La maîtrise de la valeur

La question de la valeur est de plus en plus présente, soit directement pour « produire de la valeur » soit indirectement par la question de l’évaluation qu’il serait temps de référer à la valeur. La difficulté est que cette notion de valeur, toute anthropologique, est difficile à saisir conceptuellement et encore plus opérationellement. C’est ce que permet l’Humanisme Méthodologique notamment en établissant le rapport Sens valeurs.

Le module de présentation de la Méthode des Référentiels de Valeurs Partagés est en ligne MRVP

L’humanisme méthodologique est à la fois:

– Une anthropologie radicale qui ramène à l’homme toutes les affaires humaines,

– Un ingénierie humaine qui trouve en l’homme les leviers de l’action.

Reliant, par construction, éthique et efficacité la question des valeurs y est associée à l’action, au projet, aux stratégies dans la mesure où c’est toujours une progression de valeur qui est visée.

Conceptuellement les deux clés qui permettent de penser valeurs et rationalités stratégiques en même temps sont:

– La notion de Sens, entièrement renouvelée sur le plan théorique et anthropologique,

– La notion de cohérenciel qui permet d’articuler notamment Sens et rationalité.

Le lien peut être fait entre deux univers souvent séparés:

– Celui des valeurs, de l’éthique, du subjectif, du qualitatif,

– Celui de la rationalité, des stratégies, des projets, de l’organisation, de la mesure.

Pratiquement l’ingénierie humaine développe des méthodes qui mobilisent la capacité humaine de transformer le Sens en action organisée et en solutions rationnelles. Pour cela il faut commencer par savoir élucider le Sens des situations, des problèmes, des aspirations pour reconnaître et choisir le "bon" Sens. Ensuite le "bon" Sens pourra être traduit en projets, en stratégies, en opérations qu’il est possible d’évaluer et de piloter. Penser et maîtriser la valeur dans les projets est évidemment une conséquence directe de ces bases conceptuelles et méthodologiques dont l’essentiel va être présenté ici.

I – LE CONCEPT DE VALEURS

1) Sens et valeurs pour l’entreprise

Le Sens, notion banalisée ces dernières années, est souvent resté sans fondement conceptuel et par conséquent pratique. Selon l’Humanisme Méthodologique un Sens est une disposition orientée de la personne humaine.

Disposée dans un certain Sens, la personne voit et comprend le monde d’une certaine manière, elle est portée par un certain type de motivation, d’aspiration, d’intention, elle se projette dans une rationalité de progression notamment dans l’action. Elle donne ainsi une cohérence au monde et à ses affaires..

D’autres, positionnés dans d’autres Sens, voient eux les choses autrement, dans une tout autre cohérence. Le malentendu ou dissensus est alors évident, source de la plupart des désaccords. Au contraire, le fait de partager le même Sens ou conSensus, construit la vision commune et sa cohérence et permet alors des échanges, des rapports, des relations qui à chaque fois renforcent et confirment en retour le consensus.

Chaque Sens supporte donc ainsi un système de valeur qui va se traduire en critères d’aspiration, en une compréhension des choses qui hiérarchise l’essentiel (significatif) et l’accessoire et en une logique de l’action avec des buts et des chemins spécifiques.

Tel sera porteur d’une volonté de puissance et verra partout menaces, concurrences, rivalités, manoeuvres, armes et butins. Tel autre sera engagé dans un idéal rationaliste et sera focalisé sur l’organisation hiérarchisée, l’ordonnancement technique, les modèles à appliquer ou à atteindre. Tel autre encore ne voyant que rouages et fonctionnements, équilibres et équations sera focalisé sur les dysfonctionnements, l’absence de défaut, de risque, la régulation des choses. D’autres enfin chercheront tout ce qui grandit l’homme, l’humanise le fait progresser, l’enrichit, le sert, concours à son bien.

