Processus de l’action
Tout problème est un problème humain, dans toutes ses dimensions. C’est toujours et entoute matière même mathématique ou scientifique, à des phénomènes humains que l’on s’adresse et à des processus humains que l’on doit avoir recours. Le reste est accessoire.
PROCESSUS DE L’ACTION
Le traitement des situations
Roger Nifle
Septembre 2003
Tout problème est un problème humain, dans toutes ses dimensions. C’est toujours et en toute matière, même mathématique ou scientifique, à des phénomènes humains que l’on s’adresse et à des processus humains que l’on doit avoir recours. Le reste est accessoire.
Si tous les problèmes sont au fond des problèmes d’humanité (Sens en consensus), des problèmes humains (réalités d’expériences humaines), la gestion des choses devient accessoire au lieu d’être presque le seul champ de l’action pour un grand nombre de spécialistes. Même les questions politiques sont réduites très souvent à des questions technico juridiques ou de manipulation d’affects autour de la question fallacieuse du pouvoir.
Combien de fois entend on vouloir placer l’homme au centre alors qu’aucune traduction concrète ne s’y associe, hormis les mystifications consistant à réduire l’homme à tel ou tel visage accessoire ou régressif (ex. le thème de la satisfaction des besoins).
L’humanisme méthodologique prône l’éthique de la considération. S’il y a un problème quelque part, c’est le problème de quelqu’un, d’un groupe, d’une communauté humaine. Le problème (ou le projet) doit être considéré dans la réalité de ceux qui sont concernés et comme étant le fruit de l’expérience du consensus qui est le leur.
D’une façon générale toute question posée dans une situation existentielle doit renvoyer aux Instances en consensus puis à la question des artifices opératoires pour intervenir tant sur le consensus que sur la transformation des choses. Entre-temps la question éthique revient pour le choix de la position de Sens selon laquelle le consensus va être engagé ainsi que la responsabilité qui s’y associe. Agir c’est prendre une responsabilité éthique et pratique ce que les mécanismes opératoires classiques ou les technocraties tendent à évacuer ou à poser comme accessoire.
Ici c’est l’essentiel qui est en jeu, tant pour le plan pratique qu’éthique, intimement liés par le Sens qui est le même pour l’un ou l’autre plan.
Nous allons maintenant tracer le parcours d’une méthodologie générale de l’action, applicable dans tous les domaines, à toutes les échelles dans des conditions évidemment différentes.
Le processus méthodologique peut aussi être interactif, les phases plus ou moins longues, les techniques différentes.
Énonçons les différentes phases :
1) Centration pour poser le problème
2) Élucidation pour en discerner le Sens, connaître et comprendre
3) Positionnement pour décider le Sens à tenir
4) Conception des modalités et perspectives de l’action
5) Planification pour organiser l’action dans le temps et en fonction des conditions
6) Opérations pour agir sur les situations
7) Bilan pour prendre acte des résultats
8) Évaluations pour l’appropriation et l’appréciation de l’action
Ces huit phases formeront un enchaînement qui constitue l’artifice de l’action. elles correspondent à la spirale de réalisation qui s’appuie sur le cohérenciel.
Autant elles se trouvent ordonnées dans une succession particulière, autant le « processus agissant » est en jeu dans le début. On connaît des situations où la première ou les trois premières phases suffisent comme artifice d’intervention pour que le consensus en soit utilement affecté et la situation transformée. Un problème bien posé est à moitié résolu dit-on à juste titre. Nous insistons sur cet aspect d’artifice méthodologique pour bien rappeler aussi que la méthode n’est pas la cause directe de la transformation de la réalité mais qu’elle est le vecteur d’un travail sur le Sens et le consensus. Là où on nous dit qu’il y a des « méthodes qui marchent, des techniques efficaces » rappelons nous que ce ne sont que façons de parler ou croyances magiques, celles de notre monde technico-scientifique en particulier. Enfin notons que très souvent ce processus méthodologique se déroule sans que nous y prenions garde. Il s’agit cependant de l’envisager ici dans des contextes professionnels où l’action doit être pensée.
