Postulats et postures scientifiques, mathématiques et pédagogiques

Quels Sens sont donnés aux contenus par les situations pédagogiques instaurées? Quelle place y a le sujet, autonome ou totalement extérieur au spectacle du savoir? De la recherche à la connaissance il en va du Sens de la science, de la pédagogie mais aussi des mathématiques. C’est le Sens de la vie humaine qui est en jeu au fond de tout cela même pour ceux qui font comme si cela n’existait pas.

A l’origine une analyse de Sens et cohérences (Théorie du Sens et des cohérences humaines ) a été réalisée à propos des quatre opérations enseignées dans les écoles (Document rédigé par Dominique Chabaud. Les significations des quatre opérations arithmétiques, conséquences psychopédagogiques et pédagogiques 30 Mai 1985).
Le but en était d’éclairer les problématiques pédagogiques et notamment les phénomènes dramatiques d’incompréhension et de rejet qui peuvent marquer pour la vie. Le rapport aux mathématiques en est bien souvent le reflet.

Cette étude permet aujourd’hui d’éclairer en profondeur des questions qui sont soulevées par l’utilisation d’Internet dans la formation et l’enseignement. En effet on s’aperçoit vite que cela repose des questions oubliées, passées sous silence et découlant de postulats scientifiques qui posent implicitement le rapport de l’homme à la réalité des choses et impliquent indirectement le type de pédagogie approprié!

La fonction des mathématiques dans les sciences reste souvent un mystère (pourquoi les modèles inventés par les mathématiciens permettent-ils d’exprimer la réalité physique par exemple). La fonction des mathématiques dans l’enseignement scientifique pose aussi un problème de pédagogie. Les deux sont liés.

L’analyse des cohérences va nous permettre de comprendre en quels sens le rapport aux choses que l’on appelle science détermine-t-il un statut des mathématiques et implique-t-il un type de pédagogie.

Evidemment la pédagogie est aussi un rapport aux choses qui permet d’acquérir un certain type de connaissance ou de compétence.

A chaque Sens une cohérence entre conception "scientifique" du rapport aux choses, un usage des mathématiques et une pédagogie. On verra aussi que le rôle de l’enseignant n’est pas le même mais aussi la conception de la recherche et du chercheur.

Science, enseignement, mathématiques, recherche ont des liens de Sens. Mais à chaque Sens une vision de l’homme et un projet sur l’homme. La question éthique n’est pas loin des questions pratiques. Qu’est-ce qui aurait pu le faire oublier?

Commençons par deux Sens opposé.

Première alternative

– Le modèle réductioniste, pédagogies passives, répétitives

Le rapport aux choses est simple, les choses sont ce qu’elles sont et toute prétention humaine se ramène aux lois de la nature des choses.
La science procède par une négation du subjectif et d’une quelconque participation du sujet dans le phénomène observé. La "méthode scientifique" met en scène cette élimination du sujet dégageant des régularités posées en lois de la nature des choses, lois scientifiques, lois causales dont les phénomènes sont le produit immédiat.

Les mathématiques viennent apporter des formulations rigoureuses qui donnent d’autant plus un caractère formel aux lois scientifiques et qui achève la définition des choses.

Les choses sont ce qu’elles sont de par les lois mathématiques qui les produisent.

La pédagogie place le sujet face à des vérités scientifiques établies, il n’a donc pas d’autre chose à faire que de le constater et pour acter ce savoir de se mettre en disposition de pouvoir le répéter. Cette pédagogie est passive pour ce qui concerne le rapport aux choses et aussi en ce qui concerne le savoir mathématisé. Il n’a qu’à le répéter veillant à ne s’écarter en rien de la vérité objective formulée dans sa plus grande exactitude mathématique.

L’enseignant n’a qu’une fonction, répéter le savoir et évaluer la répétition de l’étudiant. Transmission du savoir dit-on.

Il est probable qu’une banque de données scientifiques, consultable à distance, en tiendra lieu dès que l’on verra l’économie que l’on peut faire, mettre les cours en ligne, construire des bases de savoir telle est le projet d’un enseignement à distance de la passivité.