Voilà une clé de la fonction de direction, donner le Sens pour former un consensus d’entreprise, un consensus de projet, un consensus d’affaire, un consensus commercial, etc. La cohérence de l’entreprise, la cohésion des équipes sont déterminés par ce consensus et donc le Sens donné. La notion de projet prend ici un nouvel éclairage. Il s’agit toujours d’une "projection" dans un certain Sens. Projection organisée, ordonnée, rationalisée évidemment.

Là aussi est posé le problème des valeurs et sa première difficulté : autant de systèmes de valeurs et donc d’évaluations que de Sens humains. Dans un contexte où on assimile valeurs et complaisance avec l’air du temps, valeurs et sentimentalisme, valeurs et formules toutes faites la solution est délicate. Elle est liée à la nature humaine et son devenir. L’homme est un être destiné à s’accomplir et pour cela prendre conscience de son humanité (c’est un être de Sens), découvrir sa liberté (liberté de Sens), par un certain type de conscience (discernement des Sens) pour assumer sa responsabilité (répondre du Sens dans lequel on s’engage et on engage les autres) et sa détermination (autorité de "direction").

Il y a donc, dans chaque situation, parmi les Sens possibles l’un qui détermine l’accomplissement humain, le bien de l’homme. Choisir ce Sens autant que possible, c’est se donner une échelle de valeur, des critères de valeur qui visent le bien de l’homme et donc qui le servent. Les autres le desservent. Les notions de "biens" et "services", si importantes en économie et pour les entreprises, trouvent là un nouveau fondement dans les valeurs, ce qui nous éloigne du seul critère de satisfaction d’une demande arbitraire.

Voilà liés Sens et valeurs mais aussi "services" par une clé fondamentale de l’humanité. Nous tenons les principes théoriques qui manquaient à la fois à la notion de valeur mais aussi pour faire le lien entre valeur et efficacité, éthique et rationalité, direction et motivation.

Ce lien c’est le Sens, principe de toute cohérence.

Qu’est-ce que les valeurs ? Notion confuse s’il en est qu’il faut encore préciser.

1) Les valeurs ne sont pas des images pieuses auxquelles se conformer en adoptant des postures avantageuses. Ce sont au contraire des repères, des indicateurs qui marquent le Sens du bien, commun à ceux qui sont appelés à s’y référer. Les valeurs sont donc des indicateurs ad hoc et pas des formules toutes faites, des normes de comportement ou d’action à priori.

Il faut, bien sûr, élucider le Sens du bien commun (affaire de direction notamment) et ensuite trouver le langage, les signes, les modèles appropriés pour la communauté de valeurs qui va les utiliser.

2) Les valeurs sont toujours la marque d’un engagement dans le Sens du bien partagé par une communauté (de Sens, d’intérêt, d’échanges) et non celle d’une exonération de l’implication dans le bien commun. Ce dernier réclame la possibilité de s’entendre sur des valeurs communes et donc un Sens partagé du bien commun.

On a là l’opposition entre un courant qui met en avant les valeurs et leur partage et un courant consumériste où le "client roi" imposerait des valeurs arbitraires obligeant les entreprises à s’y aliéner dans une relation où n’existe plus aucun respect mutuel (le commerce des valeurs s’oppose à un commerce des voleurs).

Les valeurs sont donc des repères, des expressions, des modèles, des références qui appartiennent à une communauté et qui sont significatifs du Sens du bien commun. Pas de valeurs sans communauté identifiée et un Sens du bien commun élucidé.

Sachant que toute entreprise est à la croisée de plusieurs communautés, cela pose des problèmes théoriques et pratiques qu’il faut résoudre mais que l’on n’abordera pas ici.

Qu’est ce qui a de la valeur pour l’entreprise ?

Cette question est redoutable parce que l’on s’aperçoit que tout est concerné dans l’entreprise et par conséquent tout doit être réévalué en fonction de ce critère. Si on ne le fait pas on se trouve en présence de systèmes de valeurs éclatés, incohérents, sources de malentendus, de démotivations et de gaspillages considérables. Ne parlons pas du non entendement avec des clients dont on ne s’est pas soucié de comprendre les valeurs en rapport avec le service (et les biens) qu’on leur propose.

