Les compétences humaines

La finalité de l’éducation c’est de développer les compétences humaines. Ces compétences expriment des potentiels personnels déployés dans une ou plusieurs communautés d’exercice selon leur culture propre. Les compétences personnelles, expressions d’une vocation concourent aux compétences collectives et à la vocation culturelle des communautés orientées selon le Sens du bien commun qui leur est propre. On peut le voir autrement par défaut de discernement et aussi par déviances humainement dommageables.

  • Sens de la notion de compétences
  • Consistance d’une compétence
  • La hiérarchie des niveaux de compétences
  • L’exercice hiérarchisé des compétences humaines
  • Compétences collectives, démocratie et gouvernance
  • Compétences communautaires et vocation culturelle
  • Compétences et vocations personnelles

La notion de compétences

La notion de compétence est à la fois d’un usage ordinaire dans le monde du travail mais aussi d’un usage polémique dans le monde de l’éducation et universitaire. Dans ce dernier cas s’opposent une posture traditionnelle qui ne veut connaitre que des contenus comme accès à une émancipation à une autre tendance qui se généralise et qui considère que l’autonomisation (des hommes et des groupes humains) en est la voie qui passe alors par le développement de compétences humaines. Il y a bien aussi dans ce domaine de l’éducation une logique utilitaire qui voudrait que sachant quelles sont les compétences requises à terme par l’économie il suffirait de les objectiver pour construire rationnellement les programmes adéquats. Le monde s’étant mis en mouvement d’innovations rapides, il rend caduc cette prédictibilité et ses «gestions prévisionnelles».

Il y a encore des usages administratifs avec par exemple «les compétences des territoires» qui ne sont que des domaines d’intervention attribués par le législateur (national), des prérogatives ou des privilèges faisant fi de l’unité et la cohérence nécessaire des situations réelles. D’autres usages sont ceux d’un gestion administrative de «critères de compétences» en définitive purement formels, et destinés à administrer quelque questionnaire dit d’évaluation.

Peut-être aussi que le sentiment d’impuissance, venant avec les crises et la mutation de civilisation en cours, en fait appel à un souci de compétences qui échappent à l’analyse. Peut être aussi que les compétences pour la vie, conférées par quelque succès scolaire appartiennent à un monde qui disparait ou qui n’a plus la stabilité d’antan (supposée).

En tout cas on peut relever l’importance grandissante de cette question avec le foisonnement des interprétations qui ajoute sa part de confusions. Cela justifie donc d’essayer d’y voir plus clair et d’utiliser ici les moyens de discernement de l’Humanisme Méthodologique avec des méthodes d’intelligence symboliques qui en découlent.

On procèdera en deux temps :

D’abord une analyse des Sens de la notion de compétence au moyen d’une «carte générale de cohérences» qui montrera le lien entre les interprétations et des conceptions implicites associées.

Ensuite, ayant choisi un Sens, une position et l’interprétation associée on explorera la consistance de la notion de compétence au singulier et au pluriel à l’aide d’un outil «le cohérenciel» qui décrit les structures de l’expérience humaine. Il permettra aussi de caractériser des niveaux de compétences et de leur développement ainsi que des étapes de l’exercice de compétences.

Ce travail ne reste qu’une ébauche de ce que pourrait être une recherche plus approfondie avec les mêmes outils ou avec d’autres. Il montre simplement ce que l’on peut faire pour d’autres notions mais aussi des situations ou des projets. De nombreux exemples figurent sur le site du journal permanent de l’Humanisme Méthodologique dont la plupart des analyses et des propositions relèvent de ces méthodes et des fondements théoriques sous-jacents.

Sens de la notion de compétences

Il semble bien que ce qu’on appelle compétence soit un jugement de pertinence opérationnelle. Cependant, selon le Sens des conceptions de l’opérationnel, le jugement de pertinence n’est pas le même. Les mots nous parlent mais le Sens est en nous. Compétence, dérivé étymologiquement de cum-petere associe l’atteinte d’un but ( l’opérationnel ) avec le rapport avec cet enjeu (le jugement de pertinence).

Une double dialectique balise le champ des Sens ou logiques en jeu.

Potentiel ou conformité

S’opposent d‘abord la compétence comme potentiel et la compétence comme conformité.

Comme potentiel la compétence est justement le potentiel de réalisation, de réussite que l’on estime chez quelqu’un. Ce potentiel peut être reconnu par des pairs qui en jugent et s’y fient. C’est une question de confiance en celui que l’on estime compétent et c’est alors que l’on peut lui confier le soin d’assurer la réalisation d’un enjeu. La compétence est estimée et constitue l’estime portée à quelqu’un. Estime de soi où même estime d’une communauté disent la compétence. Elle reste jugée dans un champ culturel et d’enjeux par la reconnaissance des pairs.

Comme conformité la compétence est le résultat d’un examen. L’identification à des critères de conformité impersonnels selon une norme, un modèle, des règles qui définissent une fonction. On reconnaitra là cette pratique qui consiste à établir des critères objectifs de compétence selon un certain type de procédure dont l’application est identifiée à l’opérationalité. On examine ensuite au travers d’un examen objectif la conformité formelle c’est-à-dire la reproduction du modèle. Est compétent celui qui a passé l’examen de conformité avec succès. Sa compétence est sa conformité jugée selon le protocole d’examen en fonction des critères normatifs établis au préalable. Cette compétence constitue alors une identité qui lui confère une place, une fonction.

Niveau de développement humain ou tâche à exécuter.

