Structures et gouvernement des entreprises humaines 1
Dès que l’approche empirique à courte vue est dépassée, se pose le problème de la représentation de l’entreprise son activité et la maîtrise de sa direction en vue de la faire progresser. La « civilisation » de l’entreprise a mis en évidence la primauté du modèle de l’entreprise humaine, entreprise d’engagement mutuel, entreprise de concourance. Il faut aller plus loin en utilisant la structure cohérentielle pour mieux en maîtriser les conséquences. C’est un véritable théorie des entreprises humaines et de leur « gouvernement qui est dessinée ici là où règnent des modèles empreints d’idéologie ou d’effets de mode mais rarement scientifiques.
SOMMAIRE
Première partie
AVANT PROPOS
INSTITUTION ET CONSTITUTION DE L’ENTREPRISE
THEORIE DU DEVELOPPEMENT DE L’ENTREPRISE
LE COHERENCIEL
Théorie de l’action
La réalisation de l’Entreprise
Le développement de l’Entreprise
STRUCTURE DYNAMIQUE DE L’ENTREPRISE
La vocation de l’entreprise
Le domaine de l’entreprise
Le développement de l’entreprise
Le dynamisme relationnel
Expression et identité de l’entreprise
L’activité de production
Deuxième partie
STRUCTURES ET FONCTIONS DE DIRECTION
TROIS DIMENSIONS INSTITUTIVES
La dimension politique
La dimension économique
La dimension stratégique
TROIS COMPOSANTES CONSTITUTIVES
L’animation des dynamiques relationnelles
La communication
La coordination de la production
Troisième partie
PROBLEMES ET METHODES DU GOUVERNEMENT
DES ENTREPRISES
PROBLEMES ET METHODES DE DIRECTION GENERALE
DETERMINATION D’UNE POLITIQUE GENERALE
Problèmes de discernement
Problèmes de disposition personnelle
Problèmes de conduite politique
Problèmes de relations
Problèmes de communication
Problèmes de décisions
Méthodologie générale: détermination d’une politique d’entreprise
PROBLEMES ET METHODES: ADMINISTRATION ET GESTION
ADMINISTRATION DE L’INFORMATION
Méthodologie générale d’administration de systèmes d’information
PROBLEMES ET METHODES DE DEVELOPPEMENT
PROJETS ET PLANS STRATEGIQUES
Les stratégies de relance
Les stratégies de changement
Les stratégies de conversion
Quatrième partie
PROBLEMES ET METHODES: ANIMATION DES CONCOURANCES
METHODOLOGIE D’ANIMATION STRATEGIQUE
Motivations et concernement des personnes
Compréhension mutuelle
Intégration et cohésion
Dialogue et négociation
La participation active
Dynamique de l’engagement mutuel
Méthodologie d’animation stratégique
PROBLEMES ET METHODES POUR LA COMMUNICATION
Méthodologie générale: communication stratégique de l’entreprise
PROBLEMES ET METHODES
DE MAITRISE DE L’ACTIVITE PRODUCTRICE
Signification et ajustement du travail
La détermination des éléments et conditions du travail
L’organisation du travail
Conception et programmation du travail
L’efficacité du travail
La maîtrise des fruits du travail
La formation professionnelle qualifiante
AVANT PROPOS
L’entreprise est un phénomène qui est devenu central dans les préoccupations des responsables et de nombre de nos contemporains.
Pour les uns, c’est la clé du développement économique, pour les autres, c’est la source mais aussi la solution du problème du chômage. Pour beaucoup c’est le lieu incontournable d’une vie professionnelle et d’un « emploi » devenu plus insécure ces dernières années.
Pour les dirigeants, chefs d’entreprise, pour les cadres aussi, c’est le théâtre de l’exercice de pratiques qui visent à la maîtrise de son activité.
Méthodes, modèles, savoir-faire mais aussi recettes, idées nouvelles, réflexions philosophiques même prolifèrent pour essayer de mieux assurer cette maîtrise de l’entreprise.
Cette maîtrise cependant n’est pas toujours conçue de la même manière. Pour uns, c’est avant tout affaire de gestion ou même de comptes et de résultats financiers. Pour d’autres c’est affaire de stratégies assimilées quelquefois à des jeux concurrentiels où on ne sait pas très bien si les « morts et les blessés » de cette guerre économique le sont « pour de vrai ».
Le « zapping » des représentations semble permettre de concilier réflexion éthique et démolition d’entreprises concurrentes ou même de l’économie d’une région au nom de stratégies de délocalisation. En définitive, au travers de tous les discours, toutes les visions, toutes les pratiques qui ont pour objet l’entreprise, le phénomène reste le plus souvent à expliciter.
Qu’est-ce qu’une entreprise, comment en maîtriser l’existence et le développement ? On ne peut répondre à ces questions sans devoir élaborer au moins l’ébauche d’une science de ce phénomène.
Un corps de doctrine constitué qui supporte une « intelligence » du phénomène d’entreprise et définisse les repères et les méthodes d’un « art de diriger » tel est le besoin qui aujourd’hui se fait sentir, sans être clairement encore identifié, il est vrai.
L’importance d’un tel phénomène mériterait une telle science qui soit autre chose qu’un conglomérat synchrétique, un fratras d’idées toutes faites, des plus superficielles et futiles aux plus profondes, des plus générales aux plus techniques.
