Les entreprises de type humain

Les entreprises sont conçues comme des puissances, captatrices de richesses; comme des systèmes adaptatifs à un environnement économique; comme des organisations dédiées à une réalisation. A chaque fois c’est une vision réductrice qui détermine les conceptions et les pratiques. Les entreprises de type humain réclament elles un management approprié.

Ce document est destiné aux dirigeants, leurs conseillers ou leurs organisations qui sont en recherche des voies de l’avenir.

Il s’adresse surtout à ceux qui discernent la profondeur et l’ampleur des remises en questions et des mutations du monde actuel et leur enjeu humain pour les entreprises

A ceux là il veut faire connaître l’existence et la portée d’une pensée fondée sur le « paradigme humain ».

La théorie des Cohérences Humaines dessine une nouvelle lecture et une nouvelle compréhension des « Entreprises de Type Humain ».

Elle offre des moyens de réflexion et d’action cohérents avec les besoins d’un renouvellement de pensée et de méthode pour les dirigeants et les responsables; pour ceux pour qui l’homme est l’origine et la fin de toutes les entreprises humaines.

Les responsables politiques, ceux des organismes publics, d’institutions à caractère social, médical, éducatif ou économique sont aussi concernés pour ce qu’ils entreprennent.

SOMMAIRE

LA THEORIE DES COHERENCES HUMAINES
ET LES ENTREPRISES

une nouvelle alliance entre théorie et pratique
le paradigme humain
l’humanité des entreprises

LES ENTREPRISES PHENOMENES HUMAINS
Dynamiques et changements

LES ENTREPRISES COMMUNAUTES ENGAGEES
Les structures de concourance

DIRIGER C’EST DONNER LE SENS
Rôle et responsabilité des dirigeants

COHERENCES DE L’ENTREPRISE
Le management des Cohérences Humaines

LA CIVILISATION DES ENTREPRISES
L’entreprise dans la cité

I – LA THEORIE DES COHERENCES HUMAINES ET LES ENTREPRISES

1 – UNE NOUVELLE ALLIANCE ENTRE THEORIE ET PRATIQUE

Née au carrefour des sciences, de la philosophie et des entreprises, la théorie des Cohérences Humaines se définit sur trois plans :

Un niveau fondamental
Véritablement transdisciplinaire il permet d’intégrer dans un même champ conceptuel la plupart des problématiques de l’homme contemporain.

S’agissant d’une vision théoriquement élaborée, le regard qu’elle exerce s’applique aussi à différentes théories appartenant à des disciplines très diverses. Elle ne s’y substitue pas mais constitue ce que certains appelleraient un métalangage permettant une intelligence transversale des disciplines, quitte à effectuer quelques réajustements par souci de cohérence.

Aujourd’hui les entreprises sont le siège d’activités fort complexes. Elles sont amenées à faire appel à des disciplines qui prennent souvent le pas les unes sur les autres. Inscrits dans un monde plus que jamais incertain, leurs responsables sont confrontés à des problèmes nombreux et difficiles.

L’offre de méthodes, conceptions, recettes, techniques qui leur est faite, est devenue foisonnante suscitant à la fois méfiance et naïveté, faute d’un appareil conceptuel général permettant un discernement critique. Il est d’ailleurs notoire que les assises théoriques de la plupart des propositions sont inexistantes ou du moins disparates et que , bien souvent, les validations empiriques ne résisteraient pas au minimum de rigueur scientifique ou philosophique.

Derrière la recette, la méthode qui marche, l’idée à la mode, c’est plutôt le leurre qui est agissant, ce qui fait de l’entreprise moderne le terrain d’excellence de la pensée magique.

Sa sensibilité au sort, qu’il se nomme conjoncture ou aléas du marché, en est particulièrement vive faute de racines.

La théorie des Cohérences Humaines offre un soubassement transversal sur lequel on peut faire reposer une pensée cohérente de l’entreprise.

Un niveau doctrinal.
Une pensée cohérente dans un domaine peut s’appeler une doctrine. Le refus du « doctrinaire » se confond souvent avec le refus de toute doctrine qui va de pair avec la plus grande crédulité ou le « zapping » intellectuel.

En fait, il n’y a pas d’action ni d’engagement durable sans qu’existe une doctrine implicite le plus souvent informulée. Elle échappe ainsi à toute conscience, à tout esprit critique, à toute évaluation.

L’édification d’une doctrine permet au contraire d’affronter la critique, l’épreuve de l’expérience, la discussion, la comparaison et donc ainsi de progresser.

La théorie des Cohérences Humaines permet ce type d’élaboration. Elle a été engagée pour les questions de cultures, de développement, celles du politique et aussi pour les entreprises. Les bases existent donc d’une doctrine cohérente des Entreprises de Type Humain que les experts peuvent interroger mais que les responsables peuvent aussi intégrer.

L’enjeu n’est non pas un savoir exhaustif sur les entreprises mais une intelligence de leurs problèmes et de leurs réalités qui dépasse, en les intégrant, les analyses des spécialistes. Il s’agit bien d’une compréhension générale telle qu’en ont besoin les dirigeants au premier chef et tous ceux qui ont des responsabilités dans le devenir des entreprises.

Les principes qui s’en dégagent, sont destinés à éclairer l’expérience et aussi à projeter les voies de l’avenir à partir d’une compréhension profonde des situations. C’est la base de toute « éducation » à la responsabilité d’entreprise qui fait cruellement défaut dans bien des écoles spécialisées.

Le théorique commence à peine à y être réhabilité mais il ne faudrait pas le confondre avec le maniement idéologique ou la manoeuvre intellectuelle. La théorie est le moyen de « cheminer vers l’essentiel » autrement dit d’accéder à une compréhension profonde, intime, et non pas abstraite, du réel. Elle aide à pénétrer au coeur des choses pour permettre les prises de positions et les engagements pratiques, pertinents et cohérents.

La théorie est indispensable à une pratique intelligente et s’en nourrit en retour. Elle permet une capitalisation des expériences comme ont su le faire les sciences de la matière ou les sciences exactes et maintenant des sciences comme la biologie.

Aucune science de l’entreprise n’a vraiment vu le jour, faute d’élaboration doctrinale véritablement fondée en théorie.

Le niveau pratique
.
Une véritable théorie, contrairement aux habitudes liées à deux siècles de réductionisme, débouche inéluctablement sur le pratique. Elle met en mouvement en même temps qu’elle éclaire les voies et les moyens d’action.

La théorie des Cohérences Humaines, de niveau fondamental, a ainsi deux types d’applications indissociables, le niveau doctrinal et le niveau pratique.

Sur ce dernier plan, une science de l’action accompagne l’élaboration doctrinale. Elle éclaire les différentes conditions de la pratique, ses sources, ses modalités, ses résultats, son évolution.

Il y a ainsi une Méthodologie Générale des Cohérences Humaines, véritable discipline de l’action accompagnée d’un ensemble d’outils et de techniques originales, théoriquement fondées et expérimentalement validées.

Pour les entreprises, la compréhension des problèmes et des phénomènes justifie les stratégies et les méthodes employées. On ne peut appliquer une technique, une méthode en incohérence avec les conceptions que l’on a sinon il y a illusion de maîtriser les choses et les cohérences de l’action sont imposées par l’environnement.

C’est encore le souci de dirigeants de pouvoir conduire l’action de toute l’entreprise qui ne se résume pas à une somme disparate d’activités spécialisées. L’automatisation, la mécanisation et la systématisation des tâches ont été et restent les seuls moyens de contrôle en l’absence d’un tel corpus méthodologique.

Notons que beaucoup d’experts ont renoncé à l’action pour se consacrer à l’analyse et que beaucoup « d’hommes d’action » ont depuis longtemps perdu le goût de penser à tel point que les deux volets s’ignorent. C’est le signe malheureusement d’une distorsion du réel dans les deux cas.

La théorie des Cohérences Humaines réclame au contraire un hyperréalisme qui sait différencier et articuler le général (générique) et le particulier (unique et singulier).

Il est temps que se constitue une pragmatique d’entreprise qui ne soit pas le mélange de techniques et procédés hétérogènes gaspilleurs de compétences et de ressources. Pour cela, il faut une praxéologie, une pensée cohérente de l’action qui intègre aussi les techniques spécialisées mais à leur niveau spécifique et réajustées.

L’hétérogénéïté pragmatique entre différents secteurs d’entreprises conduit à une dépense considérable d’énergie défensive et à l’inverse de la synergie d’une cohérence d’action.
En visant à la maîtrise du coeur des processus, les pratiques issues de la théorie des Cohérences Humaines favorisent une économie de moyens et de ressources qui peuvent être consacrés à de meilleurs développements.

Il est peu commun de rencontrer un corpus de pratiques d’aussi vastes applications et qui permette de réintégrer avec discernement, les techniques spécialisées. Aussi est-il difficile à imaginer.

Pour y arriver, il faut s’exercer à changer de regard, à quitter des idées qui paraissent certaines parce qu’on en a l’habitude ou parce qu’elles sont largement partagées, à interroger le fond de son expérience des entreprises la plus personnelle, la plus authentique, la plus réelle.

Au fond, la théorie des Cohérences Humaines invite à envisager les choses du point de vue du coeur, du centre, de l’essentiel plutôt que des seules apparences extérieures, à comprendre plutôt que décrire, à agir plutôt qu’agiter.

Cela découle de ses positions fondamentales.

2 – LE PARADIGME HUMAIN

L’homme est la cohérence des choses
parce qu’il leur donne sens.

Le temps est fort soucieux d’environnement, mais l’environnement c’est l’alentour, la périphérie d’un centre. Quelquefois, l’environnement est affecté d’un rôle central, le centre étant alors rejeté à la périphérie.

Qu’est-ce que le centre sinon le lieu à partir duquel un regard alentour se déploie, un regard humain, du lieu de l’homme.

Si aujourd’hui de très forts courants militent en faveur d’un rejet de l’homme à la périphérie en plaçant au centre quelque système de la nature, de l’économie, de la société, il s’agit toujours de considérations humaines. Ce qui n’est que point de vue humain est posé comme vérité extérieure, indépendante, à tel point que l’homme en serait le sous-produit.

De façon incontournable, l’homme ne peut échapper à la responsabilité de ses considérations.

La théorie des Cohérences Humaines pose ainsi le paradigme humain.

Dans le monde des hommes, toutes les réalités sont humaines en cela que leur existence n’est appréhendée que par l’expérience humaine (individuelle et collective). Il n’y a d’action que par l’exercice d’une volonté humaine et quelqu’en soient les moyens, elle est toujours à l’origine et à la fin strictement humaine.

Le paradigme humain s’appuie sur ce principe. Toutes les affaires humaines sont l’expression de la nature humaine et s’expliquent par la connaissance de celle-ci.

La portée de ce point de vue mériterait d’être discutée… par des hommes. Ce n’en est pas le lieu ici où seulement quelques conséquences sont à en tirer.
Ainsi le paradigme humain est-il explicatif, normatif, significatif… de tous les problèmes, les situations, les phénomènes, les pratiques dont la compréhension et la maîtrise passe par celle de la nature humaine.

La nature humaine précède la nature des choses… d’expérience humaine.

Cela veut dire que la compréhension se joue en l’homme, l’engagement et les structures de l’action aussi. La connaissance de la nature humaine et sa mobilisation sont alors les clefs de toute maîtrise.

La théorie des Cohérences Humaines rejoint les thèses personnalistes en ce sens que la nature humaine transcende la nature des choses, de même la personne transcende l’individu et la société. Même si, à l’inverse, l’individu dépend de son environnement, la personne peut développer une certaine maîtrise de son existence, l’homme prendra la responsabilité de ses affaires.

