Cohérences culturelles et dynamiques locale de développement
Plus de 25 ans, le développement fondé sur la culture n’a connu que des échecs, dont la décennie mondiale de l’UNESCO. La carence des conceptions anthropologiques de la culture, la dominance structuraliste y sont pour beaucoup. C’est le vide qu’à comblé la théorie des cohérences culturelles avec l’Humanisme Méthodologique. Mais il est plus confortable de persévérer dans l’erreur que de prendre le risque du changement pour réussir.
Il y a deux manières d’envisager le développement socio-économique d’une région ou d’une cité. La première consiste à chercher à l’extérieur moyens, idées, modèles, entrepreneurs. Dans la seconde, il s’agit de chercher puis réactiver ses potentialités propres enracinées dans la culture elle-même.
La vie collective est faite toujours par des hommes qui entreprennent et des populations motivées pour agir. Que les uns viennent à manquer, ou la foi des autres vienne à décliner et rien ne va plus. Parmi les moteurs des uns et des autres, il y a celui qui consiste à trouver un idéal attrayant selon les courants dominants de l’époque, et il y a celui de sa propre existence, lié à l’accomplissement de sa personne et des groupes auxquels on appartient.
Plus les modèles généraux sont incertains, plus les dynamiques porteuses de développement doivent se fonder sur le génie propre des régions et des personnes. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui fait l’émergence de véritables innovateurs capables d’entreprendre et de réussir ? Où trouvent-ils leur dynamisme, leur énergie et leur art, sinon dans leur propre personnalité et leurs motivations profondes ?
Il en est de même pour une région. C’est dans sa « personnalité culturelle » propre qu’elle peut trouver à la fois la volonté, le dynamisme et le talent de son propre développement. Encore faut-il accepter la possibilité qu’il puisse être original, intimement lié à ses mentalité, à ses ressources et peut être pas du tout conforme aux standards que les grandes technostructures tendent à généraliser.
Le contexte général, c’est le monde tel qu’il est avec ses échanges, multiples, ses grands problèmes. Mais c’est à chaque région, département ou même cité, qui se reconnaît dans un destin collectif, une même « culture », de trouver ses propres réponses.
Responsabilité individuelle et responsabilité collective rejoignent et se renforcent dans cette conscience là.
L’enjeu est non seulement celui des modalités de développement, mais de la nature même du développement, c’est-à-dire du concept lui-même. On parlera alors d’un développement endogène .
Chaque individu n’est pas motivé par les mêmes choses, n’a pas les mêmes talents. Il en va de même d’un groupe culturel. Les Bretons et les Picards n’ont pas forcément la même mentalité et les mêmes talents, de mêmes les Lyonnais et les Bordelais. Il n’y a pas de raison pour que leur développement soit identique, ni en nature, ni en valeur.
Les ratio économiques généraux ne peuvent pas mobiliser les enthousiasmes, il faut pour cela faire appel aux tendances spécifiques, aux fondements particuliers de la personnalité culturelle. Si les valeurs générales se sont trop désincarnées pour rester crédibles en dehors des pieux discours, il vaut mieux rechercher dans leurs fondements culturels propres, celles qui sont susceptibles de mouvoir sinon d’émouvoir, les ensembles et groupes humains qui forment une collectivité culturelle.
Il faudra alors envisager différents aspects du problème.
Quelle approche permettrait de connaître ces dynamiques internes d’une culture ? Il est nécessaire pour cela de définir les différentes notions sur lesquelles la démarche et en particulier celle de cohérence culturelle.
Comment élaborer une politique de développement endogène et la mettre en oeuvre ?
Sur quelles modalités, les bénéfices d’une politique de développement endogène s’appuient-ils ?
I – COHERENCE ET PERSONNALITE CULTURELLE
Pour ne pas toujours fonctionner à l’aveuglette, il est bon de faire de temps en temps un peu de théorie. Or s’il est un domaine où il y en a bien besoin, c’est pour comprendre ce qu’est la culture d’une collectivité humaine, c’est-à-dire ce qui explique ses mentalités et les comportements collectifs. Tout le monde sait qu’il y a des différences d’une contrée à l’autre, d’une ville à l’autre. La culture au sens large, c’est ce qui fait la spécificité de chaque groupe, la logique de son fonctionnement, son histoire. Il ne faut pas réduire cette notion à quelques nostalgies passéistes ou quelques évocations artistiques considérées comme intéressant, émouvantes mais pas sérieuses en regard des problèmes d’aujourd’hui.