L’ennui c’est que les étudiants fuient rapidement ce type d’enseignements dès qu’il le peuvent.

Les chercheurs ont une méthode, le constat, la répétition du constat, la formalisation du constat et l’alimentation des bases de données du savoir, la fin des maîtres…. et des enseignants.

Dans les écoles de jeunes enfants apprennent les opérations arithmétiques, il arrive qu’on leur signifie: "Ce n’est pas l’enfant qui compte mais l’opération". Il arrive que des enfants se désintéressent à jamais des mathématiques.

– Le modèle expérimental, pédagogies actives
Ici dans le rapport aux choses, c’est le sujet (humain) qui compte. Il prend la mesure des choses, il prend des mesures vis-à-vis des choses. C’est par la rationalisation de l’expérience des choses que la science se construit. Dans l’expérience et non hors de toute expérience humaine. La science, conscience organisée, rationalisée, du rapport avec les choses est relative à ce rapport. Cette relativité, inhérente à la reconnaissance de la relation sujet-objet, seul lieu d’expérience et donc de connaissance, peut parfaitement être extrapolée à l’ensemble des hommes et atteindre à une universalité humaine. Il restera interdit à la science de porter témoignage au-delà de toute expérience humaine (pas seulement factuelle évidemment).

Les mathématiques vont offrir des moyens de mesure ou pour prendre des mesures, elles vont aider le sujet à rendre compte de l’expérience des choses et à la rationaliser.

La pédagogie ne peut être qu’expérimentale, c’est le rôle des pédagogies actives. Actives parce que l’expérience est un rapport avec les choses (et pas la contemplation d’une vérité formelle) et que c’est en se mesurant avec les situations, les réalités, les problèmes que l’étudiant s’en forge connaissance ET compétence.

L’enseignant offrira à ses étudiants des situations expérimentales, des études de cas et les accompagnera dans le cheminement de leur expérience, leur offrant les moyens et les méthodes qui pourront la faciliter. Les instruments mathématiques y auront leur part mais évidemment justifiés par leur emploi.

Internet offrira aux étudiants des "mises en scènes" expérimentales et des parcours d’expérimentation pour progresser dans "la mesure des choses".

L’enseignant y retrouve un rôle de montage d’expériences et aussi un rôle d’accompagnateur. Il évaluera le progrès de l’étudiant à la capacité de s’approprier les instruments pour élaborer sa connaissance des choses et sa compétences des différents registres d’expérience.

Le chercheur, expérimenté évidemment, construit des protocoles expérimentaux et rationalise sa mesure des choses de façon aussi à la généraliser.

Le chercheur est un pionnier de l’expérience et l’enseignant lui succède pour offrir des chemins de connaissance et de compétences à des étudiants. Il a un véritable métier pédagogique.

Et l’enfant ? C’est lui qui compte. Il compte les choses, il en ajoute ou en enlève et recompte et les opérations arithmétiques l’aident à généraliser cette expérience par l’artifice de leur rationalisation. Digne d’intérêt, l’enfant qui compte s’intéresse à ce qui lui permet de compter encore mieux et plus…

Une seconde alternative sera à croiser avec la première.

– Le modèle théorique, pédagogie cognitive et créative.
Dans son rapport aux choses, le sujet est amené à "s’évader" de leur factualité, prendre de la distance, s’abstraire dans les représentations mentales. Il se dégage de l’objet pour mieux le comprendre.

De cette manière il peut en exprimer une re-présentation, une sorte d’image, de formulation, d’équivalence mentale.

La science théorise et les mathématiques permettent d’en formuler les théories avec ses théorèmes.

L’imagination créatrice a une grande part dans la modélisation mentale, les idéalités viennent à la place des réalités pour mieux les appréhender.

A cette science correspond une pédagogie que l’on pourrait qualifier de cognitive (si le terme n’est pas trop réducteur). La capacité de se représenter les choses, d’élaborer des modèles qui les rendent intelligible en est une exigence.