Comme niveau de développement la compétence est aussi un niveau de connaissance et d‘expérience, niveau de conscience, évalués selon une échelle de valeurs. Ils ne sont pas là considérés comme valeur en soi mais par rapport à des enjeux et leurs valeurs de référence. Il n’y a, là aussi, de compétence, que relative aux valeurs en jeu. Ainsi les compétences sont elles qualifiées, de façon différenciées, selon les enjeux mais aussi hiérachisées selon les niveaux. On voit ici le lien entre compétences et qualifications y compris pour leurs niveaux respectifs s’agissant du développement de qualités humaines impliquées dans les enjeux en questions. On comprendra que, faute d’échelle de valeurs universelles, ce sont des échelles de valeurs culturelles qui vont servir à qualifier et évaluer les compétences. On peut considérer qu’elles sont le fruit d‘un développement qui peut s’appeler formation, éducation, apprentissage et autres, justement évalués.

A l’inverse la compétence se réduit à la tâche à exécuter, à la production d’un résultat à un «faire» à assurer. La compétence est déterminée par une épreuve éliminatoire, une sélection au cours d’une épreuve de validation qui permet de garantir la reproduction et la répétition des dispositions efficaces. Le nom de la compétence est celui de la tâche à exécuter. L’homme est réduit à cette action nécessaire dont les gestes sont comme programmés par l’entrainement réflexe. Qu’elle soit intellectuelle ou manuelle la compétence identifiée à la tâche fait l’objet d’une épreuve de sélection, naturelle ou non selon les seuls critères d’efficacité. Pour la caricature l’organisation scientifique du travail repose sur cette conception réductrice des compétences et pour d’autres cela constitue le repoussoir de la notion de compétences assimilée à une sélection esclavagiste.

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Les pôles de cette boussole de Sens étant repérés on va examiner quatre autres Sens intéressants pour en reconnaitre des spécificités familières.

La compétence puissance

On attribue à une personne une puissance agissante, puissance d’emprise sur la réalité qui fait qu’il peut arriver à ses fins et résoudre tel ou tel problème. Cette compétence là n’a pas à dévoiler ses moyens, aussi bien magiques ou initiatiques, mais seulement faire démonstration de sa puissance. Ici pas de qualifications développées, pas d’objectivation des critères. C’est le plus fort qui gagne. C’est comme cela que l’on choisi les compétences.

La compétence adaptée

La compétence c’est l’adéquation à un poste dans un système. Etre compétent pour ce poste c’est être en mesure d’adopter le fonctionnement préétabli pour une tâche donnée.
La description de poste est celle des compétences à sélectionner. Plus on détaille le poste et les tâches mieux on est en mesure de sélectionner les compétences grâce à un filtre idoine. Après la machine qui a figuré la compétence idéale, le robot, l’ordinateur, c’est l’éco-système qui détermine les critères de la compétence adaptée.

La compétence académique

La compétence c’est le titre obtenu conformément à une norme de compétence et à une évaluation du niveau de compétence atteint. On voit bien qu’elle conjoint deux normes, celle qui définit les critères de compétence requis et celle qui définit les critères de compétence acquis. Simple, logique, rationnel. Le seul problème c’est que les deux normes ne sont pas toujours cohérentes. Par exemple la première reposera sur un modèle social d’actualité et la seconde sur des conventions éducatives anciennes. Ou encore la première, déjà en retard sur le mouvement du monde, peut définir des critères déjà obsolètes. La seconde hésite entre différentes traditions ou se voue à des conceptions avancées produisant des modèles éducatifs incohérents. C’est le besoin de formaliser à l’avance les besoins et les productions de compétences qui en fait la rationalité et maintenant la source des incohérences.

La compétence humaine

La compétence est celle des hommes avant d’être affectée aux choses. Il s’agit d’un potentiel personnel mais cultivé au travers d’un processus éducatif de développement. La compétence personnelle ne s’exerce cependant que dans un rapport à une situation humaine et ses enjeux. Dans telle situation ou tel type de situation la compétence d’une personne s’exerce en rapport avec ses enjeux. Il s‘agit donc aussi d’une certaine maîtrise exercée dont l’objet est la situation, le sujet la personne compétente et les enjeux le projet. La compétence a une dimension objective, une dimension subjective et une dimension «projective». Ce sont toutes les situations humaines qui sont susceptibles de la culture et l’exercice de compétences humaines sans que celles-ci y soient réductibles. Ainsi par exemple des compétences professionnelles ne se réduisent pas à un protocole ou une procédure mais au traitement de certaines situations où exercer une compétence toujours personnelle et singulière. Aux machines et automatismes de traiter des opérations programmées. Aux puissants de résoudre magiquement les problèmes, aux titrés attitrés de fonctionner dans des cadres normatifs préétablis

Consistance d’une compétence.

Une compétence, dans le Sens de compétence humaine, dispose d’une dimension objective, subjective et projective mais aussi d’autres composantes. Pour en faire l’analyse nous allons utiliser le cohérenciel, à la fois structure de l’expérience humaine, des situations humaines, de la maîtrise humaines des situations.

On envisagera d’abord les trois dimensions structurantes et ensuite les trois composantes qui en font la consistance.

La dimension objective. C’est ce à quoi se rapporte la compétence, son objet et la situation où le situer. Il s’agit de s’y concentrer, d’y fixer son attention, de le distinguer clairement dans son contexte. L’acuité de cette attention, sa pertinence est une première dimension. L’inattention, la dispersion, la distraction en sont les contraires. Cette concentration sur son objet se cultive à la fois dans sa distinction rigoureuse mais aussi dans l’objectivation qui sépare le sujet de l’objet et par exemple des affects ou des projections imaginaires. Cette objectivité là est une discipline du sujet, pas son éviction.

La dimension subjective. C’est l’intention de l’acte, de l’opération que l’on pourrait appeler sa finalité humaine, son sens. Il n’y a pas d’attention sans une intention qui la détermine comme dimension de l’acte. La maîtrise de cette dimension ou détermination relève à la fois du discernement et de la volonté. Dans la maîtrise des situations cette dimension de détermination personnelle est celle aussi qui consiste à se déterminer en même temps que de déterminer l’orientation, la direction de l’attention et de l’action. On comprend que cette dimension de toute compétence réclame une maturité, une autonomie suffisante. Sinon il faudra recourir à des palliatifs ou plutôt à des personnes qui ont la compétence nécessaire. On devine que les compétences vont devoir s’allier pour une maîtrise entière de bien des situations.