« L’homme est la cohérence des choses parce qu’il leur donne sens ».

C’est la clé majeure de la théorie des Cohérences Humaines. Le Sens est comme la « brique élémentaire » de la nature humaine, dans la personne.

C’est la disposition de la personne, son Sens qui oriente le regard et la démarche par lesquels l’homme réalise son environnement et son individualité. Ceux-ci n’existent qu’en tant qu’ils font Sens, même inconscients, c’est-à-dire lorsque l’homme s’y reconnaît. Le Sens est le coeur de l’homme et donc celui des affaires humaines, celui auquel on accède pour comprendre sur le fond, celui qu’on mobilise pour entreprendre quelqu’action que ce soit. Toute la question se ramène à deux aspects :
Quel sens choisir, qu’il faut au préalable discerner ?

Selon quelles modalités les choses se « réalisent », cohérentes, à partir du sens qui leur est donné?

Ainsi la cohérence des choses repose sur ces cohérences humaines qui en sont les Sens.

L’étendue du paradigme est aussi large que les affaires humaines : connaissances, pensées, pratiques, enjeux, valeurs, évolution, etc…

Elle trouve sa variété aussi dans la multiplicité des cultures humaines fondées par leurs Sens partagés, leur « consensus ». Le consensus est la clé du collectif qui détermine pour chacun l’environnement de son existence.

Le paradigme humain est banal et révolutionnaire. Banal parce que, au fond de l’expérience de chacun, il y a sa personne, en rapport avec d’autres, et, qu’après tout, il n’y a pas d’autre réel humain que le fond de l’expérience humaine.

C’est pour cela que ce sera une clé de la pensée et de l’action.

Révolutionnaire parce qu’il révolutionne les révolutions de l’époque moderne, qu’elles soient coperniciennes ou newtoniennes, galiléennes ou cartésiennes.

La science moderne s’est évertuée à évacuer le sujet alors que nous le remettons à sa place. De ce fait, sujet et objet sont réconciliés par le projet dans lequel ils se réalisent.

Ces considérations philosophiques et même métaphysiques sont au coeur des problématiques fondamentales de notre époque sur lesquelles la théorie des Cohérences Humaines témoigne d’une position qu’exprime le paradigme humain. Le Sens donne aux choses leur cohérence, il est principe d’humanité.

3 – L’HUMANITE DES ENTREPRISES

L’entreprise est l’engagement d’un sens humain

Selon le paradigme humain le sens, principe d’humanité, est le vecteur de tout engagement humain. Mais tout engagement humain est entreprise. Les entreprises sont donc ainsi toujours humaines. Elles sont actes d’entreprendre; Sens engagé en consensus.

Ainsi n’y-a-t-il d’autres entreprises que des entreprises humaines, que des entreprises de type humain.

L’humanité des entreprises vient de là. Elles sont de nature humaine sans être pour autant des personnes dans la mesure où elles sont investies du sens des personnes engagées.

Ce sens on va le retrouver partout dans l’entreprise sous des modalités différentes.

D’abord, il faut une intention pour entreprendre. Là se loge déjà le sens comme intention et aussi motivation. Toute ambition suppose une finalité, un sens à la visée et au cheminement pour y atteindre. Des valeurs sont nécessaires pour repérer le bien, le sens du bien. Tel est le rôle des dirigeants de diriger, d’orienter, de donner le sens.

Dans la communication, indispensable pour identifier et faire identifier, se reconnaître et faire reconnaître, le sens est encore la clé au-delà du message et de l’image qui en sont les véhicules. Il n’y a de communication humaine que s’il y a expression et reconnaissance de sens par le biais de la médiation de signes.

Nulle organisation ne peut être efficace si les efforts sont dirigés dans tous les sens. Travailler dans le même sens veut dire aussi orienter sa personne et par suite ses actes dans ce sens qui est toujours humain.

Le partage et l’ajustement de sens est l’enjeu de toute relation, quelque soit son objet. Les relations humaines sont au fond affaire de sens. Il en va, par exemple, ainsi pour les relations commerciales. Trouver le juste consensus en est une part importante. Autour des produits ou services, c’est bien sur leur sens qu’il s’agit de s’accorder s’exprimant en final par l’appréciation de la valeur dont le prix est la mesure.

Mais il n’y a de valeur que de ce qui fait sens, c’est-à-dire ce dans quoi l’homme se retrouve.

L’information, si importante qu’on en a fait un critère de maîtrise de l’entreprise, ne vaut que si elle est signifiante. C’est par son sens qu’elle trouve son utilité, sa justification et, par là, elle interpelle l’homme.

De même le marketing vise-t-il à dessiner les voies d’une telle interpellation pour que les clients de l’entreprise s’y retrouvent dans ce qui leur est signifié par son produit. Ce produit est lui-même en quelque sorte l’incarnation, la concrétisation du sens de l’entreprise.

Même les données financières, règne du quantitatif, ne doivent pas faire oublier que l’argent ne vaut que par ce qu’il permet, par sa valeur symbolique donc. Il contribue à donner de la mesure aux choses communes qui ne valent que par leur sens.

C’est d’ailleurs la condition pour que les artifices comptables puissent être utiles à la direction de l’entreprise.

Que ce soit globalement ou pour chaque secteur de l’entreprise, son humanité transparaît par la présence du sens qui en est le principe. On peut montrer par ailleurs que dans leurs modalités même, toutes les réalités des entreprises sont des réalités de nature humaine.

Ne tombons pas pour autant dans un anthropomorphisme primaire qui confond l’homme avec la forme de l’individu, la personne avec ses manifestations.

C’est plutôt un « anthropologisme » qu’il faut ici considérer.

Les entreprises de type humain sont oeuvres et phénomènes humains. C’est de là que sont à tirer d’immenses conséquences théoriques et pratique.

ET POURTANT, ELLES MARCHENT

Voilà la découverte bouleversante qui est à faire : les entreprises ne marchent pas par elles-mêmes mais seulement par les hommes qui entreprennent.

Là où on est sans cesse à la recherche de la méthode qui marche, de l’organisation efficace, la technologie qui produit, c’est-à-dire d’une quelconque magie. Il faut réintroduire le paradigme humain.

Ce sont les dispositions humaines qui déterminent les entreprises des hommes. La maîtrise des entreprises de type humain passe par cela. L’homme est le vecteur, le moteur et le conducteur de ses entreprises. C’est donc au coeur du phénomène humain que réside la clé et que se détermine la marche de toute entreprise. Tel est l’enjeu de toute responsabilité et de toute expertise véritable.

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II – LES ENTREPRISES : PHENOMENES HUMAINS

DYNAMIQUES ET CHANGEMENT

Les entreprises sont en mouvement. Celui-ci est à la fois progression vers un but et changement

La progression vers le but qui est aussi réalisation de projets, est affaire de mobilisation – il y faut un moteur – et de conduite – il y faut un ordre de marche.

Le changement lui, peut être de plusieurs natures. Il peut être évolution s’il s’agit d’avancer vers une plus grande maturité, vers un plus grand niveau de professionnalisme et de maîtrise. Il peut être aménagement, c’est-à-dire modification de certaines conditions de fonctionnement. Il peut être conversion, s’il s’agit de choisir par exemple une autre orientation, un autre sens, une « autre culture » dit-on.

Or, trop souvent, ce sont les modèles mécanistes qui viennent à l’esprit, non sans quelques confusions. On assimilera, d’autres fois, les ressources financières à l’énergie comme si le fin du fin de la mobilisation humaine y résidait.

Hormis aussi les illusions de la toute puissance dictatoriale qui change la société par dictât et le légalisme technocratique qui utilise le décret, la tendance est plutôt à la mise en place d’une méthode qui marche, d’une procédure qui transforme en agissant directement sur les formes de l’organisation ou des métiers.

Or, si l’entreprise est de nature humaine, si elle est un phénomène humain, alors c’est par la connaissance et l’action portant sur les déterminants humains que dynamiques et changements sont maîtrisables.

Songerait-on à travailler des objets métalliques dans l’industrie moderne sans connaître à fond la métallurgie ? Songerait-on à modifier le fonctionnement d’un ordinateur sans connaître à fond les principes de sa technologie.

Et bien ! On cherche comment faire avancer et changer les entreprises en ignorant tout des phénomènes humains qui les déterminent. On parle même de « dimension humaine » comme s’il s’agissait d’un accessoire cosmétique et donc superflu. C’est ce à quoi remédie la théorie des Cohérences Humaines.

On examinera ici quelques uns des déterminants humains des dynamiques et du changement dans les entreprises, on verra d’ailleurs en quoi ils se rejoignent.

Les motivations.
Il n’y a pas de mouvement sans une motivation, réactionnelle ou volontaire, consciente ou non. Or les entreprises ne peuvent exister et avancer sans motivation et les motivations des entreprises sont toujours humaines. Il y a autant de types de motivations que de Sens dans la nature humaine et il y a autant d’entreprises humaines différentes que de motivations humaines.

Ainsi les « raisons » invoquées pour justifier la marche des entreprises et leur finalité ne sont que des explications très secondes, rationalisations à posteriori.

La raison n’est pas la motivation ni le sens, même si ce dernier peut se dire par les voies et la voix de la raison.

Par exemple invoquer le profit comme finalité d’entreprise et comme motivation ignore que toute motivation humaine se traduit par la recherche d’un profitable. Il y autant de profits que de motivations humaines et autant de finalités pour les entreprises… humaines.

S’il y a une intensité des motivations, elle n’est pas seule déterminante. Sa nature l’est bien plus.

La connaissance des motivations humaines est indispensable pour comprendre les cohérences d’entreprises. Par le biais du sens, elles sont élucidables, qualifiables, explicables et on peut alors songer à travailler ces motivations : nature et intensité. Il ne faut pas ignorer non plus que l’on peut se trouver en face du pire et du meilleur de l’humain. Telles sont les motivations d’entreprises de type humain.

La mobilisation
« Ce qui meut » est l’énergie et il n’y a d’autre énergie dans l’acte d’entreprendre que la mobilisation humaine qui fait le dynamisme et la dynamique de l’entreprise.

Or la mobilisation humaine est l’investissement des motivations, l’engagement du Sens.

La théorie des Cohérences Humaines apporte un premier élément crucial. C’est le consensus qui détermine la nature et l’intensité de la mobilisation individuelle et collective, les deux liées.

Cependant les modalités et les conséquences de la mobilisation sont différentes selon le sens humain qui est en jeu et les conditions du consensus. Par exemple, le mouvement réactionnel de fuite, résultat d’une motivation de défense, de crainte sous la menace est inversement proportionnel à la distance de la menace.

Plus l’entreprise avance, plus le mouvement s’éteint…à moins de recréer de la menace.

Au contraire les mobilisations de progression, résultat d’une motivation de valorisation s’accroissent lorsque la reconnaissance de la valeur des fruits du mouvement se manifeste. C’est pour cela que les signes de reconnaissance sont pertinents à condition d’être signes du Sens de la motivation et donc de l’entreprise.

Reconnaissance de la valeur des fruits de l’entreprise, évalués selon le sens de celle-ci; reconnaissance de la valeur contributive de chacun selon la même échelle de valeur ; appréciation de cette valeur et qualification par des signes « culturels » de reconnaissance, tels sont les critères d’une rémunération mobilisatrice et de toute marque de reconnaissance symboliquement signifiante.

Tout le travail de mobilisation porte donc sur l’établissement du consensus (même sens) et sa réactivation par la reconnaissance de son « actualisation », c’est-à-dire ses réalisations. Le sens est le moteur de l’entreprise lorsqu’il est partagé et que les personnes et les groupes s’y reconnaissent.

