Maîtrise, autorité et responsabilité humaines

La position de responsabilité est associée à celle d’autorité et de maîtrise. Ces questions sont inhérentes à la nature humaine et son humanité. Que ce soit comme dirigeant, parent, responsable d’un enjeu humain quelconque, professionnel ou non, c’est au coeur du sujet, au plus profond de soi que se déterminent les conditions de maîtrise, toujours relative, des situations et des problèmes auxquels nous sommes confrontés. C’est à « une discipline du coeur » qu’il faudra faire appel.

LA MAITRISE, SES MARCHES
ET LA VOCATION HUMAINE

MAITRISE ET PRATIQUE HUMAINE

La notion de maîtrise est l’une des plus galvaudée à notre époque. Depuis le maître qui se définit par l’esclave jusqu’à la maîtrise, titre universitaire anté-doctoral, pour des élèves qui ne "sont" pas maîtres mais qui "ont" une maîtrise (titre) sans être doctes, le terme semble mal habité. Il y a bien le maître d’école dont on ne sait s’il est chef de classe ou docte pédagogue et aussi la maîtresse, peut être dompteuse ou substitut maternel et néanmoins éducatrice.

On parle de maître et de maîtrise pour l’artiste, pour l’artisan et encore quelque peu pour le professionnel. Reste encore la maîtrise de son "self contrôle" ou bien la visée d’une discipline initiatrice, en référence, peut-être, à une maîtrise spirituelle ou philosophique.

Nous allons voir comment la pratique des cohérences humaines réclame une maîtrise.

Dans cette perspective nouvelle nous pouvons envisager d’abord la maîtrise comme la possibilité d’assurer un service, un métier, une compétence; une responsabilité, dirait-on .

Affaire d’expérience, mais aussi affaire de niveau d’intégration de cette expérience. La théorie de l’évolution nous suggère qu’il y a des niveaux de développement, de maturation humaine et donc de maîtrise des problèmes.

Il y a donc ici question de nature et de niveau de maîtrise.

Il faut aussi intégrer le fait que ce qui se passe dans la réalité se fonde sur des cohérences humaines (Sens et consensus) et il y a là, à nouveau, deux questions pour la maîtrise. Celle du type de problématique humaine dans le champ duquel s’exerce la maîtrise et qui pose le problème de la vocation personnelle et celle de l’accès à l’essentiel, aux fondements de la réalité, à la profondeur des cohérences humaines, en soi-même évidemment.
Les deux volets sont corrélés.

Le type de vocation personnelle inscrit dans une problématique humaine spécifique sous-tend le type de métier et de service qui peut en être l’expression.

L’accès aux cohérences humaines, Sens en soi des consensus, peut-être évalué en fonction du niveau de professionnalisme par exemple, où peuvent s’assumer des responsabilités.

Par ailleurs l’enjeu de la maîtrise des cohérences humaines, ou "bien" des choses s’évalue, par le sens, au bien de l’homme et donc au Sens du bien de l’homme (Sens de l’accomplissement).

Ainsi la maîtrise renvoie à la question éthique mais, on l’a vu, l’éthique renvoie à la maîtrise par le fait que c’est justement le Sens du bien de l’homme et le bénéfice de sa culture qui permet de développer une maîtrise.

La maîtrise est maîtrise humaine, de soi et des choses, de son humanité et des réalités. Jamais absolue, elle est moins un état qu’une culture du Sens de l’accomplissement humain, celui d’une vocation personnelle notamment.

Ce Sens étant partagé en consensus, alors celui qui en a le plus de maîtrise sert les autres à aller dans ce Sens.

Le dit Sens est celui de la résolution d’une problématique humaine, vocation de l’un, service pour les autres.

Il est la condition de résolution d’un problème dans la réalité existentielle. Profession de l’un, service pour les autres. Qu’on le prenne sur le plan essentiel ou sur le plan existentiel la maîtrise est service.

Le maître est serviteur, serviteur de l’accomplissement humain, en soi et pour les autres, au travers d’une problématique générale et de multiples problèmes particuliers homologues.

Cela est à méditer évidemment et n’est pas sans rappeler ce que moult traditions nous ont enseigné sans que l’on en ait toujours bien compris le Sens.

Le bénéfice de la maîtrise, outre les services "rendus", est en tant qu’accomplissement humain, reconnaissance de son humanité pour l’homme, autonomie, conscience de Sens, liberté (de Sens) qui confèrent autorité et responsabilité, c’est-à-dire, au fond, dignité humaine (divinisation ?).

Sur le plan existentiel il en va, par le consensus partagé, de la réalisation du monde qui en final devient comme l’incarnation de l’humanité accomplie (corps glorieux ?).

Comme cela chaque acte trivial de maîtrise participe tant du progrès des choses que du progrès de l’homme. Voilà une réconciliation qui serait la bienvenue, à condition de rétablir la hiérarchie de la nature humaine et de nature des choses. Le progrès c’est humaniser les choses et non pas chosifier l’humain. La maîtrise est l’établissement (ou le rétablissement) de la position humaine.

C’est l’enjeu et la finalité et, on le voit, la condition aussi des actions et des entreprises humaines. La perspective qui est la nôtre en fait l’aveu, le reconnaît. D’autres perspectives qu’elle éclaire le masquent, le nient ou l’oublient.


NIVEAUX DE MAITRISE ET DE PROFESSIONNALISME

La théorie de l’évolution dessine les étapes et les phases d’un parcours de développement qui s’établit sur le Sens de l’accomplissement de l’homme.

Le Sens de l’accomplissement est celui de l’exercice et du progrès de la maîtrise comme on vient de le voir. Les étapes et les phases de développement selon lesquels ils s’actualisent, représentent aussi l’échelle des degrés d’évolution professionnelle, en tant que niveaux d’exercice et en tant que parcours de progression.

On peut alors remarquer que l’évolution professionnelle doit allier le progrès dans la maîtrise, que l’on pourrait qualifier d’éducation ou de développement personnel, et, par ailleurs, le progrès dans les formes existentielles de cette maîtrise professionnelle qui renvoie à ce que l’on appelle la formation. Se trouvent réconciliées éducation et formation dont le rapport et l’intelligence sont si perturbés aujourd’hui.
De même qu’est fortement perturbée l’idée de professionnalisme qui implique une hiérarchie des formes d’exercice et des niveaux de maîtrise.

La maturité de la personne est pratiquement exclue des critères d’évolution et d’évaluation professionnels. Si bien que l’empirisme règne avec une survalorisation de l’expérience sans qu’en soit tiré enseignement, sans que soient capitalisés les fruits de cette expérience, individuelle, isolée, intransmissible.

L’incapacité à théoriser l’expérience est corrélative. Elle est liée au désordre mental et à la crise des représentations qui déstructure l’accès même à l’expérience. Il faut aujourd’hui quelque courage pour discerner et dénoncer le fatras empirique et pragmatique avec son cortège de balivernes pseudo-théoriques où la rigueur, l’esprit critique et l’intelligence personnelle semblent trop souvent bannis.

Aujourd’hui un jeune homme ou une jeune femme fraîchement diplômés sont bombardés conseil d’entreprises auprès de dirigeants "d’expérience" ou chargés d’études d’importance majeure lesquelles sans déborder leur savoir peuvent dépasser leur niveau de maturité et de maîtrise. Le plus étonnant c’est l’absence d’interrogation à ce propos de nombreux cadres et dirigeants. Combien de fois a-t-on vu confier à un jeune étudiant inexpérimenté une étude d’importance vitale pour une entreprise sans que cela ne trouble personne. Il faut bien que le lien avec la hiérarchie des niveaux de maîtrise soit brisé, brisant du même coup toute évolution de progrès donc toute qualification par l’expérience. Pourquoi tant d’années d’activité ne fournissent pas une plus grande qualification si le Sens de la maîtrise n’était pas perdu. La notion même de qualification en est disqualifiée par le biais de quantifications et les moyens de formations sans évolution sont comme des formes sans Sens. On parle de formation continue mais on ne sait pas si le continum a un Sens et lequel. Grave ! lorsque l’injonction de formation est si grande et donc si ambiguë.