La dimension projective. C’est le déroulement et le développement de l’action, l’enchainement rationnel des choses et des actes selon une vue d’ensemble qui se projette en avant dans le futur. La maîtrise de cette dimension suppose à la fois celle d’une attention aux éléments en jeu et aussi une orientation de la perspective. Sans la première la projection reste irrationnelle comme ce que l’on appelle tirer des plans sur la comète ou sans fondements. Sans une orientation de la perspective c’est une divagation irrationnelle qui se déploie ou pas de projection du tout. Cette maîtrise de la raison ne va pas de soi et réclame l’alliance des deux autres dimensions même si elle doit faire appel à des tiers pour cela.

La composante affective et relationnelle. Il s’agit d’apprécier les effets ressentis des relations avec les autres et avec les choses en situation. Cette appréciation peut être dominée par des réactions émotionnelles contagieuses ou compulsives. C’est ce qui fait les opinions où se confondent opinion personnelle et opinion publique ou collective par exemple. Cette composante de la compétence humaine se cultive sur un fond de confusion, de passions et de pathos pour qu’en vienne à se distinguer d’abord sujet et objet dans une expérience différentiée. De ce fait cette composante de l’expérience humaine joue comme handicap de compétence avant d’en venir, grâce à un travail de maturation important, un vecteur de discernement relationnel. Le déni de la dimension subjective, correspondant souvent à des positions objectivistes, s’accompagne d’une carence de cette composante des compétences humaines. Inversement le déni de la composante objective et des séparations qu’elle réclame conduit à des carences d’un autre ordre de cette même composante que l’on peut appeler passionnelle ou encore fantasmatique sinon délirante. Ces deux types de carences sont pourtant très répandues faute d’une culture de la compétence humaine associée à celle d’une éducation et d’une civilisation humaine.

La composante factuelle. Cette composante qui apparaitra plus évidente est celle du faire, la maîtrise des faits, relative bien sûr. La compétence humaine est intervention humaine dans les faits pour y assurer transformations, productions, créations, opérations. On y associera facilement l’idée de savoir faire mais qui est d‘abord un potentiel cultivé applicable à une situation sur le plan de ses faits. Si elle est spécialisée, rapportée à un faire particulier la compétence est comme présente en l’homme même en absence de son exercice. En outre elle s’exerce dans des situations qui tout en pouvant être similaires sont toujours singulières et même dans des situations nouvelles. Le schéma de la répétition mécanique de gestes dans des conditions fixes grâce à quelque conditionnement et réflexe conditionné n’est pas de cette conception des compétences humaines. Même si elle apparait possible, la robotisation de l’homme n’est pas simplement de cet ordre il y faut aussi l’aliénation des dimensions de l’expérience et de la compétence humaine. Il faut donc rechercher ce qui en l’homme peut être cultivé, faire l’objet d’apprentissages et se trouvera disponible comme compétence particulière.

La composante intellectuelle. Cette composante a été posée souvent comme indépassable et l’aboutissement du développement humain. Cependant, on n’oubliera pas cette réduction réflexive sans créativité qui consiste à enregistrer et reproduire des modèles formels. Elle domine encore tant de systèmes éducatifs. La composante intellectuelle n’est pas dissociable des autres. Elle se comprend comme une capacité de représentation mentale dans l’expérience. Mais cette représentation peut être filtrée par une grille de lecture sans le regard singulier d’une compétence de pensée. Penser c’est exercer une certaine maîtrise des situations par la réalisation d’une représentation qui en témoigne. On peut aussi dire que c’est l’expression d’une conscience humaine mais aussi que c’est une vision de la réalité comme si cette vision appartenait à la réalité mais pas à l’homme qui la pense. Bien sûr cette pensée des choses dans l’expérience peut se nourrir de modèles mais comme médiations, facilitatrices d’un regard propre. La raison permet aussi de construire des édifices mentaux et d’y intégrer la temporalité et ainsi mettre la réalité de l’expérience en projet au-delà même du présent ou en-deça. La compétence intellectuelle n’est pas réduite à des constructions mentales rigides et intègre aussi l’imagination en tant justement que médiation de la pensée et de ses expressions dans de multiples langages. Dans notre civilisation le champ intellectuel est immense, hypertrophié par l’abus réflexif avec son idéologie du savoir et souvent carencé en termes de pensée créatrice.

La composante symbolique. Il faut définir le terme compte tenu de ses réductions réflexives fréquentes. Le symbolique dans l’expérience humaine est lié à la compréhension des choses et des situations comme expressions du Sens, partagé entre les hommes. Le Sens est l’essentiel, l’expérience en est la réalisation et aussi la médiation révélatrice. La maîtrise du Sens et de la dimension symbolique des situations est celle des responsabilités de Sens. Diriger c’est donner le Sens par exemple et le faire partager dans une même compréhension des situations communes, le mobiliser dans un même projet un même développement, et le signifier au travers de valeurs qui justifient l’engagement en situation dans les affaires humaines. Cette composante de la compétence dépasse et intègre toutes les autres. Elle réclame une autonomie qui se manifeste par un discernement des Sens possibles, une détermination personnelle, un engagement collectif dans une communauté qualifiée par son Sens du bien commun. Cette dimension de la compétence humaine nécessite une liberté responsable, une autonomie bien loin des images immatures d’indépendance mais qui passe aussi par une individuation indispensable. Le terme d’empowerment est souvent utilisé pour qualifier cette composante de la compétence humaine ou au moins sa visée dite aussi autonomisation ou «capacitation» par certains auteurs. C’est bien une nouvelle perspective pour le développement et l’accomplissement des compétences humaines, dont la consistance reste trop souvent méconnue et ignorée.