Si diriger une entreprise est une profession, où est sa science ? Où est son art ?
S’il existe des écoles de management, où sont les fondements de leur enseignement, où est la cohérence de leur doctrine ?
Quand aux « conseils » qui sont sensés éclairer les dirigeants à quelle école ont-ils été formés?
Tout cela relève encore trop de l’empirisme et malgré des trésors d’intelligence, de réussite, il n’y en a pas de véritable capitalisation de l’expérience. Ainsi chacun est obligé de réinventer son métier de dirigeant tout en faisant le tri parmi toutes les certitudes offertes sur le marché du prêt à penser en la matière.
En fait, l’entreprise est un phénomène de société aussi bien qu’un phénomène humain. La Théorie des Cohérences Humaines montre que, selon le sens dans lequel on voit les choses, le phénomène « entreprise » apparaît différemment.
Ce que l’on appelle « entreprise » n’est pas tout à fait la même chose si l’on tourne le regard dans le sens « de la possession » ou du « rationalisme idéaliste » (cf. « La Civilisation de l’entreprise : l’Entreprise acte de civilisation »).
Les courants de société, les dispositions de la personnalité, les tendances culturelles de tel ou tel milieu privilégient chacun un sens à partir duquel se dessine et se construit une vision et une réalité spécifique de l’entreprise.
La question du choix sera donc posée entre différents modèles sous-tendant et structurant différentes conceptions et voies de maîtrise de l’action.
Chaque sens selon lequel elle est envisagée donne sa cohérence spécifique au phénomène entreprise.
Cette cohérence est à la fois :
Cohérence de la vision de l’entreprise.
Qu’est-ce qu’une entreprise ? Quelle est sa place dans la cité, dans la culture, dans la civilisation ? Quelles en sont les finalités ? Comment s’articulent-elles à celles des personnes et des sociétés ? Telles sont les questions auxquelles, dans chaque sens, se dessine une réponse différente formant à chaque fois un tableau cohérent.
L’essai cité en référence « La Civilisation de l’Entreprise ou l’Entreprise Acte de Civilisation » en donne une idée à partir des grands courants qui animèrent ou ont animé le monde occidental notamment.
Cohérence de la structure des réalités d’une entreprise
Le phénomène entreprise en tant que phénomène humain répond à des lois inhérentes à la nature humaine. De ce fait, il ne devrait pas être fait abstraction, pour un phénomène qui implique un tel engagement personnel et collectif, de cette dimension qu’est l’intentionalité.
Le vouloir, sa nature, sa persévérance, sa transmission sont une des clés de toute entreprise humaine. Cela mérite réflexion, théorisation mais aussi élaboration méthodologique pour aider les dirigeants à diriger.
Or, il existe des modèles d’entreprise où cette dimension n’est pas évoquée comme s’il s’agissait d’une machine ou du jeu de mécanismes dont l’homme ne serait que le servant.
La Théorie des Cohérences Humaines apporte là un double éclairage. Elle montre quelles sont les structures cohérentes de toute entreprise en tant que phénomène humain, entreprise humaine (comment pourrait-il en être autrement ?), et elle montre comment certaines visions de l’entreprise amputent cette structure de telle ou telle de ses dimensions.
L’entreprise est réduite alors à une de ses parties, la production par exemple dans l’industrie ou bien la gestion dans d’autres visions ou bien l’information dans des systèmes modernistes.
A chaque fois aussi une logique explicative différente, de la marche de l’entreprise, est sous-jacente conditionnant évidemment les pratiques et les stratégies du « management ».
Nous aurons ici à envisager la « structure cohérencielle dynamique » de l’entreprise qui en intègre toutes les dimensions, articulées selon les lois de la nature humaine et la logique de cet acte individuel et collectif qu’est une entreprise.
Cohérence de la maîtrise de l’entreprise
Pour certaines visions le pouvoir et le conflit de pouvoir sont le fin mot de la dynamique des entreprises. Pour d’autre, c’est la rationalité de l’organisation. D’autres pensent que tout est affaire d’équilibre et de circulation, l’information en étant l’alpha et l’oméga du contrôle.
Rien n’est faux dans cela sauf d’en faire le principe et non un aspect circonstanciel et subalterne.
La Théorie des cohérences Humaines envisage le problème à la fois du côté de la maîtrise personnelle et professionnelle de l’homme dirigeant ou responsable à quelque niveau que ce soit, et à la fois du côté de la structure dynamique de l’entreprise qui définit ce qu’il y a à maîtriser. En conséquence les problèmes et les méthodes du gouvernement des entreprises, qui font la matière d’un professionnalisme, retraduisent les dimensions d’une maîtrise personnelle et collective de ce phénomène particulier qu’est chaque entreprise.
La Théorie des Cohérences Humaines montre aussi que cette maîtrise peut se penser et s’exercer à plusieurs niveaux. Ce sont des niveaux de maturité des hommes et de leurs entreprises.
Au premier niveau, c’est la maîtrise des choses qui prédomine avec le souci technique de l’efficacité immédiate comme seul horizon.
Au deuxième niveau, la maîtrise de l’organisation de l’entreprise devint plus stratégique et l’articulation des projets, plans et stratégies prédomine pour maîtriser une expansion qui réclame plus de recul et d’intelligence et de rationalisation.
