Le management des compétences

La question des compétences prend une importance d’autant plus grande qu’elle devient de plus en plus complexe sinon confuse. S’opposent deux logiques. La première, normative, est adaptée à un monde stable où des référentiels fixes permettaient (soi-disant) de gérer les compétences depuis l’école juqu’à la retraite. La seconde est celle d’un monde qui change, où l’innovation est un moteur. Alors la vitesse des changements est trop grande pour que les temps longs de la logique ancienne restent pertinents.

Alors comment définir aujourd’hui les compétences, comment les développer, comment comprendre et intégrer les compétences collectives? Les institutions qui veulent fournir des « compétences » feraient bien de s’enquérir non pas d’une demande claire et stable qui n’existe plus de façon fiable mais de leur rôle dans une nouvelle appréhension de la question des compétences.

Nous en donneront d’abord quelques éclairages plus théoriques et, dans une seconde partie, des propositions qui peuvent inspirer de nouvelles pratiques.

Première partie : Bases théoriques et définitions

La question des compétences apparaît comme une obsession, tant du côté des directions d’entreprises et d’organisations publiques et privés, des DRH bien sur, de l’univers de la formation, formation tout au long de la vie, universités et grandes écoles. Mais aussi dans d’autres milieux on parle de compétences administratives, des collectivités ou d’institutions.

Évaluer les compétences, anticiper les besoins en compétences, gestion prévisionnelle, employabilité, hauts potentiels, référentiels, intégration de l’expérience, diversité, font partie d’un vocabulaire et même d’injonctions qui semblent jeter le plus grand trouble dans tous les milieux concernés.

Sans trop s’y attacher ici, il faut noter deux caractéristiques dela – mutation en termes de prospective humaine:

– La crise des représentations et modèles qui se traduit par une certaine disqualification des modèles classiques dont le formalisme était même devenu une spécialité française du moins par son degré de généralisation. Tous ses modèles sont en crise jusqu’à y lire la crise du “modèle français”. On notera que la sociologie des dirigeants, des grandes et moyennes entreprises y est tout à fait différentes de celle des pays équivalents.

– La crise de Sens qui fait que, tout ce qui apparaissait comme clair, évident, lorsque le Sens était donné, même si le contre Sens était aussi recherché, est devenu confus. Non parce qu’il n’y a plus de Sens mais parce qu’il y en a trop. Sont en présence toutes sortes de Sens de la notion de compétence si bien que là où on n’avait pas besoin de se poser la question parce que c’était évident dans le milieu fréquenté, il faut maintenant choisir et pour cela exercer un discernement auquel on n’avait jamais été habitué (en dehors des oppositions manichéennes ou ambiguës).

La mutation nous fait traverser ces crises mais pour passer de l’autre côté, du côté d’une nouvelle considération de ces problèmes, plus juste, plus réaliste, plus pertinente, plus performante et moins formelle, idéaliste ou, au contraire d’un pragmatisme peu éclairé.

C’est pour opérer ce passage et bâtir de nouvelles pratiques, plus avancées, mieux maîtrisés que l’Humanisme Méthodologique avec la MRVP Méthode des référentiels de valeurs partagés, notamment, offre des moyens conceptuels et méthodologiques sans équivalents.

On y prendra appui pour:

– Observer le lien entre compétence et valeurs donnant en final à l’évaluation bien plus qu’un statut de moyen accessoire.

– Mettre au clair une typologie des conceptions de la notion de compétences où il nous faudra d’une part reconnaître des logiques familières mais aussi le fait de devoir en quitter certaines pour en privilégier une, cohérente avec la question des valeurs et donc avec celle du Sens du bien commun.

– Découvrir ou redécouvrir une conception, une logique, une compréhension de la notion de compétences qui va d’abord nous amener à celle des niveaux de compétences.

– Enfin revenant, sur la question des référentiels des valeurs partagés comme base de toute évaluation nous en arrivons à l’évaluation comme compétence de développement des compétences. Cela nous entraîne à reposer le rapport compétences personnelles et compétences collectives et éviter le piège de l’alternative individualisme ou holisme (détermination par l’individu ou par la société).

La question des compétences, tous ceux qui ont un peu d’expérience professionnelle y sont confrontés, tous les jours même, soit dans l’exercice, soit dans le développement des compétences.

Cette extrême familiarité n’est pas incompatible avec la plus grande confusion.

C’est à l’expérience de chacun qu’il sera fait appel ici pour entreprendre de clarifier et de rebâtir une vision cohérente de la question des compétences, des problèmes qui s’y attachent et des méthodes à mobiliser.

I – COMPÉTENCES ET VALEURS, L’ÉVALUATION

La notion de compétence renvoie à un rapport entre une capacité d’un côté, un enjeu opérationnel de l’autre et le rapport entre les deux. La compétence s’exerce dans l’action, mobilisatrice d’une capacité pour agir et atteindre un but.

Mais justement ce qu’il y a à atteindre se qualifie notamment par la valeur que cela représente dans le milieu concerné (une entreprise, une équipe, un marché), en tout cas une communauté de référence.

La valeur de l’enjeu est bien celle que l’on va attribuer à l’action réussie . L’action vaut alors par la valeur des résultats et bénéfices attendus.

Mais la capacité d’agir elle même a de la valeur, peut donc être “qualifiée” en fonction de la valeur de l’action et donc de ses enjeux.

L’évaluation des compétences est donc directement liée à celle des enjeux visés tant en tant que potentiels, qu’en tant qu’exercice.

il est d’ailleurs fréquent que l’on essaie d’évaluer des enjeux professionnels pour définir des référentiels de compétences ou évaluer effectivement des compétences.

On voit bien alors la difficulté. Par exemple comment évaluer “les besoins” pour définir un référentiel de compétences? Les critères d’évaluation des enjeux, visées de l’exercice des compétences, sont-ils à prendre comme critères d’évaluation des compétences elles-mêmes?

il faut s’y arrêter. Si tel est le cas alors la qualification des compétences, la qualification des hommes compétents doit être formulée dans les mêmes termes que la qualification des buts à atteindre dans le milieu qui est le leur. Dit encore autrement, le système de valeur des compétences et le système de valeur des enjeux est le même. On en verra des variantes.