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La hiérarchie des niveaux de compétences

La structure de l’expérience humaine décrite par le cohérenciel est aussi la trame d’une structure temporelle d’évolution humaine. Elle se présente comme une spirale de développement que l’on peut simplifier en quatre phases ou niveaux de conscience, de maturation, de maîtrise et ainsi de compétence. Cette échelle de compétences est capitale tant pour en différencier les spécificités que pour tracer la trajectoire de leur développement et en définitive pour l’organisation hiérarchisée des activités humaines et enfin celle des dispositifs d’éducation et de formation des compétences.

On va retrouver là les composantes précédentes séparées par un seuil de passage que nous ne traiterons pas ici. Pour chaque niveau de compétence on examinera sa nature spécifique, le type de conscience associé, le type de maîtrise et le type d’éducation et de formation correspondant. On envisagera aussi les limites et déviances rencontrées à chacun de ses niveaux.

Le niveau affectif

Il s’agit de la confrontation aux affects de l’expérience humaine qu’ils soient par exemple attractifs ou répulsifs, plaisants ou anxiogènes, faibles ou débordants. S’il y a là compétence cela peut être de favoriser tels affects ou d’en éviter d’autres, cela peut être aussi d’apprécier des nuances, ou encore de se garder des débordements émotionnels et des pertes de contrôle associées. Cela peut aller jusqu’à différencier la source des affects, d’origine endogène ou d’origine exogène et de leur interaction. La non maîtrise se figure dans l’envahissement émotionnel, avec son cortège de passages à l’acte et de fantasmes ou encore dans une fixation pathologique ou même dans une difficulté à ressentir ou à vivre des situations. C’est dans l’expérience relationnelle sécurisée et bienveillante que cette éducation et cette compétence initiale est développée avec une certaine sorte de conscience sensible. Elle conditionne les premiers pas de l’existence et aussi le désir de grandir qui permet d’affronter les épreuves émotionnelles rencontrées.

Le niveau factuel

Il s’agit du développement d’habiletés dans le maniement des choses en vue de produire des effets ou résultats attendus. Le jeu est, dans l’enfance mais aussi bien après, un moyen affectivement pertinent de faire des apprentissages qui sont développés et renforcés par l’expérience. Non pas seulement la répétition réflexe mais l’intégration d’une finesse ou d’une complexité de pratique. Le niveau factuel est celui où s’acquièrent les comportements élémentaires, du langage aux conduites sociales et personnelles mais aussi les savoir faire jusqu’au plus sophistiqués. Le maniement des outils, des instruments, des matériaux, va jusqu’à celui des techniques les plus sophistiquées. C’est donc l’affaire de toute une vie surtout quand le monde change rapidement. La conscience factuelle, ou savoir faire est une conscience pratique à court terme. Le court terme c’est l’espace de temps entre l’engagement de l’acte et son effet. Il est une limite de ce niveau de compétence. De même elle est attachée souvent à certaines situations limitées et certaines productions. Là aussi dans un monde en mouvement l’identification à un savoir faire est source de disqualification lorsqu’il n’est plus pertinent. C’est pour cela qu’il faut envisager ce niveau de compétence comme une compétence humaine et pas seulement technique ou toute autre réduction à la chose traitée plutôt qu’à l’homme engagé.

Le niveau intellectuel

Il s’agit du développement d’une conscience mentale c’est-à-dire de la représentation de l’expérience et sa projection au-delà de la situation présente dans le temps et l’espace. La maîtrise intellectuelle tend à reconnaitre et identifier des situations, postuler et anticiper leurs évolutions possibles. Il s’agit d’une conscience à moyen terme c’est-à-dire au-delà du présent, de l’immédiat des affects et du court terme du factuel. Cette capacité de représentation est aussi bien de leur identification sur la base de modèles connus (ou savoir) que de leur élaboration ou conceptualisation par exemple. La compétence intellectuelle utilise des médiations linguistiques ou d’autres vecteurs. Les constructions intellectuelles qui doivent beaucoup à la raison se nourrissent de productions imaginaires, premier pas de la créativité intellectuelle. Ce niveau de compétence se développe au travers d’enseignements qui visent à la reconnaissance de représentations collectives comme médiations de l’accès à la compréhension de l’expérience et des situations. Il se développe au travers d’un travail de création et de conceptualisation et aussi de projection selon les modes appropriés aux cultures et aux situations.

Il est notoire que les compétences intellectuelles sont dégradées lorsque la maîtrise est réduite à un enregistrement et une reproduction, lorsque les représentations se trouvent coupées de l’expérience factuelle ou affective, lorsqu’elles sont posée ellesmêmes comme des choses sur lesquelles exercer des compétences factuelles. Elles le sont lorsqu’elles sont investies d’une puissance opérante et de fait magique ou encore posées comme la cause des choses et de leur transformation (des procédures par exemple). L’identification de soi ou des situations à la représentation mentale individuelle et collective est une des déviances de la compétence intellectuelle. Tous ces travers de l’intellectualisme sont ceux d’un monde qui les a considéré comme indépassables, universelles, sacrées quelques fois. Il en fait le véhicule de sa perdition, faute d’une part de reconnaitre son du aux niveaux antérieurs et d’autre part son dépassement avec le niveau symbolique. De même le niveau factuel ne connait pas ce qu’il en est du niveau intellectuel et le considère facilement comme inutile et inefficace, de même le niveau intellectuel méconnait le niveau symbolique le ramenant à ses propres critères et le considère comme incompréhensible et irrationnel. Il est temps de remettre les compétences intellectuelles à leur place tant pour en développer la maîtrise, détournée, que pour en engager le dépassement.

