La fraternité principe républicain

La fraternité devise de la république, principe constitutionnel, oubli de l’Etat et des lois qui sont censées s’y référer. On va même jusqu’à opposer fraternité et laïcité. Un comble que le terme de solidarité vient occuper comme pour faire diversion.

La fraternité est un terme anthropologique. Il qualifie triplement une relation spécifiquement humaine:

– Elle mobilise l’humanité de l’homme en la personne de chacun, sa dignité d’être humain,

– Elle se réalise au sein d’une communauté humaine qui lui donne corps,

– Elle est engagée dans le Sens de l’accomplissement humain, de chacun et de tous.

Un seul de ces termes oublié et la fraternité perd sa valeur.

Elle n’est pas une relation de simple solidarité biologique ou sociologique.

Elle n’est pas isolée du contexte et des enjeux de la vie en communauté.

Elle n’est pas un face-à-face mais un côte-à-cote dans une même direction, celle du bien commun.

Ainsi la fraternité est une relation de nature humaine, entre des personnes engagées dans une communauté de devenir pour concourir au bien commun et celui de chacun.

LA FRATERNITE UNE CARACTERISTIQUE DE LA RELATION PROPREMENT HUMAINE (1996)

Elle dépend de la conception de l’homme et donc de ce qui relie les hommes entre eux d’après chaque conception

• La dominante "affective" à propos des conditions matérielles renvoie à l’amour du prochain qui est même et à la haine de l’autre qui "altère".

• La dominante "économique" de régulation des échanges dans un même cadre de conditions revient à une injonction d’aliénation comme prix de l’insertion dans les mécanismes socio-économiques (pas de transcendance personnelle).

• La dominante juridique idéaliste d’égalité de droit renvoie au devoir de conformité dans l’ignorance de toute relation interpersonnelle et, au bout du compte, de la dignité de la personne.

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Personne et individu

Si l’homme est une personne alors les relations de fraternité sont des relations de responsabilité réciproque quant au Sens du devenir et de l’accomplissement propre.

Alors les individualités sont contingentes et les relations existentielles, affectives, mentales, corporelles, inscrites dans un monde commun, sont elles-mêmes contingentes.

Les conditions existentielles sont vouées au bien commun alors que les dispositions personnelles engagent le bien propre au travers du bien commun.

La fraternité est alors participation individuelle au bien commun par l’engagement personnel vis-à-vis de l’autre personne appelée à s’accomplir.

La dignité de la personne autre intègre la reconnaissance et le respect de son altérité radicale et la responsabilité de la tenue d’un Sens qui engage l’accomplissement.

Les conditions existentielles elles sont communes et si on peut parler à juste titre de solidarité, il s’agit d’une solidarité de fonctionnement qui n’est fraternité que si elle est engagée dans une relation fondée sur la dignité exigeante des personnes, acceptation et détermination.

L’individualisme qui isole les individus peut chercher à confondre les personnes par une solidarisation existentielle qui nie l’essentiel.

LA FRATERNITE EST DE NATURE HUMAINE

Si l’homme est un être spirituel (Instance de Sens) alors le lien de fraternité est de nature spirituelle (con-Sensus). Il s’exprime au travers des modes d’existence personnelle de l’individu :

• affectivité,
• corporéïté – matérielle
• identité – mental
• engagement mutuel

Mais il ne faut pas confondre les "modalités" ou formes existentielles et l’essentiel.

Lorsque les formes existentielles viennent à la place de l’essentiel alors c’est le coeur de la personne qui est "oublié" sinon nié.

La fraternité n’est pas collusion, complaisance mais interpellation au travers de l’acceptation

LE PROBLEME MAJEUR POUR L’AVENIR

La prédominance d’une réduction de la nature humaine à "la nature des choses", à ses formes existentielles. Les "systèmes naturels" sont posés comme conditionnant et comme condition de solution aux problèmes conçus comme dysfonctionnement.

Alors la solidarité est la loi du système (économique, naturel, sociologique, psychologique, politique) mais comme toute loi "naturelle", elle ne demande qu’une "rédition" ("se rendre à l’évidence") qui est "abandon" de soi comme être transcendant.

C’est tout le tissu de la pensée contemporaine qui structure l’esprit des gens sans qu’ils le sachent et surtout qu’ils veuillent "savoir" ce qu’il en est.

L’élimination est loi de la nature, le recyclage une possibilité, l’exclusion est un mode de régulation.

Le collectif est l’interaction des individus qui ne sont que le produit de l’interaction. Il n’y a pas d’intentionalité humaine les conditions prédominent.

Or à l’inverse si la prédominance des conditions est le lot des hommes dans l’enfance et la gestation. La maturité humaine est justement "culture" de l’humanité donc utilisation opportune des conditions existentielles.

