Sphérologie des mondes humains

La rencontre d’un étrange voisin, à plus d’un titre.

« Règles pour le parc humain » (1999) , réponse du penseur allemand à la « lettre sur l’Humanisme » d’Heidegger, avait créé un grand émoi dans le monde intellectuel et philosophique. J’avais observé l’explosion de rages suscitée, comme celle d’une bombe émotionnelle. En général ce sont des affects noués, ficelés par quelques formules idéologiques qui se trouvent libérés brutalement.

Ce qui m’avait frappé c’est d’ailleurs cette exposition de l’humanisme classique comme un dressage humain. Pas étonnant pour l’élevage d’un « animal rationnel » et quelques fois aussi passionnel.

C’est à ce moment là que j’ai choisi l’expression d’Humanisme Méthodologique pour nommer l’ensemble anthropologique de la théorie et l’ingénierie des Sens et cohérences humaines. Prise de position parmi différents types d’humanismes, tous antihumanistes par quelque bord. La charte de l’Humanisme Méthodologique

La lecture d’un livre d’entretiens avec Hans-Jügen Heinrichs (Hachette littératures 2004) m’amène à nouveau à rencontrer une pensée qui croise celle de l’Humanisme Méthodologique.

Avec l’idée de bulles, globes et sphères l’auteur rejoint celle des communautés-mondes. Faits de conSensus, les réalités communautaires constituent les mondes humains qui constituent nos existences. J’ai notamment distingué, mondes de proximité, mondes culturels, monde universel, autant de mondes « virtuels » mais, comme le dit Michel Serres, d’un virtuel qui est la chair de l’homme. Mondes et communautés humaines

Peter Sloterdijk montre comment ces « bulles » humaines sont tissées de ce qui constitue l’intime de l’intériorité humaine renouant avec cette intériorité comme substance même des mondes « qui nous entourent ». Cela rejoint les différentes composantes de l’existence et de l’expérience humaine, constitutives de la réalité, de nos réalités, tel que je l’ai montré, ainsi que des différents âges de maturité.

Avec le thème de la « cité intérieure » Les portes de la cité intérieure j’avais souligné que les espaces virtuels que nous constituons étaient aussi comme intérieurs. Ce ne sont plus seulement les hommes qui habitent les mondes mais les mondes qui nous habitent avec leurs espace-temps au grand complet.

La théorie des conSensus et celle de la structuration cohérencielle de l’existence et des réalités seraient sans doute très utiles à Peter Sloterdijk qui me semble élaborer lui aussi un humanisme radical. Elles lui apporteraient sans doute une ingénierie des sphères humaines, propice à la reconstruction des mondes à faire vivre, dans lesquels nous voulons vivre.

Dans la convergence avec le projet d’une université de prospective humaine il faut citer ici la vision d’un biochimiste Philippe Marlière qui parle de la façon dont l’homme va construire à l’avenir des « mondes naturels » à partir de nouveaux langages génétiques. Peter Sloterdijk y verra aussi le renversement d’une sphère matricielle englobante. Il faut citer encore le thème « Les communions humaines » de Régis Debray qui pose aussi la question du tissage des liens communautaires, milieux où vivent les hommes. On y conjoindra l’émergence d’un néologisme dont la traduction officielle marque un tournant dans un pays qui a voulu détruire toutes sphères communautaires, laissant les individus démunis face à l’universel du monde pour y placer l’Etat comme seule médiation possible.

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