Enfin au troisième niveau c’est la maîtrise des finalités, des responsabilités et des dynamiques collectives qui prédomine sans exclure les autres mais en les dépassant. Il s’agit d’une maîtrise plus « politique ». Le dirigeant n’est plus le simple commandant, ni l’organisateur mais celui qui « donne le sens ».
Pour cela, il situe son rôle à un niveau qui transcende toutes les réalités de l’entreprise mais en retour pour la gouverner, c’est bien chaque dimension de cette réalité qui doit être maîtrisée.
C’est à ce niveau et sous cet aspect là que nous allons développer cette ébauche d’une science de l’entreprise que permet d’échafauder la Théorie des Cohérences Humaines.
NOTA : Toute l’étude ci-après de la structure dynamique des entreprises et de leur gouvernement repose sur le « cohérenciel ». Il s’agit d’une structure ternaire dont la Théorie des Cohérences Humaines montre d’une part qu’elle est la structure dynamique de l’expérience humaine et aussi, d’autre part, celle des phénomènes humains et des « réalités » tels que l’homme les appréhende.
Ce modèle structurel fondamental est donc très général et nous en avons là une application. En outre, il sera aussi fait référence aux méthodes découlant de la Théorie des Cohérences Humaines.
I – INSTITUTION ET CONSTITUTION DE L’ENTREPRISE
La réalité d’une entreprise est chose complexe, d’autant plus complexe qu’elle intègre toute l’épaisseur des sociétés humaines avec, de nos jours, un poids souvent important des techniques et des conditions économiques. Il n’y a véritablement que peu de travaux de recherche qui permettent de comprendre en profondeur la vie et le développement des entreprises. Lorsque cela n’est à laissé à quelques forces occultes, c’est l’empirisme qui règne ou alors quelques modèles dont la sophistication abstraite interdit pratiquement tout usage. Malgré cependant la prolifération des éclairages ponctuels pertinents, on remarque le peu d’intérêt de la plupart des responsables d’entreprises pour de telles observations sinon à titre anecdotique. Tout se passe comme si l’idée même d’une science de l’entreprise était encore inouïe. Or, pendant le même temps, nombreux sont ceux qui s’interrogent, cherchent à mieux faire et surtout donner une perspective à leur métier de responsables.
Les idéologies et les scientismes régnant, il leur est déjà difficile de s’en distancer, mais c’est pour se retrouver face à eux-mêmes, isolés dans leur questionnement. C’est justement là qu’il faut aller chercher les racines de la compréhension de l’entreprise: dans l’expérience vécue des hommes d’entreprise.
Cependant pour ne pas sombrer dans la complaisance et l’empirisme, il est nécessaire de penser cette expérience, de penser l’entreprise. C’est la condition d’un véritable professionnalisme que d’être capable de penser son art et son métier pour en développer la maîtrise, les faire progresser et y exceller. La différence entre un amateurisme habile et une maîtrise professionnelle se trouve là.
C’est ce à quoi nous allons nous attacher maintenant : penser l’entreprise. Pour cela, il nous faudra partir de sources et de principes simples mais aussi ne pas craindre de mettre en question des idées reçues surtout celles qui paraissent aujourd’hui les plus établies par effet de mode, même à l’échelle du siècle.
Nous aborderons d’abord la théorie du développement de l’entreprise qui permet de comprendre quelles sont les dimensions qui y concourent. Ensuite, nous en arriverons à son gouvernement, à ses principes et à ses modalités qui concernent tous les partenaires de celle-ci.
1 – THEORIE DU DEVELOPPEMENT DE L’ENTREPRISE
LE COHERENCIEL
L’entreprise existe en se développant. Ce développement est le déploiement de ses réalisations et en constitue l’évolution. Il peut être expansion ou régression. Il peut s’exprimer en termes de mutations, de redéploiements et de bien d’autres façons encore. La question que nous allons nous poser d’abord est celle-ci : de quoi résulte ce développement ?
Nous verrons ainsi que si le développement est une résultante, celle-ci a d’autres dimensions qui l’instituent et la constituent.
A) Théorie de l’action
Il est fréquent d’utiliser une telle référence lorsqu’on traite de questions d’entreprise. Elle ne sera ici valide que si on ne réduit pas l’action à la production d’un effet par l’exercice d’une force et si on l’étend au fait d’entreprendre tout entier. L’action est ici entreprise.
Nous prendrons comme modèle le tir à l’arc (utilisé dans un autre ouvrage pour comprendre les questions de sens : « Au coeur du sujet », du même auteur).
La première condition est qu’il y ait désir, intention du tireur . Il faut un tireur évidement et qu’il ait la volonté du tir, qu’il s’y dispose et s’y prépare. C’est la dimension intentionnelle de l’action . Elle est chargée d’une certaine intensité, d’une motivation, d’une détermination.
La dimension intentionnelle traduit le Sens de l’entreprise du tireur. On la trouve dans toutes les entreprises. Il n’y a pas d’action ni d’entreprise sans sujet intentionnel.
En second lieu, cette intention du sujet doit être affectée à quelque chose, à un objet qu’il vise : sa cible. Pour que la cible soit d’ailleurs la sienne, il faut qu’il la distingue parmi d’autres possibles dans tout son environnement . Il faut ensuite qu’il l’investisse et la considère comme son objectif. Ainsi, il en fait l’objet de son attention. C’est la dimension attentionnelle de l’action. Il n’y a pas d’action sans sujet, et pas d’action sans objet. L’action repose sur ces deux dimensions : intention du sujet, attention à l’objet.
