La charte de l’Humanisme Méthodologique

Au milieu d’une crise des représentations qui révèle que les idées ne sont pas le Sens, au milieu d’une crise de Sens qui s’en suit et qui révèle que le thème de l’humanisme sert aussi des antihumanismes militants et sans conscience, il faut fonder un nouvel humanisme qui s’ancre dans une connaissance de l’humanité de l’homme plus avancée et aussi, en conséquence, des enjeux et processus qui régissent nos affaires humaines.

LE TRYPTIQUE

I – Pourquoi un nouvel humanisme aujourd’hui ?

II – L’Humanisme méthodologique,
considérations et engagements

III – Les fondements anthropologiques
de l’Humanisme Méthodologique

I – Pourquoi un nouvel humanisme aujourd’hui ?

1 – L’humanité de l’homme est partout remise en question par un anti-humanisme radical qui passe pour une évidence.Sans discernement, des idées et des thèses niant implicitement l’humanité de l’homme, sont largement répandues dans toute la société.

2 – Très souvent les discours humanistes centrés sur l’homme s’accompagnent d’une évacuation du sujet humain dans l’action et ses critères d’évaluation. La montée en puissance des références à l’éthique et aux valeurs est contredite dans la pratique par des raisonnements et des méthodes fondées sur l’ignorance active des facteurs humains essentiels.

3 – La gestion des choses a pris toute la place dans les affaires humaines sans considération pour les hommes et leurs enjeux d’humanité. La réduction des problèmes à leur aspect technique, matériel, juridique, administratif ou quantitatif a éliminé dans bien des domaines toute considération proprement humaine.

4 – L’animal est devenu pour beaucoup l’idéal de l’homme pendant que la raison s’est faite l’arme de tous les arraisonnements et de toutes les habiletés. L’exaltation émotionnelle qui se fait le critère du bien et du mal prend implicitement ou explicitement pour modèle l’animal et ses instincts légitimant aussi bien la violence vis-à-vis des autres que la complaisance du sentiment.

5 – L’environnement humain a été mis au centre pendant que l’homme est considéré comme un occupant à peine tolérable, l’anthropisation étant devenu un terme péjoratif. Faire de la planète ou de l’environnement une finalité plutôt que les conditions exigeantes et bénéfiques de l’existence humaine est un glissement qui justifie l’accusation de l’homme pour la satisfaction d’un imaginaire régressif d’hédonisme victimaire.

6 – L’humanisme classique et l’humanisme émotionnel sont aveugles à la montée de l’antihumanisme radical et aux attentes de l’humanité. Les Lumières n’éclairent plus ni le présent, ni le passé, ni le futur. Leur humanisme, autrefois salutaire, se tiens dans l’oubli de l’humanité de l’Homme, souffrante ou exaltante. Son abstraction de l’humanité laisse paradoxalement libre cours aux humanismes émotionnels et plus encore à l’anti-humanisme radical théorique et pratique.

7 – En cette période de mutation la crise de Sens réclame de nouveaux moyens de discernement dans la confusion qu’elle traverse.Tous les Sens de l’humanité sont proposés en même temps, chacun comme valeur significative et direction de l’existence humaine. La prolifération des repères les disqualifie,justifiant pour les uns leur négation du Sens, pour les autres la crispation sur leurs références.

8 – La crise éthique des légitimités appelle à refonder l’engagement des responsabilités.
Il est de bon ton de fustiger toute autorité dans tous les domaines l’assimilant à un pouvoir abusif. Si tel est trop souvent le cas il est important de repenser la légitimité d’autorités repères (dirigeants notamment) et la responsabilité de chacun de l’assumer pour lui et pour les autres.

9 – La crise des représentations disqualifie l’action humaine au profit de procédures programmatiques, de modèles magiques et d’artefacts qui seraient autonomes et automates.
Dans nos sociétés et particulièrement la notre, l’attachement aux modèles de pensée et d’action en est venu à en ignorer les sources et les conditions humaines. En retour nous assistons à une prolifération de modélisations et d’artefacts que l’on voudrait magiquement automatiques. Fantasme de toute puissance de la Raison qui s’est construit pour elle-même un modèle informatique et neuronal.

