Storytelling et socio-performance

Le storytelling est un concept à la mode qui, comme toujours traduit à la fois l’écume des vagues et symptomatise un courant de fond. D’un côté on va se raconter des histoires de l’autre on va apprendre que l’action humaine se passe dans l’Histoire et par des histoires. Storytelling ou racontage d’histoires, pour le pire ou le meilleur. Le choix de la socio-performance permet de trancher.

Le storytelling, pratique de conseillers politiques de haut vol, est à la fois le modèle de la manipulation des esprits et celui de l’action communautaire de socio-performance. Le service du bien commun ou de l’aliénation collective.

Les mythes fondateurs, les livres sacrés, les contes pédagogiques ou thérapeutiques, et toutes les histoires qui font l’Histoire et la conscience collective montrent la puissance possible du procédé.

Les récits que l’on nous conte et dont les médias se font l’écho et l’amplificateur sont aussi des façons de servir une pensée toute prête, une vision du monde souvent manichéenne ou angélique qui facilite la perméabilité aux injonctions publicitaires ou propagandistes.

La puissance du procédé, la nécessité d’un discernement individuel et collectif devant les logiques servies, les enjeux d’un monde nouveau issu d’une mutation de civilisation suggèrent d’en approfondir la théorie et la pratique.

L’humanisme Méthodologique en fournira ici les ressources et la socio-performance le champ d’application pour un rapide tour d’horizon. (références bibliographiques disponibles sur http://journal.coherences.com )

Le storytelling, l’histoire racontée

Une histoire racontée est une scène de vie qui intègre toutes les dimensions de l’expérience humaine.

Il y a un sujet et une intention, il y a un objet ou thème dans un contexte, il y a un déroulement avec un avant et un après, un commencement et une fin. Tout cela structure une scène où l’unité de lieu (champ), l’unité de temps (période), l’unité d’action (moment, durée) ont une certaine importance.

Il y a aussi un plan d’expérience affectif, émotionnel, sensible, un plan d’expérience factuel, matériel, comportemental, un plan d’expérience mental, imaginaire, structurel, rationnel ou non, discursif, etc.

Tout cela ressort du « cohérenciel » de l’expérience humaine et de la « trialectique sujet objet projet », participant d’une théorie des situations humaines. (cf. ressources bibliographiques ci-dessus)

Le storytelling, la force du procédé

L’histoire racontée sollicite de façon intégrée l’ensemble des composantes de l’expérience humaine et c’est de là que vient sa force, identificatoire. Nous nous y voyons, nous nous y retrouvons nous y intervenons même et cela d’autant plus que nous le partageons dans une communauté de Sens. Le propre y vient du figuré.

Il suffit de se rappeler toutes les « histoires » vécues à tel point que l’on ne sait plus différencier la mémoire et l’histoire, ce qui nous est servi et ce que nous vivons par nous-même. Toutes nos croyances sont ici à invoquer, ne faisant plus, bien souvent, la part de ce qui nous est propre et de ce qui nous est raconté. L’identification expériencielle à l’histoire racontée en vient même à coproduire l’histoire en question comme des personnages de fiction. C’est le moteur du procédé. La profondeur des implications en fait la force.

Le storytelling, les conditions de pertinence

Cependant il y a des histoires où on se retrouve et d’autres pas. Il n’y aurait d’automatisme que si on y est préparé.

La clé c’est le Sens. Si on est disposé dans un certain Sens alors l’histoire va nous y conforter. Ainsi elle va renforcer le conSensus et contribuer à former ou développer une communauté de Sens. Ainsi la prédisposition se renforce et la croyance dans l’histoire ou dans des histoires homologues (de même Sens) sera d’autant plus prégnante, plus engageante.

La vie en vient à prolonger, à accomplir l’histoire. C’est aussi l’exemple de tout projet, une histoire qu’on construit puis qu’on réalise.

