Connaître-décider-agir

Dans un monde clivé s’il y a un lien accessoire entre les trois, les contenus même du processus de connaissance, du processus de décision, du processus d’action semblent indépendants.

Savoir objectif indépendant du sujet, décision selon des critères de valeurs arbitraires, action relevant de procédés efficaces par eux-mêmes. Telles sont les croyances courantes en l’absence du lien qui est leur source commune : le Sens en l’homme par lequel tout cela arrive. Connaissances, valeurs, actions ne sont jamais indépendantes mais trouvent leur origine commune en l’homme par les Consensus partagés et selon des modalités et processus, différents certes, mais homologues (de même Sens).

Epistémologie, axiologie, praxéologie sont réunies par le Sens en l’homme. C’est ce que révèle l’Humanisme Méthodologique, dont il donne la perspective et procure les moyens, tout cela selon la nature de l’homme.

La relation connaissance, valeurs, action ne va pas de soi.

Le premier clivage classique est entre théorie et pratique. Il est admis par beaucoup que “faire de la théorie”, c’est se détourner de la pratique, du concret, de l’action. Pour d’autres le travail théorique ou de recherche ne doit pas être pollué par quelque objectif pratique, quelque utilité, ce qui est alors vécu comme stérilisateur. La technologie et la science sont bien séparées pour les uns, pour d’autres la première s’appuie sur la seconde mais de façon indirecte. D’autres confondent les deux, les réduisant à l’une ou l’autre.

Ce qu’il faut retenir notamment c’est qu’il n’y aurait pas de relation causale entre théorie et pratique. La théorie ne produit pas la pratique et vice versa.

Se pose évidemment la question du lien entre les deux. Si la réponse formelle domine, celle de l’Humanisme Méthodologique bouleverse la situation. Ce lien c’est le Sens.

Sens humain, pris en consensus qui s’exprime dans le processus et le produit de la connaissance et aussi dans le processus et le produit de l’action.

Il y a une théorie de la connaissance (épistémologie) qui est fondée sur le Sens et une théorie de l’action qui est elle aussi fondée sur le Sens, le même Sens qui depuis le cœur de l’homme et le partage du ConSensus s’exprime tant en théorie qu’en pratique, deux modes d’expression du Sens (homologues, c’est-à-dire de même Sens), deux voies d’accès au Sens aussi et par là de passage de l’un à l’autre de la théorie à la pratique, de la pratique à la théorie.

Passage par où ? Par le Sens, c’est-à-dire par l’homme et même le cœur de l’homme (cf. Théorie des Sens et Cohérences Humaines et ingénierie des Sens et cohérences humaines, les bases anthropologiques de l’Humanisme Méthodologique).

Maintenant introduisant la question du bien, des valeurs, de l’éthique, domaines de l’axiologie que l’on pourrait traduire comme la détermination d’une “bonne” direction, d’un comportement orienté vers le bien.

Alors là éthique et efficacité sont le plus souvent vécu comme étrangers sinon antinomiques.

Antinomique évidemment partout où le cynisme ou quelque anti-humanisme pratique règne c’en est un signe. Mais surtout aucun rapport n’est envisagé lorsque les modèles de l’action sont mécanistes, matériels ou purement utilitaires.

Il n’y a pas de rapport, la raison opérante serait indépendante de toute question morale, de justice, d’éthique ou autres valeurs.

Cependant l’examen des situations de l’action montre que le souci du “bien faire” intervient toujours même si, confondu avec l’exactitude du programme agissant, ce “bien faire” ignore son Sens. Ainsi Eichmann et d’autres, légions de ceux qui ont érigé en vertu la conformité procédurale dans l’action, interpellent, par la négative, l’inséparabilité des deux dans l’action humaine.

Là aussi c’est la question du Sens qui fait lien. Seulement, une fois posée au cœur de l’homme, la question du Sens ne s’exonère pas de la question du bon Sens et de ce fait de la nature et la performance de l’action comme des critères du bien de celle-ci.