10 – La mutation de l’humanité, à l’épreuve de sa négation, ouvre à une nouvelle intelligence de l’homme et de son rapport au monde, théâtre de l’accomplissement de sa liberté. Cette crise de Sens débouche sur un questionnement responsable, personnel et collectif. Il découvre que là est l’essence de la liberté et celle, identique, de l’humanité. Il ne reste plus qu’à discerner et choisir le Sens de la culture et de la maîtrise des conditions de cette liberté,propre de l’homme.

II – L’Humanisme méthodologique, considérations et engagements

1 – L’homme est à l’origine et à la fin de toutes les affaires humaines, critère de toute éthique, de toute valeur et de tout bien, donc de toute évaluation. Cette considération doit présider à toute démarche de compréhension, de décision et d’action

2 – Toute connaissance est humaine parce que le Sens est le propre de l’homme, l’essentiel en toutes choses que les formes mentales ne font que représenter. Savoir représenter les choses ne suffit pas à les connaître, le discernement de leurs Sens humains en donne seul l’intelligence.

3 – Toute action est humaine parce qu’elle n’a d’efficacité, de Sens et de but que par des processus et selon des critères humains. Les sciences de l’action sont des sciences humaines et les moyens de l’action sont les accessoires de processus humains à maîtriser.

4 – Tout problème doit être considéré comme un problème humain, celui d’une communauté et de personnes concernées. C’est toujours le problème de quelqu’un dans le contexte d’une communauté humaine et il peut être différent de celui d’autres personnes dans les mêmes circonstances.

5 – Toute situation ne peut être comprise, sur le fond,que par le Sens qu’elle prend ou pourrait prendre pour les hommes et leurs communautés concernés. L’intelligence du Sens est l’intelligence symbolique ou intelligence du coeur sans laquelle l’essentiel reste ignoré ou masqué.

6 – Toute décision, toute orientation ne valent que par les potentiels humains qu’elles mobilisent et par l’accomplissement humain qu’elles visent où se rejoignent le bien personnel et le bien commun. Elles engagent les personnes dans leur humanité tout en dirigeant leurs actes et leurs entreprises.

7 – L’homme est au centre de toutes les affaires humaines et elles ne sont rien d’autre que la façon d’être au monde de l’humanité. Toutes les situations, tous les enjeux doivent être compris comme relevant d’une connaissance des phénomènes humains et traités en conséquence.

8 – La science et la pratique des phénomène et des processus humains prime sur toutes les autres qui y trouvent leur légitimité. La réduction à des aspects matériels, formels ou même affectifs ne doit être considérée que comme une approche de l’essentiel et resterait autrement sans signification.

9 – Nul ne peut prétendre connaître et parler d’un point de vue qui ne serait pas humain, décider pour des mobiles qui ne seraient pas humains et agir autrement que parla mobilisation d’une efficience humaine. Tout ce qui est en-deça ou au-delà de l’expérience humaine et du discernement des Sens qui la fonde ne peut être envisagé par l’homme que d’un point de vue humain.

10 – L’Humanisme méthodologique s’appuie sur un humanisme radical qui réclame une nouvelle anthropologie. Seule une nouvelle compréhension de l’Homme, de son humanité, de son rapport au monde et de ses réalités peuvent l’aider à progresser dans une civilisation de l’accomplissement humain et à ne pas sombrer dans l’anéantissement, crime contre humanité.

III – Les fondements anthropologiques de l’Humanisme Méthodologique

1 – La question : qu’est-ce qu’un être humain? est celle à laquelle doit répondre une anthropologie fondamentale. Bizarrement c’est l’une des questions les plus rarement posée, sur le fond, comme si cela allait de soi. Les réponses implicites, non dites, ou non conscientes foisonnent pendant ce temps.

2 – l’anti-humanisme radical le nie, l’humanisme méthodologique l’affirme, le justifie en théorie et le met en pratique : il y a une nature humaine par laquelle nous appréhendons les choses alors que d’autres diront qu’il y a d’abord des choses dont l’homme n’est que le produit, parmi d’autres et au même titre.

3 – A contre courant, l’humanisme méthodologique affirme que l’existence des choses – le monde et ce qu’il contient et notamment notre propre corps et notre vie psychique – ne sont rien d’autre que le contenu de l’expérience humaine partagée. L’existence des choses est une « réalisation » humaine dont la source et la cause est de nature humaine. Autrement dit, pour agir sur les choses il faut agir à la source sur ce qu’il y a en nous de spécifiquement humain – notre humanité.