La fraternité intègre le partage des conditions existentielles et à ce titre nous sommes tous "membres les uns des autres" mais au service non d’un quelconque "équilibre régulé" mais de l’accomplissement de la personne "spirituelle" par le "partage d’humanité" qui est la communion d’esprit (de Sens) et pas n’importe quel Sens, c’et pour cela qu’il faudra être toujours plus prudent vis-à-vis des facilités d’évidence et plus exigeant. pour ne pas se trouver à servir "la nécessité" plutôt que la dignité de l’homme.

Une pensée pour changer d’année (2004)

SOLIDAIRES OU FRATERNELS

Deux pièces de bois collées ensemble sont rendues solidaires, elles ne sont pas fraternelles pour autant. Deux animaux issus de la même mère sont un temps solidaires, ils n’en sont par fraternels pour autant. Une collection d’objets ou d’individus liés par des contraintes ou des conditions communes sont rendus solidaires, ils n’en sont pas fraternels pour autant. La solidarité est une propriété des choses liées. La fraternité est propre à l’humanité.

La devise de la république française impose que la fraternité soit inscrité dans toutes ses lois au risque d’être inconstitutionelles, pas la solidarité. Cherchez l’erreur! D’où vient et que signifie la falsification? D’un déni d’humanité évidemment, antihumanismes théoriques ou pratiques, antihumanisme radical.

En 1999 un groupe de personnalités de tous bords proposa de faire de l’an 2000 l’année de la fraternité. Les républicains aurraient du s’en saisir, le gouvernement de l’époque refusa, celui d’aujourd’hui le ferait-il?. (Cf texte sur un projet de chartes)

Où sont les véritables républicains, qui sont ceux qui s’approprient la république en la falsifiant comme on le voit avec certains qui se font propriétaires exclusifs de la laïcité? Voir les éclairages de l’Humanisme Méthodologique et ceux, salutaires concernant la laïcité, de la commission Stasi.

Sacraliser “La République” c’est en faire un tabou et édicter des dogmes inquestionnables. C’est aussi couvrir de son mépris les autres nations, voisines, qui ne sont pas des républiques et les autres nations qui sont aussi des républiques. C’est oublier qu’en France nous en sommes à la cinquième.

Le monde va de l’avant, certains régressent et n’en sont pas encore là où “les lumières” nous ont portés. Est-ce une raison pour rester immobilisés dans l’état d’il y a deux siècles? Ne serait-ce pas le symptôme d’un état pathologique, d’un dépassement mal assumé, falsifié, qui nous condamne à rester rigidifiés sur une tentative louable mais avortée. (cf. Sens de la révolution française )

Il y a une France qui a peur du mouvement du monde et se justifie de la peine de ceux qui ont du mal à avancer. Cette France là, crispée sur sa république falsifiée, dramatise et diabolise tout mouvement dans la mesure même où il risque de révéler son imposture séculaire.

Liberté, égalité, fraternité sont ensemble les indicateurs d’un Sens du bien commun national, des valeurs auxquelles la laïcité ne peut manquer de se référer. A quoi sert la raison si elle est incapable de penser cela? Mais peut-être est-elle pour certains, la servante d’une passion (pathos) falsificatrice qu’il ne faut pas dévoiler?

Sacralisons et idolatrons ce que nous ne voulons pas questionner, ce que nous ne voulons pas que la démocratie interroge.

Mais, de plus en plus ubuesque dans sa pratique d’Etat statique, cette république là est nue. Le monde entier le voit, stupéfait.

Roger Nifle janvier 2004

 Projets de chartes

(Conçus à l’occasion de la préparation de l’année de la fraternité 1999-2000)

Projet d’une charte pour les entreprises et les organisations.

1) Poser la visée de "bien commun"comme principe supérieur (finalité) dans les communautés où s’exerce l’activité: clientèles, fournisseurs, partenaires, régions d’implantation.

2) Tenir l’exigence de bonne gestion et de développement, conditions d’un concours performant au bien commun.

3) Adopter le principe de considération vis-à-vis des personnes et des groupes humains, c’est-à-dire les envisager d’abord comme des hommes avant d’être des consommateurs ou des moyens.

4) Favoriser l’accomplissement des personnes et des groupes humains en partant de là où ils en sont de façon à leur permettre de concourir à leur façon et leur mesure au bien commun (le critère de la dignité humaine).

5) Participer à la recherche démocratique du Sens et des critères du bien commun des groupes ou collectivités auxquels on prend part ou dont on est responsable.

6) Participer aux responsabilités vis-à-vis des atteintes ou des obstacles mis à la poursuite du bien commun.

7) Faire du Sens du bien commun un axe de consensus pour les relations collectives, un axe de cohérence pour les stratégies, les organisations et les pratiques, un axe d’évaluation pour piloter les actions et les projets et en partager le souci de progresser.

8) Constituer un groupe ou une structure destinée à réexaminer les enjeux et les pratiques de l’entreprise et à proposer des évolutions constructives sous cet angle.

