Structures et gouvernement des entreprises humaines 4

Pour mettre en rapport le nouveau modèle avec l’expérience et la réalité des entreprises, sont ici passés en revue une série de problèmes et les solutions qui sont proposés par l’Humanisme Méthodologique.

4 – PROBLEMES ET METHODES POUR L’ANIMATION DES CONCOURANCES
METHODOLOGIE D’ANIMATION STRATEGIQUE

Le dynamisme de l’entreprise anime la communauté et l’ensemble de ses relations.

Les circonstances et les problèmes en sont extrêmement variés et aussi très complexes. On pourrait analyser ces problèmes avec tout le bagage des sciences humaines, psychologiques, psychosociologiques et sociologiques par exemple. L’univers des relations humaines est très riche et on peut faire à son propos de multiples observations. Cependant nous sommes ici dans un cas précis bien qu’il soit général, celui d’une communauté d’entreprise. Il ne s’agit donc pas de traiter des problèmes de relations humaines en soi, mais dans l’optique de l’animation des concourances.

D’ailleurs, il existe quelquefois une dichotomie entre résoudre les problèmes humains relationnels ou sociaux et engager une activité collective constructive, comme si l’un était le préalable de l’autre. Dans le contexte de l’entreprise notre position doit être différente, c’est en engageant les concourances que les problèmes de relation se résolvent. Ainsi, il n’est pas nécessaire, dans l’entreprise, de connaître tous les méandres des difficultés relationnelles et de les traiter pour elles-mêmes. Il est nécessaire par contre de connaître les principes à partir desquels la concourance peut s’engager. C’est relativement à cela que les problèmes peuvent être analysés et les solutions engagées.

Parmi les situations ou les problèmes ressortissant de ce plan de l’entreprise et de sa maîtrise, on peut faire par exemple trois catégories :

Les relations interpersonnelles.

Relations hiérarchiques.

Relations commerciales (vente, achat, négociation),

Relations publiques.

Relations de travail.

Relations de recrutement.

Les situations collectives :

Equipes de travail et de projet.

Relations entre services et catégories.

Pluri-culturalismes.

Intégration dans les groupes.

Les situations générales :

Ambiance, climat.

Fidélisation (absentéisme, turn-over, etc…)

Vitalité et dynamisme.

Conflits, mauvaises relations, désimplication, démotivation, relations infructueuses, absentéisme, cloisonnements, etc… sont, semble-t-il, le pain quotidien de nombreuses entreprises. Il est fort probable que c’est le cas de celles où ces questions ne sont pas maîtrisées, celles où des principes simplistes ou, au contraire sophistiqués, sévissent dans l’esprit des responsables.

La logique de la carotte et du bâton est encore le fond théorique sur lequel repose l’animation de nombre d’entreprises. De multiples variantes peuvent en être déclinées. On trouve aussi les spécialistes de la manipulation perverse qui pensent que le jeu consiste à influencer les gens malgré eux. Il y a encore les idéalistes de la raison qui pensent qu’il suffit de présenter de « bonnes raisons » pour diffuser imparablement un enthousiasme généralisé :

S’il y a un principe primordial c’est d’abord celui du respect d’autrui, sans angélisme ni cynisme d’ailleurs, qui implique l’engagement authentique de soi-même.

On ne peut pas attendre l’engagement et la mobilisation des gens si on n’est pas soi-même personnellement concerné ou si on se considère comme un mercenaire. C’est le problème de certains cadres aujourd’hui.

L’engagement de la concourance est aussi bien valable dans les relations interpersonnelles, commerciales, recrutement, etc… que dans les situations collectives : équipes, groupes, etc… Il est la résultante d’un ensemble de conditions que d’analyse cohérencielle nous permet de différencier. Chaque dimension est source de problèmes mais aussi peut trouver ses solutions spécifiques.

A) Motivations et concernement des personnes

La motivation personnelle est l’expression d’un désir propre qui se traduit par une propension à un certain engagement. Elle manifeste un concernement qui touche la personne, sensible à ce qui vaut pour elle. La motivation personnelle est souvent en rapport avec des qualités propres. En la matière, il faut éviter de prendre la motivation comme un tout, il y a en fait des motivations et dans l’entreprise ce sont celles qui correspondent au sens de l’entreprise et à sa vocation qui valent, celles qui en expriment donc le consensus. On peut ainsi avoir deux types de problèmes, soit la dispersion des motivations, soit l’insuffisance de motivation.