Toute entreprise vise à produire des biens ou services de valeur. Ce sont donc les véhicules de valeurs qui sont d’une part celles de l’entreprise et d’autre part celles attendues par les clients. Les valeurs de l’entreprise ce ne sont pas de belles images mais ce que vaut l’entreprise. Ce qu’elle vaut tient à la communauté professionnelle et sa maîtrise. Cela renvoie à la valeur de sa direction, son management, ses hommes et tout le capital de compétences spécifiques original qu’elle cultive. Évidemment les ressources financières et matérielles participent à la valeur de l’entreprise et d’une façon inattendue quelque fois. Les valeurs de l’entreprise sont aussi ses partenariats, ses méthodes et aussi en définitive ses clients.

Encore faut-il que toutes ces valeurs soient cohérentes, soient évaluables sur la même échelle de valeur. Cela nous amène donc directement à la question suivante:

Que sont les valeurs spécifiques d’une entreprise ?

Comme toute communauté humaine, elle doit être conçue comme une communauté engagée dans un certain Sens.

L’anthropologie de l’Humanisme Méthodologique montre qu’en fait c’est tout un ensemble de Sens qui fonde une entreprise comme toute communauté humaine. C’est pour cela qu’elle doit choisir parmi d’autres son "meilleur Sens", celui de sa vocation.

C’est ce Sens, avec le conSensus partagé par l’entreprise grâce à l’orientation donnée par sa direction, qui est aussi celui du "bien commun" de l’entreprise.

Ce Sens c’est celui qui va être véhiculé par ses produits et services et donc devra trouver écho chez ses clients ce qui définit le champ d’un consensus pour le Sens d’un "bien commun".

Les valeurs sont des traductions de ce Sens là, tant pour identifier et qualifier ce qui vaut relativement à ce Sens du bien commun que pour mesurer le niveau de valeur (qualitatif et quantitatif). De ce fait chaque entreprise, toujours dotée d’une vocation propre, possède un Sens qui s’exprime de multiples façons qui sont les valeurs de l’entreprise.

Par exemple une "valeur" de l’entreprise peut être le fondateur qui lui a donné son Sens, original. Ce peut être tel savoir faire, telle réalisation, telle identification, telle motivation, tel produit ou service, tel marché, telle notoriété, tel crédit, telle vitalité, telle façon de faire, telle créativité. Chaque fois la valeur est qualifiée par le Sens propre en question. On voit bien que c’est une clé de la question des valeurs.

2) VALEURS, STRATÉGIES ET PROJETS

Tout d’abord il faut intégrer un schéma logique qui se rapporte à toute action humaine, entreprise ou projet, celui de la structure cohérencielle, celle de la trialectique sujet-objet-projet. Elle va nous permettre de faire le lien entre valeurs et projets tout en éclairant les notions de projets et de stratégies.

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Ce schéma ternaire nous dit que dans toute action humaine individuelle ou collective, il y a à considérer :

– La présence d’une intention, d’une volonté, d’une détermination orientées. Expression du Sens de l’action, cela va donc déterminer les valeurs auxquelles elle aspire, ce qui la motive. C’est la dimension subjective, une expression des valeurs qui évoquent l’essentiel.

– La présence de conditions, un contexte avec des ressources et des contraintes, des acteurs et des facteurs et aussi un objet de préoccupation principal. C’est la dimension objective à laquelle s’applique l’intention subjective et donnera une expression de valeurs définissant les facteurs importants et leur mesure.

– Il y a enfin la résultante des deux premières dimensions qui est la dimension projective, c’est-à-dire celle du développement de l’action dans une progression ordonnée, rationnelle vers les buts fixés. Ces derniers représentent les valeurs recherchées, qualitatives et quantitatives

Le projet est la projection de l’intention dans les conditions du contexte. Cette projection fixant buts et modalités du projet. On notera alors que cette extension, ce déploiement de l’action est un ordonnancement de moyens en vue d’atteindre certains buts dans une intention et des conditions données. C’est très exactement la définition d’une stratégie. Tout projet est une stratégie de réalisation et toute stratégie est un projet de réussite des buts fixés.