La culture doit être regardée sous deux angles différents et c’est ce qui fait l’originalité de cette démarche et en permet des applications pratiques. On distinguera deux notions : celle de personnalité et celle d’identité culturelle.
– Personnalité culturelle
En effet au fil de l’histoire se constitue un patrimoine d’expériences. Il devient la source des significations que cette population donne au monde mais aussi celle de ses dynamiques de fonctionnement propres, individuels et collectifs. C’est cet ensemble de tendances ou de sens qui servent à comprendre les choses et à impulser les comportements, les réactions aux événements, etc… que l’on appelle une cohérence culturelle.
Chaque culture a sa personnalité propre qui correspond à une cohérence propre. Bien sûr, deux cultures peuvent avoir des tendances communes mais l’ensemble de celles de chacune est original. La personnalité culturelle est ainsi le coeur réactif et dynamique d’un groupe humain. C’est là que se fonde son existence, sa pérénité, son dynamisme et donc son développement.
Les individus possèdent en eux-mêmes cette cohérence qu’ils ont mis en commun et que l’on peut appeler consensus culturel (ou consensus communs). Il faut bien préciser que ce dernier terme ne correspond pas à un quelconque accord conscient mais à un état de chose profondément inconscient en général. par ailleurs, chaque personne peut privilégier telle ou telle de ces tendances en ce qui la concerne pour faire des attitudes différentes et mêmes contradictoires. En outre selon les circonstances ou les époques telle ou telle des tendances de la personnalité culturelle sera dominante plutôt que les autres. Ceci fait que tout cela est en mouvement et peut être en partie piloté.
– Identités culturelles
La personnalité d’une culture, une question de sens ou d’âme, prend forme lorsqu’elle s’exprime dans telle ou telle circonstance. C’est là qu’elle devient visible et que l’on peut parler d’identité. Dans un domaine particulier la personnalité culturelle donnera une identité spécifique correspondant concrètement aux réactions, fonctionnement et productions collectifs. Le développement socio-économique d’une région est donc ainsi toute une « identité » de sa culture, c’est-à-dire une expression directe de sa personnalité culturelle propre. Chaque culture a plusieurs « identités » selon les périodes ou les aspects auxquels on s’intéresse. Toutes les identités passées, actuelles, futures ou en projet ont toutes une même cohérence et sont homologues. Cela veut dire que chacun est sous tendue par la même chose malgré la diversité des visages qu’elles peuvent prendre.
A une époque encore récente on a voulu développer un peut partout les mêmes « maisons de la culture », les mêmes zones industrielles, ZUP, ZAD, etc. Cela tendrait à donner une identité uniforme à des régions ou cité qui ne le sont pas. Cela tendrait à donner une identité uniforme à des régions ou cités qui ne le sont pas. Cela n’a pas pris partout et en particulier chaque fois que la personnalité culturelle locale ne trouverait pas à s’y exprimer et se trouvait ainsi refoulée.
Ainsi chaque région, chaque cité, chaque culture en général, peut trouver à s’exprimer dans le déploiement de ses potentialités propres pour fonder son développement. La condition première est de mettre à jour cette personnalité culturelle, cette palette de tendances spécifiques qui se sont exprimée et s’expriment encore par les différentes visages de cette culture. Ensuite pourront être sélectionnés ou bâtis des projets en connaissance de cause. Ce qui est viable et motivant ne peut venir que de là. Que ce soit ce qui a trait à l’organisation sociale, à l’organisation économique, à l’animation, à l’aménagement, tout projet dans son élaboration ou sa réalisation manifeste la culture locale. La manière d’élaborer, comme celle de décider, comme celle de réaliser sont d’autant plu simples que l’on en connaît au préalable le sens, les finalités, la logique, toutes choses qui appartiennent à la personnalité culturelle. Cela est vrai aussi pour la nature même des réalisations qui ne peuvent être partout les mêmes.
Des régions s’expriment plus favorablement dans des entreprises individuelles, d’autres dans des formes plus collectives. Certaines seront plus créatrices, d’autres plus exploitantes. Certaines se trouveront mieux dans des domaines de pointe, d’autres dans des activités plus classiques, d’autres encore travailleront avec bonheur dans la précision ou au contraire dans des choses plus lourdes. A chacun de connaître et découvrir ses propres talents, pour l’actuel et le futur.
