Tourisme urbain

Destinations principales du tourisme, les villes et agglomérations sont en recherche de leur vocation touristique ou plutôt de lui donner un Sens en rapport avec une identité authentique et une finalité cohérente avec le développement de la cité. Le tourisme des valeurs est une réponse en rapport avec des émergences que la prospective se doit d’éclairer et de comprendre, auxquelles les veilles et autres analyses du présent restent aveugles. Les 5èmes assises du tourisme urbain tenues à Bourges les 28 29 30 Septembre 2005 ont fait le point sur des interrogations et des expériences significatives. Le tourisme des valeurs y a été présenté.

LE TOURISME DES VALEURS

DU RENOUVELLEMENT DE L’IDENTITÉ URBAINE

A CELUI DES CONCEPTIONS DE LA CLIENTÈLE TOURISTIQUE

5°Assises nationales du tourisme urbain

BOURGES 28/29/30 Septembre 2005

Notre propos ici est d’anticiper les évolutions donc la demande de demain. En matière de tourisme comme ailleurs, la demande à la fois suit et précède l’offre.

[[Il faut insister ici sur le fait qu’une préoccupation majeure s’est manifestée, celle d’une approche prospective, « 70% » des propos aurait souhaité un intervenant. Intervient alors le fait que la prospective n’est pas seulement l’observation du présent qui révèle massivement la réalisation des tendances du passé ainsi que l’usage des grilles d’observation classiques. Elle vise notamment à comprendre le Sens de « signaux faibles » souvent « contre intuitifs » qui échappent de ce fait aux instruments d’observation classiques.

L’approche du tourisme des valeurs s’inscrit dans la démarche prospective de l’humanisme méthodologique. Cette approche participe à la création de l' »Université de Prospective Humaine » en référence à la pensée de Gaston Berger, père de la prospective française que certains redécouvrent.

En outre, en matière de tourisme, on constate que la préoccupation qui semble souvent dominer c’est la gestion, la réparation ou l’optimisation du présent. L’observation de l’existant y est indispensable et la prospective semble secondaire. Par contre tout ce qui est politique, stratégique, positionnement, investissement à moyen et long terme réclame une réflexion prospective particulièrement éclairée dans une période de mutation profonde qui bouleverse notamment nos rapports avec le temps et l’espace et le Sens du vivre ensemble. Le tourisme va sortir de sa seule version distractive pour devenir un vecteur majeur de recomposition de la cité dans le futur.]]

La formulation d’une demande que l’on pourra alors enregistrer, constater, vient toujours une fois qu’une offre pertinente lui a suggéré des formes, des contenus explicites. Il n’y a pas, qualitativement, de demande préalable à une innovation véritable, ce que tous les spécialistes du marketing de l’innovation savent.

Par contre il y a aussi la “demande implicite”, les “attentes implicites”, le plus souvent non dites, inconscientes même. Elles correspondent à des mouvement de société et particulièrement à des changements en profondeur, de ceux qui transforment le visage des choses massivement et durablement.

Nous ne sommes pas là dans des effets de modes volatils et éphémères. L’offre alors doit anticiper, non pas pour proposer un arbitraire séduisant mais pour renvoyer un écho des attentes implicites et les rendre explicites, en faire une demande.

C’est le rôle de l’inspiration, de l’innovation d’être les “révélateurs” créatifs de ce qui se prépare. C’est le rôle d’un marketing de l’offre d’en être le vecteur. C’est le rôle du tourisme des valeurs d’en proposer de nouvelles voies y compris pour le tourisme urbain.

Le tourisme des valeurs

Il est fondé sur l’idée que ce sont les valeurs propres d’une cité, d’un territoire, qui constituent la ressource immatérielle, essentielle, originale et différentiée, de toute offre touristique, économique et même démographique et donc de l’attractivité d’un territoire. De même ce sont les mêmes valeurs propres qu’apprécient des “clientèles” devenant “familières” et fidèles de la ville ou du territoire.

Évidemment ce sont les mêmes valeurs qui sont au cœur de tous les échanges, image, communication, commerce, services, relations réciproques…

Les valeurs propres, dont il faudra évidemment trouver les modes d’expression appropriés, offre, marketing, formation et analyse de la demande, sont donc une clé évidemment essentielle d’un “tourisme des valeurs”.

De là il nous faut approfondir quatre choses:

– 1- La pertinence par rapport aux évolutions et attentes de l’époque.

– 2- La pertinence par rapport aux enjeux des collectivités.

– 3- La pertinence théorique et méthodologique du tourisme des valeurs.

– 4- La pertinence en termes de clientèles et de rapport aux clientèles.