Si l’action peut être menée en tous Sens, elle n’est jamais exempte de la question axiologique même lorsque des meurtriers réductionnistes ont tenté d’évacuer le “cœur du sujet”, le Sens humain et ses implications, crime contre l’humanité. C’est même l’un de leur Sens de refuser le Sens tant dans l’expérience intérieure d’humanité que dans l’explication de l’action. Le principe de causalité sur laquelle sont basées bien des réductionnismes est une simple hypothèse destinée à ignorer la source humaine de toute « réalisation », le Sens. Ce faisant cette action est coupée des conditions de maîtrise de celle-ci et de la question des valeurs humaines.

Reste le rapport épistémologie, axiologie, la connaissance et le bien. La volonté (bien humaine celle-là) d’éliminer le sujet du processus de connaissance (prétendue méthode scientifique) vient en contradiction avec le témoignage des hommes qui ont fait la science dans l’histoire mais alimente la fable de la production scientifique rigoureuse dont le critère serait l’élimination par le (ou les) sujets de la recherche de leur propre subjectivité et ce de façon supposée maîtrisée.

Il faut bien sur méconnaître le Sens au cœur du sujet connaissant et agissant dans son travail de recherche pour en arriver à une telle fable. Mais comme toutes les fables il y a une morale de l’histoire un bien, une vertu que l’on veut nous signifier. Ici le bien c’est le déni du sujet et par suite du Sens. En l’absence de tout discernement du Sens alors évidemment ce “bien” n’est plus questionnable. On trouve là l’accusation d’obscurantisme portée sur tout ce qui fait l’objet du déni et l’auto sanctification de lumières là où est éliminé du procesus de connaissance le sujet connaissant. On peut s’interroger sur les notions de lumière et d’obscurité lorsque conscience et connaissance sont dissociées.

L’Humanisme Méthodologique replace le Sens au cœur de la connaissance. Tant dans sa méthode que dans son produit, elle n’est pas la même selon le Sens engagé, le consensus partagé,. Cela entraîne immédiatement à la question du bien ainsi que de la “volonté bonne” dont procède aussi la connaissance.

Ainsi pour l’Humanisme Méthodologique c’est le même Sens en l’homme et dans le partage consensuel qui:

– détermine un processus de connaissance et son fruit la reconnaissance d’une réalité commune,

– pose et engage la question du bon Sens, celle du bien tant dans la connaissance que l’action et évidemment la décision.

– est la source du mouvement de transformation qui caractérise l’action pratique.

Ainsi lorsqu’un Sens, Sens du bien commun et du bien personnel, est engagé dans le travail de connaissance, l’orientation selon des “valeurs” et l’action sont aussi engagée simultanément.

Il n’est pas impossible de passer d’un souci à l’autre sans discernement (de Sens). A contrario l’une des préoccupations qui en fait appel au Sens, s’appuie sur les autres tout en les servant.

Ainsi pour l’Humanisme Méthodologique les trois processus épistémologique, axiologique et praxéologique, ceux de la connaissance, de l’orientation et de l’action sont indissociables. Cela veut dire qu’aucun d’entre eux ne peut être dissocié des autres.Ainsi pas de connaissance sans pratique, ni orientation selon des valeurs, un bien.

Il faut couper la racine humaine des trois (le Sens en consensus) pour les séparer (radicalement).

– Pas de valeurs sans connaissance ni action.

– Pas d’action sans valeurs ni connaissance.

Évidemment cela change tout. La maîtrise de l’un suppose une certaine maîtrise des autres et pas leur ignorance ou leur rejet.

– La maîtrise de l’un véritable participe à la maîtrise des autres.

– La connaissance authentique engage moralement et opérationnellement. L’orientation pour le bien, personnel et collectif, engage un processus de connaissance (conscience) comme d’action.

– L’action humaine mobilise le Sens qui se confronte immédiatement, tant à sa valeur morale (ou bien recherché) qu’à la connaissance qu’elle implique.

