Le développement social communautaire

Partout présent ailleurs, le travail social communautaire semblait avoir disparu de la conscience collective en France. C’est toute la compréhension des communautés humaines et leur développement qui a été peu à peu étouffé avec les dégats que l’on connait. Un temps de renaissance est maintenant annoncé. L’Humanisme Méthodologique y prend part.

L’homme n’est pas un “être de droit” comme on disait un “être de raison”, une sorte d’ectoplasme juridico-administratif. C’est un être de Sens et de chair et c’est en tant que tel qu’il vit en société ou plutôt en communautés.

Le rapport individu société, fusionnel ou antagoniste, s’est abîmé dans la première version. Les hommes réels vivent en communautés, communautés complexes, communautés de personnes, communautés de communautés.

Il y a là différentes questions essentielles:

– Comment sont constituées les communautés humaines?

– Comment se développent-elles?

– Quel rapport entre développement communautaire et développement des personnes?

– Y-a-t-il des niveaux de développement communautaire?

Si l’ordre théorique est celui-ci, c’est à l’inverse que nous allons y répondre ici.

D’abord il existe des communautés archaïques qu’on appelle tribus, clans. Elles sont caractérisés par une appartenance fusionnelle et dont les rapports avec l’autre, l’étranger sont passionnels et phantasmatiques.

Le “communautarisme”, c’est la réduction des communautés à leur stade archaïque. Mais le refuser c’est interdire aux communautés et à leurs membres de grandir. Pas d’ascenseur ni d’escalier social, mieux vaudrait l’exclusion, semble-t-il.

Il y a ensuite des communautés primaires. Cohabitations. Elles sont occupées à leur subsistance, leur sécurité, leur confort. C’est là que se fait aussi l’apprentissage de l’organisation collective et de l’estime de soi.

Il y a ensuite des communautés secondaires, dotées d’une identité collective faite de représentations partagées. Elles sont institutionnalisées et réglementées. Elles conceptualisent leur existence, leur organisation selon des modèles philosophiques ou idéologiques normatifs. Il existe une pathologie de ces sociétés, c’est leur réductionnisme mental qui les coupe des âges antérieurs et aussi postérieur. Ce que l’on appelle l’autisme des élites.

Il y a ensuite des communautés “tertiaires”. C’est le Sens partagé qui les constitue. Des communautés de Sens, de devenir, de projets. C’est là que le Sens du bien commun prend place. C’est là aussi qu’un “sujet communautaire” se révèle et assume non seulement son devenir (projet de développement) mais aussi son identité et sa responsabilité vis-à-vis de ses membres comme des autres communautés.

Il s’agit là de “niveaux de conscience” du fait communautaire en même temps que de niveaux d’évolution des communautés humaines.

Nous sommes dans un moment de mutation où émerge ce quatrième niveau. Le troisième résiste au changement et se coupe de ses racines et son futur et s’enferme dans l’abstraction formelle.

Dans notre pays la coupure avec la réalité antérieure (exclusion) et postérieure (non au changement) est particulièrement aiguë et, on le voit, son goût de la conformité réglementaire s’associe à une inhumanité qui commence à hurler sa souffrance.

Nous sommes donc face à une triple difficulté :

– Celle naturelle de l’évolution et du développement de toute communauté humaine.

– Celle nouvelle de l’émergence d’un nouveau niveau de conscience de l’existence et du développement des sujets communautaires.

– Celle enfin de la crise de passage (maturescence) où les résistances au changement sont les plus vives.

C’est dans ce troisième contexte des “mises en question” que nous nous situons et on y voit trop souvent plus le souci de ceux qui craignent perdre leurs habitudes et leurs places que de celui des populations en situation d’exclusion.

L’émergence d’un stade d’évolution communautaire implique une nouvelle connaissance de l’homme, une “sociologie des profondeurs” que la psycho sociologie ou la sociologie “explicative” n’ont fait qu’effleurer. C’est là que se situe un apport essentiel de l’Humanisme Méthodologique.

Il retentit évidemment sur tous les âges et les phénomènes d’évolution, de développement et les problèmes qui s’y rattachent.

Quel rapport entre développement communautaire et développement des personnes

Le développement communautaire peut être défini comme un “empowerment”, une individuation, une autonomisation. Il s’agit du développement d’une capacité collective à assumer son devenir en toute responsabilité.

Or cet empowerment communautaire ne va pas sans engagement des personnes et réciproquement. L’empowerment communautaire fait évoluer les personnes et l’empowerment des personnes fait évoluer la communauté, dans le Sens du bien commun partagé.