C’est sur cette base que l’action de tir va pouvoir se développer. Elle résulte de la conjugaison des deux dimensions précédentes. Elle est la conséquence logique de leur produit (vectoriel). C’est en appliquant son intention à l’objet de son attention, sa cible, que le tireur va tirer.
Le tir est l’accomplissement de son intention vis à vis de sa cible. Son développement, troisième dimension de l’action, est la réalisation de cette action. En même temps que le tireur ajuste son intention, il bande son arc. En même temps qu’il distingue sa cible il y porte sa visée. Ceci constitue la préparation du tir. Il suffira de lâcher la flèche pour que le tir se développe. Celui-ci est bien la résultante de la préparation, c’est-à-dire des deux premières dimensions.
Ainsi, pour l’entreprise, c’est de l’application d’une intention à l’objet de son attention que résulte son développement. Ce développement est une conséquence, comme l’est le parcours de la flèche vers son but.
Cette analyse des trois dimensions fondamentales de l’action n’épuise pas la question.
L’intention du tireur et l’attention à sa cible sont liées. Elles sont relatives l’une à l’autre. Si l’intention ne s’affecte pas à une cible qu’elle détermine ainsi comme son objectif, elle reste velléité. Eventuellement, elle peut prendre pour objet une « idée » de la cible et s’épuiser en action imaginaire. Inversement, la cible qui retient son attention affecte l’intention du tireur. S’il s’agit d’un chasseur le surgissement du gibier va provoquer, ou du moins réactiver, l’intention du tir avant celui-ci. Il y a donc une relation entre le sujet et son objet dans l’action, une relation d’affectation mutuelle et relative.
On peut même penser que l’intention du tireur est intensifiée par l’attention portée à sa cible et que cette attention est renforcée par l’intention de tirer. Ainsi la tension orientée de l’arc va dépendre de cette relation, de cette affectation relative.
Tout se passe alors comme si la puissance du tir, l’énergie déployée étaient ici potentialisées entre ces deux dimensions par leur conjugaison. On verra que, pour l’entreprise, c’est là que naît son dynamisme.
Cette affectation mutuelle du sujet et de son objet, du tireur et de sa cible va constituer le vécu sensible de l’action, le sentiment de mobilisation, l’aspiration à réussir.
Par ailleurs, le tireur préfigure mentalement son tir. Il projette dans l’imaginaire son intention et dans le tir son accomplissement. Il conçoit celui-ci, se le représente, se figure la trajectoire de la flèche. Ainsi, à tout moment, il identifie l’évènement qu’il anticipe et dont il peut suivre le déroulement en le visualisant.
Le tir intègre aussi cette dimension qui fait appel à l’intelligence et à l’imagination du tireur. Tant que son intention n’est pas engagée dans le tir, il s’agit d’un projet, d’une idée préalable. Lorsque cet engagement de l’action est effectif, il s’agit d’une représentation de l’évènement de la réalisation du tir.
Ainsi toute entreprise anticipe son projet, ou ses projets et représente leur réalisations. Elle y trouve son identité et ainsi l’exprime dans ses communications. Cela dépend de son intelligence et de son imagination comme pour le tireur qui conçoit son tir
Enfin, pour achever cette étude de la consistance de l’action, il faut encore considérer son caractère opératoire, les faits et leurs effets.
Prendre l’arc et la flèche, tendre l’arc, le tourner vers la cible, lâcher la corde, sont des opérations. La détente de l’arc, le déplacement de la flèche, l’impact sur la cible sont des effets. Ces faits sont évidemment indispensables dans l’action du tir.
Cependant, leur exécution pure et simple sans les autres dimensions ne constituerait en rien une action de tir à l’arc, ce ne seraient que faits sans significations, qu’opérations sans but, sans objectif, sans finalité, sans puissance, sans projet. Ce ne seraient que faits chaotiques et arbitraires.
L’aspect opératif n’est que l’une des dimensions de l’action, indispensable comme chacune des cinq autres. Dans l’entreprise, il en va de même.
L’aspect opératif est l’une de ses six dimensions. Plus précisément, dans l’action au tir à l’arc, comme dans toute entreprise, il faut considérer :
les trois dimensions de base : intentionnelle, attentionnelle et
leur résultante, développement de l’action de tir,
les trois constituants indissociables : l’affectation relative, la
projection représentative, les opérations factuelles.
Nous avons là la structure de toute action, de toute entreprise, leur Cohérenciel. Tous ces éléments sont indissociables et simultanés même s’ils peuvent être examinés séparément. Leur intégration constitue la substance même de l’entreprise et de toute entreprise et même de tout projet particulier réalisé en son sein.
B) La réalisation de l’Entreprise
L’entreprise et ce qu’elle réalise sont l’accomplissement de potentialités humaines. Celles-ci résultent de la conjugaison d’une intention et d’une attention ou encore de l’affectation d’une volonté à quelque chose auquel elle s’applique. Le potentiel de l’entreprise traduit une volonté collective investie dans une préoccupation commune située dans un contexte donné. Pour chacun, il s’agit de sa propre volonté, de son intention propre rapportée à l’intention et la volonté générale de tous les autres partenaires. De même, toutes les conditions d’existence de l’entreprise constituent le contexte auquel s’applique cette intention.
