La valeur des valeurs
La référence aux valeurs est devenue constante; depuis l’analyse de la valeur jusqu’aux évaluations, les valeurs immatérielles ou la question éthique, la production de valeurs et les valeurs partagées. Seulement rien n’est plus difficile que de saisir la notion de valeur et encore plus d’en faire un moyen opérationnel et pas seulement sur le plan incantatoire.
L’Humanisme Méthodologique avec l’Ingénierie du Sens et des cohérences humaines offre le bagage conceptuel et méthodologique qui manquait.
La Méthode des Référentiels de Valeurs Partagés est présentée en ligne MRVP
LA VALEUR DES VALEURS – POUR UNE NOUVELLE CONDUITE DES AFFAIRES HUMAINES DES ENTREPRISES ET DES EVALUATIONS
Faut-il sacrifier à la résurgence du thème des valeurs? Dans tous les domaines de la vie sociale, économique, culturelle, politique, la référence à des valeurs et à leur partage est de plus en plus présente à l’Humanisme Méthodologique est souvent présent dans ce concert y ajoutant des propositions qui font maintenant écho. Le tourisme des valeurs pour les territoires, le marketing des valeurs partout où il y a à en partager pour quelque échange, le commerce des valeurs, le management par la valeur, qualités et valeurs, la maîtrise de la valeur , l’évaluation et la gestion de l’immatériel y font évidemment référence.
En fait l’Humanisme Méthodologique apporte un éclairage fondamental sur la notion de valeur et ensuite des moyens et des méthodes opérationnelles pour en tirer les conséquences.
Seulement avant d’en dresser ici le tableau il va falloir éclairer ce que l’on entend par valeurs et aussi apprécier l’intérêt de cette référence.
Quelle est la valeur des valeurs dans la conduite des affaires humaines, des entreprises et des projets, telle est la première préoccupation.
Comment intégrer cette question des valeurs et de la valeur dans la pratique constituera la seconde partie.
PREMIÈRE PARTIE – DES VALEURS AU RÉFÉRENCIEL DES VALEURS
La valeur des valeurs
Les valeurs sont des contributions au bien commun. La valeur est la mesure d’une contribution particulière au bien commun.
Ce sont donc des notions relatives:
– Relatives à telle ou telle communauté de référence. Les valeurs des communautés territoriales, des notions, des cultures, des groupes, des entreprises ou des organisations collectives en sont pas les mêmes. On peut les qualifier de culturelles.
– Relatives au devenir de la communauté de référence et à sa culture. Le type modes et niveaux de contribution ne sont pas les mêmes entre communauté mais aussi au sein d’une même communauté de référence selon les conditions du moment et le niveau d’évolution de la communauté.
Ce qui vaut à un moment et dans certaines conditions ou à un certain stade n’est pas transposable à d’autres moment, conditions ou stades dévolution collective.
Cette relativité des valeurs suppose de considérer en premier la communauté de référence où se détermine le bien commun.
On voit là que se posent des questions de multiplicité de communautés et de communautés de communautés. Il va falloir à chaque fois déterminer sans exclusion à quelle communauté on se réfère, à quel bien commun, à quel système de valeur pour y concevoir, apporter et évaluer une contribution, telles “valeurs” valent ici et pas là dans telles circonstances et pas d’autres.
On en viendrait alors facilement à être tenté par deux positions problématiques:
– Le relativisme généralisé qui ferait du choix des valeurs, l’exercice d’un arbitraire, d’une simple préférence individuelle.
– L’universalisme qui ne considérerait que des valeurs universelles c’est-à-dire imaginées comme telles, des images idéales en quelque sorte.
Cela ne veut pas dire que les valeurs propres d’un petit groupe soient sans valeur ni que des valeurs universelles soient pensables à condition d’être envisagée comme celle de la communauté humaine, les valeurs de l’humanité de l’homme. C’est d’ailleurs ce qui permet de poser la question de la valeur des valeurs et de tenir la position de l’Humanisme Méthodologique.
En effet la position “universelle” concernant le “bien commun” de l’humanité nous renvoie bien sûr à la conception de l’humanité et de la nature humaine mais, dans notre perspective, on fait que les valeurs universelles de l’humanité se référent au Sens du bien commun à toutes les échelles. La valeur universelle des valeurs est que ces valeurs soient des valeurs propres c’est-à-dire qu’elles contribuent à chaque fois au Sens du bien commun propre à chaque communauté.
On voit bien que le “Sens du bien” commun, ou le “Sens” du bien commun doit être spécifié.
On peut montrer que n’importe quel Sens partagé dans une communauté peut être posé comme référent d’un système de valeurs (exemple des mafias parmi bien d’autres). Il faut donc déterminer le critère qui différencie le Sens du bien “commun » des autres.
C’est l’apport de l’anthropologie fondamentale que d’éclairer à nouveau cette question et de mettre en évidence ce qui fait la valeur des valeurs de par la nature même de l’homme, son humanité.
Le Sens du bien commun est l’orientation, la signification, l’engagement de l’accomplissement humain. Autonomie responsable, liberté engagée, autorité d’humilité, maîtrise de lâcher prise, discernement, concernement et engagement en sont quelques termes généraux.
Il faut bien voir que pour chaque communauté le Sens du bien commun qui lui est propre correspond à sa voie d’accomplissement spécifique.
Il faudra donc non seulement déterminer la communauté de référence mais aussi son Sens du bien commun pour que puisse être identifiées et qualifiées les valeurs propres et établir un système de valeur spécifique.
Avant d’y revenir envisageons d’autre Sens pour la notion de valeurs. Les valeurs en effet ne se valent pas toutes et on prendra ici quatre Sens, quatre conceptions, quatre logiques, quatre définitions parmi lesquels un chemin est à faire. Un choix est fait par le positionnement de l’Humanisme Méthodologique. Un choix de consensus en définitive s’il s’agit de partager des valeurs communes ou valeurs propres d’une communauté humaine.
Voyons ce que valent différentes conceptions de la notion de valeur (résultat d’une analyse de cohérence fondamentale).
Il y a les objectifs qui sont fixés et qui deviennent les valeurs, le système de valeurs dont on attend qu’il soit suivi pour être efficace. On pourra fixer des objectifs indépendamment de toute référence au bien commun, au nom d’intérêts particuliers par exemple ou au nom de raisons “objectives”, techniques par exemple. Cela met en place un système de valeurs arbitraires érigent les préférences particulières, individualistes ou corporatistes, en intérêt général. utilitarismes, technocraties et bien des entreprises fixent aussi leurs valeurs et systèmes de valeur. On voit bien que le conflit ou la coalition d’intérêt particulier ou bien la rationalité instrumentale vont régner disqualifiant les valeurs du bien commun ou plutôt prétendant s’y substituer.
