Cohérences culturelles de l’Afrique
Cette étude réalisée en 1982 est une des premières à cette échelle. Elle met en évidence les logiques humaines d’un continent et à fait l’objet d’une série de conférences.
A partir des conceptions et méthodes de la théorie des Cohérences Humaines, l’étude de cohérences culturelles de l’Afrique a été réalisée en 1983 avec la participation d’un groupe de travail principalement africain.
Une série de conférences a été donnée par l’auteur en 1984 sur les grands thèmes de l’Afrique, l’africanité à partir de l’éclairage de cette étude et de la carte de cohérences qui en découle.
Celle-ci représente la distribution des Sens et cohérences humaines selon lesquels l’Afrique se réalise et développe ses logiques et dynamiques en fonction des conjonctures.
En tant que phénomène humain, la « culture africaine » repose sur une problématique majeure de l’homme qu’elle aborde en plusieurs sens selon les pesanteurs, les influences, les tendances ou les choix éventuels.
Ce qui est en question dans la culture africaine, c’est le rapport à la situation existentielle, au milieu, à l’environnement, au groupe. La famille, la nature environnante, la femme même en sont aussi des figures homologues.
Cette problématique avec ses mille variations explique les positions africaines dans les multiples conditions de l’existence jusque et y compris sur le plan international.
La culture de l’Afrique n’est pas la somme des cultures de ses régions et populations. Elles ont toutes néanmoins un « air de famille » comme le montrent diverses études de cohérences culturelles de régions d’Afrique.
LES SENS ET COHERENCES DE LA CULTURE AFRICAINE
La carte de cohérence en indique les proximités et les oppositions.
Modernisme ou tradition
Le vecteur gauche de la carte marque un rapport au milieu tourné vers la conservation, la subsistance. Le rapport à l’environnement est un rapport d’intégration, de continuité telle que la tradition en rappelle le sens.
A l’inverse la tendance est à se jouer ou déjouer les conditions du milieu. Artifices et machinations trouvent dans le modernisme (effets de mode et modernité technique) des moyens d’abstraction, de disjonction d’avec des réalités vécues comme trop prégnantes.
C’est dans ce conflit spécifique que tradition et « modernisme » s’opposent radicalement. Le thème moderne du « développement » aggrave le conflit concernant particulièrement les questions de subsistance. Etrangement les efforts du « développement » ont souvent été à l’encontre (contre sens) de la subsistance et de l’intégration au milieu. Il y a là le signe de la nécessité d’un tout autre concept pour l’Afrique.
Initiative ou passivité
Vers le haut de la carte se marque la tendance à une distinction de l’homme et de son milieu. Cette distance ouvre à l’initiative, de même qu’à une initiation qui vise une autonomie. Un rapport sujet/objet est donc possible, l’homme se tenant à la place du sujet.
A l’inverse, le milieu est considéré comme le tout. La vie n’est qu’un aller-retour hors d’une réalité englobante. L’homme n’a pas d’existence propre, ni personnelle, ni même individuelle.
Confondu au milieu, seul ce dernier est doté d’intention. Le sujet est à l’extérieur. Les formes de l’animisme, et tous les déterminismes exogènes trouvent ici leur appui, y compris dans le rapport avec le monde extérieur à l’Afrique.
Fantaisies ou atonie
En haut à droite sur la carte se marque une tendance culturelle conjuguant distinction et artifice. L’imagination est au pouvoir et l’environnement devient espace de mise en scène. L’émerveillement des yeux donne plus d’importance aux signes, aux apparences, aux artifices qu’aux réalités, à l’accessoire qu’à l’essentiel. L’imagination est vecteur d’une magie transformatrice du monde environnant ou l’africain se fait l’acteur.
Cela étonnera particulièrement l’occidental habitué à distinguer les « affaires sérieuses » : politique, économie profession, etc. des affaires ludiques.
A l’inverse, la tradition se conjugue avec la passivité liée à une conception confusionnelle du rapport à l’environnement. Il n’y a pas de place pour le sujet, ni d’enjeu dépassant la subsistance. Les figures de passivité atone, de morbidité, de lassitude désenchantée sont l’effet d’une logique où il est impensable d’agir de soi-même, faute d’appréhension d’un « en propre ».
Dépendance absolue, acceptation passive, conservatisme stérilisant, sont corollaires de l’absence de puissance propre de l’humain. Pas de sujet, pas de désir, pas d’espérance. Il n’y a qu’a attendre et à reproduire les fonctions et comportements dévolues par le milieu. L’esclavage est fait de nature.
Rapports maléfiques ou alliances fécondes.
En bas à droite, la culture africaine développe un rapport à l’environnement paradoxal. Passivité totale par rapport au milieu « matriciel » et tentative d’évasion par l’artifice. Clôture et évasion.
Logique de l’ambiguïté et de la culpabilité, elle fait le lit des craintes, des distorsions dans les rapports avec l’environnement, la communauté, les autres pays. Monde duel des magies inquiétantes, des tabous et puissances maléfiques et des parades (séduction, allégeance ou combats).
Le monde extérieur est tout puissant et menaçant (la femme, l’occident, la famille, les autres peuples, la nature, les différentes puissances de l’environnement). Le jeu ambigu avec ces puissances éclaire particulièrement les phénomènes liés aux thèmes modernes que les puissances occidentales présentent comme « nécessités fatales » en même temps « qu’actions indispensables » (ex. les discours sur l’économie et le développement dont les effets destructeurs deviennent alors patents).
En sens inverse se dessine la cohérence humaine d’une vocation originale de l’Afrique dans son art d’alliance différenciée de l’homme avec son milieu. Rapport de confiance, de conjugaisons subtiles, d’intégration. Le travail prend sens de rapport au milieu à l’opposé de l’exercice d’artifices techniques.
L’économie peut y trouver un sens étymologique. Le développement par contre doit être remplacé par l’idée d’évolution, de maturation, sinon de maîtrise à la place de l’idée pathogène de transformation artificieuse des conditions de vie, du système de l’environnement, du système économique.
La vocation de l’Afrique est celle d’une maîtrise « économique » du rapport de l’homme à son milieu, à ses situations et conditions existentielles.