Ce sont donc les relations que chacun entretient avec les autres, à propos d’objets communs, qui constituent sa participation et son potentiel de mobilisation, et donc de contribution aux réalisations de l’entreprise.
Il est clair que toutes les intentions doivent converger et que les objets de préoccupation doivent être ordonnés à un objet central, celui de l’entreprise. Ainsi ce sont les relations humaines, où sont impliqués les objets de l’entreprise selon une même intention générale, qui constituent la potentialité de l’entreprise.
Comme la détente de l’arc était actualisation de la tension, l’accomplissement de cette potentialité en est l’investissement dans
la réalisation de l’entreprise et de ses projets. Le dynamisme potentiel de l’entreprise s’actualise en une dynamique de développement qui accomplit ses potentialités.
La réalisation de l’entreprise par son développement accomplit donc la conjugaison des intentions convergentes et des « objets de préoccupations » de l’entreprise.
Ainsi toute entreprise accomplit dans son développement le mariage entre une intention d’entreprise et l’attente d’un contexte ( société, marché ou population).
Vu encore autrement, la sollicitation du contexte est le fait d’une demande à propos d’un problème particulier, demande qui peut susciter une vocation d’entreprise et donc l’intention qui en retour s’y applique. De même, l’intention de l’entreprise révèle et rend significative une attente du contexte, demande potentielle qui se trouve ainsi suscitée. C’est ce « commerce » relatif qui potentialise le développement de l’entreprise et qui va l’accomplir. Insistons sur le fait que c’est leur conjugaison et non l’une sans l’autre de ces dimensions qui constitue cette potentialité d’accomplissement.
La réponse pure à la demande, sans intention propre, ne permet aucune réalisation, la volonté pure non plus, contrairement à certaines idées reçues, soit dans une logique purement adaptative, soit dans une logique de l’arbitraire qui s’impose.
Le « commerce » de l’entreprise, au sens large du terme, est donc le potentiel qu’elle peut accomplir; c’est l’ensemble de ses relations.
Les idéologies volontaristes ou adaptatives tentent vainement de transgresser ce principe en négligeant l’animation de ce commerce, de cette conjugaison. Le développement de l’entreprise ne peut être un échafaudage artificiel mais n’est que la résultante de ce potentiel ainsi constitué.
C) Le développement de l’Entreprise
Son évolution historique est faite de réalisations successives. Chaque réalisation accomplit le potentiel qui y a été investi. Cependant en même temps, elle l’épuise. Ainsi une équipe mobilisée sur un projet de développement se trouve forcément démobilisée lorsque celui-ci s’achève. On peut en tirer plusieurs remarques. Tout d’abord, il importe que chaque réalisation de l’entreprise potentialise à nouveau la possibilité de nouvelles réalisations.
Une réalisation de l’entreprise modifie notamment ses conditions d’existence et peut lui permettre de renouveler ses objets de préoccupations particuliers. Le maintien de l’intention initiale est la condition de sa réactivation. Ainsi leur conjugaison renouvelle le potentiel mobilisable pour une autre réalisation. C’est là que peut intervenir la notion de profit de l’entreprise.
La profitabilité d’une réalisation accomplie n’est rien d’autre que la potentialisation qu’elle a pu reconstituer. Si elle va de réalisations en réalisations de plus en plus importantes, l’entreprise est profitable si elle suscite, plus de potentiel qu’au départ.
Ainsi, les résultats purement économiques, s’ils ne sont pas engagés dans une remobilisation des partenaires de l’entreprises, concourent à son épuisement et ne sont donc pas en soi un critère suffisamment significatif.
Si l’ambition de l’entreprise est de s’achever dans une réalisation alors le problème ne se pose plus. Par contre, si son sens est de poursuivre l’oeuvre entreprise alors cette potentialisation est vitale.
Dans ce cas là, chaque réalisation est la fin d’un accomplissement mais en même temps, elle est un nouveau départ. Chaque projet accompli engendre une renaissance de l’entreprise et contribue ainsi à la continuité de son développement.
Cela nous amène à la seconde remarque. Le développement général de l’entreprise est constitué d’une multitude de développements particuliers qui s’y trouvent intégrés et qui y contribuent.
Cette contribution est double. Elle est adjonction de réalisations partielles à la réalisation générale et elle est renouvellement permanent de ses potentialités. Le développement général est renouvellement permanent, par un ensemble d’accomplissements qui l’épuisent et de potentialisations qui l’enrichissent. C’est ainsi que l’entreprise progresse en avançant.
Ce n’est pas le développement général qui tire l’entreprise mais la multiplicité des accomplissements de projets ponctuels. Le dynamisme de l’entreprise s’accomplit par la dynamique qu’il suscite et celle-ci renouvelle ce dynamisme si on s’est, bien sûr, assuré de sa potentialisation régulière. Pour l’entreprise la réalisation d’un projet de développement particulier n’est pas un but final, elle n’est qu’un but intermédiaire, une étape, un jalon dans son évolution.
2 – STRUCTURE DYNAMIQUE DE L’ENTREPRISE
Il est possible maintenant de comprendre la structure dynamique de l’entreprise, sa structure cohérencielle.
Trois dimensions en déterminent l’existence, on les appellera dimensions institutives . Trois plans en constituent la substance, on les appellera plans constitutifs.
Les dimensions institutives sont présentes simultanément dans l’existence de l’entreprise. Cependant, un ordre de priorité indique leur caractère plus ou moins originaire.