Au passage, cette question des motivations et de la mobilisation intervient aussi dans les rapports de l’entreprise avec ses clients et leurs mouvements réciproques et avec tous ses interlocuteurs.

L’évolution des entreprises.

Dès qu’une entreprise est engagée dans un sens et une dynamique, elle est amenée à « progresser ». Cependant ce « progresser » n’a valeur que par la nature du sens en question. Ainsi, il serait vain de vouloir faire évoluer l’entreprise dans un sens, sur une échelle de valeur qui n’est pas de même nature que le sens de son projet.

C’est l’impasse classique de la formation et l’effet démobilisateur de toute tentative de motivation dans un système de valeur autre que celui (ou ceux) de l’entreprise. Echec réel mais inavoué de la plupart des projets d’entreprises, politiques qualité totale, etc. Il y a des entreprises qualificatrices et d’autres disqualificatrices.

La théorie des Cohérences Humaines montre par ailleurs que l’évolution des entreprises, phénomènes humains, est de même nature que celle des personnes. Cela se traduit par des niveaux différents d’intégration des réalités, des niveaux de maîtrise différents. Ainsi trois phases d’évolution sont repérables, séparées par des seuils de transition très marqués.
Chaque phase d’évolution est l’espace d’une évolution particulière et il importe de repérer à quel niveau l’entreprise se situe et est capable d’appréhender sa réalité, ses problèmes et ses solutions :

Au premier niveau, tout est réactif, pragmatique, immédiat : efficacité et performance.

Au deuxième niveau s’intègre le conceptuel, le stratégique, le moyen terme: identité et qualification.

Au troisième niveau s’ajoute le discernement du sens, le politique, le long terme: responsabilité et communauté.

Il n’y a pas de mouvement d’évolution sans que soit tracée la voie, sans que soient rendus visibles les repères de progression. C’est l’une des raisons d’être majeure de la « hiérarchie » et du recours à des expertises et des références « culturellement » signifiantes pour l’entreprise. Tout un processus « macro-pédagogique » est ainsi à construire à partir du Sens de l’entreprise pour favoriser son évolution.

L’aménagement de l’existant
Un autre type de changement est l’aménagement de l’existant. C’est le moins difficile parce qu’il ne met pas en question le Sens déjà engagé. Ainsi, la condition de ce type de changement est de veiller à une « réappropriation culturelle » des modifications ou développements apportés. De toute manière, ils prendront sens dans l’entreprise par celui qui est le sien. De ce fait, les discours argumentaires qui en divergent sont insignifiants ou menaçants. Si le système de valeur des apports n’est pas celui de l’entreprise, il y aura rejet, indifférence. Si la « manière » de faire à encore un autre sens, alors ce sera la confusion, l’échec et la régression de l’entreprise.

Bien des projets, des méthodes, des technologies, des développements, des arguments, des aménagements sont cause de perturbation plus que de progrès faute de cette appropriation, de cette nécessaire traduction culturelle, de cette indispensable inscription dans le sens de l’entreprise… à moins de vouloir le faire changer.

La conversion de sens

Il est de la plus grande importance de déterminer s’il doit s’agir d’un simple aménagement de l’existant ou de changement de sens plus profond.

Il faut dire que concernant les changements de sens, dits changement d’orientation, d’esprit, de culture d’entreprise, il arrive que la plus grande ignorance règne assortie des plus grandes naïvetés, des plus grandes erreurs, des plus grandes violences et des plus persistants camouflages. De temps en temps seulement, un écho d’agitation touche l’opinion publique. C’est souvent le symptôme qui marque un drame que des années ne suffisent pas à dépasser.

Le changement de sens dans une entreprise réclame la connaissance du phénomène humain dans sa profondeur. Le sens est l’essentiel et intègre toutes les dimensions des dynamiques, de l’évolution et de l’aménagement.

Il faut pointer ici un certain nombre de principes incontournables et rarement considérés.

On ne peut introduire un sens qui n’appartient pas aux cohérences culturelles de l’entreprise. C’est du même ordre que le caractère destructeur de vouloir être un autre. Il est possible néanmoins de changer de trait de personnalité et aussi de Sens dans la culture de l’entreprise.

Toute tentative autre va à la destruction radicale (à la racine) de l’entreprise ou au maintien de l’illusion. Les phénomènes de défense d’une entreprise dans ce cas sont nombreux et ils relèvent au niveau institutionnel du type de symptômes de la psychopathologie qui réclameront ensuite de véritables thérapies institutionnelles. Cela échappe trop souvent aux managers et, malheureusement, aux experts du changement, leur principale source de référence en ces matières. Les exemples de fusions ratées, tous les changements avortés malgré une débauche de moyens en font foi.

Il faut donc reconnaître d’une manière ou d’une autre dans l’histoire de l’entreprise la trace, fusse-t-elle minime, d’une logique, d’un sens, qui sera celui du changement espéré.

Lorsque la communauté d’entreprise est disposée dans un même Sens alors tout son univers, y compris sa propre réalité et la position de chacun de ses membres, sont construits dans cette optique. Changer ce sens pour un autre est l’équivalent d’une perte d’existence. Or, c’est là quelque chose de très difficile à vivre individuellement et collectivement qui peut provoquer toutes sortes de réactions de défense et même de panique, ou bien de conservation, le tout étant qualifié élégamment de résistance au changement.

Si en outre ce qui existe dans ce sens est soumis à une attaque en règle, à une disqualification, à une négation, alors c’est comme si l’on voulait tuer le corps social pour qu’il change. Inutile de dire que les effets sont désastreux et ce n’est pas l’absence de réaction qui est la moins inquiétante. Elle est le signe d’une grande aliénation qui ne permet pas de pronostic optimiste.

Il n’y a d’autre stratégie pour le changement de sens que de s’évertuer à cultiver le nouveau sens et à bâtir un « nouveau monde » avec sa logique, ses repères, ses règles, ses valeurs, ses systèmes d’identification et de reconnaissance.

On est donc dans une stratégie non pas de révolution mais de ré-évolution.

Il faut en effet reprendre tout le processus d’évolution en passant par ses différentes phases et en en franchissant les seuils. Il faut aussi rétablir une hiérarchie significative de la nouvelle échelle de valeur. Une stratégie macro-pédagogique est indispensable.

Alors le deuil des anciennes réalités devient possible. L’expérience montre que le changement de sens efface presque le souvenir d’une autre période qui est effectivement relue dans le nouveau sens.

Il s’agit bel et bien d’un changement radical, changement de culture, au niveau des formes et des référents, à cultiver, mais changement dans la culture au niveau du sens.

La stratégie de changement de sens passe par l’activation progressive d’un nouveau consensus. Cela est possible par la constitution d’une source repère qui fasse autorité et qui donne le sens au travers de ses discours, ses positions, ses actes. Cela ne peut aller qu’en cohérence avec une « direction générale », sinon celle-ci est disqualifiée et devient concurrente, avec les effets auxquels on peut s’attendre.

Il faut ensuite des relais, foyers de rayonnement du nouveau Sens. Ceux-là auront à « prêcher dans le désert » avant que d’être entendus. Il leur faut donc une force de caractère et des appuis sérieux. Il faut solliciter pour cela ceux qui sont naturellement les plus convaincus et les plus pertinents dans le nouveau sens pour qu’ils soient repères auprès des autres. Ils ne seront entendus aussi que s’ils sont respectés.

Il faut en outre multiplier les événements « symboliquement structurants » qui ancrent les réalités dans le nouveau sens et s’inscrivent dans une stratégie macro-pédagogique.

Tout se passe comme une montée en puissance progressive du nouveau sens. Le courant en est fragile au début par les angoisses qu’il suscite. Il est indispensable qu’il reste discret dans sa gestation et protégé dans ses premiers pas, le contraire de ce qui se fait souvent, afin d’éviter les attaques et sabotages prématurés.

Lorsqu’il est assez puissant le courant emporte le mouvement et dissout les anciennes errances sans douleurs. On assiste ainsi à des redistributions des cartes qui peuvent être réalisées, sans violence ni grande difficulté. Les changements les plus spectaculaires peuvent ainsi s’établir.

On ne fabrique pas le changement, on le suscite et l’entraîne.

Si on se met à fabriquer ce que l’on a appelé « le nouveau monde », la réalité nouvelle, on n’a fait que rendre spectateur le corps social qui ne lira la pièce que dans son sens traditionnel. Cela sera vécu exactement comme un réaménagement.

Les plus grands dispositifs peuvent être digérés sans coup férir par la culture habituelle qui en détourne systématiquement le sens voulu au profit du sien. Il ne sert de rien de stigmatiser les exemples des grandes administrations, toutes les entreprises sont dans le même cas. Les vertus administratives y rajoutent une force stabilisatrice particulière qui a vu passer bien d’autres révolutions.

Le changement est donc un mouvement du corps social qu’il réalise en cultivant un nouveau sens. Toute stratégie de changement passe donc par cette appropriation. Cette dernière implique toujours :

Un certain travail de consensus sur le sens des choses, l’analyse des situations et des réalités.

Un système de repères communs incarnés par une autorité de direction qui exprime la détermination du nouveau sens.

Une projection partagée par l’élaboration de représentations identificatoires et la réalisation de nouvelles dispositions.

Il est donc tout à fait souhaitable que le changement de sens se traduise par une relance de l’entreprise et pourquoi pas par l’élaboration d’un nouveau projet.

L’acquisition clé en main est toujours illusoire, une alerte toute particulière doit être faite à ceux qui empruntent volontiers leurs idées à l’air du temps sans les réintégrer culturellement.

Enfin, la stratégie de changement et toutes les dispositions spéciales prises à cet effet seront les vecteurs du changement. Ils doivent donc en être porteurs du sens.

La stratégie et la méthode devront toujours être conçus sur mesure dans la culture propre de l’entreprise, préfiguration des façons et des valeurs nouvelles.

La standardisation des pratiques du changement est un défi à l’originalité de chaque entreprise, à sa culture, à son sens propre et donc à son humanité particulière. Le meilleur des standards en la matière ne peut que renforcer l’aliénation ou les cultures conservatrices.

Quant à ceux qui croient que leur volonté propre suffit à faire changer le corps social, ils se pensent au fond comme étant seuls sujets de l’entreprise et leur ambition sera vaine si l’entreprise n’est convertie d’avance.

Les hommes politiques en savent quelque chose renonçant trop souvent à tort aux ambitions de changement.

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III – LES ENTREPRISES : COMMUNAUTES ENGAGEES

LES STRUCTURES DE CONCOURANCE

Il existe plusieurs visions de l’entreprise érigées quelque fois en modèles.

A chaque fois, c’est une représentation structurée et dynamique de l’entreprise, son fonctionnement, ses structures, son management qui apparaît.

Dans tous les cas on en reviendra à la question de la place et du rôle des hommes donc à la structure humaine de l’entreprise.

Taylor, Fayol et bien d’autres ont proposé des modèles partiels ou généraux. La littérature actuelle nous en expose sans cesse de nouveaux selon les courants qui traversent les esprits. Il serait d’ailleurs important que les dirigeants et les experts disposent de moyens de discernement épistémologique.

La théorie des Cohérences Humaines, reconnaissant que tous ces modèles sont d’origine humaine, permet d’en discerner à chaque fois le sens dominant et d’en dégager les postulats implicites.

On peut ainsi associer à tel modèle, telle vision de l’homme, du monde, de la société, tel système de valeur, telle conception des problèmes, solutions et moyens appropriés.