II – COMMENT ELABORER UNE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT ENDOGENE ET LA METTRE EN OEUVRE.
C’est tout d’abord l’affaire des responsables locaux d’avoir une politique en la matière et aussi d’en faire l’affaire du plus grand nombre pour la mettre en oeuvre. Il faut donc pour cela :
– Qu’il y ait des responsables qui assument la définition et les choix politiques.
– Qu’ils en assument la transmission et la démultiplication auprès des acteurs.
– Que ceux-ci s’y retrouvent pour être vraiment motivés et s’y réaliser.
C’est la même cohérence, la personnalité culturelle locale, qui préside à ces trois conditions. Il faut ainsi en premier lieu la connaître par une étude préalable.
Un responsable ne peut définir n’importe quelle politique de développement. Il ne peut que choisir parmi les tendances propres de la personnalité culturelle. Le choix cependant lui revient. Lui revient aussi la charge « d’y voir clair », c’est-à-dire de dégager l’ensemble des tendances potentielles.
Une politique de développement est l’expression d’une tendance choisie parmi celles qu’offre une culture. C’est une question de sens, (tendance), de la logique interne, de finalité, d’orientation… Tout ceci fonde :
– La stratégie de réalisation.
– Les modalités particulières de réalisation.
– La nature des réalisations.
– Les processus d’animation et de communication ad hoc.
On peut ainsi esquisser une méthode type d’élaboration et de mise en oeuvre d’une politique de développement endogène.
Connaissance culturelle
Il s’agit au moyen de la méthode appropriée, de mettre à jour la cohérence de la personnalité culturelle propre. Cette cohérence est explicative des « identités » historiques et actuelles. Elle permet donc d’abord de comprendre. Elle permet ensuite de repérer les différentes directions envisageables en les traduisant dans leurs implications en matière de développement. Reste ensuite le choix, toujours celui du responsable en dernier ressort.
Elaboration d’une stratégie de développement
Elle comprend :
– La formulation du choix effectué. C’est ce que l’on appelle la politique . Elle a un sens pour cette culture là, dont elle est issue.
– L’élaboration d’une stratégie de communication qui consiste à diffuser, faire comprendre, motiver ; selon ce sens politique là, de manière à ce que cela se transforme en actions.
– l’élaboration de plans, programmes, modèles de mobilisation, « modes d’emploi », procédures, etc… Ceci pour que les acteurs agissent dans des formes qui expriment le plus justement possible la « ligne » ou le sens de la politique choisie.
– Des instruments de pilotage qui doivent simplement permettre de vérifier la justesse politique des réalisations et de réactiver dans le bon sens (celui choisi).
Mise en oeuvre
Pour le responsable, après le stade de l’élaboration, il s’agit toujours d’un travail de communication. La stratégie particulière ayant été définie, il ne reste qu’à la mettre en application auprès des intéressés et par les moyens prévus. Il faut surtout retenir que :
– C’est avant tout une communication de sens : celui de la politique.
– Ce sens est l’un de ceux qui constitue la personnalité culturelle, donc collective.
– Ses expressions constituent les réalisations à venir mais aussi certaines de celles du passé qui peuvent rester exemplaires dans leur esprit (leur sens) en trouvent leurs modalités actuelles.
III – SUR QUELLES BASES, LES BENEFICES D’UNE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT ENDOGENE S’APPUIENT-ILS
Le développement endogène est celui qui se définit et se construit sur les fondements culturels propres des régions, pays, villes, etc…
Ses finalités plongent dans la personnalité culturelle et ses modalités en sont les expressions.
En s’appuyant ainsi sur la culture propre pour fonder le développement local, on peut attendre différents bénéfices dont on peut comprendre les processus et les basses. Il est intéressant d’en analyser quelques uns.