Il y a cependant un seconde condition c’est que les destinataires se trouvent sur la bonne scène, le lieu ou contexte, la langue et la culture, le moment qui s’inscrit dans une histoire personnelle ou collective engagée. L’histoire ne doit pas tomber comme un cheveu sur la soupe même aux infos de 20 heures. Si elle ne vient pas à propos elle ne sera pas appropriée.

Dès lors la pertinence du storytelling tiens au « bon » Sens d’une communauté de Sens, c’est-à-dire son Sens du bien commun et aux conditions contextuelles. La question des valeurs comme indicateurs du Sens du bien commun prend alors toute sa place ainsi que leur « illustration scénarisée »

Le storytelling et la théorie de l’action communautaire.

Tout ce qui est « réalisé » dans une communauté tiens du conSensus qui s’actualise. Ainsi tout ce qui s’y produit est effet de Sens, celui-ci étant le principe agissant. L’ « histoire racontée » est le médiateur du Sens par les différents volets de l’expérience sollicités. Le but de l’histoire n’est pas ce qu’elle produit dans son scénario mais ce qui se produit pour ceux qui résonnent à son Sens. L’erreur rationaliste est de confondre les deux Sens et raison.

Agir c’est activer un Sens par une médiation appropriée, rien de mieux qu’une histoire racontée, vécue, « participée », qui le communique.

On voit que dans la communication le principe agissant c’est le Sens véhiculé par des médiations et que dans un monde communautaire c’est aussi la définition de l’action. Il faut s’y arrêter un moment pour comprendre que toutes les affaires humaines sont concernées y compris les plus matérielles ou rationnelles.

Dès lors que l’on replace cela dans le contexte des communautés de Sens ou d’enjeux alors c’est tout le champ de la socio-performance qui est engagé.

Le storytelling et l’intelligence symbolique

L’intelligence symbolique c’est l’intelligence du Sens. Elle comporte : le discernement des Sens, Sens humains, en général inconscients, la détermination du Sens selon lequel s’engager, le partage du Sens en conSensus, le déploiement du Sens en projets, en réalisations, en développement, en progression humaine…

Pour le storytelling il y a d’abord à repérer le Sens à véhiculer dont il faut être inspiré pour construire ensuite une histoire efficace dans les conditions contextuelles pertinentes.

Discernement du Sens ou inspiration juste sont en question en premier lieu. Ensuite, dans les méthodes de l’intelligence symbolique, vient l’imaginaire comme vecteur opportun d’expression du Sens selon une histoire appelée homologramme parce qu’elle porte le Sens voulu. Cette expression spontanée mais disciplinée est à la fois disponible pour l’analyse et un meilleur discernement du Sens qu’elle porte (ex: analyse figurative) et à la fois pour la créativité qui va en être inspirée pour construire un scénario. L’histoire finale sera le fruit d’une génération progressive, tant de la créativité dans les modes d’expression et les contenus que dans l’ajustement aux contextes opératoires (créativité générative). Techniques d’intelligence symbolique ou disciplines de création, elles s’accordent avec tous les modes d’expression pertinents.

Le storytelling et la méthode

Comme en socio-performance la première question est celle de la détermination de la communauté de référence. Parties prenantes ou publics concernés, communauté source ou communauté destination.

Vient ensuite l’élucidation du Sens du bien commun. Les méthodes d’intelligence symbolique – analyses figuratives, analyses de cohérences – sont les bienvenues avec leurs médiations qui sont déjà du storytelling, à tel point que l’on peut envisager des pratiques pour de larges publics avec des enjeux profonds. (socio-pédagogiques, socio-thérapeutiques…)

L’expression des valeurs, celle des ambitions, la détermination des responsables, utiliseront avec grand bénéfice les pratiques de storytelling avec les médiations appropriées. Toutes les expressions seront homologues entre elles et se renforceront dès lors qu’elle véhiculent le même Sens du bien commun (elles seront divergentes et déboussolantes dans le cas contraire)

