Pensée unique pensée inique
La pensée unique est surtout celle des autres. A l’analyse il y a une logique de la pensée unique qui intègre trois dimensions et on s’aperçoit qu’elles sont présentes bien au-delà des sphères dénoncées avec délectation y compris chez les dénonceurs. La raison qui s’impose, la fatalité des faits, l’opinion reine sont les piliers de la plupart de nos mondes institués et de leurs suiveurs.
  Le thème de la pensée unique fait florès  depuis quelques temps. Pour certains, il se fait l’écho  du "Politicaly correct" américain qui date de  quelques années.
  C’est cependant un signal intéressant celui peut-être  d’une révolte contre un certain nombre de certitudes,  un certain nombre de raisonnements qui nous sont assénés  depuis par mal de temps. Pour les caractériser on peut  entendre :
  1) que ce qui nous arrive : mondialisation de l’économie,  conjoncture internationale, logique de marché, guerre  économique, compétition mondiale, est incontournable  et que notre devoir est de nous y adapter.
  2) que ceux qui se trouveraient exclus doivent alors essayer  de s’en sortir, c’est-à-dire se ré-insérer  dans le système quitte à aménager quelque  sous-système d’insertion.
  C’est l’axe de cohérence de cette pensée unique  qui se présente comme la quintessence de toute pensée,  celle qui est définitivement imparable, qui réclame  de se rendre à l’évidence.
  C’est bien de reddition qu’il s’agit, reddition de la liberté  humaine au nom du libéralisme pour certains, du socialisme  pour d’autres, étrangement conjoints quelquefois.
  La pensée unique est aussi une pensée inique. Cela  tombe bien au moment où la question de l’équité  est soulevée.
  La pensée unique est inique et injuste et il est bon d’en  connaître les principes pour découvrir du même  coup notre liberté et notre responsabilité d’en  inverser le cours, de se remettre à penser.
  L’éclairage qui en est donné ici est issu de la  théorie des Cohérences Humaines et, plus particulièrement,  des cartes générales de cohérences qui indiquent  notamment les grandes dialectiques de Sens de l’humain.
  Les trois piliers de la pensée unique-inique
  Première caractéristique : La fatalité.  C’est comme ça! Observez qu’elle est l’argumentation,  s’agit-il d’une analyse, fruit d’une recherche ? Non, les choses  sont ce qu’elles sont, fatalement, et nous ne manquons pas de  ventriloques qui font parler le(ou les) marché(s), la  conjoncture, les nécessités (souvent économiques).  Tout se passe comme s’il s’agissait de constats imparables sous  entendant que tout autre point de vue, toute autre analyse relèverait  d’une faute impardonnable. Fatalité, fatum, faute! Pas  de relativité du point de vue, donc pas de points de vue  autres qui soient valides.
  C’est le sujet humain intentionnel, capable de s’engager dans  de multiples directions qui est nié. Il n’y a plus véritablement  rien d’humain, même les hommes réagissent à  des déterminations fatales.
  Voilà ce qui est signifié, voilà ce qu’il  faudrait cesser de croire.
  Non les faits ne sont pas ce qu’ils sont, ils sont ce que nous  en interprétons en fonction de nos positions et nos engagements.
  Bravo dirons d’autres tenants de la pensée unique, c’est  bien vrai, les faits ne sont que la réplication  de structures , de modèles, de lois, de normes  qu’il suffit d’identifier pour en prévoir les conséquences  et interpréter les faits.
  Malheureusement, c’est le second pilier de la pensée unique  qui se révèle. Tout n’est que réplication,  duplication de structures sous-jascentes, les "scientifiques"  et les spécialistes qui en connaissent les formes (lois,  règles, modèles) savent. Mais il suffit de mettre  en évidence le mode le plus fréquent, la norme  en toute chose pour en détecter l’explication. C’est pourquoi  l’opinion publique, ou tout simplement l’opinion partagée  avec quelques uns, prend force de loi scientifique. La vérité  est ce qu’en pense l’opinion et que les média, purs miroirs  passifs on le sait bien, nous en révèlent. Ce qui  se dit est ce qui doit se penser et c’est le réfèrent  à identifier (pour être dans le coup) et à  croire pour ne pas être a-normal.
  Kissinger disait récemment, paraît-il, qu’avant,  les responsables venaient lui demander "qu’est-ce qu’il  faut penser" de ceci ou de cela, maintenant on lui demande  "qu’est-ce qu’il faut en dire". C’est le progrès!  Dans cette disposition à laquelle nous sommes invités,  il n’y a plus d’Etre propre, il n’y a plus de vérité  personnelle, authentique, il n’y a plus personne qui pense, qui  parle, qui agit. Il n’y a plus que des structures, des lois formelles  et leurs reflets. Le conformisme est critère de vérité,  malheur à celui qui transgresse, c’est un malade. Voyez  avec quelle facilité les "explications" en tous  genres fleurissent et sont gobées comme évidences,  la demande de références sûres est immense,  l’offre aussi.