Avant de les aborder schématiquement signalons que rien n’empêche d’exploiter encore les courants consuméristes liés à l’individualisme triomphant qui commence tout doucement à passer de mode.

1) Caractéristique d’une mutation

Deux mots clés:

– L’ouverture qui avec les moyens d’internet (révolution du 21ème siècle) bien plus qu’avec les seuls transports (révolution du 20ème siècle) rend accessibles à distance toutes sortes d’aventures et d’activités humaines. La Datar note que le périmètre des villes devient virtuel et qu’elles deviennent le foyer de “communautés virtuelles” élargies. Le tourisme serait-il exempt de cette réflexion?

– L’ancrage, avec la montée en puissance des communautés, d’affinité, de devenir, de projet, communautés de Sens et, en définitive, communautés choisies. Rien a voir avec les archaïsmes du communautarisme, ni les simplismes de l’individualisme niveleur des différences. Or les communautés de Sens sont des communautés de valeurs, les spécialistes des nouvelles formes de marketing le savent. Ils savent que c’est toujours dans des référentiels de valeurs partagés que se construisent les comportements individuels, attentes et demandes.

2) La pertinence par rapport aux enjeux des collectivités

L’attractivité des modes de vie devient le premier vecteur de développement. Voir les déplacements démographiques actuels et l’irrésistible déclin économique et démographique de l’Ile de France, par exemple.

Les modes de vie c’est la façon d’être ensemble, de partager des valeurs et de prendre part à leur expression et leur développement.

L’attractivité territoriale et le marketing territorial sont des facteurs majeurs du développement des villes et territoires et il faut prendre garde au fait que les tropismes du 21ème siècle ne seront plus ceux du 20ème siècle. On les voit déjà changer. La Datar, à nouveau, commence à mettre en question par exemple le phénomène de “métropolarisation” qui n’est plus vrai partout.

Quelle est l’activité qui exprime le mieux les valeurs propres d’une cité ou d’un territoire, sinon le tourisme des valeurs? La prospective territoriale doit faire autre chose en la matière qu’entraîner l’écume du moment issue de vagues formées dans les années 60-70.

3) La pertinence théorique et méthodologique du tourisme des valeurs

D’abord la notion de valeurs, approfondie et stabilisée par l’anthropologie du Sens et des cohérences humaines.

“Les valeurs sont des indicateurs de contribution au Sens du bien commun”. La méthode des référentiels de valeurs partagés (MRVP), lancée récemment pour les entreprises vaut pour les villes et territoires.

Ensuite les valeurs propres d’une ville ou d’un territoire ont trois sources complémentaires indissociables:

– Une source rétrospective aux racines de l’histoire d’une communauté humaine, identifiée (ou non) dans le passé et qui a forgé son caractère (le pire et le meilleur),

– Une source introspective qui touche au symbolique, aux logiques et comportements collectifs liés à une sorte “d’inconscient collectif”. C’est le principe agissant, tant pour la population locale que pour les “visiteurs” qui “s’y retrouvent”. Leurs motivations profondes, rarement considérées, sont bien plus significatives que les “opinions” le plus souvent enregistrées.

– Une source prospective où les valeurs ne valent que par rapport à une projection dans le futur qui émerge, ce qui en fait autant de “promesses” dynamiques.

Par ailleurs des valeurs propres ont toujours à la fois une composante essentielle, une composante objective, une composante projective indissociables, sans quoi elles ne “valent rien”.

Sur le plan méthodologique, c’est l’identité territoriale qui est la première expression des valeurs propres et l’élucidation de celles-ci la condition d’une identité authentiquement attractive.

Ensuite viennent les modes d’expression significatifs de cette identité:

– position et vocation

– signes et ressources (ex. panier de -biens) dans l’actualité

– offres (touristiques)

– mais aussi tout ce qui est mise en relation (marketing, communication, commercialisation…).

Bien entendu le “marketing territorial” dans ce contexte doit être un “marketing de l’offre”, c’est-à-dire engagé à former et développer une “demande différenciée”.

4) La pertinence en termes de clientèles

Après la question “qu’avons nous à offrir” qui suppose un “nous”, une conscience collective, vient la question quels sont “nos” clients.

Là se pose un problème que le tourisme des valeurs tranche d’une certaine manière. S’agit-il de se placer du point de vue de la cité, du territoire ou seulement des “acteurs du tourisme”.

Les clients de la cité sont ses familiers, ses visiteurs, tous ses visiteurs, ceux qui viennent, reviennent, établissent des liens enrichissants et même s’installent et participent à la vie collective. Il faut donc élargir la ville à tous les visiteurs, non pas comme des catégories à part mais, peut-être, comme des moments différents d’une relation de “bon commerce” avec la cité.