Par exemple, un modèle naturaliste-mécaniste pourra sans problème faire abstraction de l’humain et trouver dans l’idéal robotique son horizon. L’éradication progressive de l’humain est associée au plus grand bien, l’homme étant considéré comme le maillon faible, imprévisible, source d’erreurs et de défaillances. A la limite, il n’y aurait plus de pilote dans (de) l’avion, ni de dirigeants dans (de) l’entreprise. C’est le point limite de ce modèle.

Le discernement que permet un outil : la carte de cohérences épistémologique aide à positionner de façon intrinsèque et différentielle chaque type de modèle et même d’en bâtir d’autres. En outre, elle permet de situer le paradigme humain et le modèle de concourance dont nous allons présenter quelques aperçus.

Le lien : l’unité de Sens, principe de cohérence

Tout d’abord s’agissant pour l’entreprise d’un acte d’entreprendre, collectif pour ce qui nous intéresse ici, nous avons affaire à une communauté engagée.

Reste à savoir ce qui fait l’unité de cette communauté et selon quels principes cette communauté s’organise, se structure, comment s’articulent les rôles, les fonctions, les compétences. Le fait qu’il s’agisse d’une communauté humaine conditionne les réponses.

Tout d’abord, sur le fond, le lien social, ce qui noue l’existence d’une communauté humaine est de nature humaine, c’est le sens, principe d’humanité, partagé en consensus (co-sens).

Pour une communauté engagée, c’est l’unité de sens qui fait lien, un lien orienté, intime, profond, radical.

Aller dans la même direction, partager la même finalité, viser les mêmes objectifs, progresser vers les mêmes buts, en voilà des traductions.

D’une façon générale, l’unité de sens qui lie sur le fond, la communauté d’entreprise, se traduit par la concourance des personnes et des équipes.

On avait déjà les termes de collaboration, coopération, participation, notamment, pour évoquer le type de relations dans les entreprises. Le terme de concourance surajoute cette idée d’orientation, d’unité de sens. Il représente un niveau d’intégration plus élevé et englobe donc les précédents.

Le premier principe du modèle de l’Entreprise de Concourance est donc l’unité de Sens. On verra le rôle d’une direction générale dans cette détermination du sens de l’entreprise.

L’unité de sens, on la retrouve aussi dans le rapport aux clients, fournisseurs, administrations, partenaires locaux, etc…

Le consensus est nécessaire pour que des relations existent et, en outre, dans le sens de l’entreprise pour qu’elles lui soient fructueuses.

De ce fait, la concourance est aussi le principe de relation de l’entreprise à son environnement. La communauté d’entreprise a donc des contours qui peuvent être très mobiles de même que sa composition peut évoluer, sachant que le principe de permanence, d’engagement, de contractualisation, aussi principe de cohérence, tient à cette unité de sens.

Penser les relations en termes de concourance se traduit par une certaine conception des structures d’entreprises.

En quelques sortes le sens qui lie la communauté d’entreprise, la structure aussi selon un certain type d’ordre. Il s’agit en l’occurrence de l’architecture de son organisation tant sur le plan des hommes que sur celui de ses dimensions.

La structure de concourance : Le Cohérenciel
La théorie des Cohérences Humaines met en évidence le principe structurant de toute réalité et de tout phénomène humain. Il peut être représenté par un schéma ternaire composé de trois vecteurs (produit vectoriel) et de trois plans.

Les trois vecteurs, on les retrouvera comme les trois dimensions fondamentales de l’entreprendre et donc de l’entreprise et les trois plans sont trois aspects composant l’existence de cette entreprise.

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Ce schéma logique articule le rapport sujet-objet qui ne se réalise (sainement) que dans le terme tiers : le projet qui est fruit de la relation sujet-objet.

Ce schéma structurant, appelé cohérenciel, s’applique aux entreprises de la façon suivante.

Le vecteur, représentant le sujet, est intentionnel : l’intention générale de l’entreprise. C’est la traduction, sous différentes formes, du sens humain de l’entreprise, ce qui fonde son originalité, sa personnalité et qui est par nature subjectif.

Le vecteur représente aussi le principe d’unité de la structure. Il est bon de déterminer une seule orientation, d’avoir le moins possible d’ambiguïté sur la volonté, la raison d’être de l’entreprise. Il est vrai que cette dimension est restée tellement dans l’ombre que la confusion est classique entre l’orientation générale, l’objet et le projet et que peu de conscience, de méthode et de savoir-faire ont été développés à ce propos.

C’est la dimension la plus méconnue du phénomène d’entreprise et pourtant une des deux plus essentielles. Répondre à cette question pour chaque entreprise est la condition de maîtrise de son unité, unité de direction générale, unité de sa politique générale, expression de sa finalité.

Le deuxième vecteur, représentant l’objet, est conditionnel. L’entreprise a un objet principal, central auquel s’applique son intention. Cet objet on le qualifie souvent par le besoin auquel l’entreprise répond, ou bien le produit de son activité principale, ou encore son métier. De toute façon cet « objet » de l’entreprise se situe toujours dans un contexte (marché, population, milieu…) déterminant les conditions d’existence.

L’objet principal peut être décomposé en objets secondaires avec leurs contextes propres. Les uns et les autres articulés.

Cette dimension objective et objectale représente le principe de démultiplication dans les structures d’entreprises. On peut concevoir de multiples unités (services, départements, équipes, divisions, etc…) spécifiées par leur objet et leur contexte et concourant ensemble par le lien d’unité défini par une « direction générale ».

Le troisième vecteur, résulte du produit des deux premiers pour former la troisième dimension de cette structure cohérencielle (produit vectoriel).

Le vecteur projet est celui selon lequel l’entreprise développe son activité. C’est sa dimension stratégique selon laquelle se déterminent ses buts et les voies et moyens pour les atteindre.

Cette dimension intègre, d’une part, l’unité de Sens, d’intention qui en forme la logique et, d’autre part, la multiplicité d’objets articulés qui en forme les éléments ordonnés. Elle est régie par le principe de rationalité.

Selon cette dimension, la stratégie générale portant sur l’objet principal dans son contexte est l’architecture qui intègre les stratégies particulières (projets particuliers), chacune concourant à l’ensemble. Les structures par projets s’inscrivent dans cette dimension.
Pour compléter la structure cohérencielle, il faut considérer les trois plans qui forment trois types de composantes de l’entreprise :

Le plan relationnel qui est l’ensemble des relations interpersonnelles, intergroupes, internes et externes de l’entreprise.

Le plan représentatif qui est l’ensemble des signes, images, représentations formant l’identification et la communication de l’entreprise.

Le plan factuel qui est l’ensemble des opérations effectuées par l’entreprise et leur organisation.

La compréhension de cette structure se confirme notamment lorsqu’on examine les réductions qui en sont communément faites.

L’ignorance du vecteur intentionnel, dimension subjective, réduit l’entreprise à son plan factuel. « L’usine », caricaturale, devient le modèle.

La sophistication modélisatrice en vient, par abstraction, à perdre de vue l’objet et l’objectivité en réduisant l’entreprise à un système de représentations, de modèles standards, d’idées toutes faites à appliquer. La littérature contemporaine en est remplie, et les « factuels » ne s’y retrouvent évidemment pas (nombre de PMI).

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A certaines époques les « relations humaines » ont pris le pas dans l’esprit de quelques uns oubliant toute la nécessité stratégique et organisationnelle et les exigences liées aux buts et aux enjeux de l’entreprise pour tomber dans une forme de psychologisme.

Autant il est pertinent de se préoccuper de toutes les dimensions autant le modèle cohérenciel invite à leur intégration comme dimensions ou facettes d’une seule et même réalité.

Une conséquence de cette structuration logique et dynamique est la question de la maîtrise de l’entreprise, c’est-à-dire celle des hommes et des équipes.

S’agissant de maîtriser l’entreprise, la structure cohérencielle est donc celle aussi de son management.

C’est chaque dimension qui doit être maîtrisée et, pour chacune, cela réclame un certain type de compétences, de méthodes, de qualités, de profil, de responsabilité.

Ainsi la maîtrise du vecteur intentionnel réclame une responsabilité de « direction générale » chargée de la dimension « politique ».

Le vecteur « objet » réclame une responsabilité de gestion et essentiellement la maîtrise de l’information.

La conduite de l’entreprise réclame une responsabilité de type stratégique.

On aura ainsi à maîtriser le champ relationnel notamment par l’animation (des consensus), le champ représentatif avec tout ce qui est communication identificatoire, le champ factuel avec la maîtrise de l’organisation et de la production.

On a là un premier niveau d’articulation des concourances : La maîtrise de l’ensemble des dimensions et composantes de la structure cohérencielle. Cela ne peut se faire en isolant des domaines ou des territoires mais en partageant la responsabilité d’ensemble sous un angle particulier.

Cela dessine la première application du principe de concourance, par exemple dans une équipe de direction ou pour n’importe quelle équipe. Chaque responsable l’est du tout sous un angle particulier et non pas d’une partie juxtaposée aux autres.

L’unité du travail ne résulte pas d’une coordination mais d’une concourance.

Ainsi la constitution d’équipes responsables vise-elle à assumer la maîtrise de l’ensemble de la structure cohérencielle.

Cela ne veut pas dire qu’il y faut six personnes (ou six équipes) mais que toutes les compétences doivent être représentées même si leur distribution dépend des hommes et de l’histoire de l’entreprise.

En cela, le modèle cohérenciel de l’entreprise de concourance ne peut être un modèle formel à calquer sur l’entreprise. La structure réelle des équipes et du management dépend aussi de la nature du sens et des conditions d’existence de l’entreprise. Elle a d’ailleurs toujours un caractère stratégique.

La généralisation du modèle cohérenciel dans l’entreprise se fait par deux types de démultiplications.

L’une, verticale, est en terme de niveaux de maîtrise (ce qui rejoint la notion de niveaux d’évolution). Il y a un niveau de responsabilité générale et des niveaux de responsabilité seconds. La notion de hiérarchie (des hommes et des équipes) peut être réenvisagée ainsi à partir de la théorie de l’évolution des hommes et des entreprises humaines.

L’autre, horizontale, est en termes de démultiplication des objets de préoccupation.

Chaque fonction, chaque équipe est à la fois concourante dans un ensemble cohérenciel et à la fois elle-même à considérer dans dans sa propre structure cohérencielle. Ainsi une fonction, une équipe, sera autonome dans la mesure où elle maîtrise l’ensemble de sa structure cohérencielle tout en étant responsable de sa concourance avec les autres.

Nous sommes là en face d’une architecture qui fait penser aux structures fractales où, quelque soit l’échelle d’observation, la même structure se retrouve.
Cela peut faire aussi penser à une architecture holographique dans la mesure où chaque partie est le reflet du tout et particulièrement parce qu’elle porte le même sens qui réside aussi bien dans le tout que dans les parties.

En cela, le modèle de l’entreprise de concourance, sous son angle structurel de type cohérenciel, rejoint, par une toute autre voie, une recherche moderne où la question paradigmatique est en jeu.

Il est important d’insister sur un aspect des structures de concourance, c’est la résolution qu’elle propose du rapport entre l’unité et la diversité et aussi celle du paradoxe apparent entre la nécessaire unité de direction et l’autonomie possible des acteurs.

Les modèles mécanistes hésitent entre des acteurs aliénés à un mécanisme déterminant et des acteurs indépendants dont l’unité n’est que la résultante aléatoire des actions.

Ici la réponse est :
dans l’unité de sens qui réclame liberté de choix et de contrat sur un sens de l’entreprise pré-déterminé par ses dirigeants.

dans l’assurance d’une dépendance complète à l’unité cohérencielle à laquelle on concoure.

par l’autonomie de maîtrise sur la structure cohérencielle de l’unité que l’on a en charge (personnelle ou collective).

