Les Sens de l’art

L’art et ses oeuvres sont des témoignages d’humanité, ils expriment et ils parlent. Mais ce qu’ils disent témoigne aussi du rapport de l’artiste à son humanité et celle des autres. Le pire et le meilleur s’y révèlent.

L’ART COMME MODE DE RE-PRÉSENTATION DE L’EXPÉRIENCE HUMAINE

Nous allons ici éclairer d’abord la formule titre et ensuite découvrir comment l’art peut re-présenter l’expérience humaine en plusieurs Sens. Sens des conceptions, pratiques et finalités des arts.

On retrouvera dans ces différentes visions des échos déjà connu pour certains mais aussi des éclairages probablement rejetés par d’autres.

L’art est devenu, bien souvent, comme la science, une sorte de « sacré » profane dont le dévoilement peut ébranler des tabous et ne pas plaire mais tel n’est pas ici le but.

L’étude présentée résulte d’une analyse de cohérences des Sens de l’art. Cette analyse avait été engagée par trois personnes citées en fin de texte et poursuivie encore récemment pour affiner le discernement des Sens en jeu.

Tout d’abord quelle expérience humaine s’agit-il de re-présenter dans l’oeuvre d’art? Expériences du monde, de l’univers, des situations ? Ce sont toutes des « réalités humaines », d’expérience humaine. L’artiste participe à sa manière d’un consensus ambiant ce qui rend son oeuvre plus ou moins audible pour l’entendement contemporain (ou lointain). Ce peut être aussi l’expérience de moments de l’existence humaine, expérience de vie, de proximité, vie communautaire, culturelle, universelle. Ce peut être encore plus spécifiquement une « expérience intérieure » où l’affectivité, l’imaginaire se conjuguent avec des situations premières, inconscientes, moments d’exception, mémoire ou moment de « conscience altérée ». Ce peut être encore dira-t-on une expérience spirituelle ou encore d’une quête.

Il suffit de dire ici que toute expérience humaine est susceptible de donner lieu à un acte artistique, à une oeuvre d’art par un travail de re-présentation dont on voit bien ce qu’il porte de témoignage personnel ou collectif, ce qu’il propose à l’expérience des autres sans doute pour qu’ils se re-présentent quelque chose de l’humain, quelque chose d’essentiel, quelque chose à partager.

L’art vient comme une parole dans la langue justement de chaque art. Pré langage ou langage symbolique ? Quelle part prend celui qui reçoit l’oeuvre d’art ? A quel consentement est-il invité, provoqué ? A quoi sert l’art et à qui ? Voilà bien des questions importantes. L’importance donné à l’art est-elle proportionnée à son utilité humaine ? Chaque Sens de l’art apporte des réponses différentes pour des conceptions et pratiques de l’art différentes, pour des modes de re-présentation humaine de Sens différents.

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-Première alternative de Sens opposés :

L’art comme métaphore, témoignage symbolique, acte d’auteur-authentique, parole personnelle, culturelle, universelle.

Au travers d’une réalité première, la re-présentation artistique, réalité seconde, est oeuvre de création car elle trouve sa source dans le Sens et le ConSensus d’humanité qu’elle actualise. La fonction de l’art est d’interpeller, d’en faire appel à l’esprit, Sens en écho à celui du créateur qui a su en témoigner avec pertinence dans une sphère universelle, culturelle ou de plus grande proximité.

La re-présentation vise bien au-delà de l’oeuvre et de la réalité première elle vise en l’autre la source d’être spirituelle que l’auteur a su exprimer. L’artiste est ici un témoin de la transcendance de l’esprit, donc inspiré étymologiquement. Rien de ce qui est humain n’est étranger à l’art.

L’art comme reflet des apparences humaines.

Il tente de re-produire les réalités d’expériences humaines comme pour les exhiber, les montrer ou les démontrer par une répétition qui en souligne quelque trait, les donne en spectacle. Affectant de figurer l’expérience humaine et ainsi l’homme, l’art en présente le masque, les masques. L’image, comme la maya, voile plutôt qu’elle révèle. Figuratif ou non figuratif y sont affaire de masque de simulation, de similitude entre l’oeuvre d’art et quelque scène d’expérience humaine. Donner à voir comme dans un miroir tel est la fonction de l’art dans ce Sens. Duplication et complicité, duplicité du regard.

Seconde alternative de Sens opposés :

– L’art comme manifestation, comme expression,.

Il donne à ressentir, à éprouver de façon plus intense l’expérience humaine

L’art est manifestation de moments forts partagés. Il joue un rôle d’intensification, d’activation, de sensibilisation, de mobilisation. Il fait résonner l’expérience humaine par la médiation de ses instruments et techniques qui jouent le rôle d’amplificateurs de l’expérience.

C’est l’oeuvre elle même qui est amplificateur pour les autres à qui elle est donnée à éprouver dans une sorte de participation ou de communion des sens (avec ou sans l’esprit).

– A l’inverse l’art comme interprétation de l’expérience humaine.