Mais allons plus loin. Si on définit la compétence comme la capacité d’agir en vue d’atteindre certains buts alors celle-ci peut être assimilée à la capacité de maîtriser les conditions et les dispositions à prendre pour y arriver.

La moindre des choses est d’être capable d’évaluer ce qui doit être visé et aussi d’évaluer les conditions et les dispositions à prendre à chaque instant. La compétence s’exprime donc aussi en termes de maîtrise et donc d’évaluation.

L’évaluation permanente des situations et des buts est donc un aspect majeur de la compétence. C’est elle qui permet, par exemple, l’apprentissage, l’expérience, et leur intégration comme capacité de réussir.

C’est donc aussi par la maîtrise de l’évaluation des situations et des buts que se définit et se développe la compétence de maîtrise de l’action pour atteindre ces buts en situation.

Cette réflexion entraîne donc bien à placer les valeurs (d’un enjeu dans un milieu donné) et l’évaluation à la base de toute la question des compétences.

On verra toutes les conséquences à en tirer sur le plan théorique et pratique et pourquoi il faut changer d’optique, abandonner certaines conceptions qui sont devenues source de difficultés et de confusion.

II – TYPOLOGIE DE LA CONCEPTION DES NOTIONS DE COMPÉTENCES.

Prenons d’abord une définition rencontrée qui nous a paru intéressante:

“La compétence est une virtualité dont l’actualisation constitue la performance”.

Il semble bien que cette définition soit bien cohérente avec ce qui a été dit précédemment mais va nous aider à discerner différentes conceptions.

D’abord considérons l’opposition qu’il y a entre compétence comme potentiel, comme virtualité de maîtrise, toujours à cultiver.

Compétence comme conformité à une norme, capacité de reproduire, à l’identique, geste ou modèle de pensée formalisé.

On devine bien que le modèle favorisé par l’enseignement et l’éducation traditionnels sont du second type.

Les compétences y sont souvent assimilées à des capacités de reproduction sanctionnées par des titres.

La façon dont les “référentiels” sont définis reste problématique espérant soit une formalisation suffisamment stable pour permettre les “formations” nécessaires, soit la référence à des “idéaux” dont il y a toujours des “spécialistes” pour en revendiquer la connaissance infuse.

A l’inverse cultiver un certain champ de maîtrise c’est cultiver des potentiels et développer des virtualités que sont ainsi les compétences, définies, concrétisées, actualisées en fonction de multiples situations traversées.

Une autre alternative est la suivante:

Ou bien les compétences sont définies, évaluées en fonction des enjeux d’une communauté, d’une société, d’une collectivité de références ou bien elles sont définies comme des caractéristiques individuelles indépendantes, une propriété intrinsèque, acquise ou innée de l’individu indépendamment de toute utilisation particulière.

Dans ce dernier cas les compétences sont définies indépendamment de leur usage, de leur utilité, de leur pertinence. Elles sont comme attachées à l’individu et on verra volontiers des individus supposés “compétents” mais incapables d’assumer une responsabilité, d’assurer un résultat.

A l’inverse la compétence est liée à la valeur pour la communauté et ses enjeux. Elle est donc relative à ceux-ci et n’est pas intrinsèque, indépendament de ces enjeux.

Croisant ces quatre logiques nous arrivons à quatre modèles types de la notion de compétences que chacun pourra repérer dans son expérience et dans les dispositifs existants.

1) Les compétences élitaires et méritoires

C’est en général la capacité de conformité sanctionnée par un examen de passage ou un concours qui sélectionne selon le niveau de mérite, l’exploit réalisé au vu des idéaux types de la collectivité. Niveau de mérite et non pas de capacité à maîtriser des situations réelles.

Par exemple les grandes écoles en France ont été construite sur ce modèle en fonction d’une certaine idée de l’Etat et de sa mission constituant le “modèle français”.

Les enjeux collectifs sont formels, déterminés, et déterminant les programmes d’acquisition et de conformation.

Nous avons là des compétences d’encadrement normatif. N’y cherchons pas de potentiels de maîtrise des situations non conformes, non standards, non prévues, celles d’un monde en pleine mutation, par exemple.

2) Les compétences adaptatives individualisées

Les compétences sont ici des capacités individuelles de s’adapter à des normes de fonctionnement, à des modèles formalisés.

Les compétences adaptatives font des gens adaptés en fonction de leurs “capacités intrinsèques” innées ou acquises. De là la notion d’employabilité. Il s’agit bien d’emplois et les compétences sont des titres à occuper un emploi dans un dispositif organisé, une organisation.

On pensera à la fonction publique où le titre fait l’emploi indépendamment des situations et des enjeux de société impliqués.

Le compétent est celui qui est capable de reproduire la procédure apprise. C’est à cela qu’il est employé. Nous sommes là dans une dissociation entre capacité désignée et enjeux collectifs. Cette dissociation est source d’aliénation avec les différents “symptômes” de dépendance associés et d’irresponsabilité perçue par d’autres mais inconsciente par ceux-là (l’actualité nous en donne des exemples cruels).

3) Les compétences techniques spécialisées

Nous sommes là dans la logique de potentiels individuels voués à une efficacité spécifique, spéciale. Nous avons des spécialistes capables, de par leurs facultés propres, de réussir un certain objectif.

On peut dire que ce n’est ni la valeur de l’enjeu, ni le potentiel personnel qui sont l’essentiel mais la technicité mobilisée, par ceux qui en sont capables, évidemment et pour ceux qui en ont l’utilité.

L’assimilation compétences et technicité a conduit à spécialiser évidemment les individus, à multiplier les spécialités, mais aussi à “mécaniser” l’exercice des compétences et bien sûr leur acquisition et leur définition.

Les besoins objectifs en “compétences-technicités” définissent les programmes de formation aux techniques en question et produisent des spécialistes/compétents en fonction de leur capacité et de leur choix individuel. Tans pis si les spécialités changent plus vite que le temps de former des spécialistes. Cela fera des chômeurs spécialisés en cas de changement de conjoncture.

4) La compétence “professionnelle”

Il nous faut d’abord définir la profession comme un rôle tenu dans une société pour y apporter un service socialement et culturellement identifié. La compétence “professionnelle” est la capacité de maîtrise d’un certain service dans une communauté donnée. De ce fait elle concoure au bien commun et en assume une part de responsabilité, modeste ou majeure.