Il y a les normes, conventionnelles qui constituent des règles et que l’on considère comme des valeurs à respecter. Certifications, procédures, modèles sont autant de système de référence qu’il faut suivre mécaniquement. Les valeurs qu’ils sont sensées représentées se référent tant à des idées supposées universelles qu’à des choix d’intérêt particulier. En effet ces valeurs là se posent d’évidence et ne font l’objet d’aucune appropriation, d’aucun discernement collectif. Elles aliènent les hommes à leur reproduction, mécaniquement; Nul accomplissement même si c’est considéré “pour le bien”. Ainsi on donnera des normes techniques, juridiques, scientifiques, administratives, porteuses de jugements de valeurs qui se cachent derrière une prétention d’universalité, d’évidence ou d’intérêt général. Ces valeurs là sont aliénantes non pas tant dans leur contenu que par leur mode d’administration.
Les sociétés modernes comme les sociétés traditionnelles ou les organisations sacrifient volontiers à de telles valeurs aliénantes. Le système fait loi et le jugement critique exclu.
Un troisième cas est celui des valeurs ostentatoires. Il s’agit bien maintenant de manifester un engagement pour des domaines d’intérêt commun reconnus comme tels et porteurs d’idéaux “universels”. L’important c’est le caractère démonstratif avec un souci d’identification ou bien combiné par le fait de le mettre en scène ou de participer à sa mise en scène avec une “affectation” ostentatoire.
Sponsoring, mécénat, publicité y sacrifient bien souvent. Mais la participation, participer à des manifestations voyantes dans les domaines humanitaires, du sport, de la santé, de l’écologie, du développement durable, des arts ou autres encore est une pratique courante du jeu des valeurs majuscules.
Reste la quatrième conception définie plus haut, les valeurs sont des contribution au bien commun. La valeur en est la mesure particulière.
Ces valeurs, contributives réclament d’abord on l’a vu, désignation de la communauté de référence, élucidation du Sens du bien commun qui lui est propre. Ensuite on aura à déterminer le système de valeur dans lequel inscrire la conduite des affaires que l’on a en charge avec les méthodes et démarches appropriées.
Ces valeurs là valent plus que les autres d’un point de vue d’humanité, celui que propose l’Humanisme Méthodologique. Encore faut-il, une fois adopté ce positionnement, aller plus avant dans la définition des valeurs propres à une communauté de référence et en particulier définir le système de valeurs dans lequel s’inscrire alors.
Le système de valeurs propres
Ayant défini la notion de valeurs relatives à une communauté et le Sens du bien commun propre vient une question comment définir les dites valeurs.
Comment cela se présente une valeur?
La réponse est ici complexe. Tout d’abord si les valeurs sont des contributions au bien commun alors ces valeurs se présentent comme se présentent ces contributions.
Qui est ce qui caractérise alors une contribution au bien commun. L’Humanisme Méthodologique va nous fournir l’appareil conceptuel nécessaire avec le cohérenciel et la trialectique sujet-objet-projet tous deux mettant en évidence la structure ternaire des expériences et réalités humaines.
Nous en indiquons ici trois dimensions structurantes et trois composantes.
Une contribution au bien commun se présente ainsi:
Trois dimensions structurantes
– Une intention, finalité, aspiration ou motivation qui correspond au Sens du bien commun, question de pertinence.
– Des conditions et des facteurs significatifs caractérisent et spécifient ce qui est significatif pour le sens du bien commun ou ce qui ne l’est pas, question aussi de mesure.
– Les buts visés, progrès par rapport a une situation antérieure et préparant d’autres buts encore plus avancés et se situent donc sur une échelle de progression et selon un cheminement particulier.
Trois composantes :
– Une composante factuelle, une contribution est aussi une production, une action, un comportement utile dont on a pu considérer la performance, c’est-à-dire ce qu’elle apporte en fait.
– Une contribution fait avancer aussi la conscience collective sous le mode des représentations, de l’identification, de l’identité même.
– Enfin elle favorise la cohésion et le jeu des rôles dans la communauté et plus généralement la maîtrise de son devenir.
Si l’on caractérise ces six volets d’une contribution au bien commun on a donc défini une valeur particulière.
On voit bien qu’une seule dimension ou composante n’y suffit pas même si elle peut servir d’indicateur. On voit bien aussi que les valeurs se décrivent comme des situations engagées avec toute leur spécificité et leur complexité.
On voit bien enfin que si l’on veut “évaluer” la valeur contributive, la valeur, contribution, la contribution comme valeur il va falloir non seulement se référer au Sens du bien commun mais aussi à ce que l’on peut appeler un référenciel des valeurs propres.
Nous arrivons à la question du système des valeurs.
Pour évaluer chaque valeur avec sa complexité propre, il nous faut un référentiel général auquel référer toute contribution et toute valeur particulière, toujours dans le contexte d’une communauté et selon le Sens du bien commun qui lui est propre.
On peut dire alors que toutes les contributions possibles, toutes les valeurs possibles constituent ensemble un système de valeurs que l’on peut caractériser par un référenciel générique.
Ainsi le Sens du bien commun propre à une communauté est le fondement d’un système de valeurs que l’on peut caractériser par un référentiel des valeurs.
Ce référenciel on va le voir permet d’exprimer un système de valeur tout à fait général. Il est même générique dans la mesure où il peut inspirer et générer des valeurs ou contributions au bien commun. Celles-ci constituent le système de valeurs de la communauté en question.
Qu’est-ce que ce référenciel représente pour une communauté donnée? La traduction du Sens du bien commun en fonction des circonstances historiques du moment (la situation) en termes notamment de devenir.
Il est clair que le référenciel n’est qu’un mode d’expression circonstancié mais s’il est envisagé assez large, il peut servir de “modèle symbolique”.
De ce fait sa meilleure expression serait conceptuelle, cependant le mode métaphorique est certainement le plus performant à l’usage. Des expressions trop fixées, trop factuelles peuvent aider pour une part mais aussi de trouver de son Sens le référenciel et même, en l’inversant, en faire une norme aliénante.
Il est ainsi très important de ne pas voir dans le référenciel des valeurs simplement un modèle formalisé mais aussi une scène emblématique, métaphorique dans laquelle sont impliqués ceux qui s’y rapportent.
L’appropriation du référenciel des valeurs communes est nécessaire pour développer un système de valeurs propres et donc les mettre en actes.
Un référenciel de valeurs générique peut aussi bien être une image, une parabole, un texte qu’une scène, un événement et même une situation vécue. Au fond la vie communautaire est à elle même son propre référenciel de valeur. Cependant il serait impossible d’en extraire un “modèle symbolique” opératoire.
Enfin avant de préciser le contenu d’un référenciel de valeurs, il nous faut préciser deux choses.
Un référenciel général peut se décliner en référenciels particuliers selon des conditions et des domaines particuliers. La complexité de la vie et des enjeux collectifs nécessitera souvent cela, établir un référenciel local des valeurs communes.