Il ne s’agit pas de la dire mais de la comprendre, de l’expliquer, de l’interpréter.
L’oeuvre d’art est comme une enquête donnée pour répondre à une quête ou la provoquer. De ce fait elle est transposition de l’expérience humaine, une re-production qui se voudrait quelque peu pédagogique, éducative, questionnante, porteuse d’un message à comprendre pour savoir. L’artiste témoin l’est à charge ou à décharge mais s’il à quelque chose à dire, c’est déjà sa recherche de compréhension.

Les quatre Sens de l’art se conjuguent deux à deux pour donner encore d’autres conceptions, d’autres visages, d’autres Sens de l’art et sa fonction du même coup.

L’art réjouissance, communion, chant, « transport en commun ».

Concert d’expériences singulières, il rassemble, il donne à vivre tant personnellement que collectivement.

La re-présentation d’une expérience humaine personnelle se fait collective et vice versa. Louange, choeur, termes d’une histoire « religieuse » en souci d’esprit et de communion d’esprit, il n’est pas difficile d’en retrouver l’oeuvre, l’oeuvre de l’art comme une utilité sociale communautaire qu’il faudrait mieux connaître à l’heure ou se défait « la cohésion sociale », « le lien social ». L’art vient donc pour nouer la communauté de Sens, communauté d’esprit faire partager un consensus d’humanité, le Sens d’un bien commun. Le « créateur » en témoigne, la communauté le partage et s’en réjoui. Là est la beauté toujours humaine.

A l’inverse l’art dénonciateur, réducteur, interprétation tragique de l’expérience humaine.

Il donne à voir le mal commun, la banalité du mal dans l’expérience humaine. Combien d’oeuvres sont fondées sur quelque dénonciation, stigmatisation, figure de la chute. Combien les chants désespérés paraissent, dit-on, les plus beaux, peut être parce qu’ils blessent au plus profond et que la scène dit en même temps : ce n’est qu’images, figuration, comédie, offrant un soulagement qui apparaît là, bienfaisant sur le coup et fascine par l’ambiguïté sur laquelle est épinglée l’humanité présente ainsi re-présentée. Cet art serait-il thérapeutique ? cathartique ? L’hypothèse reste ouverte de l’efficacité de l’opposition du mal contre le mal dont l’art nous offre tant de figures souvent grimaçantes.

Il y a encore l’art de la maîtrise de l’expérience humaine.

Quête du Sens, de l’esprit, l’art est d’abord discipline, cheminement intérieur au travers d’un parcours, celui du travail de la quête. L’art est celui de l’atelier où c’est l’artiste lui-même qui est en chantier par la médiation de l’oeuvre. Aux autres il offre les chemins ouverts, la discipline de sa propre maîtrise dont les « master class » sont une pratique moderne. Travail de quête donc de révélation dans toute réalisation, l’oeuvre d’art invite au voyage, à l’engagement, à la visée, à l’épreuve du chemin. On conçoit facilement les multiples voies et disciplines que les arts re-présentent, autant de tentatives de faire progresser et d’accomplir l’humanité, de l’initier à son humanité. Mais n’est-ce pas le terrain de nombreuses activités humaines que l’art pourrait investir chaque fois où l’exercice d’une maîtrise et donc sa culture est nécessaire. C’est comme cela que l’art est aussi le nom de la maîtrise d’une profession dont on parle des règles en en oubliant trop souvent l’esprit et sa quête motrice et génératrice.

Il y a enfin à l’inverse un art monstration.

Exposition ostentatoire des pulsions humaines dans tous leurs états court-circuitant le personnel et l’universel dans une manifestation dyonisiaque à laquelle est invité le spectateur pour s’en faire l’acteur.

Érotisation de l’expérience humaine l’art se fait prosélyte de toutes les formes de jouissances des sens invitant justement à la coïncidence de l’acteur, spectateur, auteur avec cette jouissance des sens. Ce n’est pas sans plaisir évidemment qu’il y répond plaçant l’art comme grand ordonnateur des plaisirs dans une société qui en fait commerce et tendrait à y fonder toute une part de son économie. De quel culte cette culture témoigne-t-elle ? A quels cultes d’idoles mises en vedettes invite-t-elle ?

Il serait bien hasardeux de se précipiter sur un catalogage rapide des arts et traditions, oeuvres et artistes, scènes et pratiques sociales.

L’angélisme n’est pas toujours louable selon qu’il confond les sens et les Sens, affects et esprits.

De même l’hygiénisme disciplinaire n’est pas chemin de maîtrise même s’il en porte abusivement l’étiquette. L’art comme mode de re-présentation de l’expérience humaine, prend on le voit, différent Sens, portant ainsi différentes visées. On y reconnaît parmi elles ce qui contribue à l’intelligence symbolique personnelle et collective, la révélation du Sens humain en conSensus dans la communauté de Sens, sous réserve de se mettre en quête et cultiver le Sens du bien commun.

Les artistes auteurs créateurs en sont les témoins révélateurs aux postes avancés et souvent exposés de l’histoire de l’accomplissement de l’humanité et ses errances.

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