La compétence professionnelle réclame donc:

– une communauté de référence, celle qu’a choisi l’entreprise pour définir son Sens du bien commun,

– un référentiel de valeurs partagées qui est aussi à la base du référentiel d’évaluation des enjeux et par suite aussi des “compétences requises”,

– une maîtrise personnelle des compétences requises, maîtrise cultivée notamment par la pratique et l’appropriation de l’évaluation des situations et des enjeux.

Trois remarques qui vont trouver leur importance:

– Les compétences professionnelles comme les valeurs et les enjeux sont toujours “culturelles” et circonstanciées.

– Les compétences professionnelles sont simultanément individuelles et collectives. L’une sans l’autre et ce sont les enjeux qui ne peuvent être atteints.

– Les compétences professionnelles sont évolutives. Elles doivent être cultivées sans cesse tant en termes de niveaux de maturité et de maîtrise (niveau de professionnalisme) qu’en termes de domaines ou circonstances d’exercice et donc de culture des compétences.

On voit bien que dans un monde diversifié (non uniforme), complexe (non standardisé), les compétences ne peuvent être ni définitivement acquises ni correspondre à une norme standard établie.

Par contre la compétence consistant à cultiver les compétences requises est nécessaire pour changer d’univers de référence.

C’est un peu comme l’”apprendre à apprendre”, la compétence de développement des compétences requises par les situations est de celles qui s’enrichissent avec la multiplication des expériences.

III – LA COMPÉTENCE PROFESSIONNELLE – PROFESSIONNALISMES INDIVIDUELS ET COLLECTIFS

Nous avons vu que l’évaluation des enjeux et des compétences est une condition de la maîtrise des situations, c’est-à-dire du développement des compétences elles-mêmes.

L’identité entre compétences et maîtrise des situations introduit à la question du niveau de maîtrise donc des niveaux de compétence.

L’anthropologie de l’Humanisme Méthodologique apporte là un éclairage tout à fait important. Entre niveaux d’évaluation humaine (individuelle et collective), niveaux de maîtrise des situations, niveaux de service, niveaux de compétence, niveaux de professionnalisme, il s’agit de la même échelle de progression humaine.

Sur cette échelle, chaque niveau correspond:

– à un mode d’appréhension privilégié pour la maîtrise des situations,

– à un niveau de conscience et d’intégration des situations,

– à un mode d’action principal

– à un niveau de responsabilité possible des situations.

On verra dans un second temps comment se construisent les compétences collectives à partir aussi de ces niveaux d’évolution et de professionnalisme. Il faut observer aussi la corrélation établie entre développement personnel, développement des potentiels, développement des compétences, développement professionnel. On y ajoutera aussi développement vocationnel. A cela il faut rajouter encore l’équivalent en ce qui concerne les groupes, équipes petites et grandes, entreprises, groupements, etc.

C’est la cohérence d’ensemble de la problématique des compétences qui est ainsi rebâtie.

1) Niveaux de compétences

La théorie de l’évolution humaine détermine quatre niveaux d’évolution et de maîtrise, séparés par des seuils de passage correspondant à des mutations qui sont des changements de niveaux. C’est le cas de la mutation de civilisation en cours.

Le niveau basique. C’est celui de l’impulsivité, des comportements réactionnels dominés par les affects. Certains diraient l’instinct. Plutôt que d’action il faut parler de réactions, de réflexes. A ce niveau la proximité, événement / réaction peut apparaître comme un effet de compétence, un effet de maîtrise, un effet d’évaluation consciente. Il n’en est rien. Tout est dans l’immédiat sans perspective. Y a-t-il véritablement compétences ? A peine seulement dans la différenciation des situations privilégiées auxquelles il est préférable de se trouver confronté. Cependant il y a là des potentiels de compétences qui pourront être cultivés et que ceux qui en ont la charge doivent savoir discerner.

Le début des compétences effectives viendra avec le passage à une confrontation avec des tâches répétitives bien identifiées.

Le niveau primaire. C’est celui des habiletés pratiques, souvent manuelles, en tout cas opératives et techniques. C’est le domaine des apprentissages progressifs, de l’acquisition de savoirs faire dont la valeur tient à l’utilité et qui lui confère à l’habileté. C’est un niveau de maîtrise pratique, factuel, concret, restant limité au court terme, sans vue d’ensemble.

Le développement à un autre stade passe par l’exercice des rationalitésplus complexes.

Le niveau secondaire. C’est celui des capacités mentales de représentations, de modélisation, de structuration, de traduction dans un langage construit. Ce niveau de compétences s’exerce sur des “vues d’ensemble” rationalisées, qui donnent des perspectives à moyen terme. Il permet, de ce fait, un encadrement de l’action et d’opérations, dans des organisations de plus en plus complexes.

Il y a là aussi toute une progression jusqu’à un autre seuil de passage qui est aussi celui d’une nouvelle mutation de civilisation. Le nouveau seuil c’est l’accès au discernement des Sens et aux responsabilités de direction.

Le niveau tertiaire. C’est celui des capacités de discernement du Sens des situations, de la maîtrise des consensus, du management par les valeurs et donc de la maîtrise des évaluations; Ce sont les compétences humaines relationnelles, les dynamiques humaines collectives qui y sont impliquées avec les rôles et responsabilités associés. La perspective est celle du long terme en rapport avec le Sens du bien commun. Il y a là aussi tout une trajectoire de progression mais dans un champ de compétence différent comme toujours des précédents.

Ces quelques repères donnent aussi une idée du niveau des enjeux qui définissent les compétences requises.

A la base des réactions immédiates avec des enjeux d’alerte et de réactivité,

– au niveau primaire des enjeux opérationnels de production allant des plus répétitives aux plus techniques ou même artisanales,

– au niveau secondaire des enjeux stratégiques à moyen terme allant des programmations et planifications simples jusqu’à une véritable compétence de stratége,

– au niveau tertiaire des enjeux “politiques” et à long terme allant de l’animation d’équipes à la conduite de projets “politiques” en relation avec le Sens du bien commun d’ensembles humains de plus en plus larges.

Il faut noter que, si le champ d’exercice des compétences prédominant à chaque niveau est différent, il intègre la maîtrise personnelle ou collective des niveaux précédents.

Il est nécessaire de bien intégrer l’échelle des niveaux de maîtrise et de compétences qui va jouer un rôle important dans l’évaluation et le développement des compétences et donc de toutes les actions politiques et stratégiques en la matière.

