Qu’est-ce que le virtuel
Une question dont il faut sans cesse reprendre l’interpellation. Rarement question aussi essentielle a donné des réponses aussi aveugles. Résumé d’une conférence.
D’un côté le terme se propage : espaces virtuels, organisations virtuelles, économie et monnaie virtuelle, communautés, commerces, réalités virtuelles, images virtuelles, tout un monde semble se construire, une réalité étrange, spéciale.
D’un autre côté le terme évoque quelque chose d’irréel, de fictif qui n’appartiendrait pas à la vraie réalité. D’un côté une réalité qui se construit, de l’autre sa négation comme si la réalité ce n’était pas ça.
Un autre point avec Internet mais aussi d’autres « réalités virtuelles ». On entend dire que cela éloigne et diminue les relations humaines.
D’un autre côté, Internet permet à chacun de se connecter au monde entier, au monde des humains connectés, deux contradictions apparentes.
En fait cette question du virtuel est un noeud de basculement entre un monde infra humain et un monde pleinement humain.
Ce que l’on a à y découvrir, c’est que l’humanité est plus tangible dans le virtuel que dans la réalité rétrécie habituelle.
Deux auteurs français ont perçu l’importance de cette question :
Philippe QUEAU actuellement à l’Unesco qui a écrit un livre en 1994 intitulé : « Le Virtuel, vertiges et vertus ». Il parle lui de « réalité augmentée » d’un ajout à la réalité ordinaire.
Pierre LEVY, enseignant à Paris VIII et je crois exilé au Canada, a écrit un ouvrage « Qu’est-ce que le virtuel » où il fait le lien entre cette mutation de la réalité et le phénomène humain qui en est l’origine et aussi la conséquence.
Comme Queau il a vu que quelque chose d’essentiel se préparait, était déjà là.
Je vais essayer de vous faire partager cette vision et de vous en donner les clés :
1) L’enjeu de fond, c’est le rapport de l’homme à la réalité, au monde et à lui-même.
2) Le point de basculement c’est l’accès de l’humanité à un nouvel âge de maturité, l’âge de l’homme VIR.
3) Le laboratoire expérimental qui sera le plus fécond, c’est le développement d’Internet et la création d’un nouveau monde par mutation de l’ancien (image chrysalide et papillon).
4) L’indicateur, c’est la mondialisation que l’on s’exerce à disqualifier par les usages les plus régressifs et rétrogrades qui soient alors que c’est un émerveillement qu’il faudrait louer.
Pour conclure cette introduction, je voudrais noter une étymologie intéressante de virtuel qui vient de la racine indo européenne WIR qui veut dire homme, vertu, courage, valeur, volonté, virtuose… ( Grandsaignes de Hauterives dictionnaire des racines indo européennes Larousse 1948 )
WORLD et WELT sont construit comme WIR – OLD ou ALT et signifient « âge d’homme ». La mondialisation, c’est l’émergence de l’âge d’homme, l’ère du virtuel !
1 – La réalité virtuelle est la réalité proprement humaine, c’est-à-dire:
· La même réalité qu’avant mais reconnue comme réalité humaine,
·
Cette réalité humaine :
– Porte le Sens, virtualité humaine, ce qui est le coeur de l’homme,
– Comporte toutes les dimensions de l’expérience: affective, matérielle, mentale, ce qui est le corps existentiel de l’homme.
Voyons cela autrement :
– A L’âge de l’affect l’homme est pris dans les puissances qui le traversent et l’animent tout comme le monde.
– A l’âge du faire l’homme est chose parmi les choses, s’en nourrit ou s’en défend.
– A l’âge des représentations l’homme se découvre doué de conscience, de raison.
Mais il croit qu’ainsi il voit ce qui est déjà là : soit des formes qui sont dans les choses, soit des formes qu’il projette dans les choses comme elles se projettent en lui.
A l’âge du Sens, l’homme se découvre auteur de tout cela mais à la fois :
– très modestement : pas seul, du mal à l’assumer,
– très humblement : c’est cela sa condition d’humain, il doit l’assumer,
– très dignement : il peut en cultiver la maîtrise, c’est comme cela qu’il s’accomplit.
A l’âge du Sens, la réalité est virtuelle, c’est-à-dire humaine.