Nous allons examiner à la lumière de la théorie de l’évolution et dans le contexte de la pratique des cohérences humaines ce que sont les niveaux d’évolution professionnelle, les niveaux de pratique correspondante et le type de développement (d’éducation) et de formation professionnelle approprié.

LE NIVEAU PRIMAIRE, Niveau technique et opérationnel

C’est le domaine du faire donc de l’opératoire, du technique, des moyens et procédés, de l’efficacité et la productivité, selon toutes les spécialités possibles ou plutôt selon les différentes tâches et les savoir-faire sollicités. C’est le champ de la compétence et de la performance.

Si on donne le Sens de progrès à ce stade cela se traduit par la recherche du bien-faire, par le mieux-faire qui implique le souci de qualité du travail et du produit et la mesure de cette qualité, de même que la mesure des performances quantitatives, indicatrices de productivité.

L’amélioration des moyens techniques et des procédés fait partie de cette dynamique.

La recherche du bien faire traduit le Sens même de l’acte de travail de l’opération professionnelle.

Si le Sens inverse est à l’oeuvre alors le travail est peine à fuir et son exercice est aliénation dans la logique même de ce qui est engagé.

L’évolution professionnelle positive est apprentissage du faire qui est d’entrée la recherche du bien faire par le mieux faire. C’est l’exercice pragmatique qui en est la méthode si bien qu’à ce stade l’exercice professionnel et l’apprentissage professionnel se confondent.

Il faut un niveau de maîtrise au moins secondaire qui permet d’identifier le signe et la voie du bien faire pour concevoir et architecturer stratégiquement le processus d’apprentissage en exercice professionnel.

LE NIVEAU SECONDAIRE, Niveau stratégique et rationnel.


C’est le domaine des représentations. Il s’agit donc de maîtriser les problèmes intellectuellement, conceptuellement, rationnellement et plus généralement par la maîtrise des représentations. Il est question alors de modèles, de plans, de stratégies, de méthodes, mais aussi de systèmes complexes et de mises en forme. La communication y prend une grande part. On y aura le souci de rationalité et de cohérence formelle.

Le factuel est maîtrisé par les représentations. Le Sens de cette maîtrise est celui d’un plus grand niveau d’intégration pour embrasser un plus vaste champ de réalité.

C’est une affaire de "culture", dans l’assimilation classique à la culture des représentations. Savoir raisonner-anticiper-concevoir-exprimer-organiser-représenter sont exercices professionnels en même temps que culture d’une plus grande maîtrise.

Il s’agit de progresser vers une intelligence personnelle, une représentation, une vision qui, en définitive, traduisent une position personnelle dans le champ socioculturel où s’intègre la profession.

La formation est celle des savoirs et représentations, des modélisations, mais aussi de la créativité, l’inventivité, la rationalité, conception et conceptualisation en vue. Tout cela permettra une meilleure représentation des choses.

L’évolution de la maîtrise se fait dans le renoncement à une captation des signes pour se construire un faux-semblant séduisant, au souci d’avoir le bon savoir ou d’avoir bonne mine ou la bonne magie de la bonne image.

Son Sens est celui de la plus grande participation aux affaires communes de façon à y développer une représentation personnelle par laquelle on s’identifie. Cette représentation personnelle est celle d’un consensus particulier qui se traduit par une position sociale.

Le professionnel est identifié à cette position sociale et, en quelque sorte, c’est par les représentations qu’il exprime de ce lieu qu’il agit, selon les registres de sa profession. Il signe en faisant des signes.

Le développement secondaire suppose qu’il y ait quelque maîtrise tertiaire pour indiquer le bon Sens. Surtout dans une époque où la captation des signes, l’acquisition du savoir sont plus valorisés (spéculativement) que la génération d’une pensée personnelle d’intérêt collectif. C’est le Sens de la générosité qui est à cultiver, encore faut-il le repérer.

LE NIVEAU TERTIAIRE, Politique et responsable


Au tertiaire c’est le Sens et le consensus qui sont enjeux des pratiques et donc de maîtrise. Il y sera question d’autorité, de responsabilité, d’orientation, d’éthique, de politique mais aussi d’oeuvre, d’engagement, de mission de vocation etc.

Le niveau tertiaire est plus exercice d’une autorité que d’un savoir ou d’un savoir-faire, sans que leur accompagnement soit exclu.

Le Sens de l’exercice professionnel est celui de l’accomplissement des vocations individuelles et collectives, celui du bien des personnes et des communautés, le Sens donc de leur autonomie et de leur maîtrise.

L’exercice professionnel s’oppose à la mise en dépendance mais aussi à la contre-dépendance qu’est souvent la recherche d’indépendance.

L’exercice de la maîtrise est service de la maîtrise d’autrui et donc de l’accomplissement des hommes et des oeuvres dans les communautés humaines selon leurs vocations.

La formation ne peut ici que dépasser les formes, elle ne peut être que culture de la maîtrise dans le champ d’une problématique humaine générale.

La pratique des cohérences humaines, dans la mesure où elle est maîtrise du Sens, est une pratique tertiaire par excellence et sa maîtrise est de l’ordre de ce qu’il en est développé ici :

maîtrise personnelle dans le champ d’une problématique humaine reçue en héritage et qui fonde une vocation,

maîtrise professionnelle dans le champ de certains types de problème dont il s’agit d’exercer le "service de résolution" pour le service de la communauté.





VOCATION HUMAINE ET PERSONNELLE


Nous avons évoqué à plusieurs reprises la notion de vocation par rapport à la maîtrise.

Il faut rappeler que la maîtrise s’exerce et se cultive dans la résolution d’une problématique humaine.

Or, si cette problématique porte la maîtrise vers un certain type de problèmes tous homologues, dans la réalité, elle la fonde dans l’Instance d’une personne et le consensus d’un groupe humain.

On rejoint le caractère singulier de chaque personnalité mais aussi de chaque groupe humain fondés et centrés sur cette même problématique.
En effet chaque personne, si elle porte en elle-même toutes les parts d’humanité, est principalement concernée par une problématique prédominante de par ses héritages familiaux, culturels, sociaux etc.

C’est ce qui fait que cette personne va se trouver mêlée de façon prédominante à des situations de même problématique, où elle est en consensus, et où elle se "retrouve" familièrement, pour le pire ou le meilleur.

Cette prédominance d’une problématique inscrit la question de l’accomplissement personnel comme étant la recherche et la culture du meilleur Sens, celui de la résolution de cette problématique.

C’est ce Sens là qui, pour la personne, fonde sa vocation.

C’est la culture de ce Sens là qui, pour la personne, est culture de sa maîtrise en même temps que développement de sa vocation avec les différentes phases ou âges de son évolution.

C’est l’exercice de maîtrise dans ce Sens là qui fait que cette vocation devient mission de service, et maîtrise professionnelle dans un contexte où, justement, les problèmes sont fondés dans cette même problématique et qu’ils restent à résoudre pour les personnes et les groupes concernés par ce consensus.

Ainsi le développement d’une vocation personnelle est un parcours de maîtrise qui donne sa valeur a un exercice significatif dans un contexte existentiel homologue.

Il y a homologie entre la pratique d’une vocation, le contexte des problèmes où elle s’exerce et les réalisations qu’elle permet.

Du côté de la personne il y a donc unité de Sens entre vocation, maîtrise professionnelle, service rendu.

Une même cohérence humaine et sa pratique en sont la clé et on retrouve le lien entre ce qui est parcours d’accomplissement personnel et service utile et efficace pour les autres. Afin d’éviter le piège contemporain de l’interprétation individualiste il faut souligner que ce qui est du côté du fond est affaire d’originalité, d’autonomie, de maîtrise, de liberté personnelle et ce qui est du côté de la pratique existentielle s’inscrit dans la dépendance participative aux réalités : problèmes, pratiques et solutions du service d’autrui.

Ainsi une vocation et une maîtrise personnelle originale peuvent se traduire dans des modalités banales aussi bien qu’exceptionnelles, ces deux caractères se référant au "commun" provenant du consensus.

La pratique des cohérences humaines passe donc par cette implication personnelle dans une vocation et un parcours de maîtrise.

