L’Intelligence Symbolique
Les pratiques issues de l’Humanisme Méthodologique et les techniques, outils et méthodes de l’ingénierie du Sens et des cohérences humaines, mobilisent l’intelligence symbolique ou intelligence du Sens. Au-delà de la maîtrise mentale, souvent assimilée à l’intelligence tout court, l’intelligence symbolique touche aux profondeurs de l’expérience humaine et donc aux clés de l’action et des situations.
L’intelligence symbolique est cette capacité humaine d’accéder au Sens des choses et des situations, au-delà de la seule raison, pour connaître et comprendre, pour s’orienter dans le meilleur Sens possible, pour agir et conduire les affaires humaines. Mise en évidence par l’anthropologie de l’Humanisme Méthodologique, elle rappelle aussi certaine conception de la Raison plus d’ordre spirituelle que mentale et qui fait encore confusion.
Qu’en est-il maintenant de l’intelligence rationnelle ? Celle-ci, cultivée depuis plus de deux millénaires, est devenue presque religion de l’occident avec les “Lumières”, du moins avec le “modèle français” dont l’Etat a établit la cléricature.
Nous sommes maintenant en présence de trois problèmes.
En premier lieu celui d’une mutation de civilisation, un nouveau pas de l’humanité franchissant un “seuil de maturescence”. Elle se caractérise par le passage d’un “âge de la Raison” à un “âge du Sens”. Le dépassement de l’intelligence rationnelle avec l’intelligence symbolique. En d’autres temps l’intelligence rationnelle était aussi un dépassement, correspondant à un certain stade d’évolution de l’humanité (individuelle et collective).
Cette mutation est accompagnée de troubles en même temps qu’émergent de nouveaux mondes. Les uns font obstacle au progrès humain, les autres réclament de nouveaux apprentissages.
Le second problème est justement lié à la “crise de la Raison” que nous traversons. Il s’agit principalement des effets d’une déviance rationaliste. En quelque sorte la Raison (avec ceux qui s’en font les clercs) se veut le dernier mot de l’intelligence humaine. A force de vouloir avoir le dernier mot en toutes choses elle ampute l’homme de son humanité. Elle cherche maintenant dans l’ordinateur ou les systèmes biogénétiques le fin mot d’une “intelligence artificielle” qui ne relèverait pas d’une humanité de l’homme, devenue un concept inutile.
Or nous sommes largement conditionnés par les certitudes issues, non pas seulement de la raison mais aussi du rationalisme. Ce conditionnement met d’ailleurs en évidence le “paradoxe” d’une raison qui veut rendre libre. Elle ne fait que réduire la liberté à l’ordre d’une raison “universelle” sinon sacrée et déterminante ou alors nous condamne au règne d’un désordre parfaitement aléatoire et sans signification.
L’obstacle a l’évolution est alors double, celui des effets dérangeants sur les certitudes bien ordonnées, celui des résistances actives des “clercs” déstabilisés dont on voit mille effets dans tous les registres de la vie collective.
Le troisième problème est celui de la découverte et de l’apprentissage de l’intelligence symbolique. Il s’agit d’une faculté humaine comme l’est aussi l’intelligence rationnelle. Comme elle cependant, elle réclame une certaine maturité, plus élevée encore et des exigences spécifiques.
Son apprentissage, comme celui de la raison, peut commencer très tôt, familiarisant chacun aux disciplines nouvelles qu’elle dévoile, disciplines qui sont celles même du grandir et de l’accomplissement humain.
L’intelligence symbolique intègre et dépasse l’intelligence rationnelle de même que celle-ci, non déviée, intègre et dépasse l’intelligence pratique et celle-là intègre et dépasse l’intelligence “sensible” ou affective.
Cette intelligence symbolique est déjà à l’oeuvre dans l’histoire de l’humanité, dans les œuvres humaines, dans les arts et les affaires humaines de même que la raison humaine précédait l’ère des lumières ou les philosophes grecs. Cependant en éclairer les fondements et les processus permet de le généraliser au moment même où la mutation le réclame.
L’apprentissage de l’intelligence symbolique est non seulement l’accès à une compétence humaine le plus souvent insoupçonnée mais aussi la réponse aux attentes d’un monde, très différent déjà de celui des 19° et 20° siècle, qu’il faut apprendre à connaître et à conduire. L’Humanisme Méthodologique en offre les ressources.
L’Humanisme Méthodologique et l’intelligence symbolique
il est bon de resituer l’un et l’autre largement ignorés dans leurs fondements et leurs potentialités et souvent assimilés aux seuls effets d’artifices conceptuels et techniques.
L’Humanisme Méthodologique repose sur trois pieds qui lui confèrent sa cohérence et le Sens même de sa vocation.
C’est d’abord une philosophie de l’humanité de l’homme et son devenir dessinant une “axiologie”. Le “Sens du bien commun” y prend une grande part, notamment dans la définition de la notion de valeurs, celle de l’éthique ou celle encore de toute vocation, individuelle et collective.
C’est ensuite une “science” de l’homme et des phénomènes humains dont la théorie des Sens et des cohérences humaines pose aussi une “épistémologie” de la connaissance et des réalités humaines.
C’est enfin une praxéologie de l’agir humain, philosophie et science de l’action qui se présente au travers d’une “ingénierie du Sens et des cohérences humaines”.