Dans certains cas on se contentera d’établir ce référenciel local dans un domaine donné mais toujours des valeurs propres de la communauté.
Restera, bien sûr, à traiter la question des rapports entre des systèmes de valeurs différentes entre communautés mais aussi au sein des communautés de communautés.
C’est une question pratique assez simple à résoudre mais conceptuellement très complexe. C’est ce que nous verrons dans la partie pratique.
Il nous reste donc pour achever ce chapitre à définir le contenu d’un référenciel de valeur.
Pour établir un référenciel de valeur il faut d’abord deux choses:
– Élucider le Sens du bien commun
Sens d’une communauté culturelle territoriale
sens d’une entreprise, d’une constitution ou d’un projet
Sens d’une collectivité ou d’un groupe humain quelconque.
Cela suppose que la “communauté de référence” soit déterminée au préalable.
– Relire à cette lumière
Le passé et les éléments de mémoire significatifs
Le présent pour mieux situer les enjeux actuels
Le futur, projection projective.
Le système de valeur englobe le référentiel, des contributions emblématiques, leurs déclinaisons et les contributions effectuées, projets et réalisations.
LE COHÉRENCIEL DES VALEURS
Les valeurs essentielles
Elles traduisent la raison d’être, la finalité, l’esprit, la philosophie, la motivation, l’aspiration, l’ambition, l’intention générale.
Une série de repères ou d’expressions denses et significatives parlantes et marquantes, aussi de “déclaration d’intention” seront alors rassemblés. Comme c’est le Sens, l’essentiel et non la formule, on s’attachera à ce que celui-ci soit incarné par une personnalité repère qui fasse autorité ou plusieurs.
Une certaine respectabilité doit être donnée à ces valeurs essentielles pour qu’elles soient prise en référence et qu’elles éclairent le Sens de l’action, des choix et des résultats.
Les valeurs objectives
On établira un tableau des facteurs significatifs selon le Sens du bien commun. Une définition précise de chacun et leur hiérarchisation permettra de dessiner un état des valeurs objectives, d’en définir les moyens de mesure et d’en faire un bilan périodique. Il ne faudra pas oublier qu’il s’agit de mesure contributive et non de mesure résultant de système de valeurs autres qui peuvent avoir d’autres justifications mais qu’il ne faut pas confondre.
Les valeurs projectives et l’échelle de valeur
Il s’agit là de déterminer les grandes lignes d’un projet à terme, d’en qualifier les buts et leur succession ainsi que les voies pour les atteindre. Cela permettra d’établir la hiérarchie des niveaux de résultats dont chaque étape doit être qualifiée et quantifiée autant que possible. Un mode d’évaluation doit être établi simultanément ainsi que les modalités de révision des buts.
En effet toute chose sera évaluée ici pour sa contribution à la projection établie à chaque stade et selon chaque voie de réalisation.
C’est comme cela que se définit une “échelle de valeurs” mais aussi qu’elle peut être révisée et précisée en permanence.
Nous avons là le référentiel de valeurs sachant que les trois dimensions sont dans une dépendance précise:
– Les valeurs essentielles qui doivent être partagées sous peine de divergence des efforts ou de confusion des finalités et donc des valeurs de référence.
– Les valeurs objectives qui dépendent évidemment de la situation, du contexte mais dont les critères sont déterminés en fonction de leur significativité et leur composition.
– Les valeurs projectives qui dépendent à la fois de l’intention et des conditions caractérisées par les valeurs essentielles et objectives.
La déclinaison du référenciel général en référenciels locaux
Cela dépend:
Soit d’un objet ou domaine de préoccupation particulier lié avec les valeurs objectives spécifiques auquel cas il faudra resituer les valeurs projectives dans l’échelle de valeur plus générale et construire l’échelle de valeur propre.
Quant aux valeurs essentielles elles restent les mêmes sauf à les reformuler dans un langage ou avec des repères appropriés au contexte particulier.
Dans l’établissement d’un référenciel de valeurs, il importe de bien intégrer l’articulation des trois dimensions. Chaque élément est en référence avec les autres et aussi la cohérence entre les référentiels.
C’est comme cela que l’on peut résoudre le problème de la déclinaison des enjeux généraux en enjeux particuliers avec la capacité de les évaluer au bon niveau.
Par ailleurs le référenciel de valeur doit être approprié par ceux qui ont à s’y inscrire. Si ce n’est pas le cas il ne sert à rien.
Or cette appropriation passe à la fois par un processus de compréhension, d’intégration des dimensions et aussi de réexpression ou de traductions dont il faut laisser la possibilité.
Ce processus n’est pas instantané et l’appropriation se développe à l’usage permettant de faire évaluer et d’affiner le référenciel de valeur et son expression.
L’appropriation continue en quelque sorte du référenciel de valeur a aussi besoin d’être étayée par d’autres ressources du système de valeurs. On cultivera notamment:
– Les scènes du passé ou les images ou situations métaphoriques auxquelles l’imaginaire peut se référer et s’en nourrir.
– Des éléments majeurs, des composantes de la contribution au bien commun, actions exemplaires, images ou représentations exemplaires, rôles et comportements collectifs exemplaires.
– Des scènes anticipées de ce que l’on voudrait voir se produire toujours dans les mêmes registres.
Ces matériaux vont permettre de surdéterminer le référenciel de valeurs et construire un système de valeurs cohérent.
Les habitués du management de projet verront que se retrouvent ici les enjeux du management conçu comme système de valeur à partager et à faire évoluer.
C’est dans la phase pratique que l’on verra comment se déclinent la construction et l’emploi du référenciel de valeurs et la maîtrise opérationnelle du système de valeurs.
DEUXIÈMEPARTIE – LES VALEURS EN PRATIQUE
A quoi servent les valeurs dans une entreprise?
Pour ne pas en rester dans la catégorie du discours bien pensant et incantatoire il faut regarder de près ce qui est en jeu avec les valeurs. Les valeurs sont des indicateurs de Sens, de direction. Elles vont donc jouer un rôle dans l’exercice de la direction.
Ce sont des vecteurs de motivation et ainsi de mobilisation des hommes. Mobilisation dans une direction commune et voilà la question de la cohésion et du partage des valeurs dans un groupe, une équipe, un ensemble de parties prenantes.
Dans les relations s’échangent des valeurs et c’est non seulement les rôles et les dynamiques humaines qui sont en jeu mais tous les rapports de service, les rapports contractuels et ainsi le commerce et le marketing ainsi que les relations humaines.
L’image de l’entreprise, l’identité de ses produits ou services ne valent évidemment que par les valeurs qu’ils véhiculent si celles-ci trouvent écho dans la culture où elles s’expriment.