Tous les problèmes des entreprises, toutes les fonctions, rôles et compétences classiques ou nouvelles peuvent être resitués sur ce modèle de l’entreprise de concourance. Sa structure cohérencielle sert aussi de moyen de diagnostic, par exemple pour repérer les défaillances ou les excellences dans la maîtrise. Il sert aussi à examiner la concourance des fonctions entre elles et à réajuster chacune d’elle dans sa conception.

Par exemple, une analyse cohérencielle de la fonction marketing montre que l’on trouve autant de conceptions et de pratiques que de dimensions au cohérenciel.

On peut concevoir, par exemple, un marketing intentionnel, marketing de l’offre pure, centré sur le vecteur correspondant.

On peut concevoir un marketing adaptatif, centré sur la demande pure, avec les moyens de maîtrise de la dimension « objet » du cohérenciel. On peut l’assimiler à la communication publicitaire, à la relation commerciale, etc. toutes réductions ou confusions bien classiques. Ici on préconisera l’intégration de toutes les dimensions.

Par ailleurs, on peut se demander quelle est la concourance de la fonction marketing à la maîtrise de l’entreprise. On verra alors qu’elle est principalement d’ordre stratégique. Cela revient ainsi à repenser la place et le contenu de cette fonction. C’est là l’un des questions de management que l’on reprendra.

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IV – DIRIGER, C’EST DONNER LE SENS

ROLE ET RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS

La direction des entreprises a été beaucoup assimilée à la gestion, avec le poids du financier et la prévalence de l’économique dans la cité.

Le réveil de questionnements sur l’éthique, les valeurs, la qualité, la culture, les « projets d’entreprise », témoigne, au fond, de l’émergence de la question des finalités sous différentes formes.

Cette question n’est possible qu’en sortant d’une vision de l’entreprise purement mécaniste ou instrumentale facilitée par les grands manichéismes du siècle.

La légitimité des entreprises, leur place dans la cité n’ont jamais été aussi reconnues mais en même temps interrogées et on peut prévoir que cette interrogation ira croissant.

En tout cas, le rappel qu’il s’agit d’entreprises humaines doit suffire à questionner le sens de l’entreprise.

Or, c’est là le rôle fondamental d’une direction générale, justement, de donner sa direction à l’entreprise.

Pour cela il faut maintenant considérer deux niveaux :
– celui de la détermination du sens à donner,
– celui des modalités pour orienter l’entreprise dans ce sens.

En fait, le terme de détermination nous renvoie à trois moments :
– celui de la reconnaissance du sens possible qui réclame discernement,
– celui de la décision qui est prise de position déterminée,
– celui du développement de l’entreprise selon ce sens qui est détermination des modalités de l’entreprise.

Nous avons là trois des principales dimensions du rôle de dirigeant.

Le modèle de concourance montre ce que sont les dimensions de la maîtrise des entreprises. On y remarque la dimension politique, qui consiste à maîtriser « l’intentionalité », la finalité de l’entreprise. C’est celle qui est la plus directement concernée par la détermination du sens, aussi c’est là que nous situerons la fonction de direction générale.

Il nous faut faire trois observations pour situer le propos et la spécificité du rôle.

Tout d’abord, cette fonction de maîtrise est indissociable des autres dans la structure cohérencielle si bien qu’un dirigeant peut aussi être amené à assumer d’autres fonctions concourant à cette maîtrise. Inversement toutes les autres fonctions concourent à la même maîtrise et donc aussi à la direction générale telle que nous l’avons définie. C’est ainsi qu’il n’y a pas de direction générale possible si la structure cohérencielle de la maîtrise de l’entreprise n’est pas complète.

En second lieu, à proprement parler, déterminer le sens est plus fondamental que ce qui ressorti des modalités d’existence de l’entreprise. D’une certaine manière la direction générale joue le rôle de repère du sens, soit parce que le dirigeant est lui-même auteur de la fondation de l’entreprise, soit parce qu’il se réfère aux racines de cette fondation incarnée éventuellement par un fondateur ou quelque personne qui « préside » au devenir de l’entreprise.

Cette différence de niveau entre les sens donnés en héritage lors de la fondation et les déterminations postérieures assurées par une direction générale conduit à des confusions entre présider et diriger ou gouverner. En outre on peut constater que dans la quasi totalité des cas (sauf exceptions bien sûr), les « conseils d’administration » des entreprises ou autres organisations sont sensés définir la politique alors qu’en réalité, c’est un directeur général qui le fait, quitte à en délibérer avec son « président » ou son conseil ou, au contraire, à noyer le sens sous les chiffres ce qui est tout de même le plus courant.

De ce fait, ce qui relève de cette dimension est souvent resté occulte ou même totalement inconscient dans de très nombreuses entreprises.

La troisième observation tient à la position de cette fonction de maîtrise dans le cohérenciel. Elle tient la place du sujet sur la dimension subjective de la réalité d’entreprise. Les modèles « réduits » de type primaire-factuel ou secondaire plus conceptuels, n’ont guère accès en général à cette dimension qu’ils ignorent.

Le fait est qu’elle est alors agissante sans être aucunement maîtrisée et que les connaissances et les méthodes qui s’y rapportent ont été largement déficientes.

La position du sujet renvoie les dirigeants à une implication personnelle, à la question de leur maturité, de leur autonomie, de leur maîtrise, de leur autorité, de leur responsabilité d’homme. Elle interpelle, et c’est son rôle en partie, la position de sujet des personnes de l’entreprise, sachant, comme on l’a vu, que chacun a, pour une part, à diriger au moins son propre concours et que sa position de sujet doit trouver ses repères dans la direction générale.

Nous allons reprendre les trois dimensions de l’exercice de cette direction générale telle qu’elle a été située. On verra comment elle correspond à ce qui existe bel et bien dans les entreprises même lorsque c’est nié ou masqué ou lorsque cette direction générale est sans maîtrise.

Le discernement du sens de l’entreprise.
Pour beaucoup, le subjectif c’est l’arbitraire et le refuge dans l’objectivité et la rationalité (quelquefois confondues) n’est que le renoncement au libre arbitre qui est maîtrise du sujet.

Le discernement du sens est la condition de ce libre arbitre. Pour les dirigeants, c’est la première nécessité.

Tout d’abord, le discernement des sens est l’accès à la conscience du sens au-delà des réalités, phénomènes et situations. Quels en sont les sens, quel est le sens dominant ? Voilà à quelle question répond le discernement. Il s’agit d’aller à l’intime des choses et, comme on l’a vu, c’est aussi l’intime de l’homme.

Le discernement du sens est la clé de la compréhension profonde des situations, leur principe, leur logique essentielle, la racine de leur cohérence, leur raison d’être et aussi les perspectives qu’elles offrent. Cela permet aussi de différencier les orientations possibles, les logiques alternatives, repérer les inversions, etc. Sous cet angle, le discernement pose la question du choix, celle de l’appréciation du meilleur sens ou des meilleurs potentiels. Des études de type prospectif ou rétrospectif peuvent y contribuer.

La théorie des Cohérences Humaines offre pour ce discernement des moyens inégalés dans un tel contexte malgré le développement des références aux questions de sens. Ces moyens issus de la praxéologie fondamentale évoquée au début ont pour but de mieux maîtriser « l’intelligence symbolique » qui va au-delà de la lettre pour accéder à l’esprit, au-delà des apparences pour accéder au sens.

Le principal de ces moyens est l’analyse de cohérences qui met en évidence toute une palette de sens propres que l’on peut élucider à partir d’un objet d’analyse quelconque. Cette palette de sens peut être dessinée comme sur une rose des vents par une carte de cohérences où chaque vecteur représente un sens différent. Ces cartes de cohérences résultant de l’analyse sont aussi des moyens de discernement et ensuite de choix d’orientation, instruments de direction générale par excellence.

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D’autres techniques, comme l’analyse figurative sont aussi des moyens de discernement très utiles dans de nombreux cas où il faut repérer rapidement le sens général d’une situation, d’une communication, d’un projet, d’une entreprise, d’un discours, d’une méthode, etc…

Le dirigeant se doit de cultiver et d’exercer un discernement à propos des différentes conditions de son environnement. Quel est le sens de telle situation, tel événement, telle attente du marché, telle réaction, tel contexte, tel projet, etc…? Ils faut bien entendre le caractère profondément novateur de ce que nous disons ici. Ce que quelques uns font intuitivement, et d’autres, infiniment plus rares, naturellement, nous proposons d’en généraliser l’exercice grâce à une compréhension anthropologique de ces questions de sens (et non pas seulement linguistiques, sémiotiques, sémantiques, herméneutiques où, bien souvent, le sens est « extérieur » à l’homme).

L’importance du Sens comme premier déterminant de toute entreprise humaine, ne serait-ce que sous la forme du désir, rend le discernement de sens incontournable pour l’exercice maîtrisé d’une direction générale.

Les sens à discerner en premier sont évidemment ceux de l’entreprise elle-même.

La théorie des Cohérences Humaines montre que chaque entreprise est fondée sur une palette de sens que l’on peut représenter par une carte de cohérence. Ces sens forment les traits de la « personnalité culturelle » de l’entreprise.

La palette des sens est permanente. Par contre, le sens dominant peut varier et c’est d’ailleurs là qu’interviendra la détermination d’une direction générale.

Il se trouve en outre que la caractéristique des sens est d’être tous différents et de conduire à des horizons qualitativement très divers. Se pose là, on le verra, la question du « bon » sens qui touche d’un côté à l’éthique et de l’autre à celle du « meilleur potentiel » et à la « vocation » essentielle de l’entreprise.

La vocation ne se définit pas là par son objet mais par son sens, choisi comme le meilleur sens (humainement parlant) de l’entreprise.

Le discernement de cette « vocation propre » de l’entreprise est d’une grande importance pour une direction générale. Sachons que c’est là aussi une connaissance encore rare, compte tenu de la nouveauté radicale des moyens d’intelligence et d’accès à ces questions offerts par la théorie des Cohérences Humaines pour les dirigeants.

La décision de sens
Le discernement n’a d’autre intérêt que la décision qui est une prise de position différentielle pour un sens. La liberté humaine se définit par la possibilité de choisir n’importe lequel. Par contre, il y a d’autres critères qui entraînent à choisir le meilleur sens qui est d’ailleurs le meilleur pour l’entreprise, pour ses clients et pour les hommes en général.

Il y a toujours un « meilleur sens » à choisir même dans les cas les plus difficiles. On devine toutes les questions et la délibération qui tournent autour de ce choix :

les questions morales, de valeurs, de finalités,
les questions d’efficacité, de cohérence, de logique,
les questions de désir personnel, de responsabilité vis-à-vis de soi et d’autrui,
les questions de consensus, de facilité ou d’adversité.

Prendre position sur le sens est l’acte majeur de l’homme, l’acte d’autorité et de maîtrise, l’acte de responsabilité et d’engagement. C’est le lot des dirigeants véritables.

Ils sont alors confrontés aux enjeux personnels, leur propre position, leur vocation, leur solitude, aux risques de l’opposition inhérents à toute prise de position.
Dans une époque où semblent se fuir les décisions, l’évitement de cette détermination du sens par les dirigeants trouve toutes sortes d’échappatoires. La principale est la tentation de choisir sans renoncer comme si, à un carrefour, on pouvait prendre une route sans renoncer aux autres.

C’est la thèse des négateurs du sens, donc de l’humain dans son principe d’humanité.

On trouve ainsi une image parlante, celle de la girouette. Beaucoup de dirigeants changent de sens comme le vent les poussent. Que ce soit le vent de l’entreprise elle-même ou de quelque courant extérieur. Il y a aussi les girouettes rouillées qui semblent, elles, assurer une responsabilité de direction stable malgré les courants. La fermeté de direction n’est alors que rigidité.

