Systèmes politiques

Dans la crise du politique, ce sont toujours les mêmes systèmes, les mêmes régimes, les mêmes discussions qui sont en jeu. Tout se passe comme si rien n’avait été retenu de l’histoire récente et ses falsifications. Alors on dénonce les uns ou les autres, on veut aménager opportunément telle ou telle procédure, telle ou telle loi constitutionnelle, on propose des arrangements qui deviennent slogans d’autant plus partagés qu’ils sont vides de contenus. Les questions essentielles, celles qui sont sensées être celles des fondements sont soigneusement laissées de côté. Le bouleversement du monde et de toutes les configurations des sociétés et communautés humaines laisse sans interrogations sur ce qui se passe, émerge et réclame une nouvelle pensée du politique. En voici quelques repères, sommaires mais suffisants pour discerner quelques enjeux fondamentaux.

Nous sommes en un temps de mutation et de crise du politique. Le sentiment de décomposition des modèles existants va avec différentes attitudes:

– continuer comme si de rien n’était

– une crispation sur des modèles idéologiques antérieurs,

– une régression primaire ou archaïque négatrice du politique.

Une aspiration a une autre conception du politique reste malheureusement incantatoire, sans que les efforts conceptuels et opérationnels soient consentis.

La crise de Sens du politique auquel cela introduit néanmoins mérite de poser un certain discernement pour repérer les conceptions du politique qu’il s’agit d’éviter et d’ouvrir un nouvel horizon où le lien entre la question politique et la cité est rétabli dans le Sens du bien commun.

Les logiques ou Sens du politique à discerner.

1) La logique de puissance et d’emprise, fascisme et tyrannies

Établie dans le Sens de la possession une disposition bien humaine, elle assimile le politique à la question du pouvoir, pouvoir sur la population, pouvoir contre les rivalités intérieures ou extérieures.

La communauté est conçue comme une entité glorieuse ou défensive, à la mesure même des luttes d’emprise des différents partis. La volonté de puissance, la domination au nom de la communauté, sa gloire ou sa défense contre “l’ennemi” intérieur ou extérieur, justifient toutes les manœuvres d’un système immoral.

Il se justifie aussi par sa fonction protectrice et nourricière où se trouve légitimé un pouvoir sans beaucoup de scrupules, reproduit dans de multiples organisations. C’est là d’ailleurs que se nourrissent fascisme et tyrannie aux divers degrés que l’on connaît.

2) La logique de système naturel et les totalitarismes.

Le totalitarisme s’appuie sur une conception du monde qui se veut exhaustive, scientifique, naturelle. Elle enserre l’humanité dans un système où est niée la transcendance que lui confère sa liberté ontologique.

Le totalitarisme n’a pas de Sens, il n’a que des lois et des règles sensées être naturelles ou établies en fonction de principes naturels. De ce fait, il n’y a pas à en discuter (pensée unique) et il n’y a pas à s’en écarter.

Cette conception du politique est profondément amorale, “sans états d’âmes” et peut emprunter les arguments de tous les autres conceptions pour peu qu’elles servent à “épurer” les dysfonctionnements ou les “anomalies” constatées. L’abominable se trouve justifié par la seule loi, par la seule rationalité instrumentale (“il le faut bien”… “c’est la loi, ou la procédure”).

Le totalitarisme se veut impersonnel c’est pour cela que tout le monde peut se faire juge de conformité nécessaire au système.

Le totalitarisme s’assortit d’une étrange équation, individualisme – holisme ou l’individu se trouve justifié par l’abandon de toute responsabilité morale au nom de la conformité aux lois de la (sa) nature. La justification de toutes les “éliminations” systémiques, systématiques, est ainsi établie.

L’illusionnisme démocratique.

Ce n’est pas la démocratie qui est en soi une illusion mais celle qui est sensée être en vigueur qui est un illusionnisme et de ce fait une hypocrisie.

Eviter les travers des régimes précédents est la justification la plus fréquente ou bien assurer le progrès de l’humanité à la différence de ces régimes. Cette démocratie repose sur la supposée perfection, tant d’une “cité idéale” que d’un jeu de “représentations” substitué aux réalités humaines. Une conception moraliste s’associe d’ailleurs à une méfiance de l’humanité réelle au profit d’une humanité idéale et d’une pure construction mentale.