A) La vocation de l’entreprise.
La vocation d’une entreprise dépasse la variété des circonstances de son développement et la multiplicité de ses réalisations. C’est une constante, la voie qui lui est fixée à partir de ses fondateurs tant qu’elle persiste dans le même sens.
Une vocation peut prendre toutes sortes de formes, rencontrer toutes sortes de clientèles, se traduire dans des activités très diverses. Il ne faut assimiler la vocation de l’entreprise ni à des objectifs particuliers, ni à des buts temporaires.
Bien qu’intemporelle, elle est la source de son histoire, découlant directement du Sens de son engagement. Elle est sa raison d’être, l’orientation permanente de son existence, le principe qui la justifie. Cette vocation, bien que constante, peut être exprimée dans des termes très différents mais tous homologues,
L’échelle de valeur.
La « direction » générale.
La motivation humaine qu’elle représente.
La politique générale.
La signification sociale et culturelle.
Cette vocation, unique et permanente, est l’orientation qui justifie ses activités et ses comportements. Manifestation de sa vocation, l’entreprise ne se concrétise que si elle se rapporte à ce qui peut bénéficier de son service dans son environnement. C’est en se mettant au service de l’univers où elle s’inscrit que la vocation d’une entreprise, quelle qu’elle soit, trouvera à s’accomplir. Ceci nous introduit à la deuxième dimension.
C) Le domaine de l’entreprise.
Le terme de domaine vient du latin « domus » qui est en rapport avec la maison ou plus précisément l’univers sur lequel elle exerce son autorité.
Le terme économie a une racine équivalente et se rapporte aux règles de la maison.
Le domaine de l’entreprise est formé par l’ensemble des acteurs et des facteurs qui constituent sa réalité. L’inventaire en est très large et on peut y trouver :
différentes catégories de partenaires, co-entrepreneurs, collaborateurs, clients, fournisseurs, et toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont un rapport avec cette entreprise.
les biens et ressources dont elle peut user.
les moyens dont elle dispose.
les lieux et espaces où elle exerce sa vocation.
Le domaine de l’entreprise est déterminé d’une façon centrale par le service qu’elle se propose de rendre. Ce service répond à une demande, à un problème et plus spécifiquement à une problématique humaine qui supporte la demande. (Il n’y a évidemment que des demandes humaines auxquelles peut répondre une entreprise et toutes les demandes humaines reposent sur une problématique particulière de la condition humaine.)
L’entreprise vient donc investir sa vocation en réponse à une demande particulière qu’elle servira.
Ce service est son métier. Rappelons que métier a même racine que ministère qui veut dire aussi service. L’objet central du domaine de l’entreprise est donc son métier, son ministère, associé à une demande.
En fait, tout son domaine est centré sur ce métier. En effet, à quoi servirait un acteur ou un facteur quelconque qui ne s’y rapporterait pas.
Ce métier central peut lui-même être analysé en métiers secondaires et tous peuvent évoluer en fonction de la demande.
L’entreprise peut quelquefois changer de métier sans changer de vocation. Son métier reste toujours alors l’expression de sa vocation dans des circonstances caractérisées par la demande à laquelle il répond. Ce métier, néanmoins, doit rester significatif pour l’entreprise qui ne répond ainsi qu’à des demandes significatives pour elle, c’est-à-dire selon sa vocation. Un changement de métier restructure le domaine de l’entreprise qui s’ordonne autour de lui.
Ce domaine c’est aussi l’ensemble des conditions dans lesquelles l’existence de l’entreprise se développe. Ce développement, en retour, peut modifier ces conditions et contribuer à l’évolution de son domaine, c’est-à-dire à l’économie de l’entreprise.
La situation du domaine, l’état des lieux de l’univers de l’entreprise est celui là même de son économie. Il faut là, faire une remarque. Si la vocation de l’entreprise qui est toujours subjective (mais non arbitraire) est souvent mal cernée, peu reconnue, son domaine est quelquefois pris pour le tout de l’entreprise. Dans une logique de la possession, il est considéré comme une propriété privée, c’est-à-dire exclusive, que l’entreprise ne cesse de vouloir posséder et agrandir, confondant son être et son avoir et réduisant son existence à l’état de son domaine.
Dans le cas de l’entreprise-système, le domaine sera conçu comme un système et l’entreprise réduite au jeu des interactions entre les éléments, facteurs et acteurs. Du même coup le métier central est relégué au stade de facteur accessoire.
Dans l’entreprise utilitaire, rationaliste, son domaine est une organisation structurée, l’appareil destiné à produire les résultats attendus.
Les entreprises humaines réclament une définition plus large de ce domaine qui, s’il leur est propre, n’est pas forcément exclusif. N’est-il pas courant par exemple d’avoir recours à des ressources ou des personnes qui n’appartiennent pas en toute propriété à l’entreprise? Il importe plus de pouvoir disposer de ce domaine que de s’en approprier exclusivement les constituants.
Vocation et domaine sont les deux vecteurs dont la conjugaison engendre le développement de l’entreprise, sa troisième dimension institutive.
C) Le développement de l’entreprise
Le développement de l’entreprise est une dynamique historique, c’est son histoire en marche, le chemin qu’elle parcours dans son existence.
Ce chemin est jalonné d’étapes, de réalisations, de buts intermédiaires. Il est constitué de projets engagés , qui marquent les phases de ce développement.