Le direction générale ne peut être de ce type à moins d’être à elle-même son propre déterminant compte tenu, mais pas sous la dépendance, des courants.

Cependant, dans l’entreprise, il n’est pas possible de donner un autre sens qu’un de ceux auxquels elle peut donner consensus.

S’il s’agit de changer par rapport au sens dominant, alors on se trouve dans ces situations de changement que nous avons explorées.

On pourrait penser que le rôle de directeur général au niveau de ces décisions de sens n’est qu’épisodique. En fait, si il est nécessaire de réajuster régulièrement le sens de l’entreprise, de se ressourcer sur sa vocation, le directeur général a sans cesse à incarner le sens choisi, à le signifier, à le décliner à tout propos et à veiller à son déploiement dans le développement de l’entreprise.

En cela il a une fonction symbolique qui touche au sens, au plus profond de l’humain qui est aussi le profond de l’entreprise. De ce fait, il est confronté à toutes sortes de phénomènes humains restés dans l’ombre bien souvent ou même refusés. Il ne doit pas perdre de vue que le sens est invisible et que seuls les signes en sont exprimables, et que d’autres sens peuvent leur être donnés ou bien que le sens décidé n’est pas facilement recevable pour autrui.

Rappelons à ce propos encore une fois que tout responsable dans l’entreprise a pour une part ce type de rôle à assumer dans son domaine. Il y a là encore toute une connaissance et des pratiques à développer et notamment au niveau des aides et des appuis qui soutiennent le dirigeant dans ce travail de détermination du sens de l’entreprise. Le conseil en Cohérences Humaines en est un aspect.

Le développement du sens de l’entreprise

Le sens déterminé se traduit d’abord en repères d’orientation. Ils sont d’ordres multiples : une politique générale, sens de la voie commune de la communauté d’entreprise (polis = cité), des valeurs, des « projections », dessinent les horizons et les promesses, c’est une des composantes des projets d’entreprises.

La fixation d’objectifs y participe, moins par leur mesure quantitative que par leur signification qui est l’affaire de la direction générale. Les buts et stratégies en dessinent les jalons et les cheminements.

En fait, pour l’entreprise dans sa globalité, les différentes composantes de la structure cohérencielle « signifient » selon leur registre propre le sens déterminé.

Le directeur doit veiller à la cohérence de l’ensemble, c’est-à-dire l’unité de sens. Ainsi chaque aspect, chaque dimension confirme et surdétermine le sens général par leur harmonie au lieu de certaines cacophonies que l’on rencontre avec des discours polysémiques, des actes dont le sens échappe et des systèmes d’évaluation relevant d’autres logiques, elles-mêmes différentes des systèmes de valeurs hiérarchiques.

Il faut pour cette harmonie de déploiement, pour cette cohérence générale, que le sens soit décliné à chaque niveau, à propos de chaque objet, chaque activité, chaque communication. Tout, devant être ainsi homologue (de même sens).

Pour cela la direction générale a trois relais privilégiés. Tout d’abord la conception des stratégies générales qui encadrent les développements dans une rationalité soutenant une même logique. Il faut simplement veiller à retrouver une intelligence de la notion de stratégie qui intègre aussi tous les aspects qui jouent le rôle de repères de sens (rémunérations, hiérarchie, formation, publicité, etc.).

Le deuxième relais, c’est l’équipe de direction générale qui traduit le sens commun selon les registres de la structure cohérencielle contribuant à son tour, sous la référence à la direction générale, à être repère et transmettre le sens.

Le troisième relais, c’est la structure verticale et horizontale et principalement la hiérarchie dans la mesure où l’échelle hiérarchique doit être l’échelle de valeur de l’entreprise donc orientée selon son sens.

En définitive partout le même sens doit être activé et c’est là la troisième dimension du rôle de dirigeant. Les dirigeants sont responsables « porteurs de sens ». Cette expression, récemment reprise dans la littérature managériale, est utilisée dans le contexte de la théorie des Cohérences Humaines depuis 1979. Ce « port » du sens est une charge à la racine de la responsabilité de dirigeant. C’est aussi une façon de définir le « métier » de dirigeant qui, s’il ne peut se désintéresser de tous les registres de l’entreprise: gestion, production, relations, communication, etc., en assume la responsabilité sous cet angle spécifique : donner le sens en le portant en soi-même.

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V – COHERENCES DE L’ENTREPRISE

LE MANAGEMENT DES COHERENCES HUMAINES

Il faut au préalable convenir que le terme de management recouvrira ici tout ce qui concerne la maîtrise des fonctions et des problèmes de l’entreprise. Il mériterait à lui seul une investigation qui ne sera pas faite ici se contentant d’une acception assez voisine des usages courants.

Le paradigme humain n’est pas qu’une question d’exercice philosophique. Il intervient dans toutes les questions de management.

Il fonde un nouveau regard et une conception, en général plus profonde et plus étendue de chaque type de domaine d’application.

Ces conceptions on les qualifiera de « cohérencialistes », le cohérencialisme étant cette approche intégrative alternative que nous proposons à la place des rationalismes, mécanicismes, systémismes, positivismes, etc., prédominants.

Ainsi, nous pouvons élaborer une approche cohérencialiste du commerce, du marketing, de la communication, de la formation, de l’information, de la stratégie, de la prospective, de l’organisation, de la question des rémunérations, du travail, des technologies, de la gestion, du changement, etc…

Certaines sont déjà expérimentées, d’autres restent à développer.

Il s’agit ici de rendre compte des caractères de l’approche cohérencialiste et de l’apport de « concepts structurants » au travers de quelques exemples.

L’approche cohérencialiste

Bien souvent les fonctions de l’entreprise utilisent des conceptions et des pratiques résultant de l’usage ou de traditions professionnelles plus ou moins établies. Il n’y a en général guère de cohérence entre les spécialités sauf à ce que l’une impose ses façons de voir aux autres. L’intérêt de l’approche cohérencialiste est triple:

Avoir une cohérence d’approche des différentes spécialités donc un langage commun et une plus grande facilité de concourance.

Elargir la compréhension des questions correspondantes en intégrant différentes visions qui ont court et en élargissant le champ d’appréhension des problèmes.

Ajuster les conceptions sur les fondements humains des problématiques ce qui permet aux responsables d’avoir une intelligence plus vive de ces multiples questions sans pour autant en être spécialistes.

L’approche cohérencialiste a trois grands volets.

Tout d’abord, elle met en évidence le problème de sens à la racine de toutes les questions, ce qui permet de faire le lien entre elles.

Par exemple, la communication, si elle passe par la médiation des signes et de supports divers, vise à élucider un sens de telle façon que s’établisse un consensus dans lequel chacun pourra « se retrouver ».

Le fait que le sens est principe d’humanité en chaque personne, ce qui touche au sens touche à ce en quoi on se reconnaît ou pas, inconsciemment. Cela renvoie aussi aux identifications qui médiatisent cette reconnaissance. C’est pour cela que la communication touchera toujours aux questions d’identification comme dans la publicité par exemple.

L’information si elle n’est pas signifiante ne vaut rien. C’est un critère déterminant de sa validité et son utilité, trop souvent négligé.

Le commerce met en relation des parties qui vont s’entendre sur un échange, une transaction, un contrat. Il faut donc que se trouve un sens commun pour que ce qui vaut pour l’un vaille aussi pour l’autre.

La prospective qui cherche à baliser le regard sur le futur est ainsi une question de sens et de projection selon tels ou tels sens.

La qualité ne s’apprécie qu’à partir d’une attente qui a un sens. Elle est une façon dont le sens s’exprime sous le mode qualifiant.

Il n’y a pas de recrutement qui vaille sans qu’un consensus s’établisse sinon il y aura divergence de démarche. Le travail, l’organisation, les techniques sont toujours investies de sens humain.

La question de sens dans l’approche cohérencialiste de chaque domaine se présente de trois façons différentes.

D’abord en termes de positionnement épistémologique qui, selon le sens du regard porté sur la question, laissera apparaître de façon privilégiée tel ou tel aspect débouchant sur des conceptions différentes et des malentendus beaucoup plus importants qu’on ne le pense, dans les entreprises et autres domaines.

Ensuite chaque fonction, chaque discipline ou question repose sur une problématique générale dont on peut faire l’analyse de cohérence. On peut mettre ainsi en évidence les différents sens du commerce, par exemple, et discerner les logiques, stratégies, discours et pratiques qui s’y rapportent, façon de théoriser la question.

Les études de cohérences d’intérêt général permettent de choisir le sens général le plus humainement fécond, celui qui amènera le plus de valeur.

Enfin, c’est le sens particulier de l’entreprise qui globalement doit être celui de son commerce, et des autres fonctions.

On trouve là trois niveaux: le général, le spécifique d’intérêt général et le particulier. Il faut, à chaque fois, déterminer à quel niveau on doit traiter la question.

Sur le plan global du cohérencialisme, c’est le niveau général qui intervient. Sur le plan de l’approche cohérencialiste d’une discipline, c’est le niveau spécifique d’intérêt général qui permet d’éclairer les problèmes. Sur le plan de la pratique, c’est toujours le niveau particulier.

Le deuxième volet de l’approche cohérencialiste est celui de la structuration cohérencielle. Ici aussi, il faudra distinguer un niveau général qui place la fonction dans la structure cohérencielle de l’entreprise de type humain, le niveau particulier qui dessine le cohérenciel de la question en situation et le niveau spécifique d’intérêt général qui est le nôtre ici. La structure cohérencielle permet de définir les dimensions et les composantes de chaque fonction. Pour chaque question du management, on distinguera :

Une dimension intentionnelle

Dimension subjective, d’affirmation d’une volonté, d’une orientation. Par exemple, on envisagera un « marketing intentionnel » ou marketing de l’offre qui privilégie cette dimension, une prospective intentionnelle qui vise à éclairer et déterminer le sens que l’on veut donner à l’avenir et à le traduire en perspectives.

Une dimension adaptative

Dimension objective, d’adéquation à un contexte, un besoin, un environnement.

Cela donnera un « marketing adaptatif » centré sur la demande du marché, une prospective adaptative préoccupée de chercher les traces du futur possible dans le présent. L’information est considérée comme donnée objective qui rend compte exactement d’un élément réel.
La prédominance de cette tendance, a été fort prisée avec le management « scientifique » rendant par ses excès les entreprises trop dépendantes de leur environnement et oublieuses de leurs propres intentions. A l’inverse, privilégier uniquement la dimension intentionnelle, subjective, laisse entendre la possibilité d’une influence quasi toute puissante pour imposer sa volonté quelque soit l’environnement

La dimension stratégique.

On conçoit souvent les fonctions sous l’angle de la démarche, des buts et stratégies rationnelles pour y atteindre. Les plans et projets spécifiques apparaissent comme ce qu’il y a principalement à maîtriser.

Plan informatique, plan de communication, stratégie commerciale, méthodologie d’organisation du travail, etc.. La réduction des choses à cette dimension en fait alors trop souvent l’exercice d’application d’un programme tout fait. On recherche « la méthode qui marche » et on l’applique sur le terrain. Sont oubliés alors et l’intention de l’entreprise, ce qui en fait la raison d’être et l’originalité et, par ailleurs, le contexte réel qui est enjoint de rentrer dans le moule. C’est la démarche technocratique par excellence où on se réfugie derrière la procédure, la méthode, le plan qui évacuent le réel et bâtissent des fictions.