C’est lors du déploiement de l’action dans le Sens du bien commun que le storytelling prend toute sa puissance. Mobilisations, participations, élaborations communautaires, réalisations communautaires, maturation de l’intelligence et de la compétence communautaire, gouvernance communautaire seront engagées, guidées et entrainées par des histoires mises en scènes. Ce seront autant de mises en situations des acteurs et publics, allant de simples scènes de fiction à des mises en scènes de l’action qui peuvent aller jusqu’à ces « jeux de rôles » qui sont de très « serious games », les méthodologies de l’action collective dans tous les domaines.

Considérons que tout projet est une histoire que l’on construit et que l’on se raconte pour entrainer à des réalisations communes, que l’on soit dans les entreprises ou dans les projets publics ou les actions sociales par exemple. Plus qu’une procédure rationnelle c’est un processus communautaire que le storytelling permettra.

Le storytelling et le virtuel

L’usage du terme de virtuel reste encore très immature. Fiction, contraire du réel, hypothétique, ou nouvelle sorte de réalité que l’on trouve sur internet, ou bien dans ces simulations plus vraies que nature, tout cela à cours en même temps. Or le terme de virtuel à une toute autre étymologie qui renvoie à vertu, virtuose, et même valeur. La philosophie grecque ou la pensée thomiste ont déjà été confrontées à ce concept mais c’est une toute nouvelle pertinence qui se prépare. Le virtuel c’est ce qui est porteur de virtualités humaines. Or ces virtualités humaines essentielles ce sont les Sens que le virtuel actualise, manifeste, réalise, selon les différentes composantes ou dimensions de l’expérience humaine. Voilà une proximité avec l’histoire du storytelling.

En effet les histoires sont des réalités virtuelles qui, d’une part sont l’expression (actualisation) de Sens et d’autre part sont les vecteurs d’action et de nouvelles réalisations (potentialisation).

Le virtuel c’est aussi le vecteur de l’action communautaire, comme l’est l’histoire du storytelling que l’on peut alors qualifier de réalité virtuelle. Nous l’avons vu, cette réalité est une situation d’expérience humaine, le storytelling est une « mise en situation ». Ainsi les espace virtuels d’activités du futur sont à concevoir comme des moyens d’action communautaire, selon les principes du storytelling, avec des enjeux communautaires de tous ordres.

Le storytelling deviendra alors un générateur d’espaces virtuels ou mises en situation, dans une ingénierie du traitement des situations.

Internet offre des possibilités extraordinaires associées aux « relations de proximité à distance » qui facilitent la constitution des communautés d’enjeux. Ce n’est cependant pas la limite des espaces virtuels qui sont tout à fait réels et incluent tout le champ de l’expérience humaine, vue d’une nouvelle façon.

Mais il en a toujours été ainsi lorsque les histoires des humains se sont réalisées au travers des formes, scènes et pratiques que nous ont léguées nos civilisations.

Prospective du storytelling

Le storytelling, « racontage d’histoires », mise en situation pour l’action, va devenir une ingénierie et aussi un art pour de nouveaux artisans : les faiseurs d’instruments de socio-performance pour l’action communautaire. Il ressort alors d’une ingénierie du virtuel qui mobilisera différentes compétences.

Cependant il serait erroné de penser que le storytelling peut s’appliquer ainsi à des problèmes anciens. Il participe aujourd’hui à un changement de paradigme, celui du virtuel qui associe le principe du Sens à son véhicule, l’histoire appropriée, le traitement des situations pour l’action communautaire, la socio-performance.

Le rationnel et le matériel ne sont plus les critères du réel mais des dimensions du virtuel dont le réel est humain : le Sens de l’homme qui se révèle dans l’engagement du Sens du bien commun des communautés socio-performantes. Or le Sens est spirituel et les communions d’esprit se réalisent aussi par storytelling…

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