La nouveauté radicale de l’Humanisme Méthodologique a donc trois conséquences simultanées:
– sur le plan de l’éthique et des valeurs
– sur le plan de la connaissance humaine
– sur le plan de l’action humaine.
Toutes trois reposent sur le paradigme du Sens et des cohérences humaines.
L’intelligence symbolique c’est justement l’intelligence du Sens et des cohérences humaines. C’est l’accès au Sens pour le discernement et la connaissance. C’est le choix du Sens pour l’orientation vers le meilleur enrichissement humain, c’est le développement du Sens pour l’action et la conduite des affaires humaines.
Sans l’intelligence symbolique ou intelligence du Sens, la raison reste aveugle sur les conséquences humaines de ses actes. Le 20° siècle l’a abondamment démontré.
Les bienfaits de la raison sont dans le dépassement de l’intelligence affective et de l’intelligence pratique, la projection dans l’espace et le temps de l’existence humaine, la possibilité pour l’homme de se projeter, de réaliser des projets complexes. Seulement elle reste aveugle sur le Sens et, si elle n’a pas de repères, devient aussi bien une raison aliénante que constructive.
La raison sans l’esprit, sans le Sens est une raison folle. Les plus grands délires sont aussi tout à fait rationnels mais rationnel ne veut pas dire “sensé” comme on l’a cru ou voulu le croire. Sensé veut dire non seulement que “cela a du Sens” mais surtout que ce Sens n’est pas n’importe lequel et qu’il se réfère au bien humain et pas a son malheur.
L’intelligence symbolique est l’intelligence de l’humain et ses enjeux au cœur même des choses, des affaires humaines, des réalités humaines. C’est en cela une intelligence du cœur, cœur de l’homme, cœur des choses et des situations.
C’est en effet comme par l’intérieur, de soi et des choses, des communautés et des affaires humaines, que procède l’intelligence symbolique, sans négliger pour autant l’extérieur, la façon dont cela se présente dans la réalité et les situations.
Seulement le “travail de fond” de l’intelligence symbolique rompt avec le “traitement de surface” que le rationalisme déviant a laissé comme méthode dans les esprits. La réalité assimilée à la surface des choses et l’action toute entière envisagée comme remaniement de cette surface des choses.
Le point de vue de l’intelligence symbolique est donc très différent des habitudes d’une intelligence rationnelle déviée. Il est très différent aussi de ces substituts au “fond” que sont idéologies, empirisme spontanéiste, émotions publiques, etc. qui font aussi partie d’une certaine surface des choses.
L’intelligence symbolique remet en question le “savoir sans comprendre” trop fréquent et aussi le « réussir sans savoir » qui confie à la magie ou aux technologies le soin d’agir en lieu et place de l’humain. L’intelligence symbolique sait que c’est un leurre et que seul l’homme agit, autant que fonctionner n’est pas agir.
Pour situer l’apprentissage de l’intelligence symbolique, il est bon de se référer aux “applications” de l’Humanisme Méthodologique. Lorsque l’on parle d’entreprises humaines, de management des dynamiques humaines, de développement durable approprié, de tourisme des valeurs et bien d’autres conceptions très nouvelles comme celle du virtuel, il y a là déjà une relecture des affaires humaines avec le regard de l’intelligence symbolique.
Il faut comprendre que les méthodes et pratiques qui en découlent en relèvent aussi. Il faut enfin considérer que tout cela, sans les prises de position et de responsabilité relatives au Sens du bien commun, reste vain sans cet autre exercice de l’intelligence symbolique.
L’apprentissage de l’intelligence symbolique concerne donc:
– la relecture de toutes les situations, problématiques et les affaires humaines,
– la prise de position et de responsabilité en référence à un Sens du bien commun à élucider,
– l’implication et l’engagement dans une action qui porte au fond sur le Sens et les consensus.
Apprentissages de l’intelligence symbolique, le Programme Cadre.
L’apprentissage de l’intelligence symbolique dans une ère finissante de crise rationaliste n’est pas une sinécure. Le dépassement de l’intelligence rationnelle réclame toutes les exigences de la raison, avec aussi le respect et l’intégration de l’intelligence sensible et de l’intelligence pratique. Les dérives rationalistes l’ont perdu de vue, tendant à l’inverse, à s’en défaire.
A ce titre, l’apprentissage de l’intelligence symbolique réclame donc une saine intelligence classique, c’est-à-dire ouverte à l’humain et aux enjeux humains avec une discipline d’objectivité et de rationalité. En plus c’est une discipline de la subjectivité qu’il va falloir intégrer encore au-delà avec ses découvertes, ses capacités et ses exigences d’un autre ordre.
L’intelligence symbolique est un autre niveau d’accomplissement de l’intelligence humaine et, comme les précédents, son intégration bouleverse bien des choses, peu conscientes auparavant.
La Raison a transformé le monde, le Sens avec l’intelligence symbolique transformera toutes les affaires humaines. C’est même l’enjeu de la mutation de civilisation engagée, passage de l’âge de la Raison à l’âge du Sens.
Avec l’intelligence symbolique la mutation est à la fois personnelle et professionnelle et aussi culturelle, économique et politique. Il serait présomptueux de prétendre en avoir fait le tour en quelques expériences.