On peut dire aussi que si l’homme est Sens alors la réalité virtuelle non seulement témoigne de l’humain (racines humaines de toute réalité) mais qu’elle est médiatrice de l’humanité du Sens entre les hommes.
C’est comme cela que l’on peut comprendre l’environnement ce qui nous entraîne et qui est la réalité virtuelle de notre relation aux autres. Le respect de l’environnement, c’est le respect des autres et rien d’autres (sauf dans l’antihumanisme où le respect de l’environnement c’est l’effacement de toute trace humaine, de toute « anthropisation » comme on dit).
2 – La nouveauté : ça bascule, révolution copernicienne :
– L’homme est au coeur de son expérience,
– La réalité c’est ce que l’homme réalise, c’est-à-dire son expérience,
– Il est co-auteur (jamais seul) de la réalité.
– Il lui donne Sens et il se donne Sens en participant à cette réalité.
Emergence de l’homme VIR intentionnel,
– autonome
– maître de lui
– responsable
– auteur
– discerne, oriente, engage.
La réalité de l’homme VIR est la réalité virtuelle, c’est-à-dire :
– elle incarne le Sens que l’homme y investit en la réalisant,
– elle est le vecteur du Sens qu’elle révèle,
3 – Le laboratoire expérimental : Internet
· Imaginons :
– des personnes derrière leur écran,
– des affaires, des aventures, des entreprises, des projets, des relations, des édifices sociaux, politiques, juridiques, économiques, entreprenantes qui se construisent tout un monde.
Imaginons que je coupe la connection d’un ordinateur. Est-ce que ce monde s’écroule. Pour moi oui, pour un moment seulement.
Imaginons que nous sommes au travail dans notre activité familière tout un monde avec des histoires, des relations, des publics, des péripéties et puis à la fin de la journée nous rentrons chez nous en famille; Le monde professionnel disparaît (plus ou moins), c’est pareil.
Maintenant observons les réalités du monde sur Internet :
– Elles n’existent pas si je n’y vais pas,
– N’existent que celles auxquelles je participe.
L’expérience montre que si je ne sais pas ce que je veux, je ne trouve rien à y faire.
En fait les réalités virtuelles du monde d’Internet sont tissées à partir d’initiatives, d’intentions, de volontés humaines et non pas par « la forces des choses ».
C’est un monde construit de part en part par les hommes.
Economie virtuelle, monaie virtuelle, commerce virtuel, entreprises virtuelles sont le pur produit des communautés virtuelles qui les « réalisent ».
En définitive ce que nous enseigne Internet et dont nous pouvons y faire l’apprentissage, c’est qu’un monde peut être entièrement humain, nous en sommes co-auteurs et que nous pouvons l’assumer.
Mais voilà cette expérience laboratoire nous fait aussi découvrir que c’est toute la réalité qui est ainsi.
Nous en sommes co-auteurs, responsables. Toute réalité est virtuelle et nous sommes responsables du Sens à lui donner, à y réaliser et y révéler.
Internet fait partie de cette réalité là. La peur de l’homme Vir ou la haine de l’homme détestent ça il n’y a qu’à voir comment fleurissent les diabolisations d’Internet.
4) Nous avons parlé de mondes, c’est le premier visage de la mondialisation.
Nous avons à découvrir que nous vivons dans des mondes, plusieurs, que nous réalisons ensemble au sein de communautés virtuelles, que nous en sommes responsables et avons à leur donner un Sens, le meilleur, celui qui nous accompli culturellement et personnellement dans chaque monde, qui en fait sert à ça.
Une nation, une cité, une communauté quelconque forment un monde, un monde virtuel où se réalise et se révèlent les virtualités des hommes qui la composent. Chacun a vocation à l’accomplissement humain à sa manière.
La mondialisation, c’est aussi la reconnaissance que chacun de ces mondes réalise une part de l’humanité et que l’humanité entière est réalisée dans le MONDE. C’est le théâtre de l’accomplissement universel de l’humain.
Chacun est confronté :
– a son existence personnelle, sa réalité virtuelle propre,
– à ses mondes culturels, réalités virtuelles des communautés auxquels il participe,
– au monde universel, réalité virtuelle de l’humanité entière.
La mondialisation, c’est l’âge d’homme, l’ère du virtuel, l’émergence d’un autre niveau de conscience, celui de l’homme VIR.