Les entreprises et le bien commun 1
Les entreprises et le bien commun
La pression monte et la question du rapport entre les intérêts de l’entreprise ou ses parties prenantes et ceux des sociétés où elles exercent leurs activités est posée. Le plus souvent on trouve soit une assimilation du bien de l’entreprise et sa réussite avec le bien commun, identifié par exemple au développement économique; soit au contraire une antinomie entre l’intérêt particulier des entreprises et l’intérêt général de la collectivité. Dans ce dernier cas, identifiant dirigeants et actionnaires aux intérêts de l’entreprises d’une part et personnel et monde environnant à l’intérêt général d’autre part, le conflit et le rapport de force forment l’équation qui fait science et vérité dans un grand nombre de milieux. Le 19 ème et le 20 ème siècle ont vu cet affrontement idéologique consommer beaucoup d’énergie. On se doute que les choses ne sont pas si simples de par la multiplicité des parties prenantes et par la difficulté de qualifier et quantifier le bien commun.
Bien particulier et bien commun
Comment définir le bien particulier d’une entreprise alors qu’elle est à la croisée de multiples parties prenantes : actionnaires, dirigeants, personnel, clients , partenaires, fournisseurs, intermédiaires, pays ou région d’implantation, pays ou régions de commercialisation, pays ou régions où résident les parties prenantes. Le fait est qu’il y a concurrence possible entre ces différentes parties, les délocalisations et la mondialisation multiplient les sites concernés et donc les parties prenantes. L’intervention d’acteurs tiers comme les spéculateurs, les états, les média, l’opinion publique, les modes sur le plan éthique, compliquent les choses. On pourrait se référer à la personne morale et ses comptes mais cela ne dit pas tout à fait son intérêt (survivre, se développer, grandir etc.) surtout avec la complexité croissante des structures juridiques et les multiples associations d’intérêts. La question est alors de savoir quel « bien commun particulier » il s’agit de viser. Y a-t-il un bien commun plus général et des biens communs plus particuliers ? Comment mesurer, comparer des « biens communs » qui ne seraient pas qualitativement identiques, ne serait-ce que dans le temps du court, moyen et long terme. Il n’est que de se rendre compte que des cultures et des systèmes de valeurs différents compliquent le problème.
Buts et critères d’évaluation dans l’entreprise
Se pose alors pour les responsables, de déterminer les buts et critères d’évaluation qui vont leur permettre de piloter la marche en avant de l’entreprise et d’évaluer choix et réalisations, moyens et projets, compétences et productions… Le réflexe est de penser à cette mesure universelle que serait la mesure comptable comme si il y avait une possibilité d’évaluation indépendante de toute échelle de valeurs. Peut-on se contenter de buts et de critères purement comptables? Les financiers se voyant plus éclairés diront non mais d’autres qui voient les choses selon d’autres lunettes répondront autrement. Par exemple l’évaluation de la valeur actionnariale n’est pas tout à fait cohérente avec celle d’autres intérêts, y compris parmi les actionnaires. Si on avait un moyen de définir un bien commun qui puisse se retraduire en biens particuliers sans être trahi cela aiderait sans doute à sortir d’une certaine impasse dès lors que chaque partie prenante se trouve légitime à déterminer ses propres critères tout en voulant respecter un bien commun.
Les communautés de bien
Du coup au lieu de considérer une nuée d’individus totalement indépendants dans leur « libre arbitraire » qui dicteraient leur intérêt à l’ensemble, il y aurait une autre vision à envisager. Au lieu des rapports de force et d’alliance opportunistes on pourrait envisager une convergence des enjeux, un bien commun qui se nouerait à la croisée du bien commun de plusieurs « communautés de bien ». Les actionnaires, le personnel, les cadres dirigeants, les populations qui sont économiquement impliquées, les communautés territoriales concernées, les marchés vus comme des communautés culturelles de clientèles, dessinent un nouveau paysage de communautés de bien. Chacune peut légitiment délibérer pour définir son bien commun tout en considérant le bien particulier différencié de ceux qui en font partie. De même les communautés de communautés peuvent délibérer sur leur bien commun et donc leurs buts et systèmes d’évaluation tout en considérant le bien commun propre aux communautés qui les composent. Les entreprises sont faites ainsi de multiples communautés ou communautés de communautés, des simples équipes aux structures les plus larges, des parties prenantes multiples en rapport avec les communautés de marché et même d’autres entreprises ou d’autres communautés participant à des communautés territoriales, nationales ou même internationales.
Ainsi le paysage des intérêts particuliers se transforme en constellations de communautés de bien, petites et grandes communautés, ensembles communautaires complexes. Bien sûr reste à comprendre ce qu’est le bien commun et en quoi il n’est pas identifiable au seul intérêt particulier. C’est la révolution copernicienne apportée par l’Humanisme Méthodologique. Il s’agit en effet de comprendre ce qu’est le Sens du bien commun par lequel l’unité de Sens permet et transcende la diversité de bien commun et donne leur cohérence à ces ensembles communautaires que sont les entreprises et leurs groupements.
A suivre