Notons qu’après l’âge des contre dépendances adolescentes et l’individualisme postérieur, vient un temps où le “sens” communautaire, l’acceptation des dépendances, la responsabilité vis-à-vis de la communauté et pour le compte de la communauté se manifestent.

Toutes les communautés humaines sont complexes et doivent tenir compte de la diversité des niveaux d’évolution de leurs membres. C’est pour cela que toutes les communautés évoluées au stade secondaire ont institutionnalisé l’éducation et ont aussi institué des hiérarchies basées sur des niveaux de maîtrise et d’évolution personnelle.

C’est bien à des personnes (ou des communautés) plus avancées qu’il faut faire appel pour aider telle ou telle population à évoluer dans le sens d’un empowerment progressif. C’est là que se situe le rôle du travail social, du développement et même des politiques publiques en direction des personnes et communautés en difficulté.

Comment se développent les communautés humaines?

Il est évident qu’à chaque stade d’évolution les modes de développement ne sont pas les mêmes.

Pour les communautés archaïques c’est la confrontation aux réalités et des prises en charge directives qui sont nécessaires dans un contexte accueillant (maternant). Ce sont des méthodes spécifiques qui sont nécessaires faisant appel à des aides capables de tenir des positions d’autorité personnelles et non réactionnelles.

Pour les communautés primaires, c’est un apprentissage opérationnel des taches de subsistance dans la communauté de proximité qui est indispensable. Il y faut des moniteurs et des encadrants. Cependant il y a là une défaillance des sociétés secondaires malades qui empêchent cette évolution pour se protéger (ils ont retiré l’échelle sociale par autodéfense).

Pour les communautés secondaires ce sont les progrès dans l’identification individuelle et collective, la culture des représentations collectives et la participation aux affaires communes qui est le mode d’évolution favorable.

Pour les communautés tertiaires, c’est l’engagement, dans le Sens du bien commun, aux responsabilités communautaires (professions, rôles, charges) qui est le lieu d’exercice et de développement de maîtrises personnelles et collectives.

Ces indications amènent évidemment à penser que l’accompagnement du développement communautaire réclame un niveau d’évolution et d’empowerment plus avancé et le cas échéant appuyé sur des responsables au plus haut niveau.

Il y a toute une hiérarchie et une diversité des compétences nécessaires, compétences directement liées au niveau de maturité personnelle (cf. Problème des juges et d’autres) et collective.

L’existence actuelle de “hiérarchies” fondées sur d’autres critères que la maîtrise personnelle et le niveau “d’empowerment” disqualifient le travail social comme le développement.

Comment sont constituées les communautés humaines?

Tout ce qui précède n’est applicable qu’une fois désignée et située une communauté humaine.

Chaque niveau d’évolution a sa définition et il nous faut donc notamment dépasser les trois premières. De ce fait les définitions confusionnelles, spatiales, juridiques sont à remettre en question.

Une communauté humaine est d’abord une communauté de Sens partagés entre des personnes.. Ensuite cette communauté de Sens se manifeste par des conditions existentielles, des modes d’expression culturelles, ce qui en traduit comme la “personnalité”. Ces conditions existentielles sont affectives, matérielles, mentales et enfin vocationnelles.

C’est là que le niveau et le champ de conscience interviennent pour, d’une part caractériser le développement et ses stades mais aussi d’autre part le fait d’une hiérarchie de niveaux personnels et donc de fonctions communautaires.

Chaque communauté est aussi communauté de communautés et participe à d’autres communautés. Les personnes comme les communautés peuvent participer à plusieurs communautés tout en privilégiant telle ou telle.

Il est vrai que si on ne choisit pas ses communautés de naissance, à l’âge tertiaire on choisit ses communautés d’engagement.

Il y a là une complexité que les “constitutions européennes” sont incapables de penser comme toute la civilisation d’âge secondaire arqueboutée sur ses certitudes.

Cette complexité se résoud notamment par l’exigence de désigner la communauté de développement où on travaille et d’assumer la connaissance de sa personnalité culturelle (étude de cohérences culturelles, sociologie des profondeurs) pour y fonder les stratégies appropriées.

De là toute une ingénierie humaine du développement, de l’empowerment des communautés humaines.

De là aussi la prise en compte de manques considérables de connaissances des phénomènes humains communautaires et de compétences appropriées.

L’urgence serait:

-de rendre lisible cette problématique communautaire

-de créer une sorte d’école de formation de responsables et de professionnels.