L’intelligence procède ici de la possibilité de rendre compte des choses par des modèles mentaux qu’il faut imaginer et structurer, les mathématiques y aident.

L’enseignant saura proposer cet exercice consistant à passer des choses au modèle des choses et vice versa. Il aura à favoriser créativité et exigences d’intelligibilité.

Internet est un bon support de prise de distance tant pour véhiculer des modélisations que pour en élaborer et les partager. Il faudra que le travail de compréhension des choses soit néanmoins rapporté à quelque réalité pour que la modélisation ne se trouve pas coupée de ses bases.

Le chercheur théoricien peut aussi se couper de ses bases et construire des espaces mentaux qui ont perdu leur rapport aux choses, au bénéfice de l’édification de croyances ou d’idéologies.

L’enfant qui apprend et comprend les opérations mathématiques ne doit pas perdre de vue les choses dont elles peuvent rendre compte.

– Le modèle pragmatique, pédagogie du conditionnement.
A l’inverse, pour le pragmatisme le rapport sujet-objet est symétrique. Ce sont donc les interactions qui compte qui produisent quelques résultats. La science enregistre ces mécanismes opératoires et met en évidence des procédés qui marchent.

Les mathématiques interviennent là pour calculer des résultats, le bon modèle de calcul étant celui qui permet la plus grande efficacité. On pourrait penser que de ce côté science et technologie, science et informatique trouveront une grande proximité.

La pédagogie appropriée à cette science des procédés est celle du conditionnement. Pour établir la bonne relation aux choses, il faut sans doute acquérir les comportements efficaces basés sur les mécanismes scientifiques assistés par les mathématiques.

L’enseignant qui a établi son programme de conditionnement n’a guère qu’à enregistrer les résultats de l’exercice. Juste ou faux, seul critère pour l’étudiant de sa réussite. il n’est nul besoin de comprendre les choses ou de les théoriser, ni même les procédés employés.

L’enseignement programmé, assisté par ordinateur pourrait retrouver sur Internet un second souffle.

Le chercheur est là un constructeur de modèles qui fonctionnent et capable de donner de "bons" résultats.

La complémentarité enseignant-chercheur pourrait glisser alors vers d’une part l’élaboration de nouveaux modèles accessibles par Internet et d’autre part la validation des exercices des étudiants, correction des épreuves.

L’enfant qui apprend qu’il y a des réponses justes ou fausses essaie de produire les bonnes opérations. Il n’a pas besoin de les comprendre mais d’en reproduire la mécanique. Il n’y a que le résultat qui compte.

 

Ces deux alternatives dessinent une carte des cohérences, carte des Sens, carrefour des positions à prendre, pour l’enseignant. Il oriente ainsi toute la perspective scientifique de l’élève et de l’étudiant depuis le plus jeune âge et pose implicitement le rôle du chercheur aux avant postes de la connaissance et de la compétence scientifique dont s’inspire l’enseignant.

Aller dans tous les sens, c’est le voeu régressif du "tout vouloir" et aussi le souhait de qui refuse tout jugement éthique et donc politique sur l’enseignement et la recherche. C’est de toute façon humainement impossible de se tenir dans une position et son inverse.

A moins de vouloir déboussoler les étudiants on ne peut les inciter à cheminer dans tous les Sens. Il faut choisir et ce choix implique une cohérence entre les différents niveaux, conception de la relation sujet-objet, conception et nature de la science, rôle des mathématiques, type de pédagogie, rôle de l’enseignant, rôle du chercheur. La conception de l’usage d’Internet et la construction d’espaces pédagogiques en dépend, mais aussi ce que les étudiants, futurs enseignants, transmettront dès le plus jeune âge.

Il nous reste ici à envisager quatre autres logiques qui permettent d’accomplir véritablement un choix, celui du meilleur Sens humainement parlant et donc de fonder problèmes et projets scientifiques, mathématiques, pédagogiques et mettre en évidence ce qu’Internet apporte à ce meilleur choix.

Ces quatre Sens sont situés sur la carte aux croisements des deux alternatives précédentes si bien qu’on en retrouve des composantes.