Ayant posé cela on voit bien que c’est l’intention, expression du Sens humain qui détermine le type de valeurs "qualitatives", essentielles auxquelles on aspire. Ensuite c’est dans la dimension objective que la mesure de la valeur des facteurs importants va prendre Sens notamment de façons quantitatives. Enfin c’est dans la dimension projective ou rationnelle que peut s’établir une échelle de valeurs propre au projet qui détermine les critères qualitatifs et quantitatifs de toute évaluation.

Que deviennent les valeurs essentielles, subjectives, qualitatives, éthiques ? Elles deviennent buts à atteindre dans les conditions données. L’échelle de valeurs c’est la hiérarchie des concours aux buts fixés. La mesure des valeurs est la mesure de ces concours aux buts fixés. Notons qu’une ressource (objective) vaut dans la mesure où elle contribue aux buts fixés donc dans le Sens voulu.

Nous voyons là que c’est de la dimension intentionnelle de l’expression du Sens que naissent les valeurs spécifiques à une entreprise, un projet, un produit, une action. Nous voyons aussi que c’est la dimension ignorée des modèles rationalistes ou purement quantitatifs de l’entreprise et des projets, celle que cherche peut-être à atteindre la gestion de l’immatériel. Là se fonde la nouveauté d’une science et d’une ingénierie des valeurs intégrant le Sens humain, le consensus et le cohérenciel comme les clés essentielles de compréhension et de conduite des projets, des stratégies, des entreprises et de l’action en général.

II – DÉMARCHES ET MÉTHODES

Nous avons vu qu’avec le Sens la valeur est constitutive de toute structure de l’action, de toute stratégie ou projet. Nous avons vu aussi qu’il y a valeur et valeur. Nous considérons ici comme valeur ce qui contribue au bien de l’homme, ce qui le sert. Biens et services y trouvent un Sens particulier. Nous considérons aussi que le Sens du bien de l’homme est toujours présent dans les communautés humaines comme était le Sens de son bien commun propre (par effet de ConSensus). Ainsi on voit que toute communauté humaine et aussi bien une entreprise ou une équipe ont à partager un consensus sur le Sens du bien commun et ainsi implicitement sur les valeurs communes auxquelles référer les performances et réussites collectives mais aussi les contributions particulières au bien commun.

Nous avons donc les éléments permettant de poser les bases d’une méthode de maîtrise de la valeur dans les projets.

1) Élucider le Sens du bien commun, le traduire en intention, en ambition et donc définir le type de valeurs qualitatives essentielles.

2) Le projeter en stratégie et projet en fonction des conditions du contexte.

3) Établir l’échelle de valeur de référence du projet, c’est-à-dire ses buts et les marches de progression pour les atteindre, qualitativement et quantitativement.

4) Favoriser le partage des valeurs qui suppose établissement de consensus et adoption d’une échelle de valeurs communes.

5) Évaluer et faire évaluer la contribution au bien commun.

1) Élucider le Sens du bien commun et donc le type de valeurs qualitatives de référence. Cela revient à élucider la "vocation culturelle" d’une communauté humaine liée à sa fondation et portant ses meilleurs potentiels, ses meilleurs talents, ses meilleures valeurs donc.

Ici pour l’INA, par exemple, cela met en évidence un potentiel créatif d’innovation que l’on n’a pas su identifier et mobiliser de façon cohérente si bien que les projets de l’entreprise ont toujours été éclatés jusqu’à ce qu’on supprime l’essentiel pour choisir des contre valeurs culturelles.

Là, à l’ancienne Aérospatiale, un potentiel industriel de première grandeur se révèle porteur d’une qualification rare à l’échelle mondiale, perdue de vue par l’éclatement des activités et susceptible de porter à lui seul un projet d’entreprise.

Encore là une chambre d’agriculture porteuse des valeurs culturelles de sa région se recentre sur sa vocation au travers d’un projet d’entreprise.

