Les Sens de la laïcité

La laïcité est une question tendue parce-qu’elle est portée par une crise de Sens. Une de ses crispations c’est de nier la possibilité même d’une interprétation, le mot est le Sens qui s’impose à tous. Malgré tout il reste bien des interprétations dont le discernement n’est pas favorisé si le rapport entre conscience personnelle et conscience collective n’est pas clarifié. Un texte de 2003 sur une analyse plus ancienne.

La laïcité repose-t-elle sur un déni du spirituel (donc du principe d’humanité), ou bien est-elle la voie d’une libération spirituelle de l’humanité ? L’Humanisme Méthodologique propose un certain discernement de la notion de laïcité ?

La laïcité pose, au fond, le problème du rapport entre la conscience individuelle et la conscience collective. La notion de laïcité va prendre alors différents Sens (travail d’élucidation issue d’une analyse de cohérence).

D’abord elle veut assurer la liberté de conscience individuelle contre l’imposition d’une conscience collective, considérée comme la pratique abusive des églises à certains moments par exemple. Elle est ici le support d’un humanisme qui valorise la conscience humaine comme principe supérieur de dignité.

A l’inverse la laïcité veut s’imposer comme norme sociale de conscience avec son cortège d’injonctions (idéaux – valeurs) qui s’opposent à toute velléité d’altérité de croyance, considérée comme un mal intrinsèque. C’est très exactement la caricature de ce qui était recherché plus haut au point de faire de la laïcité une religion avec tout son appareillage de conditionnement social.

Ensuite une seconde opposition de Sens se révèle.
D’un côté une laïcité du refus, de l’opposition, de la lutte contre toute autorité de conscience, un anticléricalisme étendu à tous les clercs, religieux ou non et ce de façon autoritaire.

D’un autre côté une laïcité de la régulation qui cherche à établir des conventions, des règles de comportements collectifs.

De là quatre versions de la laïcité

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· L’intégrisme laïc, totalitarisme idéologique qui veut imposer une croyance sociale d’autorité, à l’encontre de toute altérité en la matière. Il prend modèle sur tous les intégrismes religieux ou idéologiques en sacralisant ses propres signes et rituels.

· La laïcité libertaire individualiste. Elle considère que doivent être tenues séparées (clivées) une sphère du privé et une sphère du public. Chacune doit se garder d’intervenir ou se manifester dans l’autre. L’idée de « neutralité » réciproque entre les deux sphères suppose une schizophrénie. Elle interdit l’expression d’une intériorité de conscience dans la société, c’est-à-dire l’engagement personnel en société et à la société d’influencer la vie intérieure, la conscience privée, donc de prendre une quelconque position, morale par exemple. C’est la supposée neutralité de l’Etat qui s’y organise contre la conscience de ses propres fonctionnaires et toute autre conscience personnelle dans la gestion des affaires publiques.

· A l’inverse la laïcité sectataire est l’imposition de la conscience collective conjuguée avec une laïcité de la régulation se traduit par l’organisation de ghettos sociaux communautaristes. Ici sont enfermés ceux qui sont sous la coupe de telle religion, de telle croyance, là ceux qui relèvent de la religion laïque.

Cette laïcité sectaire organise les territoires de l’aliénation des consciences individuelles par le jeu des appartenances, par exemple avec le clivage privé ou public (dans tous les domaines).

Enfin, conjuguant liberté de conscience individuelle et régulation sociale, la laïcité est un régime de médiation communautaire des voies et engagements personnels. La liberté de conscience individuelle doit se conjuguer avec l’exigence de la vie collective et donc avec l’altérité des autres consciences qui constituent une même communauté. La communauté est là une communauté de semblables, tous différents.

C’est comme cela que la laïcité, définie par le respect de l’exigence de liberté personnelle de conscience et le partage communautaire des règles de vie collective, conduit à la question de la recherche du Sens du bien commun, celui aussi de l’engagement personnel dans la cité. Comment faire société commune à partir des différences de conscience tel est l’enjeu de la laïcité.

A une laïcité du refus il faut répondre par la négociation sociale. Ce qui ne serait pas négociable n’aurait alors pas droit de cité.

A une laïcité de la norme de conscience imposée il faut répondre par la liberté individuelle.

C’est donc la discussion entre des consciences qui se respectent qui peut déboucher facilement sur des solutions communes, viables, dénuées d’intégrisme, de sectarisme, et de neutralité schyzophrène qui ne sont pas respectables.

Alors pour le voile « islamique » par exemple, faut-il se voiler la face sur le Sens de la laïcité au nom duquel traiter le problème ?

La laïcité n’est plus alors un obstacle à la spiritualité mais sa condition même. Cela ne s’oppose en rien au principe des religions.