4 – La nouvelle révolution copernicienne à accomplir est que les choses n’ont pas de Sens en elles mêmes, par elles-mêmes mais toujours par et pour les hommes. Seuls ils peuvent donner Sens aux choses, tel ou tel Sens. Mais le Sens donné aux choses est la condition même de leur existence à nos yeux (signification, valeur, rationalité, identité, factualité, rôle) A contrario, ce qui n’a pas de Sens pour tels ou tels, ne fait pas partie de leur expérience et donc n’existe pas pour eux. Exister veut dire, humainement parlant, faire partie de l’expérience commune.

5 – La nature de l’homme n’est pas d’être une chose parmi les choses mais de porter en elle tous les Sens possibles – tous les Sens humains à partir desquels les choses vont apparaître, comme découvertes, inventées, « réalisées ». L’anti-humanisme radical dira qu’elles étaient déjà là en dehors de toute expérience humaine. L’humanisme méthodologique dira que seule l’expérience humaine nous permet d’affirmer l’existence des choses qui n’existent ainsi que dans cette expérience. C’est ce que « exister » veut dire pour les hommes. Bien présomptueux celui qui voudrait se baser sur une expérience qui ne serait pas humaine pour affirmer l’existence des choses.

6 – L’être humain est un être de Sens et le Sens est le propre de l’homme, c’est le contenu de son humanité. Comme une disposition intérieure à la source de notre expérience de la réalité (nos « réalisations »), le Sens est aussi le vecteur de toute signification et toute compréhension profonde – le fond des choses. Il est l’orientation de toute perspective éthique et de valeurs. Il est enfin le support d’une logique explicative de la façon dont les choses se construisent. Les Sens et leur discernement sont la clé de toute connaissance, de toute prise de position et décision, de toute production et action humaine. Enfin soulignons que les Sens sont de nature spirituelle comme l’est donc l’humanité de l’homme, en chacun et en tous.

7 – L’homme tire son expérience des Sens partagés avec d’autres hommes c’est-à-dire de conSensus. Cela veut dire que l’existence des choses et des choses humaines dépend de la relation et du partage d’humanité entre les hommes. Cela se traduit par le fait que, au fond, toutes les communautés humaines sont des communautés de Sens et qu’en conséquence, elles réalisent un monde qui leur est propre ( c’est ce que la mondialisation généralisée devra reconnaître). Cela veut dire aussi que toute réalité et action humaine est collective alors que chacun, porteur en lui-même de toute l’humanité est une personne unique. Unicité de la personne – communauté des réalités humaines c’est l’équation de la condition humaine et celle de la liberté humaine.

8 – Il y a en l’homme des Sens avec lesquels il forme des conSensus qui se traduisent par une vision du monde et des stratégies de l’action qui nient l’humanité de l’homme. D’autres qui les cherchent dans une animalité à domestiquer ou à retrouver. D’autres encore dans la production mentale maîtrisée par la raison. Il y a en l’homme certains Sens par lesquels l’homme découvre progressivement son humanité, son rapport au monde et en même temps le principe et la voie d’un accomplissement de soi, c’est à dire prendre possession de son humanité, de sa liberté d’être humain – liberté de Sens qui transcende toutes réalités du monde.

9 – Dans l’existence, fait de l’expérience du conSensus, lorsque le Sens de l’accomplissement est celui dans lequel on se dispose alors apparaît une échelle de progression et de maturation, ponctuée par des seuils de passage. Chacune des phases de l’évolution humaine correspond à un plus haut niveau d’intégration et de maîtrise de l’expérience humaine. L’âge des représentations de notre civilisation correspondant à une maîtrise mentale par la raison. L’âge du Sens qui s’amorce s’engage dans un niveau de maîtrise plus profondément humain puisqu’il touche aux Sens qui constituent l’humanité. Entre les deux, un seuil de passage, le seuil de maturescence, celui de la mutation en train de s’accomplir.

10 – Toutes les affaires humaines, petites et grandes sont la manière dont se joue, se fuie ou se cherche notre humanité. L’humanisme méthodologique basé sur une anthropologie du Sens et de l’expérience humaine est le moyen de faire de toutes les affaires humaines le lieu de recherche et de progression de l’accomplissement humain. C’est ce qui donne Sens aux conceptions, aux approches, aux démarches, aux pratiques et aux visées relatives à ces affaires humaines, choisissant parmi les Sens possibles de l’humain le Sens de l’accomplissement.

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