Centration
Il s’agit d’un côté de « poser le problème » et d’un autre de se tenir disposé dans la problématique humaine qui le sous-tend. Un artifice permet de faciliter cette centration au travers de la recherche de réponse à trois questions :
– C’est le problème de qui ? quelle personne ? quel groupe ? quelle communauté ? quels rôles ?
– De quoi s’agit-il ? quel est l’objet central, dans quel contexte, quels sont les objets secondaires ?
Pourquoi cela fait-il problème ? quel est le Sens de la demande ou de la volonté de traiter le problème ?
On peut y rajouter quels buts, quelles attentes, quelles conditions, quels affects, quels faits, quelles représentations ? Tout ceci ne fera que faciliter la centration. Ce questionnement est aussi une « écoute » de la situation humaine initiale, une en-quête selon le principe de considération qui place les hommes au coeur de leurs affaires et non l’inverse. Il peut se traduire par différentes façons de solliciter, questions directes, écoute de « témoins significatifs », observation de la situation et des matériaux puis comme expression symbolique c’est-à-dire témoignage de la réalité des hommes impliqués. Il s’agit au travers de ce questionnement de se « mettre en question » c’est-à-dire de prendre part au consensus initial en rejoignant la problématique sous-jacente. Il est évident que s’il n’y a là aucune maîtrise rien ne permettra un quelconque service se faisant alors seulement le jouet du problème.
Ce déplacement intérieur assorti d’une maîtrise suffisante ira jusqu’à discerner quels Sens sont engagés et en tout cas dans quel Sens se tenir pour que le traitement du problème se fasse au service de l’accomplissement humain. La centration est une discipline dont le premier exercice doit être suffisant pour engager la suite.
Notons ici deux choses.
– Toute la méthodologie sera une poursuite du travail de centration, culture du meilleur Sens de la problématique pertinente.
Ce travail est déjà une intervention favorisant la centration des autres et ce faisant contribue au progrès de leur maîtrise ce qui est toujours un des enjeux essentiels de l’action.
2) L’élucidation de la situation
Toute intervention, toute solution, toute transformation sera l’actualisation d’un Sens en consensus. Souvent il sera nécessaire d’engager une élucidation de ce Sens tant pour déterminer l’orientation de l’action que ce qui en sera la ressource, le potentiel, les valeurs d’appuis, etc.
C’est comme cela que l’humanisme méthodologique appelle à se questionner. Quels sont les potentiels, les richesses, les ressources de tous ordres que la situation porte en elle-même de par la Cohérence en consensus où se trouve un « meilleur Sens » que l’on peut déjà élucider. Cela veut dire que en chaque chose, en chaque situation on recherche le meilleur Sens ou encore que l’on va mettre en évidence le meilleur potentiel à actualiser. Tout cela se situe au coeur des hommes, de leurs Instances en consensus. L’élucidation peut alors s’appuyer sur l’une ou l’autre de deux techniques.
L’analyse de Cohérence pour mettre en évidence les différents Sens de la Cohérence sous-jacente, le meilleur Sens apparaissant parmi eux.
L’analyse figurative plus rapide visant par exemple à dégager directement le meilleur Sens de la situation et ses potentiels.
Le discernement de Sens et l’intelligence symbolique
Nous nous trouvons là devant une question déjà soulevée à plusieurs reprises tant en termes de maîtrise à l’âge du Sens, qu’en terme de connaissance avec la conscience de Sens. Il s’agit ici de la mise en oeuvre du processus qui peut y conduire. Il est sans rapport avec les processus de la raison donc avec tout ce que nos écoles, modestes ou grandes, nous ont enseigné, faute sans doute de maîtres en la matière.
L’élucidation du Sens d’une situation advient comme une lumière intérieure (y voir clair) une sorte de compréhension profonde telle que, quand cela arrive, tout s’éclaire et en plusieurs Sens. C’est une expérience assez courante mais mal identifiée, rarement étudiée et encore moins généralisée comme nous le faisons ici. De ce fait cela a pu apparaître soit comme anodin soit comme extraordinaire, réservé aux créateurs, aux découvreurs, aux génies. L’humanisme méthodologique montre que c’est un processus que l’on peut cultiver comme on l’a fait de la raison et qui réclame néanmoins justement une certaine maîtrise préalable des représentations (et de la raison).
