Mondes et communautés humaines

Si l’homme est ontologiquement seul il est existentiellement partie prenante des mondes où il vit et qui sont les mondes réalisés par les communautés humaines auxquelles il participe.

Une des premières conclusions del’anthropologie de l’humanisme méthodologique c’est quel’homme n’existe pas sans les autres, mieux, que le monde, n’existepas hors de l’expérience humaine partagée par effetde conSensus entre les hommes.

C’est dans la relation entre les Instanceshumaines que les individus et leur environnement apparaissentà l’expérience qui leur semble alors commune. Comprenonsque si les personnes n’ont pas conscience de leur Instance (casle plus fréquent) alors elles ne peuvent connaîtrela source de cette expérience et ce qu’elles expérimententleur apparaît comme déjà là : monde,choses, individualités.

Ensuite on spéculera sur l’origine,la cause, les changements de ces réalités en cherchanten elles-mêmes l’explication ou alors dans quelque puissanceextérieure non localisée. De là toutes sortesde philosophies élaborées par les hommes, selonle Sens dans lequel sont (inconsciemment) disposés leurInstance et leurs conSensus.

Dans le Sens où nous nous situonsil faut bien voir l’importance des communautés humaines.Toutes les réalités, les univers d’existence, lesmondes où nous vivons sont le fait de conSensus collectifs,communautaires.

Nous n’existons principalement que dans et par les communautés humaines dont nous sommes parties prenantes. Bien sûr, dans le contexte existentiel de telle ou telle communauté, le jeu complexe des relations, des groupes, donne une infinie variété aux façons de vivre un consensus communautaire et d’y vivre aussi l’inscription d’autres communautés.

Ainsi on peut dire que toute communauté humaine est communauté de communautés mais aussi que toute communauté humaine participe de l’humanité entière en tant que communauté des hommes.

Arrêtons nous sur quelques communautés.La famille qui offre un cadre existentiel à l’émergence d’une nouvelle individualité dans une filiation des personnes.Les groupes d’amis, d’activités, de travail qui forment des espaces où nous jouons quelques rôles différents de l’un à l’autre. Les communautés professionnelles,les groupes sociaux mais aussi les communes et les collectivités territoriales sont autant de communautés. Régions,nations, continents jusqu’à l’humanité entière offrent autant de cadres existentiels, de mondes où exister,évoluer et aussi prendre quelque responsabilité.

Toute communauté humaine est, au fond, une communauté de Sens. Elle est fondée dans un Consensus celui d’une Cohérence ou ensemble de Sens parmi lesquels souvent l’un prédomine à tel ou tel moment. Autant une Cohérence est une part d’humanité dans l’Instance, autant la communauté qu’elle sous-tend représente une part de l’humanité entière existentiellement parlant y incarnant sa part d’humanité essentielle. C’est là un des rôles majeurs des communautés humaines, leur vocation d’avoir à témoigner de leur part d’humanité et si possible dans le meilleur Sens.

Une communauté humaine n’est pas une collection d’individus (comme une collection d’objets) mais une communauté de personnes donc communauté de Sens et expérience réalisante partagée, c’est-à-dire aussi un monde peuplé d’individus.

De ce côté nous pouvons appliquer à ce monde les structures du cohérenciel.

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On y trouvera :

– Une orientation, une motivation, une aspiration apparaissant comme une ’intention collective’ faisant de la communauté une sorte de sujet. Beaucoup de conceptions font ’abstraction du sujet’ communautaire et traitent la collectivité comme un objet, un système sans âme éliminant l’humain et l’humanité des personnes qui y participent (devenusquelquefois objets statistiques)

– Un contexte, une situation centrée autour de quelqu’objet de référence, un lieu, une langue, un thème d’intérêt, un livre, un mythe,etc. La communauté apparaît alors comme un milieu complexe composé d’acteurs et de facteurs que l’on peut analyser, décompter, mettre en rapport.

– Une histoire et un développement avec ses processus, ses péripéties, ses avancées,ses réalisations, son évolution mais aussi ses projets pour le futur.

– Un champ de sensibilités partagées,affects spécifiques qui donnent souvent un sentiment d’appartenance(ou de répulsion). Celui-ci devient aliénant lorsqu’il est identifié comme fondateur de la communauté (à la place du Sens) et donc aussi des individus.

– Tout un jeu de comportements, d’usages,d’outils, de savoir-faire, de productions, d’aménagements,manières d’exister factuellement. Lorsque la communauté s’identifie aux choses auxquelles elle se mesure alors les individus deviennent choses parmi les choses et se traitent mutuellement comme tel.

– Un ensemble de représentations mentales imaginaire collectif, expressions, langues, oeuvres identificatoires,modèles, structures, formalismes. Là aussi lorsqu’on en fait l’essentiel de la communauté, les personnes sont aliénées à leur statut, aux normes idéologiques,aux modèles existentiels et sont traitées comme de pures abstractions qu’il est d’ailleurs alors plus facile d’administrer au sein de grandes structures rationalisées et réglementées.

