009 – L’intégration existentielle
Notre existence nous apparait une, malgré la multiplicité des composantes, des dimensions, des situations, des lieux et des temps. L’individu est bien un, indivisible, même si sa complexité est grande. L’humanisme Méthodologique montre pourquoi et comment cette question de l’unité et de la multiplicité se pose à différents niveaux. Il en sera question dans d’autres leçons. Ici on envisagera cette intégration de notre existence sous deux modes : le mode structurel et le mode relationnel.
L’intégration structurelle de l’existence individuelle.
Une première articulation est à noter. La dimension intentionnelle du sujet est rapportée à la dimension objective et contextuelle pour former la dimension historique rationnelle.
En effet pas d’intention qui ne soit située et pas de situation qui ne soit dépendante de l’intention qui la vise. Pour le tireur à l’arc, la cible concentre son intention en même temps qu’il en fait un objet d’attention. Si la cible évoque le tir c’est l’intention qui le réalise. C’est alors que le déroulement de l’acte peut se produire en conséquence. Cette analyse sommaire indique aussi que ces trois dimensions font partie de la même expérience, de la même réalité individuelle. Bien que différentes elles sont indissociables sauf par la conscience ou l’inconscience. Cela veut dire que les réalités humaines, individuelles (et peut-être au-delà) peuvent s’analyser selon ces dimensions distinctes mais ne peuvent s’expliquer par l’une seule qui serait la cause de toutes les autres. Ainsi pour un humanisme, les affaires humaines existentielles doivent intégrer ces trois dimensions.
Les trois composantes de l’existence individuelle sont comme les trois faces de la même chose. L’une ne va pas sans les deux autres. Pas d’affects sans représentations et pas de représentations sans affects. Pas d’affects sans corporéïté et pas de corporéïté sans affects. Pas de corporéïté sans représentations et pas de représentations sans corporéïté. Les trois sont indissociables. Ce sont des manques de conscience ou des déviances qui les clivent, réduisent à l’une ou l’autre, ou posent l’une comme fondement des autres. La cohérence existentielle est alors une caractéristique d’un humanisme véritable.
Il semble que des affects provoquent des représentions mentales ou l’inverse. Il semble que des représentations mentales provoquent des comportements matériels ou l’inverse. Il semble que des affects provoquent des comportements et réciproquement. Mais il semble, alors qu’elle sont co-extensives, qu’elles trouvent leur source commune ailleurs, qu’elles sont des expressions d’un «exister» qui se réalise comme existence.
Pour approfondir il faut encore noter que le plan affectif réalise, manifeste, un rapport entre «sujet et objet», intentionalité et contextualité. Est-ce le contexte qui émeut le sujet ou le sujet qui ressent le contexte selon sa position intentionnelle? Les deux vont de pair. Le plan corporel manifeste un rapport entre la dimension objectale des conditions environnementales et la dimension historique dans laquelle s’inscrivent les comportements, les corps et les actes corporels. Le plan des représentations est la projection mentale de l’intentionnalité selon un développement historique, il montre intentionnellement ce qu’il vise et réalise cette intention en la projetant. Nous consolidons ainsi l’intégration des différentes parties indissociables de notre réalité existentielle individuelle. Nous sommes un, malgré cette diversité et grâce à leur cohérence.
Il est donc essentiel pour la considération humaniste de l’humain d’envisager toutes ces dimensions et ces aspects à l’encontre des réductionismes ou des consciences limitées.
Il n’y a pas de corporéïté indépendante, d’affectivité indépendante, de représentations mentales indépendantes, d’objectivité intentionnelle indépendante, d’objectivité contextuelle indépendante, de rationalité projective indépendante. L’unité de l’homme est aussi dans l’épaisseur de son existence intégrée.
L’intégration relationnelle.
Il y a une autre approche de l’intégration des composantes et des dimensions de ce que nous sommes c’est leur investissement dans les relations humaines.
Notons par exemple que l’intentionnalité peut viser l’autre comme objet dans son environnement mais elle peut aussi être partagée avec l’autre visant un environnement commun. De même notre objectivité propre peut être visée par une intentionnalité tierce ou bien partagée en compagnie des autres. Les deux exemples sont en fait simultanés : partager une même situation pour investir de concert la même intentionnalité. A ce titre les modèles «émetteur – récepteur» de la communication inter-humaine, sont calamiteux par leur carence humaniste. Les métiers de la communication en sont affectés.
Dans les relations humaine se partagent affects, représentations, comportements et aussi histoire et projets. Ce sont des relations de co-existence, de partage existentiel. La diversité des relations fait que deux existences sont toujours différentes mais aussi que des relations fréquentes et engagées constituent un partage d’existence où celle de l’un et de l’autres peuvent se confondre. Il en arrive que les séparations sont difficiles ou encore que cette confusion se fait difficile à supporter. Les relations humaines investissent nos existences et en arrivent à les constituer dans leurs différentes composantes et dimensions.
Notons que dans un milieu relationnel donné les représentations mentales sont fortement partagées, les affects et sensibilités aussi, les comportements, les modes d’organisation matérielle et la «gestion des corps sont communs. Le milieu de vie est le même, les intentionalités se partagent souvent et le développement d’une histoire commune se construit. On découvre alors que l’intégration de nos existences individuelles se fait aussi par le partage dans une existence commune.
Du coup se pose la question de l’existence d’une individualité propre alors que les existences sont de part en part largement partagées. Comment la personne peut-elle trouver son autonomie, sa liberté alors que par les relations qui tissent toute son existence, celle-ci en est massivement dépendante. C’est le lieu des plus grandes erreurs humaines, des principales problématiques de l’existence individuelle et collective, de la nécessité d’un humanisme qui comprenne les hommes et les phénomènes humains.
Il faudra encore entrer dans un autre stade de connaissance de l’homme, de la personne et de l’humanité.