Il faudra pour cela “évaluer”. Comment a-t-on pu évaluer sans se référer à des valeurs? Mais évaluer c’est la condition de la maîtrise de toute action, de tout professionnalisme, de toute progression, adaptation ou anticipation. Des valeurs sont indispensables pour que parlent les chiffres qui resteraient sans signification autrement.
Enfin différencier et hiérarchiser les valeurs est la condition de tout classement, de toute organisation et de toute gradation dans une progression.
Ce rapide panorama nous dit que les valeurs sont décisives et que sans le savoir nous nous y référons sans cesse intuitivement, implicitement, à l’aveugle donc.
Le résultat se sont les ratages, les incohérences, les illusions, les rationalisations déphasées, les incompréhensions et les disqualifications réciproques. Ce sont aussi les substituts, les certitudes et les calculs d’autant plus affirmatifs qu’on ne sait ce que cela vaut vraiment. L’immatériel dont on parle tant ne serait-il pas de l’ordre des valeurs?
La pratique des valeurs c’est sortir d’un management à l’aveugle et ouvrir une nouvelle compréhension et de nouvelles méthodes pour mieux maîtriser les enjeux et les situations.
On aura compris que rien n’échappe vraiment à la question des valeurs et qu’ainsi la maîtrise des valeurs ajoute une nouvelle dimension aux méthodes et pratiques habituelles. C’est un peu comme si on savait travailler en surface, dans le visible, alors qu’en profondeur les valeurs et le Sens qui en est la source déterminent ce qui se passe à la surface. C’est donc en profondeur qu’il faut agir, dans le subjectif, dans l’invisible. On accède à l’invisible par le visible comme avec les mots on véhicule le Sens et on y accède aussi. La maîtrise des valeurs va nous permettre d’établir un lien entre les sources décisives en profondeur et leur traduction visible. La constitution d’un référenciel de valeur est cet outil intermédiaire qui articule le fond (le Sens) et la forme (le terrain de l’action).
Le première question à traiter et donc celle-ci :
Comment construire un référenciel de valeurs. On verra ensuite comment s’en servir dans de multiples applications.
Déterminer la communauté de référence
Sans communauté de référence pas de système de valeur. Il faut donc se poser la question. Deux types de difficultés se présentent:
– La multiplicité des choix possibles.
– L’absence de communauté déjà établie.
Pour une entreprise le choix peut être:
– La communauté humaine que constitue le personnel et ses différents collaborateurs.
– La communauté des actionnaires
– Ses clients
– Le territoire d’implantation auquel elle s’identifie.
– Telle ou telle équipe de référence
– Etc.
En fait l’inventaire est toujours utile pour déterminer la communauté de référence principale. Ce choix détermine l’ancrage de l’entreprise dans la durée. La volatilité ou la stabilité éventuelle de la communauté de référence retentira sur l’avenir d’une entreprise qui y fonde ses valeurs.
Le choix cependant n’élimine pas, il hiérarchise. Le choix principal déterminera le système de valeur général et ses multiples déclinaisons n’excluant pas la possibilité pour les uns ou les autres d’établir le système de valeur de telle ou telle communauté qui se trouve à son tour le centre de son monde.
Il y a là un problème technique et pratique extraordinairement important. On le caractérisera par les remarques suivantes:
– Le choix fait les responsables de l’entreprise ont à le mettre au centre de toutes leurs analyses et leurs actions en faire le centre du monde de l’entreprise et tout envisager dans cet environnement là.
– Toute question ou toute action envisagée du point de vue de l’entreprise (et son devenir) doit être traitée dans ce seul système de valeur. Cela n’exclue pas que les parties prenantes de l’entreprise soient aussi au centre de mondes bâtis sur d’autres valeurs. Mais les questions doivent être bien différenciées (altérité des points de vue).
– Il n’y a compatibilité entre les systèmes de valeur de l’entreprise et ceux (différents) de groupes se définissant par ailleurs (et pas uniquement dans et par l’entreprise) que si dans chaque cas c’est le Sens du bien commun qui est posé comme supportant le système de valeurs. Lorsque ce n’est pas le cas un “conflit existentiel” va parasiter le développement de l’entreprise et son système de valeurs, retentissant sur toutes les activités.
– Le choix de la communauté de référence est d’ordre “politique”. Il doit être posé explicitement comme tel pour que des consensus sur les valeurs soient possibles.
De nombreuses difficultés d’entreprises et de nombreux malentendus proviennent d’une maîtrise imparfaite de la question (ou d’intentions inavouables et donc éloignées du Sens du bien commun).
La deuxième difficulté viendrait de l’absence de communauté établie y compris d’une communauté souhaitée et non encore établie.
C’est le cas lorsqu’on est en situation d’initiative, de projet, d’innovation où on projette de constituer par exemple une communauté de collaborateurs ou bien de clientèle ou d’actionnaires, etc…
C’est la source du projet qui est alors celle du système de valeur de référence et donc des communautés futures qui vont être établies. Cette source est liée aux intentions et aux valeurs implicites des auteurs du projet ou de l’initiative. Ils peuvent alors désigner ce qui en est à leur yeux le point central celui qui déterminera les systèmes de valeurs. Ce peut être le projet, l’idée, l’équipe, un produit ou encore une problématique déterminant un besoin de service par exemple.
Nous sommes là aussi devant un choix non exclusif mais différencié et hiérarchisé. La difficulté peut naître de l’ambiguïté des intentions ou de se référer au vrai projet, essentiel.
C’est là une question qui peut être résolue maintenant dans la seconde étape.
L’élucidation du Sens de l’entreprise à partir de la communauté de référence ou de la source de référence.
Nous sommes là face à une situation particulière. Notre culture ne nous a pas amené à cultiver cette capacité de discernement des Sens (et donc des valeurs on le verra). Nous en sommes réduits à l’intuition qui dépend de la profondeur et de la clarté personnelle de l’analyste mais aussi de ceux qui auront la charge de l’assumer au travers des valeurs et du système de valeurs. Hors de cela il y a aussi la négation du Sens par exemple en croyant que les chiffres (ou d’autres réductions) y pourvoient. Nous sommes là dans une non maîtrise du Sens et des valeurs conduisant soit à une rigidité qui s’y substitue, soit à une évolution erratique liée aux effets de l’environnement donnant l’illusion momentanée d’une parfaite adaptation à l’air du temps.
Il y a enfin toute une collection de simulacres plus ou moins sophistiqués destinés à faire passer pour valeurs les mobiles peu lisibles de leurs promoteurs. Tous les artifices sont bons qui ne définissent jamais sur le fond Sens et valeurs ni leur lien. Les défaillances des sciences humaines proposent leurs artifices mais c’est la pertinence de la personne qui est la seule véritable ressource.
En contraste la théorie des Cohérences Humaines qui est aussi une anthropologie du Sens, dispose des concepts et des méthodes pour permettre l’élucidation du Sens recherché.