2) Le principe de concourance

Dès lors que nous sommes dans la logique des compétences professionnelles les enjeux collectifs, selon le Sens du bien commun, déterminent évidement des compétences requises collectives. Nous pouvons alors considérer la compétence collective d’une équipe par exemple et nous interroger sur le rapport entre cette compétence collective et les compétences individuelles.

On a pu penser que les objectifs collectifs se décomposaient facilement en objectifs individuels et qu’on avait là la solution. L’idéal mécaniste et l’automatisation des comportements régnaient. C’était une illusion dont le champ de validité n’était que celui d’objectifs matériels précis et stables où on ne s’interrogeait guère sur “les valeurs” qui présidaient non seulement à l’entreprise mais aussi aux attentes et appréciations des clients. Les rouages et la chaîne. Un temps de mutation, de complexité, de diversité et de changement constant met tout à fait en péril cette conception un peu mécanique de l’organisation et du management. Le découpage du travail en taches élémentaires est d’un temps révolu et pourtant tellement rassurant.

Seulement comment penser l’articulation compétences individuelles, compétence collective lorsque seule celle-ci est “évaluable” en fonction d’un enjeu global.

La solution est dans le principe de concourance. La relation entre les individus d’une équipe c’est une relation de concourance.

Cela se définit par :

– une unité de Sens et de finalité

– une unité de buts articulés

– une unité d’objet principal.

Cela se traduit ensuite par l’intégration des composantes relationnelles, mentales et factuelles. C’est dans la distribution de ces enjeux de maîtrise que se structurent les concourances de l’équipe.

– maîtrise du Sens et finalités des buts et des processus

– maîtrise des relations, rôles et dynamiques collectives

– maîtrise des représentations, identités, communications, modèles

– maîtrise des opérations, productivité, qualité….

Toute compétence individuelle se définit par la part prise à cette maîtrise globale, par la concourance apportée à l’équipe.

Ainsi la structure de concourance porteuse de la compétence collective est aussi structure de compétences particulières.

On voit que dans son groupe, la compétence individuelle est relative à la compétence commune selon le mode (et le niveau) de concourance.

Nota: Tout ceci s’appuie sur la théorie du cohérenciel, la trialectique sujet-objet-projet, et la théorie de l’action associée. De ce fait, même si cela débouche sur des méthodes et un certain pragmatisme, il s’agit pas ici d’une approche empirique de plus.

Ayant vu le principe du rapport entre compétence individuelle et compétence collective pour un groupe, il n’est pas difficile de l’extrapoler aux ensembles humains complexes, aux groupes d’équipes et aux groupes d’entreprises ou des ensembles plus vastes encore.

Les compétences professionnelles des équipes doivent se définir relativement aux compétences globales des groupes auxquels elles concourent selon la même logique ternaire des structures de concourance. Le principe est le même à toutes les échelles (fractal).

Pour rendre compte de la complexité et de la diversité des structures actuelles, sortir des rigidités et cadres rationnels mais simplistes de l’époque antérieure à la mutation, il faut noter que chaque personne peut être partie prenante de plusieurs équipes et celles-ci de plusieurs ensembles ou entreprises.

Dès lors on voit que la personne ou bien l’équipe peuvent exercer plusieurs compétences professionnelles relativement aux communautés de référence où elles s’exercent à partir de leurs référentiels de valeurs propres définissant les compétences requises.

Est ce à dire que les individus et les équipes sont polyvalents? Notons que le terme de poly-valence dit bien qu’il s’agit de plusieurs référentiels de valeurs. C’est bien en première analyse ce qui vient d’être dit.

Cependant l’interprétation qui en est faite voulant que les hommes et les équipes soient interchangeables est fausse. En effet les uns et les autres disposent de qualités personnelles, de potentiels, de compétences spécifiques. C’est ce que nous allons envisager maintenant.

3) Profils vocationnels, profils de concourance

A émergé ces dernières décennies la notion de vocation personnelle et de vocation collective. L’Humanisme Méthodologique en a développé la théorie et les conséquences pratiques.

Sans entrer dans ces développements disons que l’on peut considérer la vocation d’une personne en rapport avec son histoire, ses héritages et le mode professionnel d’accomplissement de cette vocation.

Relevons tout de suite deux erreurs grossières habituelles.

La dépendance à l’héritage. On ne peut être autre que qui on est, par contre on peut faire de cet héritage le pire ou le meilleur. C’est toute la question du développement personnel, de l’accomplissement de soi. Donc rien n’est écrit, tout est à intégrer. La maîtrise d’une problématique personnelle est au contraire une source de talents, de capacités, de potentiels longuement cultivés qui va pouvoir trouver une expression professionnelle, vocationnelle. Ce n’est pas sans être associé à certains défauts, certaines carences possibles évidemment. Défauts et qualités ont souvent la même origine.

L’autre erreur est d’assimiler une vocation à un état quelconque, un métier, un rôle, un “destin”. Une vocation prend forme en fonction des circonstances. Celles-ci changeant, l’expression d’une vocation change.

Dans une trajectoire d’évolution personnelle, d’expression et d’accomplissement d’une vocation, les différentes situations vécues (notamment professionnelles) peuvent apparaître comme une errance, jusqu’à ce que, une certaine maturité venue, cette vocation se révèle sous des modalités nouvelles mais cependant jamais définitives.

Il est donc juste de considérer une vocation personnelle comme liée à un héritage et faux de l’enfermer dans une quelconque situation, profession ou compétence.

Cela n’empêche pas qu’une “profession”, qu’une certaine compétence soit cultivée durant de longues années mais c’est une question de personne et de circonstances.

Il est judicieux de rechercher chez tel ou tel la possibilité d’une certaine compétence en rapport à sa vocation propre et ses expressions au travers de talents et qualités manifestées, de maîtrise cultivée. Il est erroné d’identifier la personne et la vocation à une compétence donnée, fixée, formalisée en dehors d’une circonstance et d’une conjoncture particulière.

Vouloir acquérir une compétence “pour la vie” en fonction de supposées capacités établies et en tirer des conséquences pour un “emploi” qui n’existe peut être pas ou très provisoirement, vouloir former (conformer) des personnes à des compétences requises une foi pour toutes est aussi une erreur.