Le niveau symbolique

Déjà on comprendra que le niveau intellectuel y voit une affaire de représentations et du coup n’accède pas à ce qui en est l’essentiel, le Sens, partagé en conSensus. Ce niveau de conscience transcende l’expérience dont on a vu les trois facettes, pour accéder à leur Sens. Sa première consistance est le discernement des Sens en jeu dans les situations concernées, au-delà de l’expérience qui en est faite sous les modes antérieurs de conscience et de compétence. Elle est ensuite la conscience du lieu où se situe le Sens, en soi et en les autres qui le partagent en conSensus. Vient de ce fait la question du positionnement personnel selon un Sens choisi qui engage donc le personne. Il est donc question de liberté, de choix, d’autonomie dans la détermination du Sens de son expérience, et donc aussi l’exercice des compétences antérieures. Ce choix supposerait des critères idéels ou idéaux si on se limitait à une lecture intellectuelle. Mais ici la conscience de Sens n’est pas une conscience de quelque chose mais une conscience d’être qui porte en soi la question du bien, du Sens du bien en même temps que la liberté de s’y tenir et s’y engager c’est-à-dire de s’orienter et orienter son expérience.

L’engagement personnel dans un Sens n’a d’autre possibilité pour se réaliser que de se partager dans un conSensus avec d’autres. C’est pour cela d’abord que cette liberté, tenue du discernement des Sens, est aussi une responsabilité, une liberté responsable dans la mesure où elle engage les autres. Ainsi le niveau symbolique de compétence humaine s’exerce tant comme maîtrise de soi et libre engagement que comme maîtrise du Sens des situations, partagé en consensus par les parties prenantes. L’intelligence symbolique devient donc la condition d’exercice personnel d’une responsabilité collective. Toutes les affaires humaines, les situations humaines relèvent de ce type de maîtrise quant à leur orientation, c’est-à-dire aussi leur perspective à long terme, au-delà du moyen et bien sûr du court terme des autres niveaux de compétence.

Le niveau symbolique est celui qui émerge au-delà du niveau intellectuel où se trouvait notre civilisation. C’est pour cela qu’il restait inaperçu sauf dans de rares circonstances et qu’il peut maintenant reconsidérer les autres niveaux à sa lumière et notamment le niveau intellectuel et ses déviances sinon ses régressions.

Les escaliers se montent toujours par le bas et il en est de même pour les niveaux de compétence humaine, niveaux de conscience et de maîtrise, niveau de développement personnel, professionnel, niveaux de développement communautaire, culturel, niveaux de civilisation, niveaux d’éducation. De là l’importance de cette échelle de compétence humaine. Il est vrai que l’instauration d’un ascenseur social dans une civilisation intellectualiste à consisté à négliger les étages antérieurs à tel point qu’il s’est vite grippé en devenant un obstacle pour ceux qui avaient à grandir.

L’exercice hiérarchisé des compétences humaines.

L’exercice des compétences procède d’une démarche de descente de l’escalier des compétences. Cependant cela suppose qu’il y ait accès aux niveaux supérieurs et nous l’envisagerons plus loin.

La première marche, compétence politique

Le traitement des situations envisagé depuis le niveau supérieur des compétences commence par identifier la situation et en rechercher le Sens souhaitable, en général le Sens du bien commun. Cela suppose un travail de discernement des Sens une prise de position personnelle et d’en engager le partage en ConSensus par les parties prenantes de façon progressive en passant par des relais de compétences différentes. Cela s’appelle diriger, ou toute autre chose équivalente, là où est à déterminer et à donner le Sens de l’action à engager. C’est la dimension politique des compétences humaines en tout cas si on considère que l’on s’adresse à une communauté impliquée dans la situation à traiter. Cela réclame des rôles dirigeants mais plus comme des repères de Sens que des pouvoirs autoritaires. C’est l’exercice des responsabilités majeures.

La seconde marche, compétence stratégique

L’exercice des compétences humaines justifie de donner la priorité au Sens, au Sens du bien commun notamment. C’est la condition pour ensuite projeter ce Sens dans le futur en fonction des circonstances. Cette projection est pensée créatrice, conceptualisation, mais aussi stratégie pour l’action c’est-à-dire le dessin d’une trajectoire progressive et des modalités de progression. Si cette production intellectuelle prend évidemment de nombreuses formes, qu’elle peut s’inspirer de représentations connues, elle est toujours singulière. De là la difficulté avec une conception normative et une logique de conformité privilégiées dans bien des milieux éducatifs et des structures qui ignorent que c’est le Sens qui est l’essentiel humainement parlant et la raison seconde et non pas première.
La conception intellectuelle, déployée en stratégies, plans, méthodes, protocoles, servira de cadre pour l’action c’est-à-dire d’encadrement de la production factuelle. Il est évident que cette phase de l’action est plus ou moins complexe et réclame des compétences intellectuelles variées et de différents niveaux.

La troisième marche, compétence opérationnelle

La compétence factuelle, opérationnelle donc, réclame une forte concentration sur son objet et sa pratique. Mais pour qu’elle soit cohérente il faut qu’elle s‘inscrive dans un cadre pertinent qui lui donne cette cohérence. L’organisation des tâches ou des opérations en est le modèle habituel. Il ne s’agit pas de répéter des savoir faire mais d’agir en situation, situations humaines, situations réelles donc. La déshumanisation du travail associée à un appauvrissement des compétences est classique. D’un autre côté la coupure entre compétence pratique et compétence intellectuelle est une plaie qui s’aggrave autant que l’intellectualisme ignore le Sens. L’école intellectualiste qui y contribue gravement est en difficulté mais pas encore à la veille de se remettre en question. Le développement et l’exercice des compétences opérationnelles, dès lors qu’elles trouvent un cadre stratégique intelligent, est de nature à résoudre bien des problèmes. Mas c’est maintenant aussi une question de Sens.