  Bravo diront les individualistes , chacun n’a  qu’à penser ce qu’il veut et après tout pourquoi  serait-ce moins valable que ce que prétend le voisin,  de quel "droit" le scientifique, le politique ou le  professeur pourraient-il savoir mieux que moi ce que je devrais  penser?
  Voilà le troisième pilier de la pensée inique  qui, en définitive, fait d’une position individuelle face  au reste du monde un "droit de regard" sans référence  au bien commun.
  Est-il légitime de penser ceci ou cela ? Peu importe les  conséquences pour la communauté, peu importe que  cela serve à éclairer ou à agir pour les  autres.
  Que les délocalisations servent ou déservent telle  ou telle population humaine est accessoire. Que telle multinationale  ait fait disparaître telle ou telle entreprise dont vivait  une région ne rentre pas dans les calculs, sauf à  la marge. Le succès de tel projet, de telle spéculation  est à lui-même sa propre légitimité  et s’érige en règle de pensée pour la collectivité.  La Raison, servante docile, vient vite le justifier. Cette caricature,  exagérée pour beaucoup, encore trop pale pour d’autres,  correspond à cette absence des autres dans l’interprétation  des choses.
  Une chose est bonne ou mauvaise, elle est intéressante  ou pas, elle s’interprète comme ceci ou comme cela en  rapport avec mes seuls intérêts. Toute évaluation  élimine le bien commun comme échelle de valeur  et donc comme source d’interprétation de la valeur des  choses.
  Alors si on conjugue ces trois piliers de la pensée unique  nous trouvons:
  Les choses sont ce qu’elles sont, c’est indiscutable,
  Elles sont d’ailleurs conformes à la norme-normale qui  les explique
  Cela tombe bien parce que c’est tout à fait comme ça  que je vois les choses (mon intérêt).
  Cette pensée est inique puisque tout autre est exclu de  toute possibilité de penser autrement. La discussion qualifiée  de débat, n’est que commentaire à la marge.
  Ce serait une faute de remettre en question ce que l’on constate  d’évidence et selon toute nécessité, (surtout  les experts)
  Ce serait anormal de ne pas croire ce qu’il est normal de croire  d’après les règles de conformité et de convenance,  (énoncées par les spécialistes et les média)
  Ce serait une atteinte à ma liberté de penser,  d’exiger de moi de devoir considérer le point de vue du  bien commun. (alors que je le représente manifestement)
  Ce que révèle cette analyse, c’est qu’il y a une  infinité de pensées uniques et que ce caractère  unique n’est que le révélateur d’une forme d’absolutisme  totalitaire qui signifie l’interdiction de toute autre position.  Alors, la science, la nature, l’économie, la société,  la nation, etc. ont bon dos pour assener sans y toucher ce déni  de l’être humain en l’autre.
  Or, la force de cette pensée inique n’est rien d’autre  que notre faiblesse à l’égard de l’un ou l’autre  des trois piliers de la pensée unique.
  Notre fatalisme , notre sentiment d’évidence  face à la nécessité, notre aliénation  au "besoin", notre angoisse et notre culpabilité  plus ou moins cachées sont des points d’appuis pour courber  l’échine.
  Redressons-nous, cherchons à discerner les intentions  humaines derrière ces nécessités, prenons  position vis-à-vis de ceux qui invoquent des vérités  absolues au nom de l’évidence.
  Notre conformisme frileux nous fait accepter  sans esprit critique ce qu’on nous raconte comme explicatif des  évènements et des phénomènes sans  même nous apercevoir en général de l’incohérence  de ces modèles et de nos croyances.
  Acceptons de considérer le point de vue des autres comme  autant de témoignages de leur position et de leur expérience  mais pas comme explication standard. Assumons la responsabilité  de notre propre point de vue frotté à celui des  autres et donc remis sans cesse en question.
  Notre égoïsme nous fait oublier  le pourquoi de certaines interprétations. Le plus souvent  il est remarquable que les explications choisies conviennent  bien à la position individuelle de ceux qui les tiennent.  Alors essayons de prendre en considération un point de  vue général, celui de la communauté, en  différenciant la diversité des possibles.
  Alors notre attitude vis-à-vis de la pensée unique  nous entraînera à penser par nous-mêmes. C’est-à-dire  :
  Assumer un point de vue, relatif à telle ou telle intention  au lieu de prétendre penser (constater) l’absolu,
  Reconnaître la position originale de son expérience  propre au lieu de coller à un modèle devenu science,
  Considérer la pluralité des points de vue et adopter  un point de vue d’intérêt général  plutôt qu’une interprétation d’intérêt  particulier.
  Alors tous les thèmes de la pensée unique sont  des provocations à penser, des provocations à exercer  la dignité humaine, des provocations à la responsabilité  et, en définitive, à assumer une plus grande maîtrise  de son existence.
  
 
				