On dit ici ou là qu’il vaudrait mieux apprendre à apprendre. C’est un bon indicateur à transposer. Il importe que chacun puisse cultiver sa vocation au travers de la culture de compétences et de circonstances qui lui correspondent sans l’y enfermer.

On retrouve là l’idée que la compétence de développer des compétences requises, c’est le développement d’une maîtrise de soi, de l’accomplissement d’une vocation personnelle, du développement de maîtrises professionnelles. C’est par une culture de l’évaluation des situations (et des compétences requises et exercées) que se réalise cette évolution. Ces quelques indications mériteraient de longs développements théoriques et pratiques.

Une équipe, au moins par analogie, a aussi une vocation. C’est vrai encore pour une entreprise, un territoire, une société, une culture. Or cette vocation qui s’exprime par des qualités, talents, compétences collectives s’exprime aussi par des valeurs cultivées et à cultiver qui sont les indicateurs du Sens du bien commun qui leur est propre.

Il y a un lien étroit entre vocation et Sens du bien commun d’un groupe et d’une collectivité et donc avec une propension à cultiver certaines compétences “professionnelles” (un certain professionnalisme) en fonction des circonstances et des moments.

Dans le cas d’une entreprise, d’une équipe ou d’une personne on voit bien que la mobilité des circonstances, la vitesse des changements, la mutation et ses bouleversements ne permettent pas de s’identifier à telle ou telle compétence définitivement. Par contre il importe que se forme une identification à une vocation, à un “potentiel de compétences” singulier, original, spécifique dont les expressions vont dépendre des circonstances et aussi du niveau de maîtrise ou d’accomplissement vocationnel cultivé.

C’est cet “invisible” là qui est constant et évolutif en niveau de maîtrise. Son expression change selon les enjeux qui dépendent des circonstances et contextes.

Dès lors on pourrait dire que l’important c’est de cultiver les vocations (grandir, progresser, se développer, s’accomplir) et de cultiver les compétences requises par les circonstances.

Il n’y a pas d’autre méthode pour une entreprise, une équipe, une personne que de cultiver sans cesse les compétences requises par les circonstances en fonction des dispositions vocationnelles et du niveau de maîtrise des uns et des autres (personnes et groupes).

il reste encore à considérer comment ces dispositions personnelles, vocationnelles, vont se rapporter aux “structures de concourance” des équipes et des organisations).

4) Profils vocationnels, profils de concourance des personnes ou des équipes

Il y a évidemment une très grande variété de vocations personnelles ou aussi collectives.

Cependant eu égard à la question des compétences ou des potentiels de compétences, la structure cohérencielle intégratrice des concourances permet de caractériser des qualités spécifiques par la contribution particulière à l’une ou l’autre des composantes mises en jeu,

– qualité de sensibilité ou d‘animation

– qualité d’analyse et de distinction

– qualité concrète de réalisation

– qualité entreprenante d’ordonnancement

– qualité de conception et de représentation

– qualité de détermination et d’initiative

– qualité de responsabilité et d’engagement.

Il est possible, par quelques artifices d’analyse d’un parcours personnel ou professionnel, de dresser un profil vocationnel mettant en évidence, par une pondération adéquate, différents types de qualité spécifiques.

On pourrait parler de potentiel de compétence dont le niveau de maîtrise peut être évalué. Il est donc possible d’exprimer une vocation en terme de profil vocationnel, potentiel de compétences et même d’envisager des voies de développement. Cela vaut pour les personnes, les équipes et même les entreprises ou des collectivités.

Il y a enfin à considérer comment une personne, du fait de son profil vocationnel, peut concourir au mieux à une équipe donnée chargée d’un enjeu particulier.

La compétence collective requise réclame des concourances distribuées auxquelles les uns ou les autres participent. Ainsi la structure de concourance n’est pas simplement une juxtaposition de concours très typés mais aussi l’assemblage d’une palette de concourances à tel ou tel de ses composantes.

La participation de chacun à la compétence collective peut être alors aussi exprimée en “profil de concourance”. Cela se traduit par une compétence complexe au croisement du potentiel de compétence vocationnel et de la compétence collective requise.

La compétence s’exerce en situation et ne peux ignorer ni l’une, ni l’autre de ses déterminations (endogène et exogène). La notion de profil de concourance va permettra non seulement d’envisager et d’évaluer les compétences effectives d’une personne dans une équipe mais aussi de faire de même pour évaluer la compétence collective de l’équipe, non dans l’absolu mais eu égard au concours qu’elle apporte à un ensemble plus vaste.

Il y a là de nombreuses applications pour la constitution et le développement des compétences collectives jusqu’à celle des entreprises entières. Évaluations et développements en dérivent.

Il en va de même pour les personnes qui vont y trouver non seulement ce qui relève de l’accomplissement d’une vocation professionnelle mais aussi des conditions de celles-ci au travers de l’exercice de compétences, de circonstances.

Nous avons là parcouru les grandes lignes de la question des compétences, vue dans le Sens le plus souhaitable, notamment parce qu’il est celui auquel nous sommes invités par les émergences de la mutation.

Les conceptions autres ou anciennes viendront toujours jeter le trouble par leurs “évidences” mettant en question la cohérence d’une vision nouvelle. Outre l’appui théorique et méthodologique, c’est la reconnaissance de ce qu’il en est réellement des affaires de compétences dans le Sens du bien commun qui permettra de rebâtir le cas échéant une doctrine et une pratique nouvelle en la matière.

Il nous reste maintenant à donner quelques indications méthodologiques qui vont rejoindre certains aspects de la méthode des référentiels de valeurs partagées, parlant cette fois de référentiels de compétences et aussi d’évaluations de compétences.

Deuxième Partie

COMPÉTENCES ET VALEURS EN PRATIQUE

Assumer une nouvelle complexité

Dés lors que les compétences ne sont plus réductibles à une norme indépendante des situations, dès lors que l’on ne peut plus isoler compétences individuelles et compétences collectives. Dès lors que les configurations des entreprises, de leur environnement, des technologies, des produits et services sont en changement permanent, alors on doit changer complètement l’approche de l’évaluation et du développement des compétences.

Déjà la pratique va dans ce Sens mais les règles et les normes sont en retard et même souvent d’un autre temps.