 

CARTE DES SENS ET COHERENCES
Sciences, mathématiques et pédagogies

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Le modèle explicatif et la pédagogie réflexive
Le sujet construit une représentation de l’objet et pose qu’elle en est le reflet explicatif.

Cette réflexion de la réalité conduit à une science des modélisations expliquant le déploiement des phénomènes. Ce qui est une production mentale est posé comme appartenant à la réalité, loi de la nature, cause des phénomènes.

Comment ces modèles, lois scientifiques causent-ils les phénomènes? on serait bien embarrassé d’y répondre. Comment les modèles mentaux peuvent-ils être posés comme lois scientifiques? la question est aussi embarrassante.

En fait la réponse c’est la pensée magique. L’imaginé investit d’une puissance causale agissant sur la réalité.

Les mathématiques là-dedans. Elles viennent à point pour une modélisation rigoureuse mais aussi pour conforter la croyance, fonctions, équations sont souvent présentées implicitement comme étant le lieu d’exercice d’une puissance opérante.

Dès l’école les enfants peuvent être amenés à comprendre que c’est l’addition qui opère et produit les résultats.

L’opération arithmétique opère, le sujet réfléchit l’opération.

Une pédagogie réflexive vient soutenir cette conception. Des modèles, des lois scientifiques sont proposés aux étudiants qui par réflexion doivent se représenter comment la réalité est bien déterminée par ces lois. S’imaginer comment les phénomènes sont bien le reflet de ces formules.

Etant acquis à cette vue de l’esprit alors ils sont convaincus que celle-ci est bien loi naturelle. L’effet de compréhension ou plutôt d’adéquation entre modèle mental et phénomène physique par exemple, semble confirmer le principe.

On peut, l’histoire le prouve, ne plus voir de la réalité que ce que le modèle en laisse paraître, science et idéologie peuvent se confondre comme sciences et croyances.

L’enseignant est celui qui sait, qui connaît les modèles et saura les présenter sous le mode réflexif.

Il montrera comment interpréter les choses avec le savoir et invitera les étudiants à acquérir ce savoir de façon évidemment réfléchie mais conforme, répétitive. L’enseignant est en quelque sorte le représentant de la science.

Internet multimédia nous offrira des façons d’imaginer les modèles des phénomènes ou bien les phénomènes expliqués par les modèles. C’est son principal bénéfice les cours traditionnels se trouvent plus disponibles et mieux illustrés, gare à la concurrence des meilleures représentations forcément pédagogiquement agissantes… si on y réfléchit…

Le chercheur est cet inventeur créatif qui imagine les mouvements intimes des phénomènes et formule quelques lois, mathématiquement étayées, pour le représenter. L’histoire en est plein d’exemples.

L’enseignant en serait alors le vulgarisateur. Transmission des modèles mentaux, représentations de la réalité érigées en lois causales.

L’enfant a qui l’on a fait comprendre cela croit tout à fait dans la vertu opératoire des opérations. L’ennui c’est qu’il ne sait pas s’en servir pour compter. Il peut par contre réciter les tables par coeur et avec enthousiasme s’il est bon élève.

Le modèle opératoire et la pédagogie de l’entraînement
A l’envers du réflexif, la relation a l’objet se situe dans une expérience efficace.

Comment obtenir alors un bon résultat?

La science alors apporte ses modèles expérimentaux pragmatiques. Elle construit des modèles qui marchent, des protocoles efficaces, des modes opératoires. Les mathématiques avec leur capacité à construire des méthodes de calcul y apporte, au delà de l’empirisme, une rigueur étayée de sûreté et d’efficacité. La science ne prétend pas là expliquer ni dire ce qui est mais construire des recettes pratiques.

La pédagogie visera à acquérir une compétence opératoire, savoir ce qui marche, bien sur, mais surtout savoir le faire fonctionner.

L’entraînement est la bonne pratique. Il n’y a pas à s’inquiéter de la validité des résultats, le programme, le mode opératoire s’en occupe (la science), par contre il faut savoir faire fonctionner le modèle et l’utiliser à bon escient. L’entraînement y pourvoira – travaux pratiques.