Cette élucidation reste dépendante des personnes et leur profondeur mais les techniques élaborées(analysedecohérences,analysefigurative)démultiplient la puissance de discernement (si elle existe évidemment).
Il y a donc le choix pour l’élucidation du Sens du bien commun entre:
– Le recours à des méthodes relevant de l’ingénierie des cohérences humaines de l’Humanisme Méthodologique,
– L’intuition exigeante,
– Le recours à un consensus qui, faute d’approfondissement, amène quand même une certaine solidité du système de valeur.
– Le recours à quelque personne dont l’itinéraire a favorisé une certaine clairvoyance et qui va aider à déterminer le Sens recherché.
Cette élucidation du Sens est un travail en profondeur. Nous n’irons pas plus loin sur les questions et les méthodes de discernement qui ne sont pas aisées on peut le supposer et requièrent un professionnalisme avancé. C’est aussi le moment où la prise de responsabilité du choix précédent va devoir se traduire par une détermination personnelle.
Cette détermination pourra être consolidée par les consensus établis. Elle porte aussi bien sur:
– la signification de l’entreprise, son projet, ses activités et ce qu’elle fait,
– les valeurs et principes, notamment éthiques, qui la justifient et lui donnent corps,
– les structures, stratégies, méthodes et pratiques dont la rationalité et la cohérence en découlent.
Le Sens élucidé et déterminé en conséquence du choix de la source des valeurs, reste dans l’indicible même s’il peut faire l’objet d’une conscience particulière. Il n’est transmissible que par la médiation de ses formes d’expression, en particulier le système de valeurs.
Immuable jusqu’à ce que l’on en décide autrement, il permet néanmoins de s’adapter à des conditions changeantes si bien que les formes d’expression de ce Sens peuvent changer selon le moment ou selon l’environnement particulier. Il en est ainsi du système de valeur et du référenciel.
Plus on voudra le formaliser et plus on sera en butte à cette variabilité liée aux conditions environnantes. Si on se fixe trop sur les formes ou une forme particulière on en perdra le Sens, l’essentiel.
Il faut donc maintenant en troisième étape constituer un référenciel de valeur qui garde une certaine stabilité dans ses fondements et une certaine souplesse dans ses traductions, soit au fils du temps (réactualisations, soit selon les contextes (déclinaisons).
On voit là que cet effort de transposition, de traduction réclame quelques compétences qui pourront être celle d’un dirigeant (son principal talent) soit de concours qui lui seront apportés par ailleurs (ex. DRH, conseiller, coach, équipe dirigeante, etc.).
L’établissement du référenciel de valeurs
On ne reviendra pas ici sur sa composition définie dans la première partie par contre il va nous falloir évoquer les modalités et les formes que cela peut prendre.
Tout d’abord un certain équilibre est à trouver on l’a vu entre une formulation précise et une ébauche plus soucieuse des principes. Cela dépendra du degré de maturité des parties prenantes dans ce système de valeur:
– difficultés de formalisation ou inutilité pour ce qui est devenu évident,
– excès de formalisation par crainte de perdre le Sens et perte de vue de l’essentiel par le même fait,
On aura donc en général à construire le référenciel de valeur et les illustrations qui en permettront l’appropriation:
– au niveau général de l’entreprise,
– pour les différentes catégories de personnes qui y sont engagées,
– dans les différentes sphères d’évolution de l’activité (marchés, professionnels, contextes d’implantation, partenaires, projets particuliers, structures, etc.),
– pour toute opération de quelque envergure,
– pour l’exercice d’activités de management, de gestion, de marketing, de communication et dans toutes les fonctions de l’entreprise.
Ce travail est à la fois “déterminant” puisqu’il fixe à chaque fois le système de valeur de référence et en même temps il permet de le partager pour bénéficier de tous les effets de cohésion et de mobilisation par exemple mais aussi d’intelligence et d’efficience collective. Il sera d’autant plus soigné qu’il servira de base à l’établissement de pratiques, de méthodes, à l’exercice de fonctions, à la conduite d’opérations et de projets. C’est en tout cas suffisamment important pour qu’une direction considère qu’il faut y consacrer en permanence quelques ressources à la mesure de la complexité et des enjeux de l’entreprise. Une certaine compétence dans l’appropriation et l’utilisation des référenciels de valeurs est aussi à développer dans l’entreprise et aussi ses environnements.
Cela s’appelle cultiver un système de valeur tant dans son exercice que dans une certaine maîtrise de celui-ci. On verra très vite à l’usage que les référenciels de valeurs constituent la médiation opportune pour de nombreuses situations, depuis l’établissement de relations extérieures que la constitution d’équipes, la négociation ou l’évaluation partagée de situations, la recherche de solutions pertinentes ou l’élaboration de projets. Peu à peu cette pratique des référenciels de valeurs va s’inscrire non seulement dans le management et le fonctionnement de l’entreprise et de ses multiples relations mais aussi au cœur de métiers et des méthodes.
La “culture” d’une entreprise ou d’une institution prend tout son Sens. Elle consiste à cultiver ses valeurs dans toutes ses activités et façons de faire. C’est ce qui bien vite va l’identifier et qualifier son offre et son rôle, déterminant son attractivité et celle de ses produits et services.
Tout se passe déjà comme cela sans qu’on le sache mais pas toujours pour le meilleur.
Les applications pratiques des référenciels de valeurs
Les exemples cités ici ne sont ni exhaustifs, ni approfondis. On voit bien que cette approche refonde beaucoup de choses et que l’on ne peut ici qu’en tracer quelques lignes. Bien que les méthodes existent pour aller au bout de ces applications (ingénierie des cohérences humaines de l’Institut d’Humanisme Méthodologique), une formation et une maturation seront nécessaires pour en développer les professionnalismes.
Nous allons en explorer quelques applications qui montreront comment la démarche peut se généraliser.
1) L’analyse de la valeur
Cette méthode développée par Miles dès 1947 a pour but l’optimisation de la valeur d’un produit ou d’un service par des solutions à moindre coût. Il y a deux difficultés, celle de l’identification des valeurs de référence et celle de l’imagination de solutions ad hoc qui réclame une grande créativité. Les deux font appel à une certaine maîtrise de la subjectivité qui fait que bien souvent c’est la réduction des coûts qui a été retenue. Des palliatifs ont été proposés pour se substituer à la “valeur”.
Très souvent les ingénieurs identifient la valeur à une utilité, une fonctionnalité.
C’est ignorer la valeur culturelle et symbolique de toutes choses si bien que l’on a des surprises lorsqu’on s’aperçoit que ce n’est pas la seule rationalité technique qui préside aux décisions et aux comportements.
Nous aurons ici deux apports.
D’abord l’établissement du référenciel de valeurs du produit, du service ou de l’organisation à optimiser:
– Déterminer la communauté de référence ou la source du Sens du bien commun (l’optimisation ne sera pas la même pour tous les cas).