Cela restera autrement inaccessible sinon comme leurre ou simulacre et notamment pour ceux qui ont fait de la raison et des représentations l’indépassable de la conscience humaine, niant de ce fait Sens et Instances humaines. Toute leur expertise s’arc-boute sur la négation de la possibilité d’un tel discernement. On parlera de construire du Sens, de produire du Sens, pas de l’élucider. C’est là le fait d’idéologies, dénégatrices au fond, d’une nature humaine (antihumanisme théorique).
Il s’agit au contraire très simplement d’y aller voir, là ou ceux là disent qu’il n’y a rien, pour y découvrir cet essentiel sur lequel repose toute l’ingénierie humaine, ingénierie du Sens et de son actualisation dans l’action.
Pour entrer dans la pratique il nous faut au préalable connaître deux choses.
La conscience de Sens advient lorsque nous sommes à la fois centré sur la Cohérence d’une réalité ou situation à élucider (centration) et que nous sommes disposés très rigoureusement dans le meilleur Sens de cette Cohérence.
Nous voyons le paradoxe. Il faudrait déjà discerner les Sens de la Cohérence pour se tenir dans le meilleur Sens permettant ce discernement.
Notons d’ores et déjà que si nous sommes habituellement déjà engagé dans un fort travail de discernement cela sera plus facile d’aller plus loin dans ce discernement que si nous n’en avons aucune maîtrise. Dit autrement le travail de discernement est d’autant plus accessible que nous avons déjà développé une bonne maîtrise dans ce Sens et d’autant plus difficile sinon inaccessible dans le cas contraire.
La deuxième chose à connaître est la notion d’homologie.
Si une situation, une réalité est l’actualisation d’un Sens en consensus alors on peut dire que :
– les différentes composantes et dimensions de cette réalité sont homologues entre elles (même Sens) affects, faits, représentations d’une même réalité sont en homologie ainsi que les dimensions subjectives, objectives et projectives ou rationnelles. Toutes sont le véhicule du même Sens.
lorsque seules les parties prenantes du consensus changent, ce qui équivaut au changement des conditions et du contexte sans changement de Sens, alors nous disposons de « réalités » différentes mais aussi homologues.
Par ailleurs lorsque l’on est activé par une situation dans un Sens d’une Cohérence alors tout ce qui peut être actualisé de là est homologue à ce qui nous avait activé.
Par exemple se laisser activer par une situation (centration, échanges dans un groupe, écoute, expériences de la situation…) alors ce qui nous vient à l’imagination est homologue à la situation. Le rêve en est un exemple, la création artistique un autre mais aussi toute forme d’actualisation spontanée qui exprimera homologiquement ce qui est activé en nous. Le langage lui même est un instrument d’homologie particulièrement efficace et utile.
Sur ces deux apports peut se comprendre l’artifice qui favorise le discernement des Sens d’une situation, d’un problème, d’un concept, d’un objet de préoccupation quelconque à toutes les échelles possibles.
Le fait de se centrer avec l’aide de la considération simultanée de plusieurs réalités homologues nous permet de trouver la bonne disposition, dans le Sens favorable, tel que l’éclairage se produit.
Bien sûr, même si celui-ci apparaît subitement, le processus de discernement se travaille, se cultive. Il faut aussi considérer que si c’est la disposition dans le « meilleur sens » qui seule procure ce discernement c’est malgré tout celui de tous les autres Sens qui advient en même temps. A l’inverse s’activer et se motiver par homologie dans tout autre Sens ne procure aucun discernement d’aucun Sens.
Ce qui est dit là est peu ordinaire et peut donc paraître extra-ordinaire. L’auteur et bien d’autres peuvent témoigner de la puissance d’éclairement qui résulte de telles pratiques engagées dans des milliers de situations de tous ordres.