I – LE TABLEAU DES COMPÉTENCES

Toute entreprise, toute organisation est constituée par un ensemble de pôles de compétences. Le tableau des compétences va intégrer deux facteurs. Les pôles de compétences et les trois états de compétences.

Les pôles de compétences

Ce sont :

– Les individus quelque soit leur rôle et leur statut, interne comme externe,

– Les équipes, là aussi internes, externes ou mixtes,

– Les unités d’activité, départements, services, établissements, filiales, antennes, agences, projets…

– Les entreprises ou organisations constituant une unité institutionnelle,

– Les groupements d’entreprises, groupes financiers, clusters, pôles de compétitivité et tout autre groupement.

Nous allons dessiner d’abord le “tableau des compétences” d’une entreprise ou d’une organisation, là où l’on peut agir sur ce que l’on peut appeler un “pôle de compétence”.

Nous verrons ensuite quelles analyses sont à effectuer pour chaque pôle de compétence pour les caractériser.

Nous verrons enfin quelles sont les actions de développement des compétences à mener débouchant sur une reconfiguration des pratiques.

Enfin nous terminerons par ce que l’on appellera l’audit de compétences de l’entreprise, une démarche décisive de réactualisation de la gestion des compétences pour engager un cercle vertueux de développement.

Pour chacun des pôles de compétences identifié, trois états de compétences sont à considérer:

1) Les potentiels de compétence

Ils proviennent d’une histoire, d’un héritage qui peut s’actualiser de multiples manières. Non seulement ce potentiel peut s’enrichir mais son développement lui permettra d’assumer des situations nouvelles et changeantes.

Le potentiel de compétence s’exprime par deux termes: la vocation et le profil vocationnel. Ces potentiels sont liés à la capitalisation d’une histoire et d’un développement personnel, à la composition et “l’expérience” d’une équipe, d’une entreprise, à la maturité professionnelle des personnes et des groupes.

On ne peut les définir uniquement par les situations passées ni même les situations présentes puisque ces potentiels peuvent d’une part être développés, d’autre part mobilisés pour des situations nouvelles qui ne sont pas encore connues.

On peut souhaiter que tous les pôles, individuels ou collectifs soient à haut potentiels mais aussi que ces potentiels soient spécifiques, identifiés, cohérents pour être en mesure d’affronter des conditions changeantes sans se disloquer pour autant.

Il y a donc lieu pour une entreprise de cultiver et développer les potentiels de ses pôles de compétences.

2) Les compétences actuelles

Il s’agit de la façon dont sont organisées, exercées et mobilisées les compétences dans l’action. Évidemment les potentiels sont plus ou moins bien utilisés en fonction des conditions du moment et de la qualité du management.

Pour chaque pôle de compétences, individus, équipes, structures, groupes, celles-ci peuvent être décrites par une “structure de concourance” propre. Elle spécifie et qualifie la coalition de capacités pour constituer un tout cohérent.

Un profil de concourance va, lui, définir comment ce pôle de compétence participe à un autre pôle de compétence, l’individu à l’équipe, l’équipe à l’activité, celle-ci à l’entreprise et cette dernière au groupe dont elle fait partie. On notera que chaque pôle de compétence peut participer à plusieurs autres pôles avec des profils différents.

Structures de concourance et profil de concourance déterminent la mobilisation actuelle des capacités et donc les compétences exercées.

Il est clair que des actions d’optimisation et de développement portant sur les compétences actuelles interviennent dans la performance globale et celle de chaque pôle. C’est le deuxième type d’action à développer.

3) Les compétences requises

Les compétences ne sont pas seulement à l’état potentiel ou actuel, elles sont aussi définies par les enjeux en tant que compétences requises.

Les compétences requises sont déterminées par les valeurs adoptées et qualifiées à partir d’un référentiel de valeurs (partagé).

On notera que le référentiel de valeurs comporte:

– Une dimension subjective ou essentielle. Cela suppose une compétence de discernement, de détermination, de persévérance dans ce Sens.

– Une dimension prospective qui dessine les buts et les marches de progression et ce faisant qualifie les compétences par la mobilisation de capacités qui le permettent. on notera que c’est là que la dimension “prévisionnelle” intervient.

– Une dimension objective qui définit les critères de performance et leur mesure, ce qui qualifie les compétences consistant à les réaliser.

Les compétences requises sont déterminés par les enjeux eux-mêmes définis par les référentiels de valeurs.

On établira ainsi des référentiels de compétences requises à partir des référentiels de valeur mais en les complétant notamment par d’autres composantes de façon à établir des profils de compétences requises, ou profil de concourance requis pour chaque pôle de compétences.

On voit là que l’évaluation à partir de ces référentiels et la maîtrise des compétences sont nécessaires pour optimiser les compétences actuelles et développer les compétences potentielles.

II – ANALYSES ET PROBLÈMES DE COMPÉTENCES

Nous avons vu qu’il fallait distinguer :

– potentiels de compétences

– compétences actuelles

– compétences requises

A chacun de ces aspects correspondent des analyses et des questions qui réclament des réponses opérationnelles.

On n’oubliera pas que cela correspond aussi aux différents “pôles de compétences” liés entre eux et constituant des configurations complexes.

1) Analyse des potentiels de compétences

C’est le patrimoine, l’acquis, le fruit d’une expérience, d’un héritage. Cela vaut pour les personnes et pour les groupes. Pour ces derniers le potentiel de compétences n’est pas simplement la somme des potentiels des partis prenantes. En effet, le potentiel collectif peut être inférieur ou supérieur. C’est le cas pour une équipe sans cohésion peu capable de faire face à des situations difficiles ou au contraire une équipe qui partage des valeurs et une expérience forte et remarquable même si aucun de ses membres n’apparaît comme exceptionnel.

L’analyse de potentiels de compétences va d’abord porter sur une recherche vocationnelle.

Il s’agit de comprendre l’originalité, les qualités spécifiques, les capacités qui dessinent une certaine richesse potentielle.

L’Humanisme Méthodologique dispose d’une méthode d’analyse très originale qui permet de dégager l’essentiel de l’accessoire et de mettre à jour le Sens d’une vocation, que ce soit d’une personne, d’un petit groupe ou de très grandes structures ou populations. L’analyse vocationnelle est techniquement de courte durée, quelques heures à quelques jours, mais demande aussi une certaine appropriation par les intéressés.

Le résultat de recherches vocationnelles montre l’immense diversité des richesses, très rarement identifiées et reconnues.