– Élucider le Sens du bien commun sous tendant le système de valeur.
– Établir le référenciel de valeur selon ce Sens:
• valeurs essentielles, motivations, aspirations, etc.
• valeurs objectives, critères et facteurs objectifs significatifs d’appréciation et ressources à mobiliser,
• valeurs projectives, qualification du service rendu et chaîne d’élaboration du service.
Le référenciel de valeur va demander un exercice de créativité pour établir un scénario projectif du service rendu et une “échelle de valeur” qui en découle.
– Engager le travail d’optimisation:
• soit il consiste à concevoir et réaliser le “scénario projectif” (ou projet),
• soit il consiste à réviser l’existant à la lumière du référenciel de valeur et réduire les écarts.
On notera que les excès à éliminer proviennent:
• soit d’une négligence dans la compréhension de la valeur du service et sa complexité qui demande des palliatifs onéreux (cacher des défauts, compenser des manques),
• soit d’une complication due à des objectifs mal évalués ou superfétatoires.
L’appropriation du référenciel des valeurs est indispensable pour évaluer les bénéfices de l’optimisation aussi bien que pour y procéder. On retrouve là l’exigence du “partage” dans un processus approprié au système de valeurs lui même.
De ce fait on s‘aperçoit que l’analyse de la valeur a recours aux applications de partage de valeurs avec les dynamiques humaines en jeu ainsi qu’aux applications d’évaluation et de gestion sans lesquelles elle ne serait pas possible. En retour le souci d’optimisation en référence à un système de valeur se retrouve aussi dans l’exercice de toute responsabilité. Il en constitue une exigence et une compétence essentielle.
2) La qualité
La qualité d’un produit ou d’un service est une “promesse de valeur” qu’on ne peut “évaluer” qu’à l’aide d’une “échelle de valeur” intégrée à un référenciel de valeurs.
La qualité est qualifiante dans la mesure où elle “identifie et donne un contenu” aux valeurs attendues et aussi dans la mesure où elle implique une “spirale vertueuse” d’amélioration de la valeur.
L’identification des qualités pertinentes et leur amélioration permanente est la base de toute démarche “qualité” retentissant sur tous les paramètres qui y concourent (qualité totale…). La cohérence d’une démarche qualité ne tient pas à la conformité à une norme arbitraire mais à l’inscription dans un référenciel de valeurs pertinent.
Il faudra donc là aussi:
– Déterminer la communauté de référence ou la source du Sens du bien commun sans laquelle aucune qualité ne vaut puisque sa “promesse de valeur” n’a pas de référent identifiable. L’arbitraire règne alors au grand bénéfice de “qualiticiens” prétendant implicitement à l’universalité de leur système de valeur en toute ignorance notamment des phénomènes culturels.
– Élucider le Sens du bien commun qui n’est pas forcément celui d’une complaisance à une mode. La “satisfaction du client” n’est pas toujours le critère du Sens du bien commun si bien que cette complaisance peut “disqualifier” le client, le produit et l’entreprise (par exemple satisfaire à une demande de trafics…).
– Construire le référenciel de valeurs:
• valeurs essentielles qui déterminent l’esprit partagé par toutes les parties prenantes et qui “qualifie” ceux qui participent à l’élaboration comme l’appréciation de la qualité.
• valeurs objectives qui détermine les critères et les facteurs significatifs intervenant dans le processus qualité,
• valeurs projectives et échelle de valeurs qui déterminent le processus qualité y compris dans la boucle rétroactive d’amélioration permanente.
– Utiliser le référenciel de valeur comme base d’appropriation collective, d’évaluation de la qualité et comme référence à l’amélioration progressive de la qualité.
On voit ici aussi que la démarche qualité fondée sur la maîtrise des valeurs ne peut s’abstraire d’autres applications: pédagogiques, dynamiques humaines, évaluation, gestion, marketing des valeurs, etc.
Le référenciel des valeurs basé sur le Sens du bien commun déterminé est la base de la construction d’un système de valeur qui concerne toute l’entreprise et ses compétences.
3) L’évaluation
Le souci d’évaluation se retrouve à tout moment lorsque l’on veut maîtriser une activité quelconque:
– évaluer les situations, les ressources, les problèmes,
– évaluer les ressources, les moyens, les actions, les méthodes,
– évaluer les compétences, le concours des hommes et des équipes au bien commun (évaluation du personnel, évaluation de la performance…).
– évaluer les enjeux, les objectifs, les progressions, les projets.
Imaginons un instant que ces évaluations se fassent sur des échelles de valeurs différentes, quelle cacophonie.
La situation des entreprises est celle là:
– Une des conditions majeures de toute maîtrise n’est pas maîtrisée (au profit souvent de critères accessoires et pas toujours significatifs).
– Les entreprises de forte cohésion et de forte culture disposent intuitivement d’un système de valeurs partagé qui pallie en partie au manque de maîtrise.
Elles se dotent de moyens empiriques non sans efficacité (ce qui se fait ou non, ceux dont le jugement est recherché, les références au passé ou à d’autres représentations idéales, etc.). Elles sont aussi assez défiantes vis-à-vis des normes et méthodes banalisantes à la mode où se les réapproprient à leur manière.
– La mondialisation, les jeux de restructuration, fusions acquisitions permanents, l’adaptation à tout ce qui bouge et le souci de conformisme font éclater la cohérence des valeurs et rendent toute “évaluation” périlleuse ou présomptueuse. Cela conduit à des désinvestissements humains et à une recherche de contrôle pragmatique à courte vue (politique de l’autruche).
– Le défaut d’évaluation ou le détournement des politiques d’évaluation a aussi pour intérêt de garder masqués des mobiles qui ne vont pas dans le Sens du bien commun. Cela a été le cas en ce qui concerne l’évaluation des politiques publiques dans notre pays, c’est le cas aussi d’une fixation obsessionnelle sur les chiffres que l’on peut “faire parler” à loisir.
Nous ne pourrons ici traiter de chacune des situations d’évaluation, fort nombreuses on le voit, et qui demandent à chaque fois une adaptation d’une méthodologie plus générale. Soulignons l’importance qu’il y aurait à ce qu’un “pôle de compétence” dans l’entreprise facilite l’élaboration du référenciel de valeur et de toutes ses déclinaisons ainsi que les pratiques d’évaluation à toutes les échelles et dans tous les domaines. Tout une part de son rôle est évidemment pédagogique.
A ce propos, il faut souligner ici un caractère majeur de l’évaluation: c’est sa dimension pédagogique. En effet c’est l’évaluation des situations, des problèmes, des actions et de toute chose qui permet d’en développer une conscience, une intelligence indispensable à toute maîtrise et tout professionnalisme. L’évaluation collective développe une “intelligence collective” qui n’a pas au fond de meilleur vecteur de développement.