Dès lors il n’y a aucune situation humaine où les trois processus ne soient simultanément et essentiellement impliqués. C’est la caractéristique de toutes les propositions de l’Humanisme Méthodologique, une certaine connaissance, une orientation pour le bien, commun en général, et une démarche opératrice fondée sur le même Sens.

Il est cependant possible d’enchaîner les moments de préoccupation: connaissance, orientation, action par exemple sachant que chacun contribue aux autres et aussi à la maîtrise de l’ensemble.

Il n’est alors pas possible d’envisager une solution, une réponse, un résultat à aucun des trois processus qui soit établi à priori, auto suffisant, coupé des deux autres. Ce serait signe d’ignorance du Sens, de perte des repères d’humanité (déshumanisation) et de perte de maîtrise qui ne va pas sans référence à un bien, connu et reconnu.

Le propos n’est pas ici de développer l’épistémologie, l’axiologie et la praxéologie de l’Humanisme Méthodologique (théorie de la connaissance, des valeurs et de l’action), ni même de reprendre les principes méthodologiques et les positions prises systématiquement sur toutes les questions abordées. Le lecteur en trouvera de très nombreux exemples sur le site web.

Cependant il reste à souligner que le “champ existentiel” où se réalisent les trois processus est aussi le même décrit par le cohérenciel et la trialectique sujet-objet-projet.

Cela signifie que toujours interviennent pour la connaissance les valeurs ou l’action: l’intention du sujet, un objet et son contexte objectivable, un projet et son processus rationnel de développement. L’affectivité, les représentations mentales et l’expérience factuelle y sont toujours présentes et enfin il n’y a d’autres lieux pour leur réalisation que ceux des communautés humaines, communautés de Sens en consensus et communautés d’existence.

N’en venons pas à confondre les trois modalités d’être au monde qui nous préoccupent ici. Surtout ne croyons pas que la consistance existentielle de l’une soit la cause de celle des autres.

La connaissance dans son contenu existentiel n’est pas la cause de l’action ni de la morale (valeurs ou bien commun).

Les valeurs ne sont pas la cause de la connaissance ou de l’action.

L’action n’est pas la cause pour son exercice de valeurs, ni de connaissance.

Seul le Sens est le lieu commun principiel et à ce titre chacune des trois modalités s’y originant et le réalisant en est un possible révélateur et ainsi contribue par le fond aux deux autres.

Peut-on se focaliser sur l’une ou l’autre des trois modalités ?

Oui mais pas s’exonérer des autres, ni la considérer comme intrinsèquement la meilleure.

Les voies de l’accomplissement humain se valent toutes mais chacun d’entre nous a à trouver les siennes avec l’Humanisme Méthodologique.

Sens et cohérences humaines se retrouvent simultanément:

– l’un comme principe transcendant au cœur de l’homme, son humanité, le lieu du lien de consensus qui forme toute communauté humaine,

– l’autre comme unité, différenciée et complexe qui nous sauve des confusions holistiques et des morcellements réductionnistes dans lesquels nous avons été formés ou déformés.

Pour schématiser en conclusion:

L’Humanisme Méthodologique repose sur une anthropologie du Sens et du consensus par lequel se “réalise” l’expérience humaine, c’est-à-dire toute “réalité”.

De cette anthropologie se décline:

– une épistémologie et un processus de connaissance

– une axiologie et un processus d’orientation

– une praxéologie et un processus d’action.

Sens et connaissance s’expriment en termes de

– discernement de Sens

– sciences et consciences

– degrés de connaissance

Sens et orientation se traduisent en termes de :

– positionnement

– détermination de direction

– degrés d’autonomie et de liberté

Sens et action se concrétisent en termes de

– créativité

– processus et projets

– degrés de maîtrise

Ils ont tous impliqués dans chaque activité humaine.

il faut avoir intégré et dépassé les réductions affectives, factuelles ou mentales pour accéder au Sens, le début de l’âge d’homme ou « hominescence » dit Michel Serres.

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