La quatrième marche, capitalisation de l’expérience.

Ici c’est la dernière celle de l’appréciation de l’action réalisée pour aussi en tirer des enseignements. Il s’agit dune capitalisation de l’expérience. Si celle-ci est soumise à une élucidation par une compétence symbolique, à une évaluation selon le Sens du bien commun s’engage ainsi un cercle vertueux de développement. C’est de cette manière aussi que l’expérience menée à terme contribue à l’éducation par la méthode empirique. Il y a donc deux façons de développer les compétences, la logique éducative et la logique empirique. Les deux sont évidemment nécessaires notamment pour les compétences collectives que l’on ne met pas facilement à l’école.

Compétences collectives, démocratie et gouvernance

Les compétences humaines ne sont pas destinées à s’exercer isolément. On l’a vu, plus leur développement va vers une plus grande autonomisation, plus leur portée est grande, plus la responsabilité communautaire s’affirme. En outre si les situations et les compétences humaines sont infiniment variées, leur complexité l’est aussi. De ce fait les compétences s’associent pour traiter les situations humaines, des groupes se constituent pour exercer une compétence collective par la conjugaison des compétences individuelles. On a vu l’association hiérarchisée des compétences dans la maîtrise des affaires humaines. Déjà là on a un type d‘association classique avec un responsable repère de Sens, d’orientation de direction; des relais de Sens à partager pour faire conSensus; des collaborations intellectuelles pour concevoir plans, stratégies et projets; des coopérations factuelles avec une organisation du travail cohérente. Il est vrai qu’une pensée mécaniste ou systémique privilégiera le fonctionnement opérationnel ignorant ce qu’il en est du Sens et donc aussi de toute stratégie véritable.

Les compétences humaines associées forment des groupes de concourance. Le groupe dispose alors d’une compétence collective où tous les types et niveaux de compétences individuelles sont engagés. Cela permet de mobiliser des compétences personnelles toujours limitées pour constituer des groupes de compétence plus large. Mais pour que la compétence collective soit effectivement plus large il faut que ces compétences soient articulées selon une structure de concourance. Une telle structure est descriptible selon le cohérenciel de l’expérience humaine. On soulignera que pour un groupe de concourance il faut d’abord une unité d’intention, de Sens, une motivation partagée, repérés par une personne qui en a la compétence politique. Il faut ensuite une unité de but et de trajectoire ce qui réclame la compétence stratégique pour les dessiner en fonction du Sens à engager. Il faut enfin une unité de situation pour qu’il puisse y avoir une concentration opérationnelle des compétences factuelles. Si une même personne peut exercer plusieurs compétences il n’est pas inutile de différentier les rôles pour leur lisibilité et donc leur efficacité. Par ailleurs un groupe de concourance peut faire appel à des compétences extérieures et même momentanées et aussi se constituer seulement pour un projet spécifique dans une situation singulière. On comprendra que c’est «par la tête» qu’un groupe de concourance doit se constituer la tête n’étant pas maintenant la tête intellectuelle mais la tête politique.

Cette approche de la compétence collective avec le groupe de concourance nous amène à poser la question de groupes plus importants comme des communautés de tous ordres et de toutes tailles. D’abord ce sont souvent des communautés de communautés constituées aussi de multiples groupes qui ont chacun une compétence collective propre. On conçoit alors que des groupes peuvent à leur tour constituer des communautés de concourance si bien que les communautés les plus larges, régionales, nationales ou au-delà mais aussi non territorialisées peuvent être considérées comme porteuses de compétences. On parlera alors de compétences culturelles. Dès lors la question des niveaux de compétences se pose comme celle des niveaux de civilisation par exemple mais aussi en tout cas des niveaux de maturité communautaire. La hiérarchie des compétences dans leur exercice se traduira par une organisation et des structures sociales constituant des structures de concourance. Compétences politiques, stratégiques, opérationnelles, notamment économiques, se traduisent en groupes institutions, rôles etc. C’est ce qui justifie l’organisation de la cité, quelque soit sa taille. On peut aussi envisager la culture des compétences dans ces communautés et y retrouver par exemple les institutions éducatives.

Ces dernières ne peuvent donc être vouées au développement des compétences individuelles indépendamment du développement des compétences collectives. Il est donc particulièrement important qu’une politique éducative soit déterminée, qu’un projet stratégique soit construit avec ses multiples volets, qu’un programme opérationnel soit confié aux acteurs de terrain. Dès lors des questions se posent et d‘abord celle de la démocratie. Y a-t-il association possible entre démocratie et compétences collectives. Les uns prétendent que l’efficacité ne permet pas une démocratie, toujours limitée par les niveaux de compétence des acteurs. D’autres, plus libertaires, pensent au contraire que les compétences collectives naissent spontanément d’une démocratie participative, idéalement sans hiérarchie de compétences. D’autres encore considèrent que seule cette hiérarchie doit gouverner la communauté instaurant une technocratie soit factuelle et technique (poly de préférence) soit intellectuelle et administrative. Avec l’Humanisme Méthodologique une autre solution est envisagée celle de la gouvernance démocratique.

A chacun selon sa contribution et sa compétence. Il y a besoin d’un repère de Sens, du Sens du bien commun de la communauté qu’il faut élucider, signifier, proposer à l’élection. Tous, quelque soit leur niveau de conscience peuvent résonner à la proposition de Sens et participer à l’élection mais tous ne peuvent pas s’y présenter. Ensuite il y a besoin de compétences stratégiques pour définir cadres et projets. Pour cela une démocratie représentative basée sur le travail de compétences intellectuelles, représentantes des multiples domaines des affaires communes est nécessaire. Enfin selon les cadres définis, les acteurs vont pouvoir définir les actions et ainsi participer factuellement aux affaires communes avec la démocratie participative.

