La liberté de nuire

Un temps de mutation est aussi un temps où se révèlent des problématiques dont le discernement restait exceptionnel. Avec Outreau et les caricatures du prophète de l’islam elles nous éclatent à la figure. Est-ce suffisant pour que la conscience supplante la bonne conscience? En tout cas il se produit un phénomène étrange ici en France. Une sorte de révélation de non-dits, couverts par beaucoup de violences cachées. Peut-être le début d’une guérison. Si tel était le cas nous n’aurions qu’à nous en réjouïr. La France pourrait trouver alors sa voie, sa vocation, singulière, éminente.

L’affaire des caricatures du prophète de l’islam est gravissime. Non seulement dans l’état de tension mondial elle est irresponsable mais pire (si cela est possible) elle révèle l’arrogance d’une morale de la perversion, la revendication sacrée d’une « liberté de nuire ».

Après Outreau et la Justice qui a montré que le juste et le vrai n’étaient pas toujours son affaire et révélé l’inhumanité de l’expertise (celle de la plupart des acteurs institutionnels), au lieu de l’expertise en inhumanités, si exigeante en maturité et discernement, vient l’affaire des médias et de leur auto-sanctification. Retour du refoulé religieux.

Bien sûr ce ne sont plus les frontières de la France qui marquent la limite de telles problématiques où elle joue un rôle historique néanmoins, pour le pire ou le meilleur.

La liberté d’expression, est directement traduite en « liberté de la presse », c’est-à-dire de ceux qui la font, ne nous trompons pas devant le caractère impersonnel de l’expression.

Alors que bien des observateurs ont fait remarqué qu’un pouvoir sans contre pouvoir était dangereux pour la démocratie on ne se gêne pas pour déclarer que c’est là la base de la démocratie. Que cela en soit un symptôme certes, une cause non. La liberté de la radio des collines au Rwanda était-elle un gage de démocratie? Pourtant c’est bien une illusion de démocratie qui a conduit au carnage.

Aujourd’hui encore, c’est au risque de carnages que certains prétendent assouvir leur droit sacré.

La sacralisation du droit et l’autosanctification corporatiste voilà le risque majeur, pseudo démocratique. On l’a vu à Outreau on le voit avec certaines réactions d’une partie de la presse.

La liberté de nuire serait supérieure au respect de l’autre et de ses valeurs. La provocation de la souffrance et du mal en l’autre (celle de réactions passionnelles) comme marque d’exonération de sa perversion professionnelle et édification d’un masque de bonne conscience. La vertu de perversion contre la morale du respect. L’occupation de l’espace par les intégristes de la liberté de nuire et les intégristes de la liberté de renoncer à penser est insupportable.

Les voix de sagesse de tous bords qui se sont exprimées n’ont pas pu ne pas stigmatiser réactions passionnelles, signes d’un manque de maturité et de confiance en soi, et provocations irresponsables, telles que si on voulait provoquer un conflit mondial entre « civilisations » on ne s’y prendrait pas autrement…

A quand des écoles du discernement pour les juges, pour les journalistes, pour les politiques, pour tous ceux qui assument quelque responsabilité dans tous les domaines et qui veulent le faire en toute conscience?

Il n’y a pas de discernement sans respect, sans humilité, sans liberté responsable. A quand la fondation des écoles du discernement, des écoles du Sens? l’Humanisme Méthodologique se porte candidat.