Le rôle de l’enseignant est tracé, pourvoyeur de méthodes, de modèles pragmatiques, d’outils de calcul, il veillera à la correction de leur emploi. Correcteur de faute, accompagnateur d’entraînement, Internet peut permettre de faire cela "à distance", de façon plus souple mais cependant encore personnalisé par un suivi individuel.

Le chercheur quant à lui poursuit ses expériences, élabore ses modèles expérimentaux, les rodes et les fournit aux usagers professionnels ou futurs professionnels.

L’enfant calcule bien et vite si les données sont claires et l’opération sans ambiguïté d’usage. En situation nominale, il est très efficace et bien noté. Face à un problème réel singulier, c’est une toute autre histoire, comme pour les étudiants confrontés aux situations professionnelles non standards.

Il arrive que des enseignants soient construits sur ces deux logiques inverses et contradictoires, double psychose mentale à la clé. Il y a ceux qui sombrent dans le troisième modèle et ceux qui en réchappent dans le quatrième modèle, présentés les deux ci après.

 

Le modèle descriptif et la pédagogie adaptative
Le sujet est un produit de la nature des choses avec lesquelles il est en interaction.

Les interactions comme toutes relations aux choses sont commandées par les mêmes lois de la nature des choses.

La science n’a pas d’autre fonction que descriptive, photographique même. Non pas de l’expérience humaine mais des choses elles-mêmes. Comment peut-on vouloir agir en tant que sujet alors qu’il n’y a d’action que par les lois de la nature des choses. La science descriptive de la vérité ne donne pas de Sens au rapport des hommes à cette vérité, ni pour la connaissance, ni pour l’action.

Alors il y a quelque chose d’absurde à être étudiant d’une science descriptive qui n’a d’autre message à exprimer que celui de l’adaptation à ce qui se présente, être acteur d’une pièce dont l’auteur est la nature des choses.

Les mathématiques font partie sans doute de la nature des choses et ses objets sont régis par des lois semblables.

Par exemple les opérations arithmétiques opèrent tant dans le champ du cours de mathématique que celui de telle ou telle autre science…

L’enseignant dit qu’il faut l’apprendre sous peine de sanction. L’étudiant s’adapte et règle son comportement sur lescritères qu’il observe dans l’attribution des notes et des diplômes. Il répète les questions et les formules pour réussir à ne pas échouer.

C’estsurtout la contorsion qu’il a appris s’identifiant aux nuées d’objets scientifiques et à leur relation, se faisant pantin, marionnette scientifique, dont l’enseignant pourrait croire qu’il tire les ficelles.

L’un et l’autre n’ont de prise sur un monde qui leur échappe scientifiquement, théoriquement et pratiquement. Le chercheur poursuit sa carrière, maniant ici ou là quelques objets scientifiques dans une configuration différente, une contorsion particulière, une singerie convenue. Détournement du sujet par son objet, détournement de l’enseignant, de l’étudiant dans le jeu du théâtre de marionnettes où les postures seules comptent. Internet offrira certainement quelque plate-forme opportune pour ce théâtre d’opportunisme.

Le jeune enfant soumis très tôt à ce régime tente d’ânonner "deux et deux font quatre" où il voit bien que le sujet du verbe ce n’est pas lui, ce n’est pas lui qui compte et pourtant il faut qu’il calcule, sanction à la clé. On détesterait les maths pour moins que ça, reste la carrière (calcul et caillou ont même racine).

 

Le modèle symbolique et la pédagogie expérientielle
Il est à mi chemin du modèle théorique créatif et du modèle expérimental rationnel.

Le sujet réalise les choses dans et par l’expérience qu’il en a, connaissance et compétence. La relation sujet-objet se résout en projets, résolutions de problèmes. La science témoigne de cette expérience. C’est toujours la science de quelqu’un, sa conscience des choses.