Il y a donc les acteurs avec leurs compétences factuelles, les représentants des acteurs et cadres avec leurs compétences intellectuelles et les élus politiques avec leurs compétences symboliques. C’est bien l’échelle de compétences qui structure la démocratie. Ce n’est plus une simple délégation par les populations concernées à des compétences dont ils sont exclus. Ici ce sont les acteurs qui agissent et non pas l’Etat ou quelque autre technostructure qui dépossède les membres de la communauté de leur compétences humaines. C’est pour cela que les compétences factuelles sont dévalorisées et que les entrepreneurs de proximité sont disqualifiés d’où par exemple une structure particulière du chômage et aussi le grippage de l’ascenseur social. La compétence collective d’une société, d’une communauté de devenir est tissée à partir des compétences individuelles et celles de groupes de compétences. Elles sont à développer et non à déléguer à une élite intellectuelle qui doit retrouver sa place. En conséquence il est nécessaire de construire une gouvernance démocratique qui se préoccupe du développement communautaire c’est-à-dire aussi du développement des compétences collectives et individuelles. La gouvernance démocratique s’applique aussi bien aux collectivités, territoriales ou non, qu’aux entreprises, organisations et institutions. C’est cette colonne vertébrale qui manque cruellement.

Compétences communautaires et vocation culturelle

C’est un chapitre important de la question des compétences communautaires qui s’ouvre ici. En effet chaque communauté a pu développer un type de compétences qui la caractérise. Elle dispose de talents, de qualités qu’elle a pu s’attacher à cultiver. Il s’agit bien de culture. Lorsqu’une communauté se développe dans le Sens du bien commun elle le cultive, elle se cultive et développe une culture propre. D’une certaine manière son développement est un ensemble de réalisations, pas seulement matérielles qui mobilise ses compétences et en même temps un chemin de développement de ses compétences.
Si son développement dépend des circonstances et de son niveau de compétences il dépend aussi de ce que l’on peut appeler sa vocation culturelle originale. Son Sens du bien commun lui est propre et donc le Sens de son développement. Ses valeurs culturelles sont les indicateurs de ce Sens là, repères d’orientation et de valorisation. Mais alors deux questions sont soulevées. Quelle est la source de l’originalité, la singularité de la communauté? Quelle est sa finalité propre qui se caractérise par une vocation singulière?

L’anthropologie de l’Humanisme Méthodologique répond à la première question de cette manière. Schématiquement, une communauté humaine est de nature humaine et la nature humaine est d’être Sens, incarné dans une existence individuelle en situations communautaires. La communauté et fondée sur un conSensus (Sens partagés) en général inconscient qui est donc comme un inconscient collectif. La réalité commune, celle des situations, des individualités et leurs compétences des affaires humaines où elles s‘exercent en est l’incarnation. C’est en s’intéressant à cet inconscient collectif que l’on peut situer le Sens du bien commun et la vocation culturelle associée. Ce qu’on peut en dire ici c’est qu’un ensemble de Sens forme le conSensus, à l’origine de la communauté, dans le passé comme le présent sinon dans le futur. Cet ensemble de Sens constitue une problématique humaine dont l’enjeu est de trouver et cultiver le meilleur Sens, le Sens du bien commun. C’est celui par lequel un accomplissement humain est possible c’est-à-dire une autonomisation dont on a vu la hiérarchie et le niveau de la compétence symbolique. Ainsi il y a coïncidence entre le développement des compétences humaines et la culture du Sens du bien commun. Le développement des compétences humaines vise le développement de la communauté selon son Sens du bien commun qui vise le développement des compétences humaines, fins et moyens du développement communautaire. Les déviances dans le développement des compétences faussent cette logique d’accomplissement. De même on voit l’inanité d’opposer le développement des compétences et le développement humain ce qui participe à une conception en définitive anti-humaniste. Seule la communauté nous permet de comprendre comment le traitement des affaires communes et des situations humaines participe au développement humain des compétences et sollicite en même temps leur exercice.

Ainsi la recherche et la culture du Sens du bien commun est-il la finalité de toute communauté humaine. Elle se traduit par le développement et l’exercice d’une vocation particulière dont ses compétences collectives sont l’expression et son développement la réalisation. On notera ici que la finalité d’une communauté n’est pas de se conserver ou exercer quelque puissance ou s’en défendre, ou se croire n’être qu’un système formel ou naturel. Elle est l’accomplissement humain selon les principes, les valeurs et les compétences d’une vocation culturelle singulière.

Chaque communauté représente une part de l’humanité en l’homme et une partie des hommes. Chaque homme peut participer à une ou plusieurs communautés et, si toutes ne lui sont pas familières, aucune ne lui est totalement étrangère humainement parlant. Cependant chacun est appelé à participer au développement communautaire en cultivant et exerçant ses compétences propre. On a vu comment elles se conjuguaient en compétences collectives par le principe de concourance. Ainsi chacun contribue au développement et à l‘exercice de la vocation communautaire. Celle-ci touche aux modes de vie, à l’économie, aux façons de réagir, aux situations familières, aux talents et compétences culturelles propres à la communauté et aussi ses valeurs. Elle touche enfin au service des hommes et des groupes humains et aussi au service qu’elle peut rendre aux autres communautés de part la maîtrise singulière qu’elle a pu cultiver. La vocation culturelle est la clé du développement et des compétences communautaires.