S’exerçant en soi et en consensus dans une problématique c’est à son épreuve que cela se joue. C’est cette épreuve incontournable et dont la résolution fait maîtrise qui est le lot de chacun et qui fait qu’il va se trouver confronté sans cesse, pour le service des autres, à des problèmes homologues mais que par son travail intérieur, sans cesse renouvelé, il va pouvoir quelque peu maîtriser et donc en rendre le service aux autres.

Notons qu’en termes de service on peut y placer la fourniture de produits et tout ce qui sert aussi bien l’individu que la communauté.

Le critère de valeur du service rendu est la résolution de la problématique commune derrière de multiples problèmes pratiques homologues et donc, au bout du compte, le bien des hommes, leur accomplissement.

L’expression "biens et services" prend alors tout son Sens qui n’a plus rien à voir avec le critère complaisant de "satisfaction" dont l’érection comme valeur de référence se paie de la disqualification humaine et de la perte de vue de tout chemin de maîtrise.

Si la satisfaction est une bonne chose elle ne peut être érigée en critère supérieur du bien de l’homme et définir une "qualité" des choses en référence. Nous rejoignons à nouveau ici la question éthique.

Le parcours d’une vocation n’est pas le chemin du plus grand confort, du plus grand plaisir, de la plus grande satisfaction même s’il n’est pas dénué de tout cela.

Si la pratique des cohérences humaines entraîne du côté de la vocation personnelle comme chemin de maîtrise, elle renvoie aussi, du côté du consensus, sur une problématique qui fonde une culture, une communauté une organisation, une entreprise.
On peut parler alors de vocation à leur propos, s’il s’agit d’y trouver et cultiver le même Sens de résolution.

Ainsi celui qui y est en quelque maîtrise sert la collectivité à cultiver sa vocation, dont la traduction existentielle sera aussi service aux personnes et à d’autres collectifs.

C’est là que le rôle de dirigeant se fonde lorsque la vocation collective et la vocation personnelle rejoignent en partage de consensus, même problématique, mêmes cohérences humaines de vocation.

La plus grande maîtrise est ce qui distingue le dirigeant. La culture de cette même vocation dans l’exercice de l’activité en vu du développement de la collectivité, produit des "biens et services" collectifs en même temps qu’elle cultive ce qui peut apparaître comme une plus grande "maîtrise collective".

En cultivant sa vocation le groupe humain (l’entreprise, la cité etc…) progresse d’âge en âge vers une meilleure résolution de sa problématique de fond et donc le meilleur service aux hommes et aux autres collectivités.

C’est le rôle des dirigeants et de toute une hiérarchie de maîtrises, homologues bien que diversifiées dans leurs formes, d’entraîner cette évolution.

On trouve là en pratique ce que la théorie des Cohérences Humaines dessine comme rôle aux dirigeants dans les entreprises, dans le politique et dans tous les secteurs de la vie sociale.

Il est malheureusement fréquent qu’au lieu de maîtriser leur problématique de nombreux groupes humains soient dominés par elle et soient entraînés dans les travers et les maux correspondants, guidés bien souvent par des maîtres qui n’en sont pas. Le caractériel donne le Sens du pire et dirige le consensus selon une cohérence humaine qui abîme les uns et les autres et, bien sûr, tend à disqualifier le Sens du bien, de la maîtrise réelle, de la vocation collective, du service etc…

Combien de pays, combien d’entreprises, sont dans ce cas là. Combien d’institutions à caractère social, chargées d’aider à résoudre une certaine problématique humaine n’en ont pas la maîtrise et deviennent elles-mêmes symptômes du mal.

N’existant guère de lieux où les dirigeants puissent être éclairés, formés à cela, comment s’étonner de telles conséquences.

Il est grave pour une société d’avoir perdu les repères de la maîtrise et d’être dirigée dans le plus mauvais Sens de sa problématique.

La vocation humaine, personnelle et collective, est le référent qui peut permettre, en pratique, de rétablir la question du parcours de maîtrise et ce qui fonde le rôle de dirigeant.


AUTORITE, ETHIQUE ET RESPONSABILITE

La pratique des cohérences humaines, si elle porte sur les multiples affaires humaines qui nous préoccupent, se fonde au coeur de l’homme et l’engage au plus profond.

C’est là aussi que s’inscrivent les questions d’autorité, d’éthique et de responsabilité.

Il s’agit moins, on le verra, de savoir sous quelles formes cela s’exerce mais sur quelles positions humaines cela se fonde. C’est une question de Sens et de cohérences humaines. En faire des questions de forme c’est déplacer l’essentiel sur l’accessoire, le centre sur la périphérie et se condamner à toutes les perversions possibles.

On ne peut pas fixer formellement dans l’absolu les signes et les actes de l’autorité, de l’éthique, de la responsabilité.

Par contre des formes culturelles respectables mais relatives peuvent en être données dans tel ou tel groupe humain.

En prendre la lettre pour l’esprit est rendre meurtrières ces notions au lieu d’en faire les soubassements d’une orientation salutaire des hommes, des groupes humains et de la résolution des problèmes de l’existence.

Nous paraphrasons ainsi St Paul pour qui "la lettre tue et l’esprit vivifie". La lettre sans Sens énuclée l’homme de son Instance, de son humanité, de ses cohérences humaines et de ses possibilités d’accomplissement et de maîtrise.

Le Sens activé en consensus, est ce qui anime l’existence et offre (s’il est le bon) la liberté de ce possible accomplissement.

Il nous faut donc, pour la pratique, nous référer en ces matières plus à la disposition personnelle qu’à la norme formelle qui ne servira que de repère et d’indicateur relatif.

Autorité, éthique et responsabilité, se posent en termes de Sens donc de position humaine, qui constitue ensuite la cohérence logique et dynamique des actes.

On verra néanmoins comment ces questions se présentent aux différents âges d’évolution et donc comment elles peuvent être comprises par ceux qui y sont engagés.

On sait maintenant que c’est une perspective d’âge tertiaire qui est développée chaque fois qu’il s’agit d’en venir à la maîtrise de la question du Sens, des consensus, des problématiques et des cohérences humaines tels que la théorie les propose.

L’AUTORITE

Nous allons nous référer à trois couples de Sens opposés qui font repères pour les positions de vie que représente chaque Sens ou cohérence humaine de L’Instance de l’homme.

Se tenir dans un Sens est une question de disposition, de position de vie, et oriente l’existence, tant pour comprendre que pour agir.

Le problème de l’autorité est aujourd’hui devenu difficile par l’incompréhension fréquente de ce qu’elle signifie, de ce qui est en question, tant sur la nature et les conditions de l’autorité que sur l’exercice et son utilité.

Autorité est souvent confondu avec pouvoir et le pouvoir est réduit à une définition des plus péjoratives pour les uns, des plus cyniques pour les autres.

D’une certaine manière, à vouloir rejeter un type de pouvoir effectivement pervers on en disqualifie l’autorité, taxée d’arbitraire et, du coup, les phénomènes d’autorité sont exclus du champ de la connaissance et du progrès humain.


SENS DE L’AUTORITE
Les trois couples de Sens qui vont nous permettre de discerner la position d’autorité que la pratique des cohérences humaines suggère, sont les suivantes
Ou bien nos réalités, nos comportements, actes et pensées sont le reflet de structures à priori qui nous conditionnent,
Ou bien se sont des manifestations de notre être. Autrement dit : dans un Sens nous nous considérons comme "acteurs" mus et formés par des modèles à priori et dans l’autre comme "auteurs" de nos actes

Bien sûr dans le premier Sens l’autorité est impersonnelle conférée par une "structure", dans l’autre c’est un acte d’auteur, personnel.



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Dans un autre couple de Sens :

d’un côté nous nous vivons comme soumis à des forces qui s’imposent à nous totalement (de l’intérieur ou de l’extérieur)

de l’autre nous nous vivons comme engagés dans des orientations différenciées à choisir et cultiver.

L’autorité, dans le premier Sens, est le représentant de la force et l’impose, et dans l’autre, l’autorité est le repère garant d’une orientation.

Les deux couples de Sens peuvent être conjugués faisant apparaître ainsi quatre autres Sens qui correspondent d’ailleurs aux cohérences humaines des quatre Sens de la crise contemporaine évoqués au début.

Enfin on prendra un troisième couple de Sens opposés que l’on peut situer perpendiculairement au plan des deux autres, comme s’il traversait la feuille.