Des “touristes” en viennent à s’installer, des passagers, pour raison économique par exemple, deviennent touristes, les participants à des activités culturelles ou éducatives, venus à la rencontre du lieu, en deviennent aussi des clients familiers.

Il y a donc une approche spécifique des clients rassemblés autour d’un positionnement, celui de valeurs propres à partager, à repenser, au travers de l’attractivité initiale, ou le type d’échanges et de services à établir (ou le tourisme traditionnel a une part). L’entretien des “relations clients”, en tout temps, ce que permettent les moyens d’internet, forme ainsi une “communauté virtuelle en développement” dont les clients sont les véritables ambassadeurs et les habitants les hôtes avisés.

Conclusions

Ces idées forces ont donné lieu à des dizaines d’études de cohérences culturelles et souvent de mise en œuvre du tourisme des valeurs.Je l’illustrerai ici par quelques cas concrets parmi d’autres. J’aurais pu parler aussi de Valenciennes, d’Angoulème, du pays d’Aix, d’Annecy, de Bayonne, d’Arles où des études de cohérences culturelles ont été réalisées.

Reims

1500 ans d’histoire dont 200 de “punition”, une étude de cohérence culturelle qui a permis de dégager le Sens de cette histoire et de la projeter au 21ème siècle. A l’unanimité de tous les élus, tous partis confondus, a été arrêtée une “vocation pour le futur”. Devenir un “carrefour spirituel de l’Europe” (version ligt).

Cela donne un Sens évidemment aux 1,5 millions de visiteurs de la cathédrale qui ne viennent pas uniquement pour avoir du champagne a prix réduit, mais aussi aux flâneries musicales, prototype d’un projet européen et aussi progressivement à toutes sortes d’activités attractives qui touchent au politique, à la culture, à la santé et aussi à l’économie du champagne.

Aurillac :

Communauté d’agglomération a vu passer avant Reims, Gerbert devenu pape, et qui a amené avec lui une “garde aurillacoise”. Le début d’une diaspora très structurée pendant des siècles au service de “princes” où de clients ”servis comme des princes”.

L’analyse de cohérence culturelle met en évidence ce talent “servir comme des princes” ce que vivent ceux qui y goûtent (festival des arts de la rue, rassemblements nationaux ou européens) mais aussi localement ceux qui s’y consacrent et y prennent goût. Le goût de la bonne chère et du confort ne se plaît que dans le partage. De là toute une stratégie, un marketing, une organisation centrés sur l’excellence du service pour des clientèles “importantes” qui en valent la peine.

Roubaix

Dégagée de son obsession industrielle par une analyse de cohérence culturelle qui montre l’originalité d’une culture du commerce à distance multi-séculaire associée à une structuration socio-économique et politique de l’espace urbain très particulière. La trame des liens à distance s’est exprimé dans le textile, dans la vente par correspondance, dans le premier hébergeur français de sites web (OVH).

Roubaix, 104 nationalités, se positionne comme la “ville des marchés du monde”. Premières expériences enthousiastes pour les parties prenantes qui relient (mais c’était déjà bizarrement le cas) tourisme et commerce mais aussi aménagement de l’espace, animation économique et “culturelle” refondant un Roubaix du 21ème siècle non sur des ruines industrielles mais sur de la richesse des potentiels culturels, les valeurs identitaires roubaisiennes.

Nice

Avec son agglomération indissociable maintenant. La « maîtrise de l’urbanité » telle est une formule significative d’une vocation fidèle au “Consiglio d’Ornato” un temps interrompu par le rattachement à la France en 1860. Un urbanisme, une prospective urbaine conçus pour la façon de vivre des gens, un souci d’excellence exceptionnel dans les affaires urbaines. Un goût du service de très haut niveau qui ne se valorise que dans des “clientèles d’exception”. Les bases d’une ville phare dont la vocation doit retrouver au 21ème siècle les lumières et les arts de la maîtrise urbaine qui ont fait son histoire. Il y a aussi des ombres mais les valeurs sont claires et toujours à renaître.

La question toujours est celle d’une refondation pour affronter une mutation qui donne de nouvelles chances aux villes dans une donne totalement différente du 20ème siècle et dont le tourisme, activité souvent accessoire et assimilée au divertissement devient le vecteur d’identification principal et d’appel à des “visiteurs clients” aux fins d’enrichissement mutuel, immatériel et matériel pour un développement d’un nouveau type qui s’amorce.

Roger Nifle Aout 2005