Les analyses vocationnelles sont donc très riches de promesses d’ambitions et de performances possibles. Vocation d’entreprise, vocation de groupements, vocation d’équipes, de personnes, d’organisations expriment le potentiel de compétences original. Comment ignorer cela dans une gestion de compétences. Comment ignorer ces gisements de richesses souvent inexploités ?

Il reste à connaître néanmoins le niveau de maturité donc de disponibilité de ce potentiel. Cette appréhension permettra, on le verra, de définir des actions de développement des potentiels de compétences.

Une autre analyse est celle du mode d’investissement favorable de ce potentiel de compétences dans une activité collective.

C’est ce qui va constituer le “profil vocationnel”.

Le profil vocationnel permet aussi de pondérer les atouts et qualités spécifiques ce qui facilite l’intégration de différents pôles de compétences mais aussi la définition du programme de développement spécifique des potentiels.

Un référentiel des types de composantes d’une vocation permet de caractériser celui du pôle de compétence en question (personne, équipe, entreprise, groupe…)

– aspiration et motivation originale

– domaines, contextes et centre d’intérêt spécifique

– enjeux, services, perspectives visées

– rôles, relations, sensibilités, qualités, responsabilités

– image, identité, place, fonction, vision

– habileté, talent, capacité opératoire, savoir faire de base…

L’expression du profil vocationnel se fait avec les intéressés ou leurs représentants pour établir son langage commun signifiant.

Comme il faut dépasser les formes qu’a pu prendre cette vocation dans le passé, cela représente un travail en profondeur.

Il peut être complété par une certaine pondération permettant de repérer notamment les progrès, les dimension à cultiver, à développer, à approfondir et aussi mieux comprendre comment les situations actuelles peuvent y contribuer.

Pour une entreprise, un groupe, une équipe, une personne, disposer d’une analyse vocationnelle et d’un profil vocationnel est un atout considérable dans un contexte extrêmement changeant tant pour consolider des positons, en préparer de nouvelles ou développer les potentiels pour le futur.

2) Analyse des structures de concourance et des profils de concourance

Nous passons là du potentiel à l’actuel, au présent.

Chaque pôle de compétences peut être décrit selon un certain référentiel structurel, sa structure de concourance. C’est vrai pour l’activité d’une personne, celle d’une équipe, d’une entreprise, d’un groupe, à toutes les échelles. on cherchera à décrire à chaque fois:

– Comment est assurée l’orientation du pôle de compétence (sens direction)

– Comment sont prises en compte les données et situations, internes et externes.

– Comment sont établies et pilotées les “feuilles de route”

– Quels sont les rôles et comment sont assurées relations et dynamiques humaines

– Comment s’identifie et se représente le pôle et son projet dans ses communications ainsi que tout ce qui constitue son activité

– Quels sont les opérations, moyens, savoir faire mobilisés.

L’analyse de la structure de concourance permettra d’abord d’en connaître synthétiquement les composantes et leur intégration (concourances) et aussi d’en mesurer certaines forces et faiblesses (diagnostic de compétence).

L’analyse de la “structure de concourance” du pôle de compétences va permettre ensuite de mieux déterminer le “profil de concourance” des différents pôles de compétences qui y participent, ainsi pour une équipe ce sont les “profils de concourance” de ses membres mais aussi d’intervenants aux pôles de compétences extérieurs.

Cela permet de mieux comprendre:

– Comment chaque partie prenante contribue à la compétence collective du pôle de compétence,

– Comment s’intègrent les différentes concourances dans la compétence collective (forces et faiblesses en dérivent).

On sait bien qu’il peut y avoir un écart important entre le potentiel de compétence de quelqu’un, son profil vocationnel, sa contribution à une équipe, son profil de concourance qui dépend évidemment de la structure de concourance de l’équipe.

L’adéquation ne peut être parfaite mais les trop grandes distorsions sont sources de difficultés et de défauts de performance.

Les analyses des structures de concourance et des profils de concourance (qui y participent) réalisées à toutes les échelles apportent une base tant pour l’optimisation des structures et profils de concourance que pour la formation, celle-ci permet tant au niveau du pôle de compétence que de ses parties prenantes de conforter des compétences individuelles et collectives et cela à toutes les échelles.

Cette catégorie d’analyse permet donc d’optimiser les compétences actuelles de chaque pôle de compétence et de ses parties prenantes.

En outre chacun des pôles de compétence, de la personne jusqu’à l’entreprise s’inscrit lui-même dans un ou plusieurs autres pôles. Sa participation s’y inscrit selon un profil de concourance lié à la structure de concourance de cet autre pôle.

Il faut donc voir l’analyse des compétences actuelles d’un pôle de compétence, sur trois plans:

– sa structure de concourance propre (diagnostic, forces et faiblesses),

– les profils de concourance des pôles contributeurs (ex. membres d’une équipe, entreprises d’un groupe),

– son propre profil de concourance vis-à-vis d’un pôle de compétence auquel il concoure.

C’est toute la qualification et l’architecture des compétences actuelles et de leur exercice qui peut être dessinée en vue de l’optimiser tant par la structuration des concourances que par la formation spécifique de chacun des pôles de compétences. Rappelons que c’est directement la performance de l’entreprise, du local au global, qui est en jeu.

3) Compétences requises, référentiel et évaluation

Le troisième volet de la gestion des compétences est celui des compétences requises. Il s’analyse au niveau de chaque pôle de compétence, de l’individu au groupe et groupement en passant par les équipes, les entreprises et toutes les unités d’activités.

Évidemment l’analyse des compétences requises peut venir avant celle des compétences actuelles. En fait c’est le niveau supérieur du management par les valeurs qui permet de déterminer les compétences requises, base de toute “évaluation”, du global au local.

Au niveau d’un pôle de compétences, les indicateurs du “Sens du bien commun” sont explicités par un référentiel de valeurs partagé. Rappelons ici deux choses.

En principe c’est à partir de la traduction, la transposition locale (sur un pôle de compétence), d’un référentiel de valeurs général que le référentiel de valeurs spécifiques est déterminé. Cela assure la cohérence d’ensemble (top down) à partir du même Sens du bien commun mais d’une expression des valeurs adaptée.

En second lieu le référentiel de valeurs intègre:

– Une dimension subjective, valeurs essentielles, le Sens et la finalité de l’activité.