Les mathématiques constituent un langage dans lequel il peut dire son expérience avec toute la rigueur requise mais aussi les limites. Comme un langage, les mathématiques permettent une représentation rigoureuse de l’expérience mentale, un modélisation efficace de l’expérience pratique mais aussi s’y véhicule l’intention du sujet et le Sens de l’expérience, de telle expérience "scientifique", parmi bien d’autres possibles : poétique ou philosophique par exemple.

La science en cela, par le biais de sa traduction mathématique notamment, est une parole humaine qui signifie un rapport aux choses et plus que les choses en elles-mêmes, les choses pour les hommes. Comment pourraient-ils sortir du champ de leur expérience érigé une science de ce qui est hors de toute expérience mentale ou pratique ou qui n’aurait pas de sens humain.

La pédagogie alors est initiatique, maïeutique, encouragée par l’interpellation de la science, prononcée mathématiquement.
Le modèle est donc à lire non comme un modèle explicatif, non comme un modèle opératoire, non comme un modèle descriptif mais comme un modèle symbolique.

L’étudiant va y trouver une aide dans sa confrontation à des problèmes, dans son engagement dans des projets où il va pouvoir se forger sa propre connaissance et sa propre compétence dans l’expérience qui lui est proposée.

N’est-ce pas sa propre maîtrise – connaissance et compétence – qui en est l’enjeu, au meilleur niveau dans une trajectoire de progression?

L’enseignant, fort de sa propre maîtrise pourra bâtir des mises en situation où à l’aide de sa science il pourra initier et accompagner l’étudiant dans sa propre trajectoire. Ce n’est pas par une pédagogie passive répétitive mais active, expérientielle. C’est dans l’expérience personnelle, que se forge la maîtrise d’une relation aux choses, scientifique même. Le maître enseigne pour la maîtrise de l’étudiant. Le chercheur fait l’expérience de nouveaux mondes, de nouvelles choses, de nouveaux rapports aux choses et témoigne de sa maîtrise nouvelle dans sa production scientifique.

Ce n’est pas sa production finale qui est à enregistrer comme un savoir où un programme mais à utiliser comme une représentation symbolique permettant de trouver un chemin de maîtrise. Le maître enseignant fort de cette maîtrise du chercheur propose une discipline, mise en situation et modélisation symbolique et accompagne l’étudiant sur son propre chemin.

Internet c’est la possibilité de construire des mises en situation, des scènes virtuelles que l’étudiant pourra parcourir, accompagné à distance mais avec une grande proximité par un maître enseignant chercheur (est-ce dissociable).

La recherche de l’étudiant dans l’espace virtuel qui lui est proposé le confrontera, grâce à Internet, à différentes ressources, différentes expériences (autres étudiants), différentes maîtrises (professionnels, chercheurs, enseignants). Il faudra aussi rassembler différents métiers pour bâtir de tels espaces pédagogiques mais c’est le maître enseignant qui, de par son expérience propre, peut concevoir et conduire le processus pédagogique.

Et l’enfant qui compte, ajoute, retranche, multiplie ou divise les choses, se trouvera aidé par les modèles arithmétiques qui lui permettront une beaucoup plus grande maîtrise dans sa matière de compter, pour lui même et pour les autres et de prendre la mesure du monde dont il fait l’expérience.

 

Tout cela peut paraître familier et fort dérangeant. C’est que la liberté de l’homme, sa responsabilité c’est de choisir. S’il s’agit de servir la maîtrise des étudiants et ce dès l’enfance alors c’est de maîtres qu’il est besoin, maîtres enseignants, maîtres de recherche. Il n’y a d’autres pédagogie qui vaillent que celle de la maîtrise et d’autres sciences qui ne serve la maîtrise humaine de l’expérience des réalités, ses réalisations.

Science est alors conscience et conscience est condition de maîtrise. Les mathématiques y amènent leur langage de représentation et d’action, Internet ses espaces virtuels, espaces d’expériences initiatiques et les enfants continuent à compter et à grandir.

La reconnaissance des autres voies et le discernement de leurs conséquences devraient permettre d’affronter le dérangement des habitudes et de bien des mystifications, anciennes ou nouvelles.

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