C’est le professionnalisme de l’entreprise, de ses équipes et de ses membres qui est en jeu et sa capacité de maîtrise de son devenir et de ses affaires.
Une pratique soutenue et généralisée de l’évaluation est donc du plus grand intérêt. Mais pas d’évaluation sans échelle de valeur, sans système de valeur de référence. Le référenciel des valeurs est, à nouveau, l’outil indispensable à chaque échelle d’évaluation.
Méthodologie générale
A qui est destinée l’évaluation.
Cette question rarement posée renvoie à l’autorité ou la responsabilité concernée en tant que déterminant la source du Sens du bien commun. Cela revient à déterminer la communauté de référence ou, si elle n’existe pas encore, la source des valeurs qui seront les siennes.
Cette première étape est indispensable. Il faut bien comprendre que plusieurs possibilités se présentent toujours qui ne correspondent pas au même système de valeurs et dont les évaluations sont différentes et non comparables.
On évalue toujours “du point de vue” d’un certain Sens du bien commun.
L’ignorer c’est se condamner à l’incohérence des valeurs et des évaluations (par exemple entre différentes fonctions dans l’entreprise ou vis-à-vis de l’extérieur) c’est aussi condamner tel ou tel groupe a être évalué sur des critères de valeurs qui ne sont pas les siennes et qui s’en trouvera disqualifié.
Bien sur c’est souvent un enjeu de pouvoir latent, toujours parasite du Sens du bien commun. C’est aussi une pierre d’achoppement de l’application de certaines pratiques comme l’évaluation du personnel où le caractère artificieux ou encore trop localisé ne permet pas de se situer par rapport aux enjeux de l’entreprise et leur déclinaison locale et le concours de chacun à l’équipe ou aux groupes d’appartenance.
Dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques, la confusion à ce premier niveau est la source de l’inanité de la plupart des pratiques.
L’élucidation du Sens du bien commun.
Elle ne peut venir qu’après avoir résolu la question précédente au niveau où se pose la question de l’évaluation.
Il s’agit, lors de l’évaluation, non seulement le cas échéant d’apprécier ce qui ne va pas mais cela n’a de Sens qu’à partir d’un “Sens de référence”. Dans le cas contraire on est rapidement pris par des évaluations dont on ne connaît ni le Sens, ni la communauté de référence et ainsi dépossédé de sa propre responsabilité d’évaluation. L’entreprise aussi.
L’élucidation du Sens du bien commun de la communauté de référence permettra d’évaluer toute question au regard de ce Sens là. Les circonstances environnantes, les contraintes, les résonances, les moyens, les expériences ne valent qu’en tant qu’ils concourent au Sens du bien commun en question et donc relatif à une communauté de référence. Ce qui est bon ici ne l’est pas forcément là bas et réciproquement. Ce qui vaut pour un individu ou un groupe ne vaut pas forcément pour la communauté de référence (d’où la tentation implicite de faire passer ses valeurs à la place de celles de la communauté de référence par le biais de l’évaluation quelque fois). Ce qui correspond à des tendances, logiques et modèles de la culture de référence n’est pas toujours en rapport avec le Sens du bien commun. Par exemple telle ou telle fonction dans l’entreprise peut avoir des visées sur elles divergentes avec le Sens de son bien commun et dès lors ses évaluations seront contradictoires avec lui.
Nous n’insistont pas sur le procédé d’élucidation du Sens du bien commun ni sur son appropriation. Il faut néanmoins souligner l’implication d’une direction générale dans sa détermination, son affirmation une fois élucidé. Ce sera ensuite le repère d’autorité qui pourra valider toutes évaluations de façon pertinente et authentique (authentifiée). Nous sommes là à une clé du rôle de dirigeants.
Si l’évaluation est confiée à des procédures et des techniques standard alors c’est la démission de la responsabilité du dirigeant et la réduction de l’évaluation à la “mesure” d’on ne sait plus quoi.
C’est comme cela que se dissocient souvent les évaluations de gestion et celles dont les dirigeants ont besoin et qu’ils établissent par d’autres moyens.
L’établissement d’un référenciel de valeur.
A ce stade deux considérations sont à faire dans la pratique.
Ou on dispose d’un référenciel général (et générique) pour l’entreprise que l’on pourra décliner dans le domaine précis de l’évaluation.
Ou on n’en dispose pas et l’on peut parfaitement en établir un local sur la base d’un Sens du bien commun général. C’est la situation d’évaluation qui commande les termes de l’édification du référenciel de valeur (langage, formes, références) et le Sens du bien commun général qui lui donne sa logique et fait valoir les valeurs localisées.
On peut donc établir à partir du Sens du bien commun un référenciel de valeur d’usage local:
– pour une équipe
– pour un projet
– pour un service
– pour un produit
– pour une méthode
– pour une action
– pour une situation
– pour un contexte extérieur
– pour un marché
– pour une politique
– pour une réalisation
– pour une hypothèse de décision
– pour une idée ou une solution possible
– etc.
Sans référence au Sens du bien commun, les évaluations deviennent incohérentes entre elles et l’entreprise éclate en chapelles et clivages. Sans traductions locales les valeurs communes risques d’être localement inintelligibles et rester comme des abstractions ou des idéaux qui n’ont pas de prise sur le réel ou en perturbent le fonctionnement.
4) Le marketing des valeurs
Voilà une autre application. On peut dire que le marketing c’est l’organisation d’un ajustement réciproque des valeurs entre une entreprise et son client, un produit et son marché, une compétence et un service attendu. Cet ajustement va se faire au travers de médiateurs (communication, distribution, prix, etc.) qui véhiculent des valeurs entre ce qui est offert et ce qui est attendu. Le souci de cohérence est présent, on comprend qu’il s’agit d’une cohérence de valeurs, valeurs de l’entreprise.
– Valeurs de ses compétences, métiers et savoir faire,
– Valeurs de son offre, produits et services,
– Valeurs des moyens de marketing stratégie, communication, commercialisation, distribution…
– Valeurs de la communauté de marché,
– Valeurs du service rendu, valeurs du client.
Un marketing de l’offre posera les valeurs “offertes” comme première et cherchera son marché. Un marketing de la demande posera les valeurs du marché premières et cherchera l’offre qui y réponde.
Le marketing recherche l’ajustement, articule les deux. En fait l’innovation et l’ancrage dans les valeurs relance un marketing de l’offre trop ignoré et une injonction d’adaptation privilégie la banalisation d’une “demande” dont on ne s’est pas soucié de la diversité des valeurs, culturelles notamment.
La maîtrise de la valeur va poser clairement cette question. Quelle est la communauté de référence actuelle ou potentielle ? Il y a différentes réponses selon ce que l’on place au centre, entreprise, compétences, produit, marché, service rendu, client.