L’entreprise déroule son oeuvre au fil des temps. C’est cela son développement. Il peut prendre toutes sortes de figures au cours de son évolution : progressions, expansions, régressions, mutations, changements, réussites, échecs, tentatives, succès,etc… C’est toute la vie de l’entreprise qui se déroule ainsi.
Le développement de l’entreprise résulte de l’exercice de sa vocation dans son domaine, en fonction du métier et des conditions qui sont les siennes. Si la vocation est droite, les conditions peuvent être complexes et le chemin parcouru plus ou moins tortueux. Le développement s’effectue ainsi selon un parcours stratégique, celui que ses plans de développement lui auront éventuellement tracé.
Les trois dimensions institutives de l’entreprise, vocation, domaine, développement, réclament, nous le verrons, trois dimensions spécifiques pour son gouvernement : politique, économique, stratégique.
Poursuivons l’analyse de la structure dynamique de l’entreprise, son cohérenciel, avec celle des trois plans constitutifs, trois facettes indissociables qui en constituent la substance même.
D) Le dynamisme relationnel.
C’est au travers des relations avec et entre ses multiples partenaires que se conjugue la vocation de l’entreprise avec son domaine et que se crée un dynamisme collectif.
La puissance de l’entreprise dépend de la mobilisation des personnes, que ce soit dans les relations entre collaborateurs, que ce soit dans celles établies avec les clients, les fournisseurs et plus généralement tout l’environnement social.
Les relations adéquates sont faites de compréhension mutuelle et de reconnaissance différenciée.
La compréhension mutuelle est compréhension de la position mutuelle des uns et des autres dans toutes les relations qui constituent le tissu vital de l’entreprise. Elle est aussi compréhension commune de l’entreprise.
Cette compréhension commune repose évidemment sur le consensus mais plus précisément sur la vocation de l’entreprise et l’ordre des choses significatif de son domaine. Fidélité à l’une et intérêt pour l’autre forment ainsi le noeud du lien social de l’entreprise et le moteur de son dynamisme.
Ainsi lorsque les « clients » participent à ce type de relation, ils forment ce que l’on appelle une « clientèle » qui chez les romains n’était pas loin d’être assimilée à la famille. Les clients, ainsi, sont partenaires de l’entreprise.
Cependant, d’une façon générale, c’est le « commerce » mutuel qui constitue ces relations entre tous si bien que tous sont « clients » de l’entreprise. Il faut entendre ces deux termes très largement et ne pas les limiter aux relations marchandes qui n’en sont qu’un cas particulier. Celles-ci d’ailleurs, ont intérêt à ne pas être limitées à la simple transaction commerciale sinon ce serait un commerce vain pour l’enrichissement des potentialités de l’entreprise.
Une reconnaissance différenciée des partenaires est aussi nécessaire. Elle consiste à reconnaître et apprécier les qualités et valeurs spécifiques des uns et des autres et à reconnaître la spécificité de leur contribution à la vocation de l’entreprise selon à l’échelle de valeur commune qu’elle instaure.
La dynamique de l’entreprise ne naît pas de la confusion. Les relations fusionnelles, où chacun est assimilé au tout dans une appartenance totale sinon totalitaire, ne produisent que de la dynamite sociale prête à exploser, à s’enflammer ou à s’immobiliser. L’énergie est alors consommée en conflits, en violences (commerciales notamment) et en émotions débordantes et paralysantes.
L’entreprise humaine est plutôt un ensemble de différences, différences qualitatives des personnes et des choses, différences appréciées et reconnues.
Cependant les différences ne sont pas telles dans l’absolu, ce qui conduirait à une juxtaposition, une mosaïque sans valeur.
Elles sont donc relatives les unes aux autres et principalement relatives à l’ensemble qu’elles constituent comme un bouquet. C’est le repère commun qu’est la vocation de l’entreprise qui permet cela. Tous les acteurs et facteurs de son domaine sont l’objet de cette appréciation.
La compréhension mutuelle noue les liens du tissu social de l’entreprise, la reconnaissance différenciée les mobilise ensemble et c’est ainsi que se crée le dynamisme fondé dans des potentialités partagées et reconnues.
Auraient tort ceux qui penseraient que tout cela est idéalisme, peut-être n’ont-ils pas aperçu la réalité socio-affective de l’entreprise et ses conséquences majeures pour son devenir.
Il est vrai que ces bonnes relations ne peuvent être jugées telles que relativement à la vocation propre de l’entreprise, seule échelle d’évaluation possible. L’erreur du courant relations humaines dans le passé et du courant culturel actuel est souvent la même. Elle consiste à idéaliser les relations en référence à des valeurs psychosociales ou culturelles étrangères à la finalité même de l’entreprise. Si cela conduit à de meilleures relations, à un certain dynamisme, c’est en divorce avec celui de l’entreprise elle-même.
E) Expression et identité de l’entreprise.
Une entreprise ne peut exister sans communiquer et cette communication suppose qu’elle s’exprime, lui permettant ainsi de trouver une identité.