D’un côté nous nous plaçons face à une réalité dont nous captons les signes et valeurs au profit de notre ego et de l’autre nous nous impliquons dans un partage qui nous engage dans la réalité commune. L’autorité dans le premier sens est l’acquisition d’un droit, d’un bénéfice qui nous donne "prise" sur les autres et dans le second Sens l’autorité est ce qui nous engage vis- à- vis des autres et les engage réciproquement


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Il serait trop lourd d’explorer ici les conjugaisons possibles qui dessinent encore d’autres positions de vie pour d’autres Sens de l’autorité.

Ces croisements forment des cartes des cohérences générales (trois cartes pour trois couples pris deux à deux) qui sont des outils de "direction" permettant de repérer, comme une boussole, le Sens de la marche des choses et de nos positions de vie et d’action. Ces trois cartes sont d’une grande portée dans la mesure où on y retrouve les grandes cohérences d’humanité et donc les grandes logiques à l’oeuvre dans la connaissance et la pensée humaine, dans les relations et les conduites humaines, dans les intentions, motivations et pratiques humaines.



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Pour revenir à la question de l’autorité nous proposons de conjuguer les Sens où elle se définit comme

– acte d’auteur
– repère d’orientation
– engagement envers autrui.

Nous nous trouvons alors dans la position de vie dite de "maîtrise" (cf Au coeur du sujet chapitre 5). L’autorité est un témoignage de maîtrise.
Nous pouvons alors voir quelle est la nature et l’intérêt de cette position d’Autorité.

L’acte d’autorité est un acte d’auteur, personnel. Elle est liée à la parole d’une personne qui l’assume en son nom.

Cette acte, cette parole sont significatifs, orientés et en cela constituent un repère indicateur de direction, de valeur, de vertu.
Enfin il s’agit d’un engagement pour les autres, l’autorité est prise de position personnelle pour les autres.

En définitive l’autorité d’une personne résulte d’un engagement personnel orienté. C’est ce qui fonde l’autorité parentale, celle d’un professionnel ou d’un dirigeant qui assume cette position exposée, qui propose aux autres par ses actes et ses paroles un choix personnel d’orientation, qui les concerne.

La détermination, la fermeté, la stabilité de la disposition prise sont conditions de cette autorité. Dans ses formes tout est possible : du non agir à l’agir significatif, de la souplesse à la fermeté.

La caractéristique de l’autorité est d’être un secours pour ceux qui s’y réfèrent comme un signe de maîtrise (dans quelque champ où elle s’exerce) ou une dénonciation vivante pour ceux qui en refusent le Sens. De ce fait elle apparaît comme culpabilisante à certains ou coupable (par transfert).

C’est pour cela que c’est une position à risque lorsqu’il s’agit d’autorité véritable, une position exposée.

Ne s’y expose pas celui qui ne fait que reproduire un savoir dont il n’est pas l’auteur et sur lequel il ne prend pas position, ou bien quelque norme, loi et règlement du même ordre.

Ne s’y expose pas celui qui impose au nom d’un absolu sans que se présente l’éventail des perspectives et la prise de position sur l’une d’entre elles. La pseudo neutralité au nom de la science, de la nature, de la fatalité, de la nécessité est de cet ordre.

Ne s’y expose pas celui qui se contente d’exploiter le fond de commerce du prestige de l’autorité pour capter l’intérêt des autres. Il n’est pas engagé sur le fond mais seulement en titre.

Par ailleurs, le rôle de l’autorité est d’être un service personnel de repère et, à ce titre, il interpelle les personnes, non pour en appeler à un conformisme mais pour en appeler à une position personnelle engagée même si cette position est différente de la position d’autorité initiale. Dans ce dernier cas le consensus est rompu. C’est ce qui se passe dans les parcours d’initiation, et plus généralement ceux qui visent à l’évolution des personnes. C’est la position d’autorité du professionnel par exemple, du dirigeant, du parent qui provoque les autres à trouver leur propre position d’autorité. L’autorité est donc une provocation à la maîtrise qui, sans cela, n’aurait pas de repère pour cheminer.

De là la vigilance à avoir chaque fois que l’on songe qu’une pédagogie ou qu’une éducation pourraient se faire par le biais d’un appareil à enregistrer et reproduire de l’information ou qu’on les conçoit sans la présence et l’autorité d’un maître. L’université et l’école forment-elles des maîtres ou font-elles appel à des maîtres ? Il y en a sans doute quelques-uns.

L’ETHIQUE

Si l’autorité est acte engagé repérant alors on peut se demander quel rapport ce repère de maîtrise peut-il avoir avec l’éthique.

Si le Sens du bien de l’homme est celui de son accomplissement, le même donc que de la maîtrise alors l’autorité juste, qui en est le témoignage, est repère éthique.

Bien sûr, le passé a montré l’abus de la position d’autorité comme référant éthique du bien. Le rejeter en bloc c’est ne rien comprendre à l’autorité comme témoignage du meilleur de l’homme, ni à l’éthique comme exigence du bien qui les fait se rencontrer.

Il n’y aurait pas possibilité pratique d’une éthique s’il n’y avait pas position d’autorité et, de ce fait, il faut reconnaître que ni livre, ni code de conduite, ni raisonnement d’intérêt ou d’efficacité ne permettraient de reconnaître le Sens de l’éthique.

Seule sa "révélation" par le témoignage d’un homme, par une autorité humaine la rend possible.

Cela invalide toutes les tentatives d’instaurer une éthique de simple convenance. Il n’y a pour l’homme qu’en référence au fond de sa nature et de son bien que peut se penser et se pratiquer une éthique. Il faut donc une figure d’autorité humaine qui en soit le repère, les médiations n’en sont que les signes homologiques qui, s’ils ne renvoyaient pas à cette autorité, n’auraient guère de valeur sur ce plan.

Ainsi l’éthique sur le fond est de même Sens que la maîtrise et sa pratique réclame autorité.

Sur le plan de la pratique les formes ne sont rien d’autres que celles de l’exercice de la maîtrise ou de la recherche et la culture d’une vocation.
Il n’y a pas à chercher ailleurs des actes spécifiques. Il n’y a qu’à se tenir dans l’exigence qui est celle du Sens du bien et, du même coup, celui de l’efficacité résultant d’une maîtrise authentique.

Comme cela on peut envisager l’éthique du côté du service aux autres à condition que cela soit celui de leur bien (hors de toute complaisance), on peut l’envisager du côté du respect de l’autorité, à condition qu’elle soit juste, (parent, dirigeant, professionnel).

On peut la considérer du côté du professionnalisme lorsqu’il est exercice d’une maîtrise authentique. On peut aussi la chercher du côté de la réponse à ce qui fait comme un appel : sa vocation personnelle et le meilleur de soi-même.

Il n’y a pas d’autre "éthique des affaires" que de vouer les affaires au bien de l’homme tel qu’il est entendu ici. Il n’y a pas d’autre éthique biologique que celle qui se réfère au bien de l’homme qui n’est strictement superposable, ni à son confort, ni au droit, sans en être antinomique évidemment.

Si on s’interroge sur le Sens de la position éthique, sa cohérence humaine, alors on retrouve celui qui conjugue les trois Sens qui ont permis de baliser le Sens d’une autorité juste.

Là où l’autorité est acte d’auteur, l’éthique est considération de la personne comme auteur de ses dires et ses actes, foi en l’homme.

Là où l’autorité est repère de direction, l’éthique est exigence de valeur humaine, vertu d’espérance.

Là où l’autorité est engagement vis-à-vis d’autrui, l’éthique est générosité.

Comme dans l’ensemble de notre propos dans cet ouvrage nous en resterons aux cohérences humaines en rappelant que cela n’est pas exclusif de ce qui, au-delà, est question de l’origine et de la fin de l’homme et le transcende et qui pose la question du Sens selon lequel l’homme s’y engage et qui est le sens de l’accomplissement de son humanité.