Ce jeu de construction “idéologique” est conçu comme un jeu de scènes, un jeu de “représentants” et de représentations, dont le bon déroulement est le garant de la vertu démocratique.

Il n’est pas étonnant que les servants de cette mise en scène (ceux de l’Etat par exemple) en deviennent les maîtres (technocratie), artifices de l’illusion démocratique. Le “fonctionnement des institutions” est aussi le garant d’une démocratie de citoyens modèles, sages comme des images, pas comme des êtres humains et qu’il faut donc policer en conséquence. C’est ce à quoi s’adonnent les institutions, éducatives ou d’autres.

L’inhumanité de l’illusionnisme démocratique réveille évidemment les tentations précédentes surtout dans un moment de crise de Sens, de crise morale aussi.

L’alternative à ces trois régimes cherche son principe, non dans la nécessaire domination de l’animal humain, non dans l’évidence des lois de la nature des choses dont il faut bien assurer la maintenance, non dans une illusion de maîtrise rationnelle et progressiste du fonctionnement collectif mais dans une compréhension de l’humanité des personnes et des communautés humaines et leur accomplissement.

Le politique est l’exercice de cette charge qui consiste à déterminer le Sens du bien commun de la communauté et favoriser son accomplissement.

On peut pour cela parler de “démocratie élective” pour tout ce qui contribue à cette détermination, cette “élection” du Sens du bien commun qui est facilité par son incarnation dans une personne qui devient “l’élu du cœur” de la communauté. Son rôle, son statut et les procédés de l’élection sont une question de culture et non pas de nature, de pouvoir ou de norme idéale.

Cette référence au Sens du bien commun est aussi le principe éthique de la vie collective et du politique.

On peut ensuite parler de démocratie représentative lorsqu’il s’agit de décliner le “Sens du bien commun” selon les multiples catégories que la complexité et la diversité de chaque communauté humaine réclame.

Pour mettre en projet le Sens du bien commun encore faut-il le décliner dans des langages et des circonstances multiples. A ce stade des “règles communes”, des modèles conventionnels sont institués. Ils nécessitent des représentations spécifiques du Sens du bien commun et donc des “représentants” dans lesquels se reconnaissent les différents groupes constituant la communauté politique. Le découpage territorial n’est évidemment pas le seul à prendre en compte. La “proportionnalité” ne joue aucun rôle à ce stade dès lors que le jeu de la démocratie élective se règle par ailleurs (et par avance).

Vient ensuite la démocratie participative. Elle consiste dans la participation des personnes ou des groupes à la vie de la cité, aux affaires communes et leur réalisation selon les “représentations” définies, en fonction du Sens du bien commun. La démocratie participative ne confie pas la réalisation des affaires communes à d’autres, sauf à se faire aider. C’est cela la vie en communauté, une vie réellement humaine.

Cependant il faut alors intégrer deux facteurs.

Le premier c’est la diversité des cultures humaines qui donnent à ces principes des contenus très différents. La normativité rationaliste, idéaliste ou scientiste ne le comprend pas.

Le second est la question de la maturité des hommes, des groupes humains et des communautés humaines et l’hétérogénéité en la matière. C’est ce qui justifie que des personnes soient en charge de responsabilités à la mesure de leurs capacités, y compris politique, y compris démocratique.

C’est pour cela que des rôles sont confiés, sont à assumer. Ces rôles, voués à l’accomplissement du bien commun, sont donc par cela aussi voués à la maturation des hommes, des groupes et de la communauté. Mais ce n’est là que le Sens même du politique, le Sens de l’accomplissement du bien commun, à toutes les échelles.

Ces quelques indications schématiques sont destinées à trier parmi les régimes, qu’il est inutile de chercher à amender puisque c’est leur Sens même qui est en question. L’alternative que l’Humanisme Méthodologie développe sous de multiples formes demande à ce que des principes nouveaux soient compris, intégrés. Elle demande aussi le renoncement à une uniformité de “recettes” qui est un déni du politique comme on le voit lorsque les normes juridiques ou “scientifiques” font loi.

Il est assez aisé, si on s’y attache, de discerner le Sens des propositions qui nous sont faîtes et pourquoi pas d’en forger d’autres, pertinentes dans les diverses circonstances à assumer.

voir notamment : Pour une refondation du politique et de la démocratie