Crise financière

La crise financière est le symptôme d’un basculement salutaire lié à la mutation de civilisation. L’humanisme Méthodologique apporte ses éclairages et ouvre des horizons qui sont déjà devant nous.

Personne ne doute que quelque chose a basculé à l’échelle du monde, donc de l’homme, hormis ceux qui pensent que l’on peut réparer ça et revenir comme avant.

Seulement il s’agit là d’un symptôme, d’un effondrement, comme il en arrive avec la tectonique des plaques où des tensions profondes suscitent de tels tremblements de terre. Ces tensions étaient déjà là, ce sont celles qui accompagnent la mutation de civilisation engagée à la fin du 20ème siècle.

La prospective humaine montre comment le franchissement d’un nouveau seuil de civilisation, comme une nouvelle « Renaissance », se traduit par une crise des représentations et des modèles que l’on croyait opérants et par une crise de Sens qui, elle, nous met en face de nouvelles responsabilités et de nouvelles exigences assorties d’une nouvelle conscience.

Les travaux de l’Humanisme Méthodologique (Université de prospective humaine) apportent là des moyens de discernement et d’action appropriés tant pour comprendre ces crises que pour les dépasser.

La crise financière par exemple marque trois basculements qui peuvent servir de repères.

Premier repère : sortir de la dissociation entre la valeur et les valeurs.

On voit bien que la valeur résultant d’un fonctionnement calculé (mathématiques boursières, spéculations, gestion opportuniste, comptabilités) et les valeurs, humaines, éthiques, sociales… se sont trouvées dissociées(*) avec la caution « scientifique » des économistes et gestionnaires. Or le bien lié à l’enrichissement matériel n’échappe pas au jugement de valeur qui guide et justifie l’action humaine, le bien de l’homme.

Pour résoudre ce problème devenu criant dans la conscience collective à cette occasion, il a fallu repenser la notion de valeurs. Loin des idéalités universelles ou des intérêts très particuliers la notion de valeurs est attachée à la notion de bien commun donc de communauté humaine.

Les valeurs valent pour le devenir d’une communauté humaine, pas pour sa conformité à quelque idéalité ni pour un intérêt particulier communautaire (comme dans les comportements corporatistes par exemple).

En fait les valeurs propres d’une communauté expriment de façon circonstanciées le « Sens du bien commun ». Il résulte du fait que les communautés humaines sont, au fond, des communautés de Sens qui ont besoin de repères pour cultiver le Sens du bien commun parmi d’autres qui ne le sont pas. C’est d’ailleurs une des acceptions de la notion de culture, active : la façon de poursuivre (cultiver) le Sens du bien commun d’une communauté de Sens (d’enjeu et de devenir).

Les valeurs (propres) sont des indicateurs (circonstanciés) du Sens du bien commun d’une communauté de Sens.

Le Sens du bien commun vise toujours la réalisation de biens communs, enjeux et richesses, mais aussi d’un progrès d’humanité dont la conscience collective, la compétence collective, l’autonomie collective (empowerment) sont des critères ainsi que les services apportés aux membres de la communauté ou même à d’autres communautés.

Les valeurs constituent pour la communauté des indicateurs du Sens du bien commun qui s’incarnent dans les biens communs et services qui traduisent le potentiel propre de la communauté humaine en question.

Notons qu’il s’agit de communautés sociales, politiques, économiques, d’entreprises comme de pays ou communes, de sociétés ou d’associations et toutes les formes classiques ou nouvelles de communautés d’enjeu et de devenir.

Alors « la valeur » est très simplement la mesure de la contribution d’un acte, d’une production, d’un service à un bien commun de la communauté où elle se mesure (marché aussi bien). Les valeurs vont servir à construire les échelles de valeurs où la valeur sera mesurée.

Voilà le lien restauré.

Du coup la performance de l’action ou ses résultats n’ont de valeur qu’en fonction des valeurs propres d’une communauté d’enjeu. On parlera ainsi de socio-performance pour qualifier, évaluer et mesurer la valeur en fonction des valeurs d’une communauté de référence, communauté d’enjeu, communauté de Sens, communauté culturelle, communauté de développement.

Deuxième repère : la fin de la domination de l’individualisme radical.

Une des expressions de cet individualisme radical est celle qui considère que l’intérêt général ne peut résulter que de la coalition des intérêts individuels. Qui ne voit la formidable exonération de conscience par rapport au bien commun. Résultante mécanique ou main invisible?

La caricature du libéralisme économique justifiant tout ce qui satisfait quelqu’intérêt, indépendant du bien commun, préfère forcément qu’à la communauté se substitue une forme d’universalité.

