Positionnement et identité territoriale

Le souci de l’identité territoriale monte en puissance. S’il est signe d’une prise de conscience communautaire et d’un positionnement pour le futur, il est aussi le lieu d’une persévérance dans des erreurs qui conduisent à des impasses, familières certes mais redoutables quand même.

C’est la question du tourisme qui soulève le plus souvent le problème, suivie quelque fois de celle de l’attractivité économique.

Trop souvent la question s’est posée ainsi “Comment attirer des touristes ou des activités économiques?” De là  l’identité s’est présentée comme une image séduisante à construire pour capter l’intérêt.

Les habitudes publicitaires anciennes sont venues avec leur proposition de mettre en scène le territoire comme un produit en utilisant les signes et les images à la mode. Grandes campagnes publicitaires, souvent dans le métro ou quelque revue spécialisée ou réduction vulgaire à quelque logo et charte graphique ont ramené  l’identité du territoire à une affaire de propagande esthétique.

C’est avec la venue de troubles, de pertes de clientèles, d’incertitudes pour l’avenir que la question de l’identité territoriale revient avec une nouvelle interrogation. “Pourquoi les touristes et autres sources de richesses viendraient-ils ici plutôt qu’ailleurs ?” La réponse est venue rapidement : “parce que nous saurons mieux présenter nos atouts face à la concurrence”.
Dès lors sous différentes formes, notamment celle de “l’audit identitaire”, un exercice nouveau se fait jour. Il consiste à “construire une photographie avantageuse adaptée à une conjoncture hypothétique”.

Pour cela il faut évidemment définir à quelle cible et pour quel usage communiquer une telle identité. C’est “le besoin” ou des hypothèses sur “la demande” qui viennent d’abord. Ensuite il s’agit de rassembler des signes patrimoniaux à la valeur conventionnelle, pour construire un tableau supposé alléchant. La création d’une marque vient compléter ce tableau, au moment d’ailleurs où les marques sont remises en question.

A ce stade on entend dire qu’il faudrait que les habitants soient les ambassadeurs d’un tourisme, qui s’avoue ainsi subi. Il faudrait que les territoires s’habillent des valeurs du moment pour en vêtir leurs atouts dans le jeu concurrentiel.

Il s‘agit là de nulle authenticité et donc nulle identification possible au territoire tant de la part des habitants que de la part des visiteurs potentiels.

Territoire de destination? Peut être mais certainement pas pour cet accoutrement dont l’essentiel est banalisé (Quel territoire n’est pas vert aujourd’hui ?). Seuls certains atouts restent attractifs et souvent pour d’autres motivations que celles visées par la communication d’une identité de surface, d’un investissement dans la superficialité.

Combien de fois avons nous vu que des sites très attractifs n’avaient fait l’objet d’aucune étude de motivation en profondeur ce qui n’empêchait donc pas une communication identitaire déplacée. Des touristes semblent en savoir quelques fois plus sur le Sens et les valeurs de ce qui les intéresse que ceux qui en ont en charge la promotion.

Les connaissances, savantes même, ignorent souvent les ressorts symboliques, ceux de l’imaginaire et de l’affectivité, les moteurs d’une attractivité réelle. Mais les clients en savent-ils toujours plus, consciemment ? La connaissance des motivations humaines sait bien qu’elles sont souvent inconscientes et que c’est là que se déterminent les comportements, les décisions et les fidélités.

La communication d’une identité ne vaut que si elle fait écho en profondeur. C’est une médiation entre ceux qu’elle identifie, une communauté territoriale, et ceux à qui elle s’adresse et qui vont “s’y reconnaître”. L’identité affichée n’est pas l’identité réellement efficace. Elle en est  une expression, une médiation. C’est pour cela que les investissements dans ce type de pratiques identitaires de surface restent et resteront vains. Les surenchères, malgré quelques succès provisoires, ne font et feront qu’accompagner les déceptions.

Où en est-on de l’identité de la France dans l’enrichissement des séjours touristiques et les implantations économiques.

Où en est-on de l’identité des régions, territoires de destination, après un quart de siècle de décentralisation.

Où en est-on de l’identité des départements pour véhiculer une cohérence et des valeurs communes.

Où en est-on de l’identité des intercommunalités régies par des contraintes gestionnaires et administratives.

