Espaces virtuels d’activités

Les Espaces Virtuels d’Activités sont une des créations les plus avancées de l’Humanisme Méthodologique. En sont données ici différents aperçus théoriques et méthodologiques. Des prototypes ont été réalisés en son temps.

Pour décoller

Pour appréhender le concept il faut comprendre le contexte où il émerge: une mutation de civilisation, une mondialisation où, avec Internet, se trame un nouveau monde déjà largement en construction dans les faits et encore ignoré ou incompris dans les esprits d’un très grand nombre. Certains sont plus préoccupés de conserver leurs marques et leurs modèles que de participer à l’imagination engagée et productive de la mutation.

Or une mutation de civilisation est à la fois:

– un changement de niveau de conscience qui s’ouvre à une nouvelle façon de “réaliser” le monde et les hommes,

– un changement de perspectives et donc d’ambition et d’engagement,

– un changement de pratiques et d’instruments d’action pour “réaliser ce nouveau monde”.

Les travaux de prospective de l’Humanisme Méthodologique mettent en évidence le passage d’un seuil de maturescence entre une civilisation des “représentations”, dominée par la raison et une civilisation des communautés de Sens. Ils reposent sur une anthropologie fondamentale qui éclaire ce type de phénomènes et aussi les troubles qui l’accompagnent au passage et auxquels nous sommes confrontés.

Pour atterrir sur de nouvelles pistes.

Le “continent” sur lequel nous sommes en train d’atterrir est celui de la “mondialisation”. Mais en tant que mutation de civilisation de quoi s’agit-il ?

D’abord de la conscience accélérée d’un monde commun à l’humanité. Inutile de développer ici tout ce qui y contribue, pour de bonnes ou mauvaises raisons. Cette conscience collective d’habiter ensemble un monde commun s’accompagne simultanément de la conscience d’habiter “des” mondes communs différents. La conscience du “global” et la conscience du “local” vont de pair. Si le global est un, le local est multiple mais c’est dans le local que nous vivons aussi.

On peut mettre en évidence en fait trois échelles, le local “de proximité”, celui qui va correspondre notamment à un espace virtuel dédié, le local “intermédiaire” qui est celui d’institutions, de territoires, de collectivités étendues et enfin le global qui aussi les englobe.

La mondialisation c’est la conscience d’un monde et des mondes dans lesquels nous vivons et pas seulement un monde, universel, identifié entièrement au monde particulier où nous vivons comme s’il n’y en avait qu’un et qu’il fallait ramener toutes les différences à celui, universel, qui est le nôtre (ex. la France, l’Occident…).

Des mondes communautaires

En fait chaque “monde” est un monde communautaire. Il est celui propre à une communauté de Sens, communauté culturelle aussi, singulière. En tant que communauté de Sens multiples, celle-ci est confrontée à la question du “Sens du bien commun”, condition de “conscience collective”, d’autonomie, de développement, d’empowerment.

En cela (et à cette condition) chaque monde est ainsi celui d’une communauté de projet, de devenir, d’action collective, d’intention, de vocation, de réalisation, de développement, de progrès.

Il nous faut comprendre ces “mondes communs” auxquels nous participons déjà, plusieurs selon les moments, selon les enjeux et les affaires humaines auxquelles nous participons.

On notera ici que chaque monde communautaire est unique et que le passage de l’un à l’autre se fait “par l’intérieur” de façon discontinue plus que “par l’extérieur” dans un même continuum.

Ces mondes, on le verra, répondent à des principes structurants identiques (théorie du cohérenciel) et apparaissent éventuellement comme des grappes de structures fractales ou des constellations.

Le virtuel

Les mondes communs sont “virtuels”. Ils sont formés d’une communauté, d’un environnement habité, d’un processus historique, d’un vécu partagé, d’un ensemble de pratiques et d’équipements, d’une identité faite de représentations internes et externes, d’une structure relationnelle et de rôles.

Les mondes communs sont virtuels car ils actualisent le Sens du bien commun, (parmi les Sens du consensus communautaire).

Les mondes communs sont virtuels car ils potentialisent un devenir, une réalisation, un développement, une vocation, un projet.

C’est la toile de fond sur lequel se construit un nouveau monde, un monde de mondes et c’est là la grande mutation de civilisation que la “toile” d’internet, le world wide web révèle et réalise.

Étymologiquement virtuel vient de Wir qui signifie la détermination intentionnelle (viril), l’expression des meilleures “virtualités” humaines (vertu, valeur, virtuose;..) – World et Welt sont construit sur la même racine Wir old ou Wier alt qui signifie “âge d’homme”.

R. Grandsaignes d’Hauterives dictionnaire des racines des langues européennes Larousse.

Les espaces virtuels d’activité collectifs

Un espace virtuel constitue le monde commun habité par une communauté d’action, une équipe ou un groupe de collaboration, une activité collective, auquels chacun participe.