A chaque fois c’est tout l’édifice qui en est changé. Dans les situations déjà en place on peut supposer qu’un ajustement implicite des valeurs existe, plus ou moins juste et il s’agira de restaurer une cohérence plus pertinente pour une meilleure performance.
C’est là le fondement de la question du “positionnement”. La position prise est à la fois intrinsèque, c’est un choix responsable. Il est relatif aux différents acteurs et facteur de la situation. Il est stratégique dans la mesure où il engage une articulation particulière des valeurs.
Ainsi la démarche commence-t-elle par établir un positionnement:
– Choix de la communauté de référence et de la source de valeurs de références,
– Élucidation du Sens du bien commun et sa détermination comme direction à prendre.
– Elaboration d’un référenciel de valeurs avec ses trois dimensions (valeurs essentielles, valeurs objectives, valeurs projectives ou échelle de valeurs).
Il sera sans doute utile quelque fois de décliner le référenciel général en référenciels particuliers, référenciel clients, référenciel produits, référenciel compétence… par exemple, en tant que de besoin.
La démarche ne s’arrête pas là. Avec le référenciel des valeurs on a établi les bases de la cohérence du marketing. Il reste l’usage du référenciel, non seulement pour évaluer et ajuster un existant mais surtout pour concevoir des réponses et des solutions pertinentes.
Par exemple sur la base du référenciel des valeurs:
– Concevoir une offre générique
– Concevoir des déclinaisons produits
– Concevoir “l’univers de pertinence” c’est-à-dire les conditions et situations d’appréciation de l’offre pour en déterminer les cibles et les modes d’accès (référenciel des valeurs de la cible décliné du référenciel général).
– Concevoir une stratégie et un plan marketing sur la base des valeurs de références.
En fait tout ce qui fait l’objet des activités du marketing peut être conçu en cohérence avec le système de valeur de référence. Pour cela l’Humanisme Méthodologique dispose d’une technique puissante de “créativité générative”. L’intuition créative peut aussi servir mais on sera attentif aux sources d’inspiration des méthodes disparates et pratiques conçues ou adaptées et dont le système des valeurs implicites est le plus souvent opaque.
Il ne manque pas d’études de marchés qualitatives qui parlent plus des vues et valeurs de ceux qui les ont réalisées que du marché en question.
La segmentation habituelle du type CSP repose sur des systèmes de valeurs implicites, non dit et seul l’établissement d’un référenciel de valeurs permettra des segmentations “significatives”.
Le marketing est une discipline, une méthode, des pratiques, un état d’esprit qui mérite souvent mieux que les pratiques empiriques (ex. essai erreur) ou les simulacres habituels. C’est un renouvellement conceptuel et méthodologique général que la maîtrise des valeurs permet. Elle permet aussi une généralisation des mêmes principes à de nombreuses situations d’échanges en société.
5) Le management par les valeurs
Le management de l’entreprise intègre l’activité des DRH, le rôle des dirigeants, celui des cadres et aussi le rôle tenu par chacun dans l’entreprise.
Le management s’appuie en général sur trois bases:
– Des méthodes et des techniques qui reposent sur les croyances du moment duement cautionnées par des universitaires dont les travaux consistent souvent à rendre compte de ce qui se fait et renforcent un conformisme traduisant des valeurs rarement explicitées.
– Des principes issus d’une tradition de l’entreprise ou de traditions exogènes véhiculées par des dirigeants de passage.
– Des pratiques empiriques résultant d’un pragmatisme qui cherche à résoudre les problèmes qui se présentent et se sert des outils à sa portée.
Dans les trois cas le système de valeur sous-jacent est pour le moins mal maîtrisé (non identifié, incohérent, volatil…).
A l’inverse l’établissement d’un référenciel de valeurs est un moyen de cohérence, de cohésion, de mobilisation et d’intelligence collective. C’est aussi un moyen de structuration, flexible sur les formes, ferme sur les valeurs et le Sens. C’est un moyen d’établir des méthodes, processus et dispositions ad-hoc pour le fonctionnement de l’entreprise et la gestion des ressources humaines.
L’établissement participatif du référenciel des valeurs de l’entreprise ou plus souvent l’établissement participatif de ses déclinaisons locales est un moyen très puissant de piloter les dynamiques humaines de l’entreprise et ce dans le “bon” Sens.
La confortation des valeurs communes permet une plus grande adaptabilité aux circonstances, une plus grande maîtrise des situations et des changements et une plus grande capacité de créativité et d’innovation. Ainsi dans le cadre du management et à toutes les échelles le référenciel de valeur intervient:
– comme un catalyseur de cohésion, de mobilisation et d’intelligence collective,
– comme un outil d’évaluation et de conception,
– comme le support de l’adoption de méthodes et pratiques professionnelles de maîtrise,
– comme un moyen de formation d’une intelligence collective.
Tout cela repose sur le fait que le référenciel de valeur:
– incarne le Sens du bien commun et la cohérence générale de l’entreprise,
– touche à des dimensions essentielles de la personnalité individuelle et collective fortement engageantes,
– propose un modèle structurant solide valable à toutes les échelles,
– harmonise éthique et efficacité dans une communauté de référence donnée.
Dans la pratique du management de nombreuses questions seront éclairées ou facilitées par l’élaboration de référenciels de valeurs, leur partage, leur utilisation et la conception de solutions humaines cohérentes et “valorisantes”. C’est le moins qu’on puisse attendre d’un système de valeur.
Perspectives
La valeur des valeurs c’est de constituer un moyen pratique de donner un Sens et une cohérence aux engagements humains en même temps qu’une performance et une durabilité aux entreprises et à l’action.
L’Humanisme Méthodologique a jeté les bases théoriques et pratiques qui permettent de se saisir de ce qui restait souvent intuitif, idéal et peu praticable.
La clé des valeurs, c’est le Sens du bien commun et les valeurs sont la clé d’une maîtrise des entreprises humaines, notamment par le biais de référenciels de valeurs. Ceux-ci sont à la base d’applications de tous ordres qui d’ailleurs se recoupent.
A partir de cela et des travaux et expériences de plus de 25 ans sur la question du Sens, il est possible aujourd’hui:
– de poser les bases d’une “culture” de la maîtrise des valeurs pour les entreprises (d’ailleurs généralisables) centrées autour de la construction et les utilisations de référenciels de valeurs,
– de proposer des applications nombreuses et surtout de développer des pratiques professionnelles et managériales sur ces bases.
Un travail de recherche méthodologique est à développer en parallèle avec la multiplicité des expériences de terrain.
Une pratique de conseil centrée sur ces principes permettra de promouvoir cette culture dans les entreprises par différents vecteurs et de développer aussi les méthodes et les usages dans de multiples circonstances et à différents niveaux.
Peut être alors ne prendra-t-on plus les valeurs pour de belles idées en l’air ou pour la justification habile d’une raison arbitraire.