La dimension intégrative

C’est dans chaque domaine le travail de conjugaison entre les intentions propres subjectives et les conditions objectives du milieu.

C’est le domaine de l’appréciation, de la négociation, de l’évaluation. Dans les conceptions cohérencialistes, on y considérera l’aspect participatif indispensable. Par exemple, le marketing, sous cet angle aura à expérimenter le rapport entre l’offre et la demande et trouver les moyens du meilleur ajustement. Le commerce y trouvera une dimension d’excellence dans la relation commerciale qui a pour but d’établir ce type d’ajustement.

L’information devra ici être envisagée sous l’angle de sa pertinence intégrant le besoin subjectif et la réalité objective. Cela demandera dans tous les domaines des modalités de concertation, de participation, d’animation des consensus.

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La dimension identificatoire

Il y a dans toute activité un jeu avec les signes, les images, les représentations par lesquels on identifie ce que l’on fait, ce que l’on promet, ce que l’on veut et, au bout du compte, on s’identifie en tant qu’entreprise ou en tant que personne.

La communication est évidemment fort concernée par cette dimension mais elle ne doit pas s’y réduire sauf à s’abîmer dans sa propre contemplation. Le commerce y cherchera ses modalités argumentaires, ses présentations et représentations.

La dimension opératoire

Dans tous les domaines du management, il y a aussi des actes, des opérations à effectuer plus ou moins complexes et on peut y réduire la fonction. Le commerce sera réduit à la vente, la communication, à la production matérielle de supports, l’information au stockage et à la circulation de données; la gestion aux opérations matérielles de tenue des comptes et le travail à l’opération qu’alors un robot ou un automatisme sera toujours prêt à exécuter.

L’examen de toutes ces dimensions et leurs articulations enrichissent considérablement l’intelligence de toutes ces questions et ces activités auxquelles se livre l’entreprise.

La conception cohérencialiste donne aux responsables la compréhension générale et analytique qui leur permet de ne pas oublier une dimension ou ne pas tomber dans la caricature trop souvent à l’oeuvre.

Le troisième volet de l’approche cohérencialiste est la considération du niveau d’évolution, niveau de maîtrise, ou niveau de professionnalisme.

Nous indiquerons pour mémoire que chacune des fonctions peut être comprise à différents niveaux :
à un niveau primaire purement factuel, empirique, pragmatique qui réclame un management de terrain, réactif, répétitif, mais qui peut être un premier apprentissage,
à un deuxième niveau, c’est une intelligence plus conceptuelle des choses qui sera possible. Le contenu des fonctions est enrichi de la dimension stratégique, identificatoire,
à un troisième niveau, on intégrera plus facilement le sens, la responsabilité, les enjeux collectifs sans perdre de vue les deux autres niveaux.

L’approche cohérencialiste, même si elle peut rendre compte des niveaux un et deux, a vocation de faire progresser à une nouvelle étape la pensée managériale et la conception des fonctions et problèmes de management.

C’est ce qui permet de renouveler non seulement les conceptions habituelles à un plus haut niveau d’intégration, mais aussi de développer de nouveaux concepts dit concepts structurants autour desquels on peut rebâtir de nouveaux éclairages et de nouvelles pratiques. Nous allons en examiner ici quelques uns.

Le commerce des valeurs.

Le travail commercial vise à réaliser une médiation de façon à établir un consensus sur la (les) valeur(s) d’un bien ou service pour le client.

Cette médiation suppose la mise en valeur de l’offre et aussi le discernement des valeurs du client. Le travail consiste à élaborer un système de valeur commun sur lequel établir une appréciation dont le prix est l’équivalent.

Voilà une conception du commerce dont le sens général est cohérent avec cette approche. Si on utilise l’expression de « commerce des valeurs » alors on structure toute la pensée et l’action autour de ce concept où l’appréciation des valeurs est une dimension majeure.

De ce côté interviennent les facteurs personnels, culturels, le sens de l’entreprise et ses offres et cela réclame des moyens de discernement et d’évaluation spécifiques. L’intuition ou l’instinct peuvent être utilement complétés par des méthodes et des techniques qu’offrira le Conseil en Cohérences.

Par ailleurs, faire référence à ce concept permettra de revaloriser la profession souvent suspecte d’un « commerce des voleurs » et surtout de permettre par exemple à des personnes de culture technique de se trouver motivés par la « mise en valeur » de leurs produits ou services à l’adresse de publics dont il faut connaître les repères en la matière. Cette « reconnaissance » est de nature à favoriser des évolutions ou bien des rejets que l’on enregistre souvent.

Le concept de « commerce des valeurs » dès qu’on l’approfondit, montre l’étendue de sa validité. On s’aperçoit vite qu’il existe un « commerce des valeurs » interculturel, inter-institutionnel, ou à l’intérieur des entreprises. Le « commerce des valeurs », au-delà de la fonction commerciale classique qu’il éclaire, est aussi un moyen d’établir des concourances.

Les univers de pertinence
C’est un concept structurant pour le marketing. Entre un produit et l’univers dans lequel l’inscrit celui qui l’achète, il y a une relation d’homologie, c’est-à-dire d’unité de sens.

Un produit s’intègre dans l’univers d’existence de celui qui l’achète parce qu’il y trouve sa pertinence. Quelque soit le produit (ou service), une analyse cohérencielle montre qu’il a une dimension subjective, une dimension objective, une dimension rationnelle par laquelle il prend place dans le contexte de vie du client.

L’intégration du produit dans l’univers du client se fait aussi selon les mêmes dimensions si bien que la « pertinence » du produit doit se faire sur toutes les dimensions du cohérenciel.

Par exemple, la « représentation » du produit peut s’intégrer dans l’identification du client, son image sociale ou professionnelle par exemple.

Ainsi, si on est capable d’analyser le produit selon les dimensions cohérencielles, on peut concevoir à priori quelle est la structure cohérencielle (homologue) de l’univers où il peut trouver sa pertinence son(ou ses) univers de pertinence. On dirait dans un autre langage « son marché », « sa cible », l’approche y surajoute toutes les dimensions du cohérenciel qui ne sont pas habituellement prises en compte.

Cela nous entraîne à une connaissance bien plus riche et profonde des produits et une intelligence plus fine, plus large, plus humainement réaliste qu’habituellement. On pourrait la dire plus vivante.

Or cette relation produit-marché, enjeu du marketing, devenant produit-univers de pertinence peut être inversée. Un univers de vie donné peut permettre, par homologie, de concevoir le produit pertinent. Des techniques d’analyse figurative et de créativité générative sont disponibles à cet effet. Elles ont pour intérêt d’intégrer les dimensions subjectives en général très mal maîtrisées et pourtant déterminantes (il n’y a de décision que dans un acte de la subjectivité).

Le concept d’univers de pertinence élargi montre que toute communication vise un « univers de pertinence » où elle soit recevable. Toute stratégie vis-à-vis d’un tiers doit aussi s’inscrire dans une homologie avec son univers de pertinence.

Les univers de pertinence sont les univers où l’on vise à « faire passer » quelque chose pour qu’il s’y inscrive. Ils se définissent comme milieu culturel des personnes ou communautés visées. Les soucis d’usages, ou d’habitudes de consommation, n’atteignent qu’une petite partie de la question.

Travaillant sur le sens et la règle d’unité de sens pour établir une cohérence, souci traditionnel du marketing, la profondeur et l’amplitude des phénomènes devient à la fois plus consciente et en même temps plus accessible. C’est tout l’intérêt des méthodes et techniques issues de la théorie des Cohérences Humaines que de permettre un saut qualitatif majeur dans la maîtrise de ces problèmes.

Le potentiel de concourance

Ce concept est d’abord utilisable dans la gestion des ressources humaines.

Dans les entreprises de type humain, la relation des personnes ou des équipes avec l’entreprise est une relation de concourance dont on a vu les conditions
unité de sens,
intégration dans une « structure cohérencielle » pour « concourir » à sa maîtrise,
responsabilité d’une « structure cohérencielle » concourante à d’autres.

Que ce soit pour le recrutement ou pour resituer personnes, équipes, services, etc. dans l’entreprise, il faut établir la meilleure concourance et pour cela, il est important d’évaluer le « potentiel de concourance » des personnes ou des équipes. Il ne s’agit pas d’une compétence intrinsèque, ni d’une adéquation objective mais d’une homologie (même sens) donc d’une appréciation relative.

Il est possible ainsi d’évaluer le potentiel de concourance d’une personne par rapport à une équipe ou d’une équipe par rapport à un service. Là aussi des techniques nouvelles sont disponibles dont l’élaboration de « profils vocationnels ».
Le concept peut être utilisé à l’inverse : rechercher dans quel contexte (univers de pertinence) la personne ou l’équipe pourrait actualiser son « potentiel de concourance ».

C’est le moyen d’établir des projets de changement ou de création de nouvelles activités. Considérant le potentiel de concourance de leur personnel et leurs équipes, les entreprises pourraient souvent trouver d’autres issues que des licenciements fondés sur le critère réducteur d’utilité économique.

De même l’entreprise peut évaluer son propre « potentiel de concourance » pour rechercher des partenaires avec lesquels travailler de la façon la plus fructueuse.

La macropédagogie
Considérant l’entreprise comme phénomène humain, on a vu que son évolution relevait des mêmes seuils et des mêmes phases que l’évolution des hommes. On a trop souvent considéré la seule « promotion » des individus pour lequel s’est construit l’appareil de formation. Or, il n’y a pas de corrélation systématique entre la formation des individus et le niveau de maîtrise collectif par l’entreprise de ses affaires.

Un groupe de personnes très bien formées peut être parfaitement incompétent et on trouve des équipes ou des entreprises d’un très haut niveau de maîtrise sans que les individus disposent d’une formation exceptionnelle.

L’entreprise étant communauté humaine engagée, ce qui importe au premier chef, c’est la maîtrise collective de ce qu’elle entreprend. La réponse individuelle à un problème de communauté a conduit aux immenses gaspillages que l’on sait.

En fait, ce qu’il faut considérer, ce n’est pas le standard de l’évolution et de la pédagogie individuelle mais le phénomène d’évolution d’une communauté humaine.

Le premier principe est qu’elle doit « cultiver » son meilleur sens, sa vocation. Le second est que son progrès, s’il passe par des phases et des étapes de même type que pour les personnes, emprunte des modalités qui sont celles même d’une civilisation. Cela veut dire qu’ils seront à chaque fois très spécifiques, mais aussi très variés. Cela va de structures de recherche à des structures d’enseignement, de l’intégration d’expériences collectives à l’intervention de référents extérieurs, de l’apprentissage capitalisé de l’expérience quotidienne à l’intégration d’évènements « symboliquement structurants », c’est-à-dire qui font trace dans l’histoire de la communauté d’entreprises par leur sens.

Le concept de macro-pédagogie vient là pour nommer ce type de pratique consistant à concevoir et conduire une stratégie d’ensemble qui tienne compte d’un état initial d’évolution, d’une ambition de progression et de la culture de l’entreprise pour inventer les modalités signifiantes. Evidemment le repérage du sens de l’ambition de progrès est indispensable, de même que la prise en compte de toutes les dimensions de la structure cohérencielle comme supports, vecteurs et enjeux de la stratégie macro-pédagogique.

Comme nous l’avons vu, les stratégies de changement ou de développement réclament ce type de stratégie. Seule une compréhension profonde du phénomène humain peut permettre une telle ambition réalisable grâce aux méthodes, outils et techniques fournis par la théorie des Cohérences Humaines pour la maîtrise des dimensions nouvelles qu’elle révèle et qu’elle éclaire.

La qualité qualifiante
Ce dernier concept structurant que nous allons examiner, se fonde sur une conception spécifique de la notion de qualité résultant d’un regard fondé sur le paradigme humain.