L’intelligence symbolique, discernement des Sens (en consensus) des réalités, n’a guère été cultivée jusqu’ici sauf exceptions souvent indicibles ou inaudibles. La théorisation et la découverte d’artifices méthodologiques ouvrent à des possibilités de grande ampleur permettant de généraliser des capacités humaines jusqu’ici très exceptionnelles. Elles permettent surtout d’accéder à une profondeur humaine des affaires humaines peu commune sinon par des disciplines « ésotériques » à proprement parler.
Dans le cadre méthodologique, ce moment d’élucidation du ou des Sens des situations entraîne à pouvoir travailler à un niveau de profondeur peu commun dont on verra les conséquences par la suite.
Il s’agit, bien sûr, de réguler la pratique selon les besoins mais aussi de tenir les exigences d’une discipline de discernement bien plus impliquante que les instrumentations habituelles qui ignorent le coeur de l’homme là où se joue l’action.
3) Positionnement
Élucider le meilleur Sens dans la Cohérence ou problématique humaine sous-jacente implique de s’y trouver disposé. De ce fait il parait logique que l’actualisation de ce Sens en vienne à poursuivre l’action en ce même Sens. C’est oublier que le discernement met en situation de liberté et que cette liberté doit s’exercer pour qu’une position soit prise sur l’un ou l’autre Sens. Paradoxalement la liberté rend à la fois possible et nécessaire ce choix en même temps que le discernement du meilleur Sens engage à le cultiver et seulement celui-là.
Il y a donc un moment d’engagement, de détermination, de positionnement qui assume la responsabilité d’engager ce Sens en conSensus donc d’influer sur l’engagement des autres. On retrouve la dimension intentionnelle et le niveau de maîtrise qui, avec la maturescence, ouvre à l’exercice de cette responsabilité. Être responsable c’est répondre du Sens dans lequel on s’engage et par là-même on engage les autres.
Il y a donc, avant d’aller plus loin dans l’action, un moment de décision, de détermination qui, en situation de groupe ou de communauté plus large, peut réclamer des modalités spécifiques. En particulier donner des repères de ce Sens eu égard à la situation peut permettre à ceux qui n’en ont pas le discernement du Sens d’en apercevoir néanmoins la perspective existentielle suffisamment pour assumer la détermination d’y consentir. Encore faut-il qu’il y ait quelque part une maîtrise du discernement pour que cet engagement ne soit pas vain et qu’il soit bien déterminant.
4) Conception des modalités et perspectives de l’action.
Quelle frustration pour ceux qui appliquent des solutions ou des modèles tous faits d’avoir à en venir jusqu’à cette étape et de ne rien savoir encore de la façon dont on va opérer factuellement. L’illusion que c’est la méthode, le modèle, la procédure qui opèrent (qui marchent) est des plus répandues excluant le sujet de sa position d’auteur et de maîtrise pour le tenir dans le rôle d’agent sinon d ’outil ou d’instrument. Or chaque situation est singulière et on ne peut concevoir le mode d’action pertinent que de façon ad hoc. Le mode d’action ce sera l’actualisation d’un Sens sous le mode d’un processus enchaînant différentes opérations. Il est en effet important de considérer que l’action humaine est toujours un processus intervenant dans une situation déjà là pour la transformer, la changer, la faire évoluer comme on l’a vu. Le processus à concevoir est lui-même l’actualisation d’un Sens, celui selon lequel on a décidé d’agir.
La conception du processus se fera par un travail de créativité générative. C’est un second volet de l’intelligence symbolique et un moyen essentiel de l’ingénierie humaine.
La créativité générative est une technique de production homologique progressive partant d’une centration et d’un Sens dans lequel s’engager. L’imaginaire va être sollicité pour produire un « homologramme » (en général une petite histoire imaginaire) qui traduise déjà le Sens sous le mode d’une rationalité narrative et les différentes dimensions et composantes de l’expérience (structure cohérencielle). Très souvent il arrive que ce travail d’analyse structurelle de l’homologramme soit l’occasion aussi d’une forte élucidation de la problématique sous-jacente si bien qu’un raccourci peut quelque fois être pris.