L’expression de l’entreprise, c’est tout ce qu’elle montre et tout ce qu’elle représente authentiquement de son existence. Ses projets, ses conceptions, ses représentations d’elle-même, son imaginaire collectif, ses mythes mêmes mais aussi sa publicité, sa documentation, la présentation de ses activités, ses produits, ses services, ses locaux, etc…
L’expression de l’entreprise est multiforme. Elle ne vaut cependant qu’à l’adresse de ses publics : partenaires, collaborateurs, clients, fournisseurs, environnement social, etc…
Son identité est l’image cohérente constituée par l’ensemble de ses expressions particulières. Elle est son identité propre, pour elle et pour les autres. L’entreprise a besoin de s’identifier pour elle-même et pour ses publics qui, sans cela, ne la reconnaîtraient pas. Cette identification est globalement la représentation que l’entreprise se donne de son existence, de la projection de sa vocation en ambition de développement.
Son projet général confirme l’idée qu’elle se fait de son histoire et de son actualité et cette idée se construit au jour le jour dans toutes les communications qui médiatisent les images et les messages de son existence.
Il est clair que la vocation de l’entreprisedonne l’unité et la signification généralede cette identité. Là aussi le placage d’artifices médiatiques,publicitaires par exemple, sans rapport avec la vocation et l’identité propre de l’entreprise, contribue à détruire celle-ci. Le succès de certaines communications peut saper l’identité collective de l’entreprise avec mise en doute de sa vocation et de tous les plans ou dimensions qui en découlent, notamment son dynamisme mais aussi sa concrétisation en termes de qualité et d’efficacité de sa production.
F) L’activité de production.
Le lecteur habitué à l’assimilation courante, entreprise/production s’étonnera peut être de trouver ce plan en sixième position. Tous les plans sont simultanés et il ne s’agit que d’un ordre de présentation.
Cependant, c’est là le plan le plus éloigné du vecteur intentionnel, de la vocation de l’entreprise. Il en est aussi la matérialisation. La vocation s’incarne par le travail productif de l’entreprise, son activité de production. C’est pour celle-ci que se mobilisent les partenaires qui y coopèrent en s’exprimant et donnant ainsi à l’entreprise son identité.
L’activité de l’entreprise est l’ensemble des opérations qu’elle effectue selon son métier et en vue de son développement. Elle combine pour cela ressources et facteurs de son domaine par le travail de ses acteurs.
L’entreprise humaine se caractérise par le fait que ce sont les hommes qui travaillent, utilisant les moyens et procédés qui leur permettent de rendre leur travail plus performant. Sa maîtrise, consistance même d’une véritable compétence, est la condition de la qualité et de l’efficacité du travail et de ses fruits.
Seulement, qualité et efficacité ne sont pas, contrairement à des croyances établies, des notions absolues. Elles sont relatives à une échelle de valeur qui donne signification (la vocation de l’entreprise). Elles sont relatives aussi aux conditions de l’entreprise, à son domaine et particulièrement à la « demande ». Elles sont relatives, enfin, à la contribution aux stratégies de développement envisagées.
Une « bonne » opération peut être désastreuse stratégiquement, un « bon » travail peut être sans intérêt s’il ne participe pas du service rendu par l’entreprise. Un « bon » produit peut être sans valeurs s’il ne vaut pas pour l’entreprise dont il doit concrétiser la vocation.
Ainsi le travail, la production, ne valent que s’ils sont maîtrisés, c’est-à-dire à la fois optimisés (c’est l’évidence même pour celui qui maîtrise son travail) et à la fois intégrés dans l’oeuvre de l’entreprise. L’un sans l’autre et il n’y a pas de véritable maîtrise du travail mais exercice d’école ou manoeuvres inefficaces.
L’organisation du travail et de l’activité ne peut se concevoir comme le réglage de machines et la programmation de processus. Elle suppose aussi une maîtrise, celle d’articuler ensemble les multiples opérations, c’est-à-dire de coordonner les opérateurs.
La dynamique de l’entreprise intègre toutes ces dimensions institutives et les plans constitutifs pour réaliser son existence et son développement.
Il ne s’agit pas de juxtaposition mais d’intégration, chaque plan est un visage particulier de l’entreprise mais tous sont visages de la même réalité. Les trois dimensions renvoient l’une à l’autre et sont indissociables.
Supprimer une dimension, un plan de l’entreprise et c’est l’entreprise toute entière qui disparaît. En conséquence, le gouvernement de l’entreprise devra prendre en compte et maîtriser de manière appropriée et différenciée chaque dimension, chaque plan du cohérenciel. Néanmoins toutes ces dimensions et tous ces plans ne sont pas équivalents et la structure dynamique du cohérenciel, articule les rapports entre eux.
Cette structure cohérencielle dynamique, est le déploiement du Sens de l’entreprise et ses différents modes d’expression.
C’est le consensus entre de multiples partenaires (acteurs), engagés selon un axe de cohérence privilégié qui fonde l’entreprise et son déploiement. Toutes les dimensions et tous les plans de sa structure sont homologues. Ils doivent avoir le même sens sous peine de dispersion.
La cohérence, le sens, le consensus sont la partie invisible de l’entreprise, ancrée au coeur des personnes qui y participent, dans leur être. Le cohérenciel avec ses dimensions en est la partie visible existentielle, à condition bien sûr qu’on en considère l’intégralité. Pour cela une science complète de l’entreprise doit rendre compte de l’ensemble de ces aspects, subjectifs et objectifs, matériels ou symboliques.
L’art du gouvernement de l’entreprise consistera à maîtriser ce cohérenciel dans ses fondements et dans ses réalités.