La qualité n’est pas une absence de défaut, mais une « promesse de valeur… humaine ». Elle n’est pas un « plus », mais relève de la nature propre, d’un produit, par exemple.

La qualité d’un produit, c’est sa « qualification » par rapport aux attentes d’un client, mais aussi la qualification qu’y inscrit celui qui le produit.

Il s’agit donc d’une médiation et non pas d’une chose en soi, d’un signe de reconnaissance où les valeurs de part et d’autre se rencontrent.

La qualité peut être conçue comme cette expression médiatrice par laquelle, d’ailleurs, peut se faire un commerce des valeurs sur le support de cette qualité.

En cela, la qualité du produit « qualifie » son producteur aux yeux du client qui, lui aussi, se trouve ainsi « qualifié » aux yeux du producteur.

La qualité du produit, conçue ainsi, médiatise la qualification réciproque du producteur et du consommateur. Cette reconnaissance réciproque, outre son intérêt de fidélisation contribue au développement de la « qualification » de chacun, c’est-à-dire son amélioration. C’est pour cela que le concept de « qualité qualifiante » structure la pensée et la pratique dans un cercle vertueux de qualification.

Or, il faut bien noter que si la qualité médiatise la qualification réciproque, elle véhicule du sens. La qualification est donc le repérage du sens (le meilleur si possible) par le biais de la qualité de ce qui est produit et échangé.

On retrouve la question de l’unité de sens, de la cohérence produit-marché mais aussi producteur-produit.

Reste à reconnaître les qualités et qualifications et leurs sens pour concevoir et conduire des « stratégies qualifiantes » où la « qualité du produit » n’est pas une fin mais une médiation.

Lorsque la qualité est qualifiée de « totale » peut-être faut-il y entendre cette cohérence générale de l’entreprise qui repose sur l’unité de sens, unité de sens qui s’exprime dans sa « qualification » et dans la qualité de ses produits ou services.

Lorsque la qualité est définie par son inscription dans un protocole normatif de certification alors on risque d’oublier des dimension fondamentales, celles justement où se fondent toutes qualités qui en dernier ressort, sont toujours humaines.

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VI – LA CIVILISATION DE L’ENTREPRISE

L’ENTREPRISE DANS LA CITE

Avec l’effondrement du bloc de l’Est, un ébranlement profond affecte les sociétés occidentales et le monde des entreprises. La lecture n’en est pas aisée parce que cet effondrement s’est aussi produit dans une décennie qui pour certains apparaît comme celle du mépris des valeurs avec l’exacerbation de la corruption, de l’individualisme, des faux semblants, de la séduction, du paraître. Pour d’autres, on remarquera que cette décennie a été aussi celle de l’engouement pour les questions de qualité, de valeur, d’éthique, de projet d’entreprises, de management participatif.

On peut dire ainsi que la situation a été dominée par la mise en question des valeurs de civilisation tant du côté de l’achèvement de leur négation que du côté de la recherche d’une nouvelle affirmation.

Dans ce contexte une certaine logique est brutalement remise en question. Celle de la qualification du bien comme l’absence de mal. Le mal étant pour beaucoup incarné à l’Est, le bien était du même coup de l’autre bord. Le « mal » disparu, le « bien » en perd ses repères. Non seulement l’aspiration au bien se fait plus forte, mais le critère du bien comme absence de mal devient insuffisant.

Observons, par exemple, comment l’aspiration pour la qualité à pu s’identifier au « zéro défaut ». Faire défaut, c’est défaillir, manquer pour le bien. Zéro défaut, c’est l’absence de manque, l’absence d’absence de bien.
C’est un critère de comblement de manque, de compensation du mal mais pas un critère « qualifiant » qui définit positivement la nature du bien; ce qui est bien pour les hommes (clients, etc.).

Prenons le thème de l’éthique. Un grand nombre d’ouvrages et d’articles qui évitent de confondre éthique et satisfaction du bon plaisir en viennent néanmoins, dans le contexte des entreprises notamment, à une conception limitée: l’évitement du mal.

Ne pas faire de peine, ne pas faire de mal, ne pas faire souffrir, ne pas gêner, etc. seraient les critères de l’éthique. Il n’y a pas alors de définition positive qui qualifie ce qu’est le sens du bien des hommes et ses conséquences éthiques.

Simultanément les entreprises et leurs dirigeants sont mis en avant pour souligner leur responsabilité par rapport aux difficultés du monde actuel, chômage, exclusions, désertifications. Elles sont de ce fait prises entre deux feux.

D’un côté, une rationalité économique dont les équations et les critères de performance « positifs » définissent, semble-t-il, la ligne du bien de l’entreprise.

D’un autre côté, la montée des difficultés économiques et sociales renforçant une conception »négative » du bien commun réclame une logique incompatible avec la première. Il y a, pour ceux qui veulent « bien faire », une situation de « double contrainte » que l’on sait profondément destructive.

La théorie des Cohérences Humaines apporte ici des éclairages décisifs.

D’une part, elle met en évidence le rapport entre les questions de civilisation, de valeur, d’éthique, de culture, de qualité et l’entreprise. En quoi tout cela concerne-t-il l’entreprise intrinsèquement et non pas accessoirement ?

Le thème de « l’entreprise citoyenne » pointe le problème sans l’éclairer, de même que le souci de l’environnement.

D’autre part, on mettra en évidence sous quelle condition, le souci d’efficacité et de performance peut-il devenir cohérent avec les valeurs communes de civilisation humaine.

La Civilisation de l’entreprise 1
Nous entrons dans une civilisation de l’entreprise, c’est-à-dire dans un monde ou « l’entreprendre » devient clairement le moyen du progrès de la cité.

Cela veut dire que les valeurs de civilisation sont incarnées par les entreprises humaines. Il faut bien voir là qu’il s’agit de toutes sortes d’entreprises. L’entreprise du développement des cités et régions, les entreprises éducatives, les entreprises de santé, les entreprises de production de « biens » et « services ». Il y a généralisation du souci d’entreprendre mais pour lequel se pose toujours la question du sens de l’entreprise.

Le sens dans tout cela est l’échelle de valeur sur laquelle se rejoignent les différentes questions dans la mesure où le sens retenu est celui du « bien » commun.

Alors la civilisation est l’entreprise de culture du « bien » commun. Elle est progrès de l’humanité, c’est-à-dire accomplissement du bien de l’homme dans les conditions de vie en communauté.

La civilisation est accomplissement du bien universel des personnes humaines mais elle l’est par l’accomplissement de la vocation propre de chaque culture humaine.

L’éthique est la poursuite du « bien » de l’homme. Elle emprunte donc les mêmes voies personnelles, universelles et culturelles sachant que les critères universels du bien, liés à la nature humaine, n’ont de traductions que personnelles et culturelles.

La notion de valeur a été élucidée à l’aide d’une analyse de cohérences. Il s’en dégage que la valeur est une « disposition au bien commun » dont le meilleur sens est la « concourance » à l’intégration de la communauté, c’est-à-dire à la culture de sa part d’humanité. Ethique, valeurs et civilisation ont alors même sens et sont critères les uns des autres. On peut y rajouter la qualité en tant qu’elle est « signe de valeur ».

Quant aux entreprises, il ne sera pas surprenant qu’on les définisse par leur but de production de « biens » et « services ». Voilà donc la clé, il n’y a pas de civilisation, d’éthique, de valeur, de qualité s’il n’y a pas entreprise de culture et de production du « bien » commun, celui des personnes inscrites dans leur communauté.

Si les entreprises sont justifiées par leur production de « biens » et « services », il doit s’agir du même critère du « bien » commun.

Ainsi, dans la mesure où elle trouve sa vocation dans la concourance au bien commun, c’est-à-dire notamment qu’elle donne ce sens là aux « biens et services » qu’elle procure alors, l’entreprise est entreprise de civilisation et nous sommes dans la civilisation de l’entreprise.

La civilisation de l’entreprise 2
Ce qui précède montre que c’est le sens même de l’entreprise et les biens et services qu’elle procure qui sont ce par quoi elle concoure à la cité. Ce n’est donc pas accessoirement que l’entreprise se doit d’être citoyenne, au détriment de son efficacité, mais intrinsèquement dans l’acte même d’entreprendre, dans sa raison d’être.

L’entreprise n’est « civilisée » que si elle est capable de maîtriser ses enjeux tels. Efficacité et performance ne sont pas des critères absolus mais relatifs aux enjeux.

Pour que l’entreprise trouve sa cohérence entre ces soucis de maîtrise et ceux d’engagement responsable dans la cité, il faut qu’elle s’évertue à définir et qualifier positivement la relation au bien commun des biens et services qu’elle procure.

La rationalité de ses actions, méthodes, moyens se déduit de cela en second lieu.

Ainsi, il n’y aura plus de contradiction entre valeurs et efficacité si les valeurs référées au « bien » commun sont traduites positivement et non pas définies négativement et que les critères de performance sont eux définis relativement et non pas intrinsèquement.

Alors on redécouvrira que l’économie est l’ordre de la production et de l’échange du bien commun au travers des multiples biens et services et qu’il n’y a d’autres « règles de la maison » qui vaille que celle de « l’entreprise » de ce « bien commun ». Si le « social » se définit comme lutte contre le mal, alors il faut aussi le « civiliser » et le traduire en poursuite du bien commun (bien des personnes) dans et par la communauté. Sinon, le « social » s’oppose à « l’économique », comme dans le système ancien, aujourd’hui profondément ébranlé, et qui ne savait se justifierque par ces clivages manichéen dont la « lutte des classes » n’était qu’unedes figures.

Le rapport entre l’économique et le politique est du même ordre. Ils trouvent leur cohérence lorsque ce sont des dimensions complémentaires (cohérenciel) dans un mêmesens.Lepolitiqueajustementen charge de dégager le sens du bien pour la cité qui donne ainsi l’échelle de valeur sur laquelle les biens et services économiques peuvent être évalués. Les valeurs économiques n’ont pas d’autre sens que les valeurs politiques, sociales, éthiques, etc. et, en dernier ressort, humaines.

Il y a toujours cohérence humaine entre ces valeurs, même si leurs termes sont différents mais complémentaires.

On peut poursuivre l’examen des valeurs, des domaines où l’entreprise du « bien » commun trouve des modalités différentes qui appartiennent au même mouvement de civilisation.

Cette cohérence est signe et condition nécessaire de civilisation.

Elle n’est pas suffisante. En effet, cette cohérence humaine doit encore être celle du sens du « bien ».

La théorie des Cohérences Humaines souligne que le « bien » de l’homme ne peut être conçu qu’en rapport avec la nature humaine et son accomplissement. Le discernement du sens du bien commun et l’évaluation des « biens » et services sont liés.

Autrement dit, la maîtrise des entreprises « humaines » passe par le discernement de leur sens qui est aussi sens de civilisation humaine.

Nous n’avons pas fait appel explicitement aux références religieuses. Chacun y trouvera les critères et conditions du discernement ou d’évaluation du bien et des biens pour ce qui est de l’universel.

De même chaque communauté culturelle trouvera les traductions pertinentes avec son actualité et son niveau de civilisation.

Enfin, chacun, et particulièrement les dirigeants, intégrera pour cela la dimension personnelle de sa propre vocation qui ne peut trouver à s’accomplir que par ses entreprises.

Toute entreprise a valeur personnelle, culturelle et universelle (multipersonnelle et multiculturelle souvent). Il faut à chaque fois rétablir les repères de valeurs et discerner le sens propre du « bien » commun pour assurer la maîtrise de l’entreprise civilisée et civilisatrice.

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