L’homologramme sera traduit homologiquement en une structure logique permettant de dessiner un premier scénario de l’action. Ensuite il s’agit de le rapporter à la réalité initiale pour traduire le scénario en projet ou processus opérationnel. Le degré de précision du mode d’action dépendra du degré de prise en compte de la réalité initiale.
C’est donc à ce stade seulement que l’on peut avoir besoin, pour concrétiser le processus d’action, d’une analyse cohérencielle de la réalité initiale.
Une invraisemblable théorie de l’action largement en vigueur voudrait que l’action découle mécaniquement de ce type d’analyse ou de diagnostics éliminant une fois de plus le sujet humain et l’humanité des affaires humaines (anti humanisme pratique).
La conception créative du processus de l’action peut aussi bien déboucher sur une démarche, une méthode, un projet, une solution dont il faut savoir que ce sera toujours un processus à conduire même si cela passe par une production factuelle, matérielle. Il y a toujours un caractère stratégique à l’action humaine et la seule conception du processus de l’action participe, comme on l’a déjà vu, de l’action elle même, travail sur le consensus. Dans certains cas une élaboration participative, c’est-à-dire précisément une concertation, constituera sous le mode de l’appropriation une activation du consensus dont l’actualisation sera en même temps production d’une méthode d’action (un projet par exemple) mais aussi l’engagement de l’action elle-même. C’est pour cela que ce type de pratique concertative est aussi une pratique de « mise en mouvement collectif ». L’étendue de la participation au consensus donne alors toute sa puissance à l’action.
Devant cette perspective il faut observer deux choses. Si un travail préalable de centration, d’élucidation, de positionnement très fort n’a pas été réalisé alors la concertation divaguera rapidement actualisant et activant des soubassement non maîtrisés et donc probablement contre productifs (c’est le cas des pratiques participatives naïves ou perverses qui sont les plus fréquentes).
En outre si l’amplitude de la mise en mouvement est très grande on aura comme pour la créativité générative à procéder par étapes concevant un scénario général avant de le déployer, du général (générique) vers le particulier. En fait il est possible de concevoir la technique de créativité générative comme un cadre d’élaboration participative de solutions ou projets complexes impliquant un grand nombre de personnes. C’est ainsi un moyen d’action intéressant pour les grandes communautés pour lesquelles il manque aujourd’hui cruellement de méthodes constructives. La créativité générative débouchera sur un niveau de conception suffisant pour que le processus soit opérationnel. Il faut néanmoins passer à l’étape suivante pour en cadrer la conduite.
5) Planification pour organiser l’action dans le temps
Il s’agit d’un stade d’ordonnancement de l’action qui prendra des formes différentes selon le cas.
On retrouvera le souci de planifier et programmer dans le temps, celui de rassembler les ressources, de préparer les moyens, d’organiser la conduite et les moyens de pilotage de l’action.
Il faut en effet anticiper sur les aléas de toute situation humaine (il n’y en a pas d’autres) donc se doter des moyens d’évaluation, d’anticipation, d’analyse adéquats permettant de réajuster en tant que de besoin le processus lui-même (interaction) ou simplement d’en assurer la continuité.
Cette étape, déjà la cinquième, est la dernière avant l’action factuelle mais on a vu que le processus méthodologique est agissant dès la première étape à tel point que le consensus ayant déjà été travaillé l’essentiel a déjà pu être fait et l’action se réduire à quelques opérations symboliquement structurantes.
6) Opération pour agir sur la situation
Qu’est-ce que faire veut dire pour l’humanisme méthodologique.
L’âge de l’enfance nous a laissé cette conscience pratique de la résistance, l’interaction et, au bout du compte, l’effectuation d’une transformation. Il nous a laissé croire que c’était par exemple l’opération d’une force exercée, d’un geste, d’un comportement qui s’imposait aux choses pour les modifier, les transformer. « Tout se passe comme si » il en était ainsi mais c’est l’apparence qui est en général retenue. Or la force exercée, le geste développé sont l’actualisation de Sens si bien d’ailleurs que le geste agissant, la chose agi, la transformation et le résultat ne sont pas si séparables que cela.