De multiples territoires élaborent leur projet sur la base d’analyses de cohérences culturelles et dégagent le Sens du bien commun au travers d’une vocation singulière.

Une entreprise, un marché, une production, un métier, une région peuvent être la source de référence du bien commun sur lequel va reposer un possible consensus sur des valeurs essentielles communes. On ne peut rien évaluer sans déterminer la communauté de référence.

Pour réaliser cela, de telles élucidations, les méthodes de l’humanisme méthodologique sont sans équivalent, analyses de cohérences, analyses figuratives sont des techniques d’élucidation de Sens d’une grande puissance et d’une grande profondeur. L’effet de pertinence qui en résulte souvent est un facteur d’appropriation et de mobilisation par la suite, une fois que cela a été traduit de façon adéquate et donc "mis en valeur".

On notera que ce type d’ancrage sur des valeurs propres à déployer ensuite va à l’encontre de réflexes technocratiques ou purement empiriques classiques, en général aveugles aux profondeurs humaines et donc à la portée de tels éclairages.

2) Projeter le Sens du bien commun en projet et stratégies en fonction des conditions du contexte

Comment se disposer dans un Sens, source de l’inspiration, esprit du projet et concevoir un scénario de développement : horizons et trajectoires, en tenant compte des conditions concrètes de la situation.

Il s’agit là d’un processus de créativité générative.

Créativité, parce que la projection d’un Sens en représentations mentales, horizons et scénarios, c’est un travail d’imagination et de créativité. Chaque situation est unique, chaque projet ou stratégie aussi.

Si on veut s’appuyer sur des valeurs propres alors il faut avoir recours à la créativité pour concevoir les structures de l’action propre. C’est, bien sûr, un autre métier que d’appliquer des modèles tout fait ou de procéder à de simples arrangements des modèles connus.

Créativité générative parce que c’est un procédé de générations successives, de déploiement progressif, partant d’un scénario logique, cohérent avec les valeurs essentielles et progressant vers la plus grande concrétisation.

C’est comme cela qu’une stratégie, un projet, une démarche vont être construits comme la traduction de valeurs propres, en fonction des circonstances et conditions, en termes d’ambitions, de buts, de processus et au bout du compte de moyens, de plans, et de programmes d’action c’est à dire en valeurs opérationelles.

Ces deux premières étapes, complètement originales ont conduit à l’élaboration de nombreux projets dans tous les domaines : personnel, entreprises, collectivités locales. On pourrait dire qu’ils sont alors un déploiement rationnel du Sens du bien commun ou une projection des valeurs essentielles en valeurs opérationelles à réaliser dans le projet.

3) Établir l’échelle de valeurs de référence du projet

Les buts finaux ou intermédiaires constituent les valeurs opérationelles de référence d’une échelle de valeur propre du projet. C’est l’architecture de composition des tâches, des processus, des résultats intermédiaires qui constituent cette échelle de valeurs sur laquelle évaluer par la suite.

Il s’agit d’une échelle de valeurs des contributions, des concourances au projet. C’est une échelle parce que se traduisant dans une démarche progressive de "production de valeur" mais aussi échelle de valeurs parce que tout y est engagé dans le Sens initial, Sens du bien commun repéré par les valeurs essentielles dégagées. Il n’y a là rien que de très rationnel à cette différence près que tous les termes du projet y sont la traduction (créativité) d’un Sens ou de valeurs propres essentielles.

De ce fait si on ne connaît pas ce Sens et au moins ces valeurs essentielles il est impossible d’évaluer quoique ce soit. C’est bien là la limite de méthodes purement rationnelles (ou à plus forte raison quantitative).

4) Favoriser le partage des valeurs, cela suppose:

– d’établir un conSensus sur le Sens du bien commun,

– d’identifier et qualifier les valeurs propres essentielles de la communauté humaine de référence,

– de partager une échelle de valeur commune liée à la conception, l’architecture et l’ordonnancement du projet.