Dans un monde virtuel sont rassemblés:

– Une communauté avec sa trame de relations,

– Un environnement significatif que “l’espace virtuel d’activité collective” matérialise pour être approprié par la communauté, dans son monde.

– Un processus d’action, processus métier, processus pédagogique, processus de management communautaire.

Les trois sont homologues c’est-à-dire de même Sens. En quelque sorte l’espace virtuel représente métaphoriquement le processus d’action et la communauté d’action. Seulement dans un espace virtuel les représentations sont symboliques, médiations de Sens partagés et pas simplement figuratives.

C’est là une des clés des espaces virtuels : le caractère symbolique de tout ce qui les compose.

Conception d’un espace virtuel d’activité.

Comment alors concevoir un espace virtuel d’activité dont toutes les composantes sont symboliques. Il faut d’abord élucider le Sens de la problématique d’action auquel l’espace sera dédié. Ils ne sont donc pas interchangeables.

Il faudra à partir de là aussi construire:

– la trame du processus d’action: conception et méthodes

– l’architecture d’ensemble de l’espace virtuel et son équipement,

– les modalités d’habitation et d’appropriation par la communauté et les différentes parties prenantes.

La conception d’un espace virtuel d’activité collective ressorti de l’exercice de l’intelligence symbolique et de l’ingénierie du Sens et des cohérences humaines. En effet, travaillant sur des “situations” et “mises en situation” chaque plan de conception, chaque élément devra être considéré simultanément:

– par le Sens véhiculé et le consensus favorisé,

– par les dimensions: subjective ou intentionnelle (motivations, aspirations, attitudes, finalités), objective (informations, environnement, contexte), projective (buts, cheminements, évolutions),

– par les composantes: affectives, sensibles et relationnelles, factuelles, opératoires et comportementales, identitaires, cognitives, imaginaires et formelles.

Seules les méthodes de l’intelligence symbolique intègrent tout cela à la fois.

La démarche type est alors la suivante:

1) Centration pour focaliser la problématique d’action,

Ici c’est le management d’une équipe ou d’un groupe (à distance), c’est-à-dire la recherche de maîtrise de l’action collective, la performance collective, confiée en priorité à un “manager”. Là c’est un cursus pédagogique centré sur une thématique et un processus d’apprentissage par exemple.

2) Analyse de la problématique d’action.

On fait appel ici à une méthode d’analyse figurative pour une problématique d’action spécifique ou à une analyse de cohérences pour une problématique d’intérêt général. Dans ce dernier cas c’est à une véritable théorisation de la problématique d’action que l’on va aboutir, principes et méthodes.

A titre d’exemple pour le management d’une équipe la maîtrise de l’unité et de la performance collective se traduit par:

– l’unité d’intention et de direction grâce à l’identification symbolique à la présence et la détermination du manager,

– l’unité de contexte et d’objet grâce à l’identification symbolique à l’ensemble des informations partagées en un même lieu,

– l’unité de démarche et d’engagement grâce à l’identification symbolique à une planification concertée,

– l’unité d’appartenance et de cohésion grâce à l’identification symbolique à un vécu partagé et une trame relationnelle,

– l’unité d’identité et de représentation collective grâce à l’identification symbolique à un ensemble de représentations de l’équipe et son activité,

– l’unité de production et de productivité grâce à l’identification symbolique à un ensemble d’opérations suivies collectivement.

3) Créativité générative pour concevoir l’espace virtuel d’activité collective.

Cette démarche, lorsquelle est très bien maîtrisée, peut permettre de concevoir l’architecture générale, les aménagements et les équipements, les scènes et les actes, les processus dynamiques et leur accompagnement.

4) La réalisation de l’espace virtuel d’activité collective.

Bien que la démarche soit interactive on distinguera les deux plans, la réalisation scénographique et l’intégration scénographique des technologies.

– La réalisation scénographique. Elle relève de l’architecture d’espace, de l’expression artistique, de “l’ergonomie”, travaillant sur l’esthétique, le symbolique et le caractère intuitif des aménagements et des utilisations. La dynamique doit être particulièrement travaillée pour souligner les changements et les passages et favoriser les cheminements. Il ne s’agit pas d’un simple exercice graphique mais d’une “interprétation” du concept initial.

L’espace virtuel doit être attractif mais pas distractif sauf volonté spécifique. Il est clair que la réalisation scénographique intègre toutes les possibilités d’Internet et des moyens associés, dans la mesure où ils servent la fluidité des relations de travail interpersonnelles et communautaires.

– L’intégration scénographique des technologies. Nous n’avons pas encore parlé de technologies à propos des EVA. Il faut comprendre deux choses:

C’est d’abord qu’ils ne sont pas de nature technologique et même peuvent exister bien au-delà d’un substrat technologique. La distance cependant sollicite des moyens de relation qui sont rendus possibles par les technologies d’Internet et des télécommunications au fur et à mesure de leur développement et leurs performances.