L’individualisme radical est aussi par essence spéculatif. Il rompt le lien de valeur entre l’investissement et le gain. Miser moins pour gagner plus c’est s’investir moins pour obtenir plus. La spéculation n’est pas que le fait de spéculateurs boursiers mais de tous ceux, égo-centrés, qui essaient de s’économiser tout en prenant sur les autres. Mentalité parasitaire d’une société de consommation…

Qui ne voit que la liberté est dorénavant associée à l’investissement personnel dans les enjeux communs. Mais n’est ce pas un autre Sens de la notion d’investissement? L’investissement industrieux et l’investissement spéculatif sont de Sens opposé. La crise bancaire le démontre malgré les tentatives de confusion de bien des experts.

En fait le principe du concours des intérêts particuliers à l’intérêt général ne vaut que si au préalable les intérêts particuliers sont référés au Sens du bien commun, aux biens communs, aux valeurs propres d’une communauté donnée dont les échelles de valeurs permettent de mesurer la valeur des contributions.

Au fait qu’est ce que l’individualisme radical? C’est une conception de l’individu, cause et juge de lui-même et dont le collectif n’est au mieux qu’un espace d’échanges.

Là les tenants du collectivisme radical qui suspectent toute initiative individuelle, toute différence et toute altérité de prédation vis-à-vis de l’intérêt général se réjouïssent. Ils ont tort. Le collectivisme radical est mort avec la chute symbolique du mur de Berlin. L’individualisme radical est mort symboliquement avec l’effondrement boursier et celui de la logique spéculative.

Bien sûr ils font toujours partie l’un et l’autre de la nature humaine et ses Sens correspondants. Ils sont morts historiquement de leur succès, révélateur de leur mensonge sur l’homme et les réalités humaines et de leurs complicités antagonistes. Du moins nous avons assisté au début de la fin.

L’Etat ou le marché? C’est de l’histoire ancienne. La réponse c’est la communauté. Etat et marché y sont subordonnés…

Le temps des communautés de Sens orientées vers la culture des libertés responsable peut maintenant se déployer. Seulement c’est toute la connaissance de l’homme et des phénomènes humains, toute une compréhension de l’action humaine, personnelle et communautaire, et la réorientation des affaires humaines qui et en jeu. Un immense chantier s’ouvre maintenant dont il ne faut pas sous-estimer la charge, la complexité et la nouveauté radicale.

Troisième repère : de l’économie systémique à l’économie communautaire.

Le système a failli. Les lois de l’équilibre n’ont pas joué au grand désarroi des experts dont les certitudes ont été ébranlées malgré les tentatives de rationalisation à postériori ou les « je vous l’avais bien dit ».

En fait ce qui commence à se révéler c’est que le système n’est la cause de rien, pas plus qu’il n’a de lois agissantes. Le système n’est qu’une représentation de l’esprit humain et seul l’homme agit et nulle part ailleurs qu’au sein de communautés humaines, seuls lieux des questions de valeurs.

Il ne s’agit que de phénomènes humains avec des bouffées émotionnelles ou des motivations diverses. C’est ce que défend aussi Georges Soros. La pensée mécaniste avec son avatar sytémique l’a révélé à « l’échelle du monde ». Elle a masqué cette réalité. Il n’y a d’économie que communautaire.

Cela veut dire que les valeurs économiques, les biens et services ne doivent être référés qu’au Sens du bien commun d’une communauté donnée, d’une communauté de référence.

L’économie est culturelle, dans ses valeurs, on l’a vu, mais aussi dans ses enjeux, ses pratiques, ses organisations et même ses règles.

On voit bien que les valeurs et comportements économiques et leurs enjeux ne sont pas les mêmes selon les pays, selon les cultures, territorialisées ou non.

De même il faut considérer trois types de communautés économiques. Les communautés économiques de proximité dans le champ des relations et des échange directs. Les communautés économiques de marché de différentes tailles, avec des médiations indirectes. La communauté monde, lieu d’échanges intercommunautaires des marchés.

Prétendre imposer les règles de l’économie monde sans que les valeurs de son bien commun et son Sens soient clairement explicitées est destructeur de même qu’imposer l’économie de marché aux économies de proximité obère l’autonomie et le développement micro-local.

Servir ou se servir du système économique universel fictif doit laisser la place à l’implication dans les économies communautaires. Evidemment il y a une nouvelle complexité à assumer, c’est celle des communautés de communautés à toutes les échelles.

L’ingénierie de l’Humanisme Méthodologique dispose des moyens conceptuels et méthodologiques de l’entreprendre.

(*) Certains ont utilisé une interprétation discutable de la parole évangélique (rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu) En effet les mettre sur le même plan revient à séparer des domaines de même ordre, d’un côté la valeur de l’autre les valeurs plutôt que les hiérarchiser. Ainsi la valeur n’est mesurable qu’avec une échelle de valeurs…

Voir notamment

Le renversement économique

L’erreur économique : l’économie parasitaire systémique

Pour aller plus loin

Le paradigme communautaire

Economie communautaire et développement approprié

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