LA RESPONSABILITE
Deux lectures étymologiques de ce terme sont intéressantes. L’une fait référence à la "responsa" la chose pesante que l’on retrouve dans l’expression triviale "faire le poids". L’autre évoque "la capacité de répondre" à laquelle font écho d’autres expressions, "avoir du répondant" ou "répondre de…". On peut se demander si l’une et l’autre ne sont pas homologues et s’il ne s’agit pas, à la fois, de la fermeté de la tenue d’une position qui résiste à l’opposition, s’opposant au laxisme et, à la fois, la réponse qu’offre la prise de position à une interrogation, une incertitude qui interpellent.

La responsabilité est encore une affaire de position de vie et donc de cohérence humaine. Les modalités d’exercice de la responsabilité sont fondées essentiellement dans la position de sens tenue et en exprimant les conséquences existentielles par le biais du consensus et donc des conditions qui résultent de la présence des autres dans ce consensus.

On peut définir la responsabilité dans la perspective de la pratique des cohérences humaines comme le fait de répondre du Sens de ses actes et des conséquences pour les autres, qui dépendent aussi des autres.

Cela présente une difficulté qui ne permet ni de s’exonérer de ces conséquences, ni de s’en attribuer la seule paternité.

En tout cas le seul critère ferme de la responsabilité, c’est la tenue d’une position, d’un Sens, dans une circonstance ou un contexte spécifique, objet ou champ de responsabilité.

Nous nous retrouvons avec la question simultanée du Sens de la responsabilité humaine et du Sens dont la responsabilité à a répondre. Là aussi il y a convergence entre une conception de la responsabilité significative d’une maîtrise et le Sens dont elle a à répondre alors, qui est celui du bien de l’homme et qui rejoint le Sens de l’éthique.

Maîtrise-éthique-autorité-responsabilité soient homologues, donc de même Sens, cela veut dire même fondement et mêmes enjeux.



SENS DE LA NOTION DE RESPONSABILITE
Examinons plus précisément le Sens de la responsabilité. Il peut-être associé à ce qu’on appelle le Sens des responsabilités. Cela suppose qu’il y ait un seul Sens pour plusieurs modes ou occasions d’exercice de la responsabilité qui en homologues.
Nous reprendrons la série des trois alternatives envisagées pour la question de l’autorité pour y retrouver des Sens qui sont aussi ceux de la responsabilité : conception et exercice.
Dans la première alternative, la responsabilité est d’abord, soit une prise de position personnelle, soit un mode de fonctionnement conforme à quelque norme.
Le Sens du conformisme n’est pas celui de la position personnelle qui assume que derrière le dire ou l’acte, il y a quelqu’un qui tient substanciellement une position, qui se pose là et l’assume. En cela la responsabilité ne peut qu’être personnelle en même temps que signe de présence et de permanence et aussi de détermination par la personne.Tout cela étant d’ailleurs significatif de la notion même de personne (St Thomas d’Aquin, Somme théologique).
Cela répond là où est la personne, là où elle se pose en parole ou en acte.
Prendre position est acte de responsabilité, le conformisme le contraire, du point de vue de notre perspective, celle qu’engage en pratique(s) la théorie des Cohérences Humaines.
Cela n’élimine pas la prise de position qui consiste à retenir une proposition venue d’ailleurs comme dans un contrat ou bien à formuler et tenir une pro-position dans le même contexte. C’est aussi tout à fait compatible avec le fait de retenir une pro-position sur le plan des idées, des sciences, des savoirs, des connaissances et de l’accepter ou de consentir à accepter la proposition d’un acte ou d’une réalisation ou même d’un choix venant d’autrui. C’est même compatible avec l’obéissance dans la mesure où il s’agit toujours d’une position personnelle prise eu égard à la pro-position d’une autre personne.
Cela suppose de reconnaître l’autorité d’un tiers comme à assurer la sienne en réponse et non pas à se conformer à une norme anonyme.
Dans la seconde alternative ou bien la responsabilité exige le discernement, c’est-à-dire la différenciation des Sens et donc de leurs conséquences et la différenciation des qualités et valeurs, ou bien la responsabilité consiste, en y renonçant, à se soumettre à la "force des choses, à se "rendre" à l’évidence, à la fatalité ou la nécessité sous peine de sanction/section, coupure/culpabilité, dans la logique exclusion/inclusion confusion/division de cette cohérence humaine.
Le discernement suppose esprit critique (différenciation des Sens) et non esprit de critique (Sens de la dénonciation), il suppose jugement, c’est-à-dire recherche du juste.
La responsabilité, sans discernement est confusion, sème la confusion et la division et transforme le jugement critique en procès de culpabilité – malheureusement des affaires de justesse deviennent alors affaires d’une justice injuste. La responsabilité des hommes politiques reste aujourd’hui engagée sur ce terrain là faute d’un Sens juste de la responsabilité (et de la justice) faute donc de discernement.
Enfin, dans la troisième alternative, la responsabilité est, d’un côté, concernement par les problèmes des autres, partage de consensus et des réalités, et de l’autre "position d’en face" visant à tirer son épingle du jeu.
Par exemple le jugement peut être utilisé pour dénoncer les autres et, de façon antagoniste, s’en glorifier d’autant plus. L’individualisme contemporain qui cultive ce "Sens de l’ego", celui de la spéculation, a formé bien des "responsables", forts notamment de leur spéculation intellectuelle et de leur affichage médiatique et dont la notoriété provient plus d’une dénonciation des maux plutôt que de l’engagement pour le bien des autres.

La responsabilité de concernement doit être conjuguée au discernement et au positionnement personnel. Chacun de ces Sens, s’il n’est pas conjugué aux deux autres, risque d’être entraîné vers d’autres pentes où le concernement se ferait complaisance, où le discernement se ferait désimplication, ou le positionnement se ferait arbitraire par exemple.Le "bon" Sens de la responsabilité est celui qui conjugue les trois, c’est encore celui de la maîtrise, de l’accomplissement, de l’autorité, de l’éthique, de l’autonomie, de la liberté.
On remarquera la simplicité que l’on retrouve et la résolution de nombreux dilemmes réclamant, bien sur, de réviser le Sens des positions ou des interprétations habituelles.



NIVEAUX D’INTEGRATION

Le lien de Sens qui rend homologues les conceptions de la responsabilité, de l’éthique, de l’autorité fait tout converger sur une échelle de valeur, un chemin de progression où l’on retrouve pour les trois des phases d’évolution avec leurs espaces différents d’actualisation.

Il est important de noter dans quel termes prédominants se présentent ces questions selon les âges, quels en sont les niveaux d’intégration.

A l’âge primaire

Espace du factuel, l’autorité peut être lue comme autorité de compétence repère du savoir-faire et de sa maîtrise. L’autorité est celle d’un maître d’apprentissage.
Cela prête à conséquences au niveau de l’encadrement dans les entreprises et de la nature des attentes (et des promesses) vis-à-vis des dirigeants. Cela montre aussi le rôle de l’autorité comme pédagogique à ce niveau.

L’éthique y est la question du bien faire, cela réfère autant au travail qu’au comportement, et suppose qu’il y ait simultanément repère du bien et repère de performance ce que l’autorité de maîtrise incarne.

La responsabilité est liée au pouvoir faire et au contrôle du bien faire. Le responsable c’est celui qui sait faire et le fait bien, cela suppose qu’il sache différencier les qualités, qu’il implique dans l’action et qu’il assume ce qu’il fait ou fait faire.

A l’âge secondaire

Espace des représentations, l’autorité est une autorité de représentation, c’est-à-dire la référence du savoir et des signes de reconnaissance et d’identification. C’est le lot des représentants politiques, ou mandatés, et aussi de ceux qui sont nommés par les institutions ou les entreprises à cet effet.

L’éthique est question de définition, de respect de la loi, de la forme. Cependant, on l’a vu, ce ne peut être la lettre pour la lettre, il faut quelqu’un qui en soit témoin révélateur, une autorité qui en signifie la valeur et qui s’en porte garant.

La responsabilité est envisagée comme une participation qui répond aux attentes des autres, aux attentes et règles sociales. Le statut en est l’engagement et en assumer l’image fait partie de son exercice.

Bien évidemment on peut se contenter du semblant mais ce n’est plus le même Sens de la responsabilité.

A l’âge tertiaire

L’autorité est repère de Sens, signe de maîtrise. L’éthique est exigence en ce même Sens et la responsabilité consiste à assumer ce même Sens. Comme on l’a vu ce sont trois moments différents de la même maîtrise qui supposent tous une prise de position déterminée dans les affaires communes pour servir les autres.