C’est ensuite que les technologies doivent être transparentes pour livrer toute la place au métier et aux situations de l’action. C’est un peu l’inverse des tendances à ce que les technologies se substituent à l’action (automatismes) ou en constituent le substrat essentiel (ex. systèmes d’informations, réseaux…).

Cela est rendu possible d’une part, par une certaine conception de l’emploi des technologies dont le choix et l’intégration se fait sur la base de la scénographie de l’espace virtuel.

Cela est rendu possible d’autre part par l’arrivée à maturité d’un patrimoine technologique suffisant pour répondre aux exigences de service, de fiabilité, d’inter-opérabilité.

Ce ne sont plus seulement les technologies de l’information et de la communication mais les technologies de la relation interhumaine et communautaire. C’est l’inverse de la réduction informationnelle de l’informatique classique ou de la réduction communicationnelle et médiatique d’une partie des NTIC.

S’il est certain que plusieurs sources technologiques sont possibles pour construire de telles plates-formes techniques, il y a un modèle de développement original à concevoir qui ne s’apparente ni à l’industrie logicielle, ni à l’open source en général consacré a une production logicielle à l’usage des développeurs.

C’est à un autre niveau d’intégration que se situe ici la production technologique (intégration scénographique) au-delà des “couches” technologiques où peuvent être puisées les meilleures ressources et leur évolution.

4) L’appropriation de l’espace virtuel d’activité collective

S’installer dans un monde nouveau n’est pas simple pour une communauté, un groupe ou une équipe. Il s’agit d’un changement d’environnement mais aussi d’habitudes et éventuellement de moyens et de méthodes.

Il faudra donc toujours envisager des moyens d’appropriation culturelle qui jouent sur la pédagogie du changement et aussi sur les confortations collectives et les réassurances issues de l’environnement socio-professionnel (notoriété, référence, partage…).

Au-delà c’est à l’organisation qu’il faut faire appel pour une telle installation, définir rôles et procédures, aménagements et solutions et réaliser les apprentissages nécessaires. On conçoit qu’il y ait besoin d’un apport pédagogique et aussi d’un accompagnement notamment des responsables et ici du manager.

Dans l’appropriation de l’espace virtuel par une communauté du travail par exemple il va y avoir le marquage par les traces visibles et invisibles de l’espace habité (mémoire, indicateurs symboliques, images et signes), l’élaboration de rituels et d’habitudes confortatrices. Il va y avoir aussi les transitions entre plusieurs lieux ou plusieurs scènes mais aussi les passages dans d’autres mondes, espaces virtuels identifiés comme tels ou non.

Quelques exemples d’espaces virtuels d’activités collectives:

– Le management d’équipes à distance en cours de réalisation,

– La cité macro pédagogique avec ses modules pédagogiques virtuels, ses parcours virtuels de formation et sa structure institutionnelle,

– Le dispositif de gouvernance pour les collectivités territoriales, les groupements d’actions, les grands projets ou grandes structures, etc.

– Les supports d’activités professionnelles spécifiques

– Les assistants virtuels experts pour faciliter l’appropriation collective et la maîtrise des projets: tourisme, développement, dispositif d’évaluation,

– Les services d’accompagnement personnel et professionnel

– Les communautés virtuelles de développement.

L’innovation et le virtuel

L’innovation ce n’est pas simplement une nouveauté technique mais un changement dans les arrangements d’un monde existant. De ce fait cela touche à l’ensemble des dimensions d’un monde communautaire.

Le processus d’innovation est le processus même du changement dans un monde donné. Lorsqu’il s’agit d’un monde en devenir, celui d’une communauté de développement et d’action, l’innovation n’est pas l’exception mais la norme. Encore faut-il s’y situer.

Les espaces virtuels d’activité sont définis par une problématique d’action qui détermine un monde communautaire, le marché, les utilisateurs dirait-on trivialement. L’espace virtuel d’activité collective intervient par toutes ses dimensions dans celle du monde où il s’inscrit. De ce fait il ne peut s’y introduire que par un processus de changement qui est lui-même inscrit dans un processus de “développement” du monde en question. Il y a homologie entre le monde auquel l’innovation s’adresse et l’espace virtuel qui en est l’incarnation. Pour dire les choses autrement, l’innovation doit s’inscrire dans la culture du milieu récepteur. Elle touche par ce fait à toutes ses dimensions.

C’est donc bien autour de la problématique d’action que les valeurs de l’innovation sont appréciables dans la culture concernée. Ces “valeurs” ce sont les actualisations et les potentialités des “virtualités” qui sont véhiculées par l’espace virtuel d’activité collective. Mais valeurs et virtuel ont une racine commune, Wir…

Voir aussi « la cité macro-pédagogique »