Tour cela se réalise difficilement sans que soient ménagés des temps de partage avec les personnes concernées ou les relais qui pourront l’assurer.

Dans un corps social, quelque soit sa taille, en général le Sens du bien commun trouve une résonance indispensable pour l’appropriation des valeurs qui l’expriment. C’est le rôle de la responsabilité "politique" de l’assurer. Il est ensuite aussi opportun de solliciter des contributions averties pour contribuer à l’élaboration du projet préparant à une compréhension adéquate de l’échelle d’évaluation autour de laquelle tout le monde pourra se situer et se rassembler. Il y faut évidemment une responsabilité stratégique, souvent celle d’un chef de projet.

Cela dit c’est souvent l’absence de ces pratiques de participation qui débouche sur des impasses. En effet si les valeurs propres ne sont pas partagées alors chacun investi les buts et les actes de ses propres valeurs créant un malentendu permanent.

5) L’évaluation

Elle est à assimiler à la conscience, à la maîtrise professionnelle, pour chacun et pour tous, de ce qu’il y a à faire. L’évaluation devient:

– un moyen essentiel d’exercice d’une compétence professionnelle (savoir évaluer les choses),

– un moyen pédagogique majeur d’apprentissage et d’intégration de l’expérience (individuel et collectif),

– un moyen de management humain permettant de construire des équipes de plus en plus en maîtrise de leurs affaires,

– un moyen de pilotage du projet indispensable à sa conduite.

Si les valeurs propres sont fondatrices des projets ou des stratégies alors l’évaluation devint le moyen le plus sur de progresser dans la maîtrise professionnelle des personnes, équipes et des entreprises. On s’attachera alors à articuler dans toute évaluation:

La recherche de pertinence

(Est-ce que cela va dans le bon Sens repéré par les valeurs essentielles?)

La recherche de cohérence

(Est-ce que cela contribue rationnellement à la réalisation des buts et des valeurs recherchées?)

La recherche de performance

(Est-ce que les moyens mobilisés sont bien proportionnés aux résultats attendus?)

Il est évident que ces critères sont hiérarchisés et que du premier dépend la possibilité même d’évaluer les autres.

CONCLUSIONS

Il y a longtemps que l’analyse de la valeur avait envisagé de construire rationnellement des solutions, des dispositifs, en fonction de "valeurs" hiérarchisées. Seulement, il a été difficile de donner un contenu théorique à l’appréhension du concept de valeurs. De ce fait, dans la pratique c’est souvent l’intuition qui a pu sauver d’un réductionnisme fonctionnaliste ou purement quantitatif et particulièrement dans notre pays. L’humanisme méthodologique doit permettre de dépasser ces obstacles. Il serait utile pour cela de systématiser les méthodes et techniques évoquées ici dans tous les domaines où la valeur est la clé des projets et finalement dans toutes les activités de l’entreprise. Un transfert de connaissances et de compétences permettrait alors d’ajuster et développer la professionnalisation de la maîtrise de la valeur.

En final je terminerais par l’exemple d’une question brutale en termes d’alerte.

Est-ce que le développement durable est une valeur?

S’il s’agit d’un développement pour les générations présentes qui n’obère pas celui des générations futures ou bien de la recherche d’un équilibre entre économique, social et environnemental alors on ne peut l’assimiler à une valeur.

En effet ne pas tuer n’est pas une valeur, ne pas porter atteinte au bien commun, n’est pas une valeur, c’est un devoir, une exigence, une condition, pas une valeur. Équilibrer ceci ou cela n’est pas une valeur non plus. Il n’y a de valeur que dans ce qui contribue au bien de l’homme en communauté, au bien commun et à la réalisation d’un plus haut degré de maîtrise humaine ou encore d’accomplissement des potentialités humaines.

Tout ce qui ne s’exprime pas positivement dans ces termes n’est pas valeur sur laquelle construire un projet.

Je voudrais donc vous alerter sur l’emploi abusif de la notion de valeur dans l’air du temps au service d’ambitions dont le Sens reste trop souvent à élucider.