035 – Communautés existentielles

Nous existons dans et par les communautés où nous sommes nés et venus au monde et celles que nous traversons ou là où nous sommes installés. Venus au monde telle est l’expression de la naissance qui est souvent re-connaissance sanctionnée par différents rituels comme le baptême ou des équivalents. Traduisons.

Pour un nouveau né, l’existence à déjà commencé depuis sa conception, drôle de mot pour ceux qui n’y voient que réalité biologique. Ce qui est gestation pour ses parents avec l’étrange échographie n’est pour l’intéressé que résonances dont Boris Cyrulnick nous dit à juste titre qu’elles ne distinguent pas le soi et le non soi. La conception c’est la rencontre entre deux Instances pour un conSensus qui est comme l’Instance d’un nouvel être. Et c’est son expérience première des conSensus qui constituera pour lui son existence. Quels conSensus ? Celui des communautés familiales, des communautés de vie de ses parents mais aussi des contextes de sa conception. Une rencontre de communautés, pour former tant une nouvelle Instance qu’une nouvelle communauté, en général considérée comme une nouvelle famille. La famille comme première communauté de vie. Cela échappe évidemment à tel ou tel réductionnisme qui ignore la transcendance humaine et donc toute la construction de l’existence humaine ramenée à quelques effets existentiels de causes existentielles. On notera pour d’autres analyses la prégnance du conSensus avec la mère et celle du conSensus avec le père, si possible comme conSensus communautaires. Les trois présences sont nécessaires à toute distinction du soi et du non soi le moment venu.

La famille, première communauté existentielle est l’héritière de multiples communautés qui en font une communauté complexe comme on le verra en son temps. En tout cas de cette communauté le nouveau né hérite la singularité de son existence avec l’universalité de son Instance humaine ( une question qui sera explorée ailleurs). Il hérite de cultures, de traditions, de l’histoire singulière de cette famille avec les circonstances de son existence dans les contextes ou elle vit et de la singularité du conSensus familial auquel participent avec les parents d’autres enfants ou d’autres parentèles. D’ailleurs la communauté familiale est aussi bien la communauté de proximité et une communauté élargie à des vivants et des morts bien souvent. C’est donc un tissu de communautés qui fait intervenir la notion de communautés de communautés et donne une première idée de la complexité des phénomènes communautaires. Ici nous ne nous intéresseront qu’à une sorte d’inventaire des communautés d’existence d’une personne, Instance unique et individualités multiples. En effet on notera que chaque communauté-monde traversée est le théâtre d’une expérience existentielle différente, d’une individualité différentiée. Nous ne sommes pas les mêmes existentiellement parlant dans les diverses communautés d’existence. À chaque moment nous sommes d’une communauté ignorant les autres et nous-mêmes dans ces autres communautés. Il faut une certaine conscience de la diversité communautaire pour appréhender notre diversité existentielle, celle de notre individualité. Il arrive quand même que nous sachions n’être pas tout à fait les mêmes dans la vie familiale ou dans la vie sociale ou professionnelle.

Avec la communauté familiale nous touchons à la complexité communautaire et à celle de nos participations communautaires. Mais continuons le parcours. Les écoles, les groupes traversés dans l’enfance ou l’adolescence constituent des expériences communautaires de plus en plus variées qui ne vont pas sans troubles quelques fois mais qui nous font aussi grandir. Seulement grandir humainement parlant pose d’autres problèmes et nous verrons comment cette question des âges de l’existence est si importante dans une vie humaine. Ici en tout cas il y a comme un héritage de ces diverses expériences communautaires dont notamment des relations pour la vie se trouvent nouées quelques fois ainsi que différents produits de conscience qui sont des re-présentations des conSensus communautaires en question. Cela veut dire que ces communautés vivent en nous bien au-delà de l’expérience immédiate par la réactivation des conSensus et les re-présentations que nous renouvelons. On peut en tirer comme enseignement que l’expérience communautaire est la source de tous nos héritages et le développement de notre existence et des mondes qui sont les nôtres.

Il y a ensuite les organisations, les entreprises, les milieux ou nous exerçons quelque profession. Autant de communautés qui ont leur monde propre dont nous faisons partie pour une part, pour y jouer un rôle aussi. Quitter ou perdre ce type de co-existence n’est pas toujours aisé. C’est comme une mort de celui que nous y avons été, au monde que nous avons partagé, et à l’individu que nous y avons été. Les communautés nous font vivre des morts au monde en préfiguration de cette mort à tous les mondes ou au Monde des humains. Mais en même temps nous vivons des venues au monde à chaque participation à un conSensus communautaire. Les balbutiements des débuts et les histoires existentielles qui s’y construisent constituent notre développement jusqu’à de nouvelles morts au monde. Mais y aurait il une mort aux mondes qui achèverait toute possibilité de nouveau conSensus ? Les renaissances que nous expérimentons de communautés en communautés ne seraient elles pas aussi des sortes de résurrections ? En tout cas l’entrée dans une civilisation du Sens et des communautés de Sens laisse prévoir une expérience décisive de notre humanité. Songeons à ces situations de vie mono communautaire, à ces situations de déni communautaire, à ces situations de dualités de vie communautaires, à ces enfermements communautaires ou ces évitements communautaires. Nous aurons à étudier ce que sont les voyages inter-communautaires et les Sens impliqués.

D’autres communautés existentielles sont ce que l’on peut appeler les communautés politiques. Commençons par les communes qui sont des communautés de vie où se déroulait souvent l’ensemble d’une existence individuelle. La vie et le monde communal touchaient à toutes les dimensions et composantes d’une vie de proximité. Les communes grandies ce sont des quartiers qui en tiennent lieu quelques fois ou d’autres communautés d’existence que l’individualisme, supposé a-communautaire, n’a pas reconnu. Des collectivités locales et territoriales ont marqué le glissement du phénomène communautaire vers une cartographie dont les constructions mentales oublient leurs fondements humains communautaires. Leur raison d’être reste communautaire même si la conscience communautaire a été affaiblie. Le développement communautaire à toutes les échelles reprend un chemin de maturation collective souvent interrompu. Des régions, des nations, des ensembles de nations ne font que porter plus loin le champ communautaire. Plus ces communautés politiques sont grandes et plus profondément doivent être ancrés leurs fondements dans les Instances en Consensus mais plus profond aussi est l’inconscient qui les fonde. Les communautés politiques sont ces communautés ou le devenir commun s’articule avec le devenir personnel au travers de structures de gouvernance. Les modèles en restent souvent archaïques ou d’une modernité déviante qui ignore phénomène communautaire et humanité de l’homme.

On pourrait citer d’autres communautés comme des communautés économiques. C’est ce que sont par définition des marchés avant d’être compris comme des systèmes mécanistes ou des chimères bienveillantes ou malveillantes. Mais toutes les communautés ont une composante économique comme politique et on ne fait là que marquer une dominante à élucider. Il y a bien d’autres communautés, spirituelles, d’affinités diverses, d’association autour de conSensus de tous ordres. Plus récemment on a parlé de communautés virtuelles (comme toutes les réalités humaines le sont) et on découvre la prolifération de communautés de tous ordres et de toutes tailles ou durée de vie sur Internet. Des communautés nationales en sont impactées et aussi toutes les affaires humaines. C’est en fait le signe de l’émergence de cet âge des communautés majeures qui s’annonce.