C’est affaire de centration et on verra que l’homologistique, au-delà de la méthode, est aussi culture de l’autorité, de la responsabilité et de l’exigence éthique.

C’est à ce niveau d’intégration où tout se détermine sur le critère de l’essentiel : la cohérence humaine en jeu, que peuvent s’élaborer les représentations signifiantes pour l’âge secondaire et, de là, se cultiver les compétences pour l’âge primaire.

D’une certaine manière il faut la présence des trois niveaux.

Autrement dit, même à l’âge primaire il est nécessaire que soit présente toute la ligne hiérarchique de l’autorité, de la responsabilité et de l’exigence éthique, hiérarchie de maîtrise et de consistance de l’accomplissement humain. Il ne suffit pas de deux échelons sur une échelle de valeurs, sinon un dualisme de symétrie s’instaureraient vite.

Il faut toute l’échelle pour que gravir un seul échelon ait un Sens.

C’est un grand et grave problème du temps de rétablir la hiérarchie des valeurs sur l’échelle du progrès du bien de l’homme mais aussi celle du professionnalisme, de l’autorité, de la responsabilité, de la maîtrise et enfin de l’éthique où on s’aperçoit qu’il est aussi question de niveaux d’intégration (cf St Paul).

Tout cela engage ce qui est formation, éducation mais aussi structures hiérarchiques et enfin le rôle de dirigeants dans la perspective d’un âge tertiaire qui dépasse compétences et représentations. Il engage le niveau du politique ou du traitement "politique" des problèmes par le biais de la pratique des cohérences humaines comme moyens et comme fins au service des personnes dans leurs communautés.

LE ROLE ET LA MAITRISE DES DIRIGEANTS
DE L’AGE TERTIAIRE


Il ne s’agit pas de fournir de nouveaux modèles et de nouvelle techniques pour répondre aux attentes des âges secondaires et primaires.
Nous nous adressons là surtout à ceux qui ont le souci des horizons qui s’ouvrent, des exigences nouvelles où émergent notamment la question du Sens qu’il va falloir prendre au sérieux. Cela n’empêche pas de repenser les modèles et de concevoir de nouvelles méthodes et techniques pour des dirigeants d’âge tertiaire.
Sinon il n’y aurait qu’une maîtrise absolue, mais est-elle de ce monde, qui pourrait se passer des artifices, représentations et moyens techniques que l’on considérera ici comme des aides subalternes et non comme des producteurs de résultats ? Les demandeurs de recettes ou de modèles qui marchent seront déçus.
Le concret, ici, c’est ce qui fait que les dirigeants dirigent en toute responsabilité, autorité et maîtrise.
Sur le fond si diriger c’est "donner le Sens" comme le suggère la théorie des Cohérences Humaines. Cela suppose que c’est au niveau du Sens que s’ouvre la responsabilité et se détermine le rôle des dirigeants. Il y a là tout un chapitre à méditer sur l’éminence d’une telle responsabilité mais aussi ses exigences.
Nous en développons ici plutôt les conséquences pratiques pour dessiner ce que la pratique des cohérences humaines en suggère.
Le cohérenciel nous servira de guide pour structurer la réalité du rôle de dirigeant.
Nous y lirons trois conditions structurantes et trois modalités efficientes.




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LES CONDITIONS STRUCTURANTES

Ce sont trois soucis permanents qui réclament une pratique et des aides éventuelles.

LE DISCERNEMENT
La pratique des cohérences humaines souligne l’importance de cette condition, et la théorie de l’évolution nous propose trois niveaux de discernement
– celui des faits
– celui des signes
– celui des Sens

Au niveau des faits – Leur "prise en compte" est assez bien organisée au travers des comptages – comptables et statistiques. Les dirigeants sont souvent bien équipés à ce niveau et des méthodes existent à foison pour distinguer les éléments des situations et les événements.

Au niveau des signes – Il s’agit cette fois de discerner la valeur des faits donc de les interpréter. Cela équivaut à les qualifier selon leur valeur dans un certain ordre des choses, où plutôt dans un certain champ de représentations ou de langage.

Le discernement à ce niveau est fonction des champs culturels et des modèles de référence. L’interprétation procède, en effet, plutôt par comparaison. Déjà ce niveau de discernement dépend, notamment, de l’ouverture de la "culture" de la personne. Soulignons à ce niveau aussi la dépendance du discernement d’avec les représentations modèles et idéologies prédominants. Il y a intérêt à ce niveau et pour la formation des dirigeants de leur proposer une représentation cohérente du monde, de leur environnement et de leur rôle dont le Sens soit maîtrisé.

Trop souvent aujourd’hui des collections de représentations, aux Sens contradictoires leur sont proposées, conduisant à des interprétations impossibles ou contradictoires et de faux débats qui sont plutôt l’effet d’incohérence des représentations.

Il en va de la responsabilité des dirigeants d’un autre niveau comme de ceux qui font profession d’éclairer ou former les dirigeants.

L’absence de doctrine cohérente pris comme le summum de l’astuce et de l’indépendance d’esprit, fait le lit en réalité d’un syncrétisme gravement préjudiciable. Le discernement des signes et du "significatif", condition de toute qualification, réclame au contraire une telle doctrine. C’est ce qui est entrepris à partir de la théorie des Cohérences Humaines et ses pratiques pour les dirigeants d’entreprise, les politiques etc…

A l’heure de la crise des représentations l’urgence en est particulièrement aiguë d’autant plus que déferlent les propositions, les modes, toujours très parcellaires sur le plan de leur champ d’application et qui, au lieu de s’intégrer pour construire un édifice cohérent, se juxtaposent dans une mosaïque dont on a perdu le modèle.
L’université moderne, avec son découpage disciplinaire qui devient atomisation, a montré la voie de l’éclatement du champ des représentations. Les efforts trandisciplinaires actuels et l’émergence de nouvelles positions épistémologiques tentent d’y réagir. Cependant il ne suffit pas d’une vision cohérente des choses pour interpréter les situations encore faut-il qu’elle ait un Sens humainement profitable c’est-à-dire visant le bien de l’homme.

A titre d’illustration sommaire et très partielle, des dirigeants d’entreprises ont été abreuvés au cours des dernières décades de représentations contradictoires.

Par exemple une "idéologie" du marketing faisant de la demande du marché (mythique) la norme de toute offre de produit, communication ou commercialisation a été développée simultanément à une valorisation de l’innovation qui réclame initiative, originalité, créativité, nouveauté. Par définition, elle ne peut faire l’objet d’une demande à priori d’un marché qui par définition n’existe pas encore. On introduit maintenant l’idée d’un marketing de l’offre. Tout cela repose et débouche sur une superficialité et une incohérence des représentations.

Les exemples sont très nombreux au sein d’un même secteur ou domaine multiplié par le morcellement des spécialités. Nous ne pensons pas qu’une contemplation révérencieuse de la "complexité" fabriquée ni que la "mise en système" des éléments disparates soient de bonnes réponses.

C’est au niveau tertiaire que l’on peut être éclairé sur tout cela. Le discernement du Sens est alors la clé tant pour l’exercice du rôle et de la responsabilité de direction que pour l’aide pédagogique au discernement de ceux qui sont au niveau secondaire et qui ont besoin pour leur propre discernement et leur progrès d’une vision cohérente des choses.

LE DISCERNEMENT DU SENS.
La théorie et la pratique des Cohérences Humaines ont montré que c’est là l’essentiel pour l’homme et les affaires humaines aussi bien du côté éthique que du côté maîtrise, du côté théorique que du côté pratique. L’intelligence symbolique elle même repose sur la maîtrise du Sens.

Si diriger est donner le Sens, discerner les Sens des situations, des événements, des discours, des actes, des projets, des entreprises, des sociétés etc… est évidemment une condition majeure.

Nous l’avons vu cela permet d’y voir clair au niveau des représentations mais aussi au niveau des faits.

Le discernement du Sens permettra l’interprétation juste des signes et aussi la distinction des éléments significatifs.