– Une dimension prospective avec les buts et les degrés de progression vers ces buts qui représentent des valeurs espérées,

– Une dimension objective avec les critères de performance mesurables.

Les compétences requises ne se définissent par rien d’autre que la capacité de réaliser ces valeurs dans toutes leurs dimensions.

Il y a donc un référentiel de compétences qui doit se calquer sur le référentiel de valeurs, quitte à en expliciter autrement les termes. On ne voit pas comment on pourrait autrement définir des compétences requises sans cette articulation aux enjeux et leurs valeurs.

On notera ici que si les critères objectifs peuvent être réajustés périodiquement (objectifs), la dimension prospective nous donne une perspective à moyen terme (projets) et la dimension subjective un positionnement à long terme.

Le référentiel de compétences requises, à établir pour chaque pôle de compétences va comporter:

– Maîtrise d’une orientation en harmonie avec les autres pôles de compétences,

– Maîtrise des buts, des plans et des méthodes

– Maîtrise des objectifs

– Maîtrise des rôles, relations, dynamiques collectives

– Maîtrise des conceptions, expressions et communications

– Maîtrise des moyens et savoir faire.

Tout cela va être analysé à partir du référentiel de valeurs partagé pour chaque pôle de compétences. Il est tout à fait possible d’assortir les contenus d’échéances et de marches de progrès.

Ce référentiel de compétences requises dessine la distribution des requis et donc constitue un référentiel des concourances requises. C’est ce qui servira de base d’évaluation pour développer la maîtrise des pôles de compétences.

III – LES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES. INDICATIONS

Pour chaque pôle de compétences on a trois types d’actions à envisager.

Le développement du potentiel de compétences selon une vocation et un profil vocationnel.

Il s’agit de développer le niveau d’évolution et de professionnalisme individuel et collectif. C’est un investissement à long terme puisque ces potentiels sont différents des compétences engagées dans les situations actuelles.

Les actions de développement sont d’ordre général et culturel. Elles consistent ainsi à “cultiver” les qualités spécifiques inhérentes à une vocation selon une trajectoire d’évolution qui correspond à différents degrés de maîtrise.

Selon les stades, les programmes seront plus opérationnels, plus conceptuels ou plus expérientiels. Ils font appel à différents modes “d’intelligence collective”.

Si chaque pôle de compétences a sa vocation originale (individus, équipes, entreprises, groupes), un problème de cohérence entre les “niveaux culturels” des uns et des autres se pose.

On a des entreprises très peu avancées en reconnaissance et en maîtrise des situations et qui abritent pourtant des personnes et des potentiels d’un niveau culturel de développement plus avancé. Il y a l’inverse des entreprises d’un niveau culturel avancé dont certaines équipes ou personnes sont très en retard.

Il y a donc pour les entreprises un programme culturel “macro pédagogique” à développer, destiné à cultiver les potentiels originaux et à les harmoniser. Ce programme “macro pédagogique” est nommé ainsi parce qu’il concerne tous les niveaux de pôles de compétences et leur diversité.

Dans les évolutions avancées les plus souhaitables pour le futur, il faut intégrer notamment ce qui concerne “l’intelligence symbolique”: capacité de discernement, de positionnement, de créativité, de conduite de processus, de changement et aussi la prospective qui permet de se projeter dans un futur en pleine mutation. L’Humanisme Méthodologique offre tout un ensemble de moyens d’apprentissage et de méthodes de conception de processus pédagogiques et macro pédagogiques appropriés.

Les actions d’optimisation des compétences actuelles

Elles mixent l’optimisation des structures de concourance, un travail de management des concourances, et l’optimisation des profils de concourance, c’est-à-dire des contributions effectives aux compétences collectives.

La formation au “management des concourances” et au perfectionnement des contributions particulières (profil de concourance) est le premier moyen d’action qui développe les conditions de performance.

C’est l’exercice de ces acquis qui ensuite établit le développement des compétences opérationnelles et donc des performances. Un accompagnement ou coaching collectif en sont des appuis utiles.

Les actions de développement de la maîtrise professionnelle

Pour chaque pôle de compétences il s’agit de se confronter non seulement à ses potentiels ou à ses performances actuelles mais aussi à la maîtrise du développement qualifié par les référentiels de valeurs partagés.

Chaque pôle de compétence doit d’abord être doté de ce référenciel de valeurs partagés retraduit en terme de compétences requises de différents types et à différents termes. Ces outils servent de base à l’action d’évaluation partagée.

L’exercice collectif et donc partagé de l’évaluation, donc aussi de multiples évaluations, est le moyen:

– de connaître et comprendre les situations

– de situer compétences et activités par rapport aux enjeux des référentiels de valeurs

– de faire l’apprentissage d’une meilleure maîtrise de ces enjeux.

Le travail d’évaluation basé sur les référentiels de valeurs partagés et référentiels de compétences requises est le processus même de développement d’une maîtrise collective et donc d’un professionnalisme.

C’est vrai pour les personnes, les équipes, les activités, les entreprises, les groupes et groupements.

CONCLUSION

Sur le plan pratique on voit que les modes d’action pour le développement des compétences des différents pôles sont de trois types:

– développement culturel des potentiel (vocations, niveaux d’évolution)

– formation au management de l’engagement des compétences existantes et son optimisation (concourance)

– évaluation des situations selon les référentiels de valeurs et de compétences (maîtrise professionnelle).

Un audit général des compétences permet de mettre au clair:

– le tableau des pôles de compétences (là où ils sont)

– le portefeuille des potentiels de compétences

– les conditions d’optimisation des compétences et des performances actuelles

– le niveau de professionnalisme et les conditions de son développement.

Tout ceci permettra ensuite d’élaborer un plan stratégique de développement des compétences et les trois types d’actions définis.

Devant les errances actuelles tant dans les définitions que dans les pratiques, c’est là un investissement décisif qui retentit tant sur la politique RH que sur les plans de formation qui sont entièrement à rebâtir dans de très nombreux cas faute d’une doctrine cohérente en matière de compétences.

Voilà un enjeu majeur de la mutation des entreprises tant pour préparer le futur intelligemment que pour éviter bien des naufrages qui se préparent.

Les opportunités de marché et les technologies ne font pas seules le succès des entreprises, il y a aussi les compétences humaines.