Où en est-on de l’identité des villes, des communes ou leurs groupements, de ces territoires qui ont subi leur destin au 20 ième siècle et même avant et qui s’éveillent, démunis, à de nouveaux horizons, à de nouveaux mondes ?

Des initiatives émergent, piégées encore par les logiques précédentes. Des territoires essaient de se rencentrer sur une identité, à la fois authentique, actuelle et prometteuse pour le futur. A Marseille, à Brest, au Mans et dans de nombreux territoires où l’on se rappelle que l’on n’est pas né d’hier et que l’avenir est dans le monde qui s’ouvre, malgré les péripéties administratives et les conditionnements subis.

C’est en tant que communautés historiques, même récentes, que communautés culturelles, que communautés de devenir ou de projet que s’éveille ce qu’il faut bien appeler une “conscience identitaire”, laminée par les réductionnismes et automatismes de tous ordres des “temps modernes” qui s’achèvent.

Mais la question cette fois se fait triple, “d’où venons nous, qui sommes nous, qui voulons nous devenir?” C’est une identité culturelle prospective qui peut y répondre alors.

L’identité est ici une expression consciente prometteuse issue d’un inconscient collectif complexe. C’est le meilleur de ce patrimoine identitaire, de cet “inconscient collectif” communautaire, qu’il s’agit d’identifier puis d’exprimer.

L’identité ainsi projetée, promesse originale, s’adresse tant aux habitants qu’aux visiteurs potentiels. Ce qui les réunit ce sont des valeurs à partager, un Sens, des valeurs identitaires et par là-même identificatoires.

L’expression de cette identité prometteuse ne vient pas habiller, travestir les atouts et autres patrimoines. Elle vient les “mettre en valeur”, signifier leur valeurs singulières, toucher au symbolique, à l’imaginaire, à l’affectivité, autant qu’à la raison et l’intérêt.

Il y a donc tout un investissement à faire, d’abord sur cet “inconscient collectif” que seule une “sociologie des profondeurs” comme l’humanisme méthodologique peut mettre à jour. Les études de cohérences culturelles que propose l’Institut Cohérences n’ont pas d’équivalent aujourd’hui. Elles permettent d’élaborer sur des fondements profonds un référentiel identitaire où on va retrouver intégrées une dimension rétrospective, une dimension introspective et une dimension prospective.

C’est sur ce trépied que pourra être construite une expression identitaire, mobilisatrice de la communauté territoriale et attractive pour ceux qui l’apprécient, son “marché potentiel” et sans doute déjà en partie actuel.

Dès lors les ambassadeurs du territoire ce sont tous les “amateurs” qui ont à cœur de le fréquenter et de faire partager les valeurs qu’ils apprécient.

Les territoires en viendront progressivement à s’identifier non seulement à la communauté des habitants, géographiquement rassemblés, mais aussi à la communauté virtuelle de tous ceux qui fréquentent et apprécient une culture et ses valeurs bien au-delà des frontières géographiques dans ces espaces virtuels qu’internet rend si proches et bientôt si actifs.

C’est là la mutation qui se prépare qui est déjà en marche et dont l’identité communautaire est la condition d’existence et de prospérité. Un territoire sans sujet communautaire, sans conscience collective, sans identité prometteuse authentique, sans valeurs originales n’a pas d’avenir autant qu’il est incapable d’une volonté collective et d’un réel projet de développement.

Le tourisme des valeurs est une perspective d’éveil d’une identité culturelle prospective et donc d’une telle conscience collective motrice de développement dans la nouvelle donne que la mutation organise.

Il est notable à l’expérience que la mémoire ou les signes d’identité retenus à un moment donné ne sont pas toujours les meilleurs, les plus significatifs. Cela est du aux problématiques historiques et aux effets de mode. C’est pour cela que la profondeur de l’analyse est décisive. L’image d’une “psychanalyse identitaire” est techniquement fausse mais cependant évocatrice des enjeux, même là ou l’histoire semble évidente. De même la projection prospective doit se nourrir d’une  véritable “vision du futur” qui dépasse les idées convenues et intègre des tendances de fond.

C’est à ce prix que l’identité communautaire constituera la base d’un positionnement, d’une ambition, l’expresion d’une vocation et de toutes les promesses que cela comporte. C’est à ce prix aussi qu’une dynamique collective peut être engagée et qu’une attractivité durable, celle d’une véritable destination pourra être reconnue et stratégiquement active.

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