L’action en tant qu’opération est co-centration. Il s’agit de soutenir une centration (Cohérence et Sens) là où il en va différemment pour y ramener le consensus sous-jascent. Il y faut de la force (de caractère, force intérieure, effort de centration). Il y faut une habileté, le geste accompagnant et incarnant le travail de recentration. Il y faut quelque fois des outils, des instruments qui soutiennent l’effort et l’amplifient. Au travail extérieur qui apparaît agissant correspond un travail intérieur de co-centration ressenti d’ailleurs comme une « concentration ». Au-delà de l’exemple matériel, de l’opération physique, il y a bien sûr bien d’autres exemples d’opérations non matérielles qui montrent comment l’opérateur, les opérateurs doivent « y mettre du leur », « s’y mettre », c’est-à-dire se concentrer sur ce qui fera la réalité autre.
Les méthodes, les processus, les programmes ne font que décomposer en opérations élémentaires un chemin de transformation de la situation. Dans l’action les opérations ne constituent qu’une série d’interventions sur le consensus qui le transforment peu à peu.
C’est pour cela qu’elles ont à être encadrées par un processus. C’est autant le processus qui est agissant que telle ou telle opération dans la mesure où il porte le Sens à activer. Ainsi il est erroné de penser que les opérations élémentaires décrivent un procédé de transformation progressive de la réalité alors qu’elles contribuent à faire évoluer le consensus et donc faire changer les réalités qui l’actualisent.
6) Bilan de l’action
Au départ une situation, un problème, une réalité à partir de laquelle le processus méthodologique a été engagé. A ce stade la réalité a été transformée. Objectivement des écarts peuvent être constatés éventuellement mesurés, distingués.
Il est courant qu’à la fin d’une action, puis dans le nouveau consensus, la nouvelle expérience une sorte d’amnésie de ce qui était au début se manifeste. Il faut l’exercice d’une certaine maîtrise pour pouvoir aller de l’un à l’autre des consensus (centration, Cohérence, Sens…) et donc de réalités différentes, avant et après.
Si l’action vise à cultiver un Sens d’accomplissement et donc une certaine maîtrise alors le bilan objectif est l’exercice de cette maîtrise.
On peut le considérer comme la mesure objective des écarts avant/après mais c’est en fait l’exercice d’une maîtrise de circonstance qui est ainsi assuré.
7) Appréciation évaluation.
Enfin l’évaluation de l’action, l’appréciation de ses bénéfices vient pour renforcer cette maîtrise, l’éprouver comme bénéfice de l’action pour tous ceux qui sont concernés. On s’assurera alors que la réalité ultime est bien l’actualisation du consensus recherché.
Les trois termes de toute évaluation sont alors :
– Le critère de pertinence : « Est-ce que cela va dans le bon Sens ? ». On comprend que si les phases initiales de centration, de discernement et de positionnement n’ont pas été tenues alors cette évaluation n’est pas possible. C’est l’échec d’un très grand nombre d’évaluations malgré les appareillages-simulacres qu’elles peuvent déployer.
– Le critère de cohérence : « Est-ce que tout s’intègre bien ? ». C’est la structure cohérencielle qui va permettre d’apprécier si toutes les dimensions et composantes de la situation sont bien intégrées et participent de la pertinence précédente.
Le critère de performance : « Est-ce que les efforts déployés ont bien produit les résultats escomptés ? » Cela est évidemment relatif aux critères antérieurs et s’appuie aussi sur le bilan. Pas de performance sans pertinence, ni cohérence. Toute évaluation qui les omettrait ignorerait ce qu’elle mesure.
Il faut conclure ici sur deux choses :
– Pas d’évaluation sans échelle de valeur. Or l’échelle de valeur est une hiérarchie de ce qui vaut selon le Sens recherché. Le Sens est le support de toute échelle de valeur et donc d’évaluation.
L’évaluation est un travail de confrontation pédagogique qui a pour effet d’améliorer le niveau de maîtrise. Ce travail se sert de l’expérience de l’action qui trouve là aussi souvent sa meilleure utilité.
Agir c’est transformer la réalité pour devenir plus humain. Les buts existentiels de l’action sont subordonnés aux buts essentiels de l’accomplissement humain.