Aujourd’hui les dirigeants sont confrontés aussi bien aux phénomènes de société, aux phénomènes politiques internationaux ou locaux, aux questions de développement, d’éthique, de technologie, d’économie, d’emploi, de santé etc…

Il n’est pas possible pour un dirigeant de tout savoir et même s’il a une vision d’ensemble elle ne peut intégrer tous les éléments de la réalité. Le discernement du Sens permet de faire l’économie d’une immense érudition par le discernement des Sens c’est à dire leur "élucidation".

Si dans un secteur partiel d’une situation on a pu élucider le Sens alors, grâce au principe d’homologie est élucidée toute la situation.

Il suffit d’un "échantillon significatif" pour accéder au sens d’un ensemble. Cela échappe aux contraintes de la représentativité.

D’ailleurs le dirigeant est, en personne, tenu d’être le garant du Sens et, contrairement à certaines illusions, c’est bien en personne, seul échantillon significatif de la communauté, qu’il a à conduire, décider, diriger même si, pour cela, il s’entoure d’aides et d’avis.

Le discernement des Sens devient pour un dirigeant d’âge tertiaire le mode d’appréhension prioritaire des réalités. Son souci premier n’est pas le constat pris en compte, ni l’interprétation mais l’élucidation.

Quels Sens cela-a-t-il parmi lesquels il faudra prendre position pour diriger! Voilà la question!

Elle peut prendre de multiples formes. Pourquoi ? à qui cela sert-il ? où cela mène-t-il ? d’où cela vient -il ? Qu’est-ce qu’il veut dire ? sont des approches de la question des Sens.

Bien sûr, cela n’exclue ni interprétation indispensable pour maîtriser le champ des signes avec la communication, ni prise en compte des choses pour donner leur mesure aux engagements et aux stratégies.
L’élucidation des situations, accès au Sens, réclame une certaine disposition vis-à-vis d’elles, vis-à-vis de la réalité, une certaine position au monde qui est celle d’une cohérence humaine d’un certain Sens.

Il y a des Sens qui permettent le discernement des Sens et d’autres pas. Un menteur ne peut simultanément discerner le Sens.

Outre que le Sens n’est pas visible, échappant à la mesure et à l’interprétation de même qu’au sentiment, il n’est accessible que par la "conscience de sens" qui n’est pas de même nature que la "conscience des réalités" malgré la diversité des composantes qui sont les siennes.
Cultiver la "conscience de Sens" suppose de chercher d’abord à se disposer dans le "bon" Sens qui est, on l’a vu, Sens d’accomplissement, de maîtrise, éthique, Sens aussi d’une maîtrise personnelle ou collective.

Le discernement de Sens demande donc une discipline personnelle que des pratiques peuvent faciliter.

L’analyse de cohérences est l’une de ces pratiques avancées qui permet d’élaborer ces "cartes de cohérences" qui sont comme des boussoles ou bien cartes des Sens (cf. Exemple de l’Europe ou bien de la carte de cohérences utilisée pour l’autorité).

Chaque situation est l’enjeu du discernement qui peut mettre en évidence toute une multiplicité de Sens parmi lesquels tel ou tel domine. Au bout du compte, si l’on adopte une centration prédominante, un point de vue général (lié à son entreprise par exemple) alors tout s’ordonne par familles d’homologies dont le Sens commun traverse tous les registres de la réalité et fait le lien entre eux et en montre la cohérence humaine.

Le discernement du Sens simplifie la réalité sur l’essentiel, ce qui permet d’en assumer la complexité au niveau des manifestations.

Le rôle d’un dirigeant le confronte en premier lieu à la réalité autour de l’objet de préoccupation qui est le sien.

L’élucidation des sens de cette réalité est la condition pour qu’ensuite s’y posent des actes justes, des actes de direction véritable.

LA DETERMINATION
Tenir une position de Sens, est une autre composante structurelle du rôle de dirigeant d’âge tertiaire.

Pour cela il ne suffit pas de fixer les choses (niveau primaire) ni de formaliser les représentations (niveau secondaire) mais de tenir le Sens . Cela, d’ailleurs, donne plus de souplesse aux signes et aux faits puisque la détermination du Sens permet toutes les homologies, donc toutes les traductions (et non pas interprétations) et toutes sortes de façons de faire. Les limites en la matière viendront d’ailleurs.

La détermination du Sens est acte de responsabilité et c’est ce faisant que le dirigeant se pose comme repère d’autorité. Il signifie le Sens en s’y tenant. Il le détermine en se déterminant et en faisant preuve de détermination.

La détermination du dirigeant se traduit par son vouloir et toutes les modalités homologues qui l’expriment. Elle se marque par la constance et la fermeté de la tenue de Sens qui n’est surtout lisible que lorsque d’autres tendances sont à l’oeuvre dans les situations et qu’il faut tenir la sienne. C’est l’épreuve qui prouve la détermination, la fermeté donc. Ainsi le dirigeant girouette qui s’adapte au Sens du courant n’incarne pas l’autorité. Par contre paraît déterminé celui qui se tient envers et contre tout dans un même Sens pour des raisons caractérielles.

Il y a donc un autre critère pour la détermination d’un dirigeant d’âge majeur c’est qu’elle soit le fruit du discernement et donc d’un acte de maîtrise c’est-à-dire d’un acte d’autonomie et de liberté.

Si tel n’est pas le cas le Sens est chosifié et la fermeté est dictature ou fanatisme.

Il y a autour de la détermination du dirigeant à la fois :

épreuve personnelle de positionnement qui renvoie à ses problématiques, aux limites de sa maîtrise mais aussi à sa vocation.

épreuve sociale dans la mesure où la détermination d’un Sens pour diriger n’est pas forcément le choix d’un Sens dominant et à plus forte raison de tous les Sens.
Les injonctions adaptatives du temps tendent au contraire le plus souvent à l’annulation de toute autorité de direction et du rôle de dirigeant remplacé par quelque computation machinique ou par quelque équilibre d’opinions disparates où toutes s’équivalent quelque soit leur Sens.

épreuve morale dans la mesure où elle suscite des phénomènes de lutte intérieure mais projetée à l’extérieur chez des personnes qui y sont confrontées.

La psychanalyse a déjà éclairé les phénomènes de transfert, et l’histoire de l’humanité est remplie de ces problèmes dont les analyses et les interprétations sont souvent très pauvres. La théorie et la pratique des Cohérences Humaines révèle et confirme l’acuïté de tels phénomènes et l’épreuve de détermination que cela comporte, le laxisme sur le Sens moderniste ou bien la réduction à la raison des positions dirigeantes font l’économie de cette épreuve et donc ne dirigent rien. Seuls les tenants d’une logique de possession sont bien équipés pour faire face aux épreuves de détermination, le cynisme et l’absence de scrupules leur permettent les habiletés, belliqueuses ou séductrices, appropriées à l’épreuve de force.

La détermination de Sens, si elle a recours au discernement et à la maîtrise, peut aussi s’aider et se soutenir de consensus.

Consensus avec des autorités repères auxquelles le dirigeant se réfère, avec des conseillers qui soutiennent sa détermination, avec ses proches et collaborateurs et enfin les populations de personnes concernées par sa direction.

Les dirigeants de l’âge tertiaire sont ainsi plus sensibles aux aides dont ils ont personnellement besoin pour assurer leur détermination, moins frileux sur le souci de leur identité qu’à l’âge secondaire.

Il est de fait que la détermination de Sens réclame dans ses actualisations une variété et une souplesse de forme, fonction de la multiplicité des conditions. Ainsi la détermination de Sens du dirigeant lui permet une créativité de forme infiniment plus grande par le fait de la maîtrise de l’essentiel qui est en outre ici maîtrisede soi.

LE DEVELOPPEMENT

Troisième dimension de la structuration du rôle de dirigeant elle résulte de la prise de position déterminée parmi les Sens possibles élucidés grâce à une pratique du discernement.

Il s’agit là de projeter le Sens en développements.

Cela suppose pour le dirigeant d’en déployer les conséquences, compte tenu de la réalité des situations, et relève de l’anticipation stratégique.
Ce qui est Sens devient buts significatifs et aussi chemins vers les buts.