En se fondant sur la personnalité culturelle, ce sont les significations collectives qui sont utilisées pour fonder une politique. De ce fait, par la communication et des exemples justement choisis donc significatifs, l’on obtiendra plus facilement la compréhension des interlocuteurs et des populations. Ce sont leurs significations culturelles. C’est aussi ce qui fait que cela aura une résonance forte. Il y a des projets qui indifférent, d’autres qui mobilisent. L’activation, la mobilisation sont les conditions normales de l’action individuelle et collective. Chaque fois que des responsables veulent agir, ces mobilisations sont une difficulté majeure l’inertie, les résistances au changement ne sont bien souvent que le fruit de l’incompréhension, de l’absence de résonances pour les gens. Leurs propres significations culturelles mises à jour et choisies pour fonder et exprimer les projets permettent de « tomber juste ». Ce sera pris pour le « bon sens ».
Autre aspect : les ressources et potentialités qui fondent une culture dans sa personnalité et ses identités peuvent être ignorées ou explicitées. Dans ce dernier cas, on découvrira non seulement des ressources matérielles mobilisables mais des opportunités, des possibilités, mais aussi des talents des savoirs faire, des compétences particulières. Tout ceci mis en oeuvre peut fonder et développer des activités socio-économiques particulièrement réussies : créations, productions, structure de productions, échanges intérieures ou extérieurs…. Il y a des régions et donc des cultures plus propices à certaines activités qu’à d’autres, non seulement pour les motivations, fonction des mentalités, mais aussi les qualités intrinsèques qu’un passé plus lointains savait quelquefois reconnaître et utiliser.
La personnalité culturelle est encore faite de l’ensemble de ses dynamiques. Le choix de certaines d’entre elles permet de fonder une politique endogène de développement. Celle-ci s’exprime dans des projets, des plans, des stratégies qui ne consistent au fond qu’à faire jouer ces dynamiques dans les contextes adéquats. C’est non seulement encore le chemin de la réussite durable des projets par leur pertinence avec l’esprit des gens, leurs ressources et capacités, mais aussi en suscitant les enthousiasmes. Il n’y a pas de réussite sans enthousiasme c’est-à-dire un dynamisme interne dont c’est l’expression affective. Il y a tant d’indifférence même dans les situations locales difficiles, tant de discours et d’informations qui produisent la léthargie collective, qu’il est important de saisir que la condition de mouvement d’enthousiasme ne peut se fonder que dans des dynamiques collectives propres et non dans des slogans venus d’ailleurs. C’est aussi ce qui permet l’émergence d’un esprit d’entreprise et donc d’entrepreneurs et de leaders reconnus parce qu’ils savent porter les espoirs propres et exprimer les tendances spécifiques des populations en étant eux-mêmes portés par les mêmes dynamiques.
La culture, aux sens où nous l’avons comprise ici, est encore ce qui représente les origines historiques individuelles et collectives ou encore les racines. Leur connaissance par un processus de prise de conscience, leur présence actuelle et dans les projets sur le futur assure un bénéfice psychologique considérable. Les déracinements et sentiments d’aliénations (sans lien) sont synonymes de déshumanisation, de robotisation et ainsi d’indifférence sinon de morosité ou de révolte. Fonde individuellement ses enjeux dans sa propre personne est condition d’épanouissement. Culturellement, il en va de même. La découverte ou redécouverte d’une personnalité culturelle entraîne le sentiment d’identité personnelle, d’appartenance ; non plus dans des lieux ou moments protégés mais dans les aspects du développement local, à condition qu’il soit fondé sur sa culture. A partir de là les gens peuvent se sentir véritablement concernés et les rapports sociaux s’en trouver améliorer et même à nouveau justifiés, autrement en tout cas que par le conflit.
L’ensemble des éléments de la personnalité culturelle, autrement dit sa cohérence, peut se retrouver ainsi dans tous les aspects, modalités et résultats, du développement endogène. On en arrive alors à se demander pourquoi cette question de développement dont on voit l’intérêt de l’endogénéité culturelle. La réponse pour une ville, une région, une population, est la même que pour une personne qui trouve ses propres voies d’accomplissement. Le bénéfice de cette perspective, inversée soulignons-le-par rapport aux idées des années 50 à 70 notamment est celui d’une maturation et d’une autonomisation dans le sens ou une personne peut mûrir et devenir adulte. Cette démarche entraîne cela par les apprentissages et prise de conscience qu’elle favorise. La « conscienciation culturelle » accompagnant un développement endogène est en fait son bénéfice majeur et même sa finalité comme accomplissement collectif et personnel. C’est ainsi que le développement est à nouveau concevable comme conduit par l’homme et pour l’homme et en forme la culture.