9) Concourir à la réflexion et l’expérimentation de nouvelles façon de penser et d’agir dans les entreprises et les organisations;

10) Développer le discernement permettant de différencier en toutes circonstances ce qui est plutôt relation fraternelle et ce qui est directement ou indirectement fratricide.

Projet d’une charte pour les associations et les organismes à visées sociales

1) Reconnaître la restauration ou l’expression de la dignité de la personne comme finalité de l’action.

2) Ne jamais séparer la dignité de la personne et son concours au bien commun dans ses communautés d’appartenance.

3) Réévaluer régulièrement dans cette optique les buts et les objectifs poursuivis et procéder aux ajustements nécessaires.

4) Faire partager par les moyens de la concertation et de la pédagogie un approfondissement des enjeux de l’activité commune.

5) Réévaluer les moyens d’action et les pratiques dans cet esprit en concertation avec les acteurs concernés.

6) Développer l’esprit de service, de même Sens que l’esprit de fraternité en élaborant des savoir-faire, des compétences et des méthodes appropriées.

7) Encourager les initiatives et la créativité pour développer et faire partager l’esprit de service dans le Sens de la fraternité.

8) Prendre en considération les personnes chargées de responsabilités pour que leur dignité soit aussi respectée.

9) Rechercher les moyens de mettre au clair le Sens du bien commun des communautés où s’inscrit l’action de l’institution ou l’association.

10) S’assurer du consensus et de la cohérence de l’action commune.

Projet de charte pour les responsables politiques, élus des communes, collectivités territoriales, parlementaires.

1) La fraternité est le principe vers lequel doivent tendre les relations sociales et interpersonnelles dans une collectivité républicaine.

2) La responsabilité politique ne peut se désintéresser du Sens et de l’orientation du lien social dans les communautés de devenir qu’elle a en charge.

3) Elle doit assurer un magistère d’éclairage et d’orientation en ce qui concerne la poursuite du bien commun vis-à-vis des populations concernées.

4) Elle doit aussi favoriser l’initiative et l’engagement des personnes selon leur vocation à participer à la poursuite du bien commun.

5) Elle doit encourager les institutions, organismes et structures à faire de même en interrogeant, s’il y a lieu, leur finalité.

6) Elle doit porter une attention particulière à la restauration de la dignité de personnes laissées en souffrance en veillant à ce qu’elles retrouvent une place dans le concours au bien commun.

7) Pour cela les responsables politiques, exerçant leur rôle, peuvent mobiliser les structures qu’ils ont en charge de diriger, les réseaux auxquels ils participent et les organisations, associations ou entreprises parties prenantes de la vie collective.

8) Ils peuvent utiliser les moyens en leur possession pour favoriser les actions et les projets qui vont dans ce Sens et encourager les initiatives significatives et authentiques.9) L’engagement dans la responsabilité publique implique la préoccupation du devenir de la communauté au travers d’un développement qui lui soit propre dans la recherche du bien commun.

10) La responsabilité politique s’exerce dans la vigilance à ce que l’action publique soit toujours engagée dans ce Sens et à s’élever contre ce qui n’en respecterait pas l’esprit.

Projet de charte pour les responsables de la mise en oeuvre des politiques publiques

1) Le principe de fraternité présent dans la devise républicaine et inscrit dans la constitution est une obligation des services de l’Etat.

2) Tout règlement, loi ou disposition visant à la mise en oeuvre des politiques publiques doit être interprété et engagé dans cet esprit.

3) Les méthodes et procédures de mise en oeuvre des politiques publiques doivent concrètement le mettre en pratique faisant passer la dignité de la personne et le bien commun des groupes humains avant toute raison qui les méconnaîtrait (technique, administrative…).

4) Engagement est pris de réajuster dans ce Sens la lecture des règles et les dispositions pratiques. C’est un engagement personnel et collectif portant sur chaque politique publique.

5) Cet engagement consiste tout d’abord à repérer quelle communauté est bénéficiaire de cette politique publique et en quoi celle-ci doit ou devrait contribuer au bien commun.

6) Il consiste ensuite à rechercher en quoi cette politique publique prend en considération ou non la dignité des personnes dans leur rôle spécifique et leur situation dans la communauté.

7) Il consiste à rechercher ensemble qu’elles améliorations devraient être apportées, tant dans l’interprétation que dans la pratique.

8) L’engagement oblige ceux qui le prennent à rechercher à comprendre, connaître et adopter les attitudes qui permettent de respecter, restaurer ou développer la dignité des personnes.

9) L’engagement oblige ceux qui le prennent à rechercher les compétences, méthodes et savoir-faire qui permettent aux acteurs responsables de s’approprier les politiques publiques qui les concerne.

10) L’engagement oblige à renoncer à faire passer les raisons techniques ou administratives avant la dignité des personnes et leur engagement pour le bien commun.

Roger Nifle 1999 – 2004