Si dans un premier temps, avec le discernement, le dirigeant doit passer de la réalité au Sens puis se déterminer personnellement dans une prise de position qui est aussi centration, il a ensuite à passer du Sens à la réalité avec le développement. Le développement est l’inscription dans l’histoire, celle du domaine où il assume sa responsabilité mais aussi de proche en proche l’histoire de la communauté, de l’humanité.

Le développement du Sens est donc toujours contribution évidemment locale et modeste à l’histoire, à la construction du monde humain, corollaire de l’accomplissement des hommes.

Le dirigeant, en assumant cette dimension, traduit les conséquences du Sens qu’il assume en termes de réalisations, de voies et moyens de contributions à l’histoire des uns et des autres. C’est là son action véritable, intervenir dans l’histoire des hommes de ceux qu’il dirige et de ceux qui autour en sont affectés.

Il y a aujourd’hui par fausse modestie mais aussi pour bien d’autres raisons une tendance à réduire les dirigeants à la gestion des affaires comme si les conséquences, par exemple pour les communautés d’entreprise, les populations classiquement concernées ou politiquement dirigées, n’étaient pas de leur fait.

Le risque serait évidemment de favoriser à l’inverse un orgueil bien fréquent dans l’histoire.

La pratique des cohérences humaines montre au contraire que c’est l’humilité et la générosité qui sont les conditions de l’ambition, du courage et de la capacité à assumer une telle charge. La théorie montre ce que la pratique confirme : seul le consensus fait la réalité, le dirigeant ne peut rien par lui-même.

Ainsi les développements, que le dirigeant déploie en buts, projets et, en définitive, ambition et espérance, balisent la route où doit se "réaliser" le consensus collectif.
Le développement du sens est en définitive projection du Sens selon les registres multiples de la réalité et de son histoire. Il s’agit donc pour le dirigeant de présenter sa détermination par toute une série d’homologrammes et d’homologies qui en dessinent le déploiement et ainsi active le consensus en balisant la route de son actualisation.

Il a besoin là d’une grande créativité et d’un grand réalisme l’une pour dessiner les horizons neufs, l’autre pour les inscrire dans une concrétude qui est celle de la population dirigée. La pratique d’une technique de créativité générative peut-être profitable pour l’un des plans, de l’autre la connaissance des situations et de l’histoire dans l’histoire est indispensable.

C’est par le développement du Sens que les dirigeants "pilotent" en quelque sorte la marche des affaires et des populations concernées en activant dans le juste Sens par la médiation d’homologrammes pertinents et éclairants.

En tant qu’actualisation du Sens déterminé, du consensus recherché, l’acte d’activation du dirigeant, va adopter la structure cohérencielle.
En tant qu’intervention dans l’histoire de ce qu’il dirige il va devoir prendre aussi les chemins de l’évolution phases par phases, seuils par seuils.

Dès lors il y a là un guide pour le dirigeant, mais aussi pour ceux qu’il dirige, avec :

La ternarité :
– objet dans son contexte
– sujet et son intention
– projet et ses buts et stratégies

La progression :
– primaire factuel
– secondaire représentatif
– tertiaire relatif (au Sens de la communauté)

En déployant le Sens le dirigeant développe un référentiel commun et l’échelle de progression à gravir. C’est en ce sens que le rôle dirigeant est aussi un rôle éducatif, non pas en plus mais dans l’exercice même de cette dimension de son rôle.

LES MODALITES EFFICIENTES

Les trois plans du cohérenciel du rôle des dirigeants dessinent la consistance des actes de direction.

Décider est diriger en fait
Expliquer est diriger en représentations
Impliquer est diriger en relations

DECIDER

C’est l’acte commun du dirigeant.

Cependant il est souvent réduit de façon simpliste au fait de trancher entre plusieurs options et même, dans certains cas, à constater les résultats d’un calcul qui ferait du choix la suite d’une opération mécanique ou bien uniquement rationnelle.

Cette objectivation de la décision élimine le sujet et donc les dimensions que l’on vient d’envisager, discernement, détermination, développement.

Selon l’optique de la pratique des cohérences humaines, décider c’est la façon dont se concrétisent les dimensions de la maîtrise sans que cela s’en détache.

Simplement décider est le "faire" du dirigeant qui revient à réagir à tel ou telle situation, tel événement, en réponse à telle question par une prise de position qui au fond est position de Sens ou s’y réfère et qui se traduit ici dans les termes propres à la situation.

En définitive décider, que ce soit dans les petites ou grandes choses consiste simultanément (ou successivement) à :

a) élucider la situation
b) à déterminer le Sens à tenir
c) à en développer les conséquences ce qui constitue la manifestation de la décision.

Il y a donc pour cela besoin :

d’un travail de discernement et des différents moyens intégrant les différents niveaux faits/signes/sens

d’un travail de détermination où le dirigeant doit trouver en lui-même, à l’épreuve des autres, la position à tenir, dont il faut réassurer la permanence au fil de remises en questions périodiques

d’un travail de développement où il y a lieu de structurer les conséquences à indiquer et à l’inscrire dans une marche de progrès.

Pour décider, ce qui est disposition structurante devient travail, action du dirigeant et comme on l’a vu peut être secouru par des techniques, méthodes, organisations, mais aussi collaborations.

EXPLIQUER

Le Sens déterminé et qui va s’actualiser en développement doit être identifié ou, plus exactement, le regard sur les choses résultant de ce Sens, doit être traduit en une vision, une représentation communicable.
Ainsi le rôle d’un dirigeant est aussi d’ex-pliquer le Sens c’est-à-dire de le formuler en représentation dans les langages appropriés aux interlocuteurs, en vue de son intellection.

Or pour expliquer il faut représenter du pensable et pour cela le penser.
Le dirigeant doit penser et l’on pourrait dire théoriser à proprement parler ce qu’il veut exprimer. Trop souvent la communication a été identifiée à la reproduction de formes linguistiques, d’images, comme si l’on composait un tableau ou un discours à partir d’éléments préfabriqués comme une sorte de puzzle par exemple.

Or un dirigeant ne peut se contenter d’une habilité de mise en scène à laquelle la politique spectacle nous a habitué. Il doit tenir une parole. Cette parole est projection dans le langage de son propre Sens, dans la perspective du développement qui est le sien.

Cela consiste à théoriser son projet, le penser, l’exprimer de façon à ce qu’il deviennent témoignage vivant, signe de détermination.

Cela n’est rien d’autre que la présentation de la décision. L’explication n’explique rien d’autre que ce que la décision concrétise.

Il y a là aussi pour le dirigeant une exigence d’authenticité, c’est-à-dire d’originalité assumée au travers d’une parole propre.

Cette parole n’existe pas en dehors de l’écoute d’une population à laquelle elle s’adresse ce qui fait que parallèlement à cela le rôle du dirigeant est aussi d’impliquer.

IMPLIQUER

Il s’agit, comme le montre le cohérenciel, de faire partager le Sens et la détermination à propos de l’objet de préoccupation et des circonstances, objets de discernement du dirigeant.

Impliquer revient à interpeller, toucher au coeur (au Sens) les personnes à concerner avec lesquelles partager le consensus, condition de développement.

Cette implication, si elle est juste, est corrélative d’une "compréhension mutuelle".

Celle-ci suppose même compréhension mais aussi partage de cette même compréhension.

La compréhension comportera, discernement et adhésion, c’est pour cela qu’elle se situe dans le plan conjuguant discernement et détermination.

Les dirigeants s’impliquent en impliquant, tant par le fait de faire lien en soi-même avec le problème et la situation qu’en faisant consensus par là même avec ceux qui sont centrés sur le même objet. L’activité de dirigeant est en cela unificatrice, intégratrice de la communauté autour de son objet et dans le Sens déterminé.

Les modalités efficientes de la responsabilité des dirigeants sont trois facettes d’un même acte. Elles donnent à la décision, qui n’en est que l’aspect factuel, sa réalité implicative et explicative. L’acte de diriger trouve ainsi sa portée dans l’engagement d’autrui.

Il y aura pour le dirigeant, à s’entourer des compétences complémentaires qui, en quelque sorte, déploient son acte de dirigeant et le structurent à l’échelle des enjeux.

Les relais (cadres par exemples) contribuent, pour une part seulement, à cette responsabilité générale mais, dans leur domaine propre, ils ont aussi une responsabilité de dirigeant.