Nous devons compléter ce tableau de l’existence communautaire, celle du monde propre à chaque communauté humaine par l’expérience de l’intégralité qui place les personnes dans la réalité commune sur le plan existentiel mais aussi comme coauteurs de l’existence commune par conSensus des Instances. Alors on voit se dessiner la possibilité de rôles et responsabilités communautaires dès lors qu’une conscience de Sens suffisante commence à émerger.

Nous voyons l’importance des communautés humaines comme champs d’existence individuelle mais aussi comme champs d’accès à une maîtrise, à une liberté, à un accomplissement personnel. Celui-ci ouvre aux responsabilités communautaires, notamment cellesdu devenir commun.

Il ouvre aussi à la question du Sens du bien commun.

En effet si toute communauté est communauté de consensus sur un ensemble de Sens (Cohérence)on doit considérer qu’il s’agit d’y poursuivre ’le meilleurSens’, celui par lequel se cultive le discernement des Sens et l’évolution des personnes vers une plus grande autonomie,une plus grande liberté, une plus grande maîtrise.

Cette conscience d’être (Sens en Instance)amène simultanément à la découverte de l’unicité de la personne (sa solitude ontologique) et au fait qu’elle n’existe que par et dans la communauté(ou des communautés) et qu’ainsi toute son existence et son action ne valent que par leur contribution au bien commun.Le meilleur Sens de la communauté est bien évidemment pour elle le Sens du bien commun. En le cultivant la communauté évolue vers une plus grande maturité humaine. Elle contribue par ce fait à l’accomplissement de ses membres et mieux encore peut servir le bien commun d’autres communautés.

S’associent donc au Sens du bien commun toute une série de questions posées à toute communauté humaine :

– Comment discerner le Sens du bien commun

– Comment le faire repérer par la communauté

– Comment le cultiver au travers de projets et d’engagements multiples

– Comment éduquer, former des hommes à prendre part à cette poursuite du bien commun.

Ce sont là les questions essentielles du politique, de la culture, du développement et aussi on le verra de la vocation de toute communauté humaine.L’Humanisme Méthodologique trouve là les bases les plus novatrices pour l’action dans et au travers des communautés humaines.

Ainsi toute communauté humaine est une communauté de Sens et dès lors qu’elle est engagée dans le Sens du bien commun, elle est une communauté de devenir, de projet, d’accomplissement, une communauté culturelle où se cultive le meilleur de l’humanité partagée,une communauté de développement humain dont les critères et les méthodes d’évolution sont celles de l’accomplissement de l’humanité. On en verra les conséquences.

Reprenons maintenant une question délicate mais essentielle.

Nous avons pu associer ConSensus – Communauté de Sens – réalité commune. Cette dernière est comme l’actualisation du ConSensus son expression existentielle.Il faut considérer que pour chaque communauté de consensus émerge une réalité commune, un monde dont les structures sont celles du cohérenciel qui en représente le déploiement.

Depuis le Sens en consensus, communauté des Instances, se déploie un monde, une réalité spécifique. A l’inverse toute situation, toute réalité quelle qu’elle soit peut être considérée comme le fait d’un consensus communautaire, comme propre à une communauté humaine.

Ainsi lorsque nous passons d’une communauté à l’autre, d’un consensus à l’autre, c’est d’un monde à l’autre que nous passons et notre existence individuelle n’est plus la même. Nous sommes de ce fait inscrit successivement et simultanément dans plusieurs mondes. Il est alors intéressant de faire ici une distinction, utile par bien des aspects.

Nous sommes inscrits dans des ’communautés de proximité’ (familles, amis, cercles de travail et de rencontre, familiers) et nous y vivons des situations de proximité auxquelles nous participons au travers de relations de proximité.Cela constitue notre monde personnel, celui de notre existence individuelle.

Nous sommes inscrits dans des ’communautés culturelles’ locales, nationales, internationales et, à ce titre, nous partageons plusieurs mondes dont les réalités sont culturelles, différentes de l’une à l’autre.C’est un second niveau de réalité auquel nous sommes confrontés.

Enfin nous sommes de la communauté des hommes et vivons un monde universel dont il est légitime de poser l’universalité des réalités ce que font notamment les sciences (en principe) mais aussi ceux qui posent comme universelles des réalités qui ne sont que culturelles ou encore de proximité.

Chaque fois que nous aurons à traiter un problème, une affaire humaine il sera bon de situer à quels niveaux l’envisager évitant ainsi les confusions meurtrières (ex. L’opinion ’de proximité’ avec la connaissance scientifique ou bien des réalités culturelles avec des vérités universelles).

Il reste à noter que le domaine des communautés culturelles est le champ du politique comme recherche du bien commun. on voit bien que ce qui relève de l’opinion de proximité (démagogie) comme ce qui relève de la vérité universelle (idéologies normatives) sont souvent des obstacles à la pratique du politique. Le refus du fait communautaire débouche sur le refus du politique ou son dévoiement en recherche de pouvoir.

Enfin soulignons que la tangibilité d’une réalité, la puissance de réalisation ou de transformation tiennent à l’étendue du conSensus(personnes impliquées) et bien sur au Sens engagé dès qu’il s’agit d’évaluer ce qui concoure au bien commun. Cela montre l’importance de larges consensus pour les réalisations humaines importantes ce qui sera souvent un enjeu majeur de l’action dans les communautés humaines.