intelligence collective, d’implication…

Ce travail de discernement permet d’identifier des indicateurs de ce Sens du bien commun que sont les valeurs propres. Ces valeurs ne s’expriment pas uniquement sous forme d’images idéales, de formules mais aussi de situations exemplaires, de sensibilités, d’ambitions, de modèles types, etc. En fait c’est tout un système de valeurs qui peut être dégagé autour de cet axe de cohérence et ce Sens. On pourra utiliser un référentiel de valeurs générales à partager et le décliner selon les multiples groupes et situations de réalisations. Ce type de référentiel constitue un référentiel d’évaluation partageable. En effet il permet notamment d’établir les échelles de valeurs selon le Sens du bien commun et attachées aux domaines d’application utiles.

On en vient à la question de la valeur, de celle que l’on mesure notamment par des moyens quantitatifs, notant que sans qualification la quantification n’a aucun sens. En fait la valeur dans l’entreprise ou toute communauté de bien est la mesure de la contribution à un bien commun. Elle se mesure donc sur une échelle de valeurs établie en fonction du Sens du bien commun et non pas selon des critères inconnus (philosophies de la comptabilité) ou totalement impersonnels, abstraits, c’est-à-dire sans valeur propre qui concerne véritablement les hommes impliqués dans la communauté entreprenante.

Sur ces principes est rétabli le lien entre la valeur et les valeurs en les référant au Sens du bien commun c’est-à-dire à la communauté entreprenante, la communauté de référence, communauté humaine aux finalités humaines et aux pratiques humaines. Cela change profondément tout le paysage de l’évaluation comme moyen de contrôle et de pilotage des affaires et des entreprises humaines.

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