Compétences et vocations personnelles

Vient alors le problème de la vocation personnelle comme source des compétences humaines individuelles. En effet tout le monde sait que chacun cultive des compétences singulières à partir de ses talents et ses limites. C’est évidemment important dans l’orientation du développement personnel et aussi dans l’exercice singulier des compétences que chacun peut offrir sur sa trajectoire de développement. Cela dit il est vrai qu’un ancien ministre de l’éducation nationale récuse avec bien d’autres cette idée de potentiels à cultiver pour prôner celle de savoirs préétablis à acquérir. C’est bien d’une conception de l’homme qu’il s’agit. Ou des hommes réels ou des hommes abstraits conçus sur le modèle intellectualiste qui forme plutôt des réfléchisseurs que des penseurs. Beaucoup sont ainsi éliminés en chemin et on s’étonne des résultats. Il est cependant nécessaire de voir de plus près ce qui constitue une vocation personnelle.

Tout d’abord, si l’humanité est entièrement présente en tout homme elle l’est selon des problématiques privilégiées, d’abord par le fait de naître de parents, eux-mêmes héritiers de problématiques particulières. Elle l’est aussi par le contexte des premiers temps de l’existence dans le milieu familial ou de proximité. Elle l’est aussi par le contexte social, culturel et par les milieux où se déploie l’existence de la personne. Chaque problématique humaine peut aussi faire l’objet d’un conSensus, fondateur d’une communauté humaine, si bien qu’une affinité particulière se noue entre la personne et telle communauté, ce qui explique la tendance à conserver et reproduire les formes originelles de l’existence. Cependant, chaque homme, même en situation apparemment identique, peut se trouver engagé dans des problématiques humaines différentes ou de façons différentes dans la même problématique. Il est aussi possible de chercher et trouver des communautés plus en accord avec sa problématique ce qui permet de changer de monde dans son existence, à chaque fois pour mieux «s’y retrouver».

Si on s’arrête sur la problématique principale dont nous héritons elle comporte comme toujours un Sens selon lequel s’accomplir c’est-à-dire se développer et accéder à la plénitude de notre humanité, son autonomie, sa liberté. Comme cela ne peut exister que dans une communauté de conSensus alors cela se traduit par des compétences et en définitive par cette liberté responsable que l’on a vu être la caractéristique de la compétence symbolique. La vocation personnelle se défini ainsi par son fondement qui est la culture du Sens de l’accomplissement dans une problématique reçue en héritage. Elle se définit ensuite par son expression, le développement de compétences singulières qui correspondent à l’actualisation de ce Sens dans un conSensus communautaire. Il trouve à s’y exprimer, à se développer, à servir au développement communautaire.

C’est pour cela qu’il est important de trouver la communauté principale ou peut s’exprimer sa vocation personnelle. Lieu de vie, domaine professionnel, implications sociales, participation aux affaires communautaires, nombreuses sont les conditions existentiels choisies, le plus souvent inconsciemment, pour s’y retrouver mais aussi pour pouvoir exprimer et accomplir une vocation qui se fait compétence humaine dans un milieu communautaire approprié. C’est dans ce contexte que l’éducation communautaire permet de cultiver ces compétences tout en exprimant ainsi la singularité d’une vocation personnelle.

Cette approche éclairée par l’anthropologie de l’Humanisme Méthodologique montre comment le plus personnel est aussi ce qui permet d’assumer le plus profondément l’engagement communautaire. Il nous permet de sortir de la dialectique mortifère de l’individualisme et du collectivisme. Il faut cependant accéder à l’intelligence symbolique pour y voir clair dans les affaires humaines à ce niveau où se jouent les questions de Sens.

Il nous faut développer quelque considération sur le développement d’une vocation personnelle. Cela ne va pas de soi dans la mesure où la problématique héritée comporte d’autres Sens que celui de l’accomplissement humain. En effet ce n’est qu’à un aboutissement avancé de cet accomplissement que la conscience et la maîtrise nous en sont données quelque peu. Auparavant et surtout au début nous avons besoin d’être orienté selon notre propre vocation par des repères éclairés. Il ne s’agit pas en effet d’être formaté selon des modèles qui nous sont étrangers, même s’ils correspondent à la vocation d’autres personnes. Cette condition serait très rarement remplie si la communauté de vie ne nous offrait pas une éducation dans le Sens de son bien commun où nous pouvons faire conSensus. Cela suppose une éducation véritable des compétences humaines mais cela ne convient pas à ceux dont la problématique est différente et qui se trouvent pris en porte à faux. Ceux-là se retrouvent avec tous ceux qui ont vécu des moments de vie en leurs débuts très éloignés de leurs possibilités d’accomplissement personnel. Certains sont engagés dans des situations destructives ou encore sans pouvoir établir le conSensus communautaire qui leur permette d’exister en tant que personne singulière. Nous trouvons là toute la palette des situations pathogènes et en particulier celles où sont niées les compétences humaines au profit de réductions et d’abstraction telles qu’on les a vues au début. Par exemple des milieux intellectualistes ou matérialistes barrent cette possibilité d’accomplissement humain sous couvert de réussite sociale dans une communauté qui n’a certes pas cultivé le Sens du bien commun malgré ses prétentions de dire l’intérêt général.

Il est un cas popularisé par le concept de résilience. Il montre comment quelqu’un qui a subi des conditions de vie inappropriée peut, dans certaines conditions favorables qui lui permettent de l’orienter ainsi, développer des compétences exceptionnelles. Le talent, la création, sont souvent l’expression d’une vocation singulière mais qui a trouvé les voies de son développement, de son expression de sa compétence humaine dans une communauté porteuse où il se trouve reconnu ce qui est indispensable. On voit bien aussi que c’est une condition d’accomplissement d’une vocation exceptionnelle ou simplement personnelle que de trouver une communauté porteuse. L’expression professionnelle d’une vocation peut être dite «profession de soi» culturellement traduite dans un service du bien commun selon des compétences humaines qualifiées à la fois personnellement et culturellement.

C’est au travers de l’exercice de ses compétences humaines personnelles et culturelles que la personne participe à la vie et au développement communautaire et ainsi qu’il s’accomplit. C’est là sa vocation humaine.