Des personnes peuvent être motivées dans plusieurs directions ou, en tout cas, dans des directions qui ne concernent pas l’entreprise, ce sont pour elles des motivations parasites.

L’insuffisance de motivation est manque de concernement. Cela peut résulter du fait que la personne n’est pas en accord avec l’entreprise ce qui suppose qu’elle ait à trouver une autre entreprise qui lui convienne. Cela peut venir aussi de l’absence de considération à son égard.

C’est la considération mutuelle qui est source de motivation et surtout de l’importance du concernement.

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Une motivation particulière peut, en effet, être activée par l’interpellation produite par la motivation de quelqu’un d’autre. La position prise par l’un dans un tel concernement est un appel pour les autres lorsqu’il les considère comme capables de prendre une position identique. C’est donc à partir de sa propre motivation, de son témoignage que l’animateur peut sensibiliser les autres, et initialiser ou renforcer une motivation.

Pour cela, il doit se présenter comme sujet de sa propre motivation tout en considérant les autres comme sujets de la leur en écho. Une motivation ne se transmet pas, elle se suscite par pro- vocation.

Par exemple, l’appel au libre volontariat est le moyen de reconnaître le libre arbitre mais aussi l’ouverture à la motivation témoignée ou son refus. C’est un acte de confiance qui laisse la porte ouverte à la non motivation.

La « motivation obligatoire » et corrélative d’un manque de considération réelle mais aussi conduit à une tromperie. En effet, on obtiendra une adhésion fictive assise sur une motivation cachée de soumission ou de refus. De là toutes les ambiguïtés, les malentendus et des sources de conflit larvées.

B) Compréhension mutuelle

Dans les conditions communes de concourance et à propos de centres de préoccupation communs, l’attention aux uns et aux autres permet à chacun de se situer et de situer les autres. C’est comme cela que des rapports significatifs peuvent s’installer, chacun contribuant à positionner les autres dans la situation commune et, en retour, se trouve aussi positionné par les autres.

Il ne peut en effet y avoir concourance que si les différents acteurs sont clairement positionnés les uns par rapport aux autres. On sait alors qui est qui, quel est son rôle spécifique dans les circonstances communes.

Les problèmes d’incompréhension, d’indifférence, conduisent à ce que chacun analyse la situation et le rôle des autres à sa manière uniquement, ce qui ne permet pas l’établissement de rapports clairs entre les parties prenantes.

C’est donc par une recherche de compréhension mutuelle que peuvent se traiter ces problèmes. La compréhension mutuelle est non seulement la reconnaissance partagée des qualités, rôles et valeurs spécifiques des uns et des autres dans la situation mais aussi une compréhension commune de la situation.

L’attention, l’accueil, l’écoute, la disponibilité au rôle d’autrui sont des attitudes indispensables. Le partage d’une analyse commune de la situation et des rôles noue cette compréhension mutuelle qui fait que, dans la scène collective, chacun trouve sa juste place et se reconnaît en reconnaissant les autres. Diagnostics collectifs, études en commun, explorations partagées, favorisent cette compréhension mutuelle.

C) Intégration et cohésion

Les relations comme les groupes et communautés sont noués dans le partage d’un vécu, un partage affectif et sensible. C’est là-dessus que se fonde la cohésion de l’entreprise et l’intégration des personnes aux groupes et des groupes à l’entreprise.

Affectivité, sentiment, émotion éprouvée, sensibilité, constituent la substance de ce vécu dont le partage soude la communauté et noue la relation.

C’est, bien sûr, la conjugaison d’une motivation commune et d’une compréhension mutuelle qui établissent ce partage du vécu.

Il ne s’agit pas, pour l’entreprise, que soit partagé n’importe quel vécu mais celui qui s’accorde avec son dynamisme particulier. Ainsi, un vécu fusionnel partagé peut conduire à un éclatement du groupe lorsqu’il s’agit de s’engager dans l’action avec un vécu de déchirure propice à l’animosité.

Le vécu partagé, éprouvé comme valable, comme valeur commune est ce qui rassemble une communauté autour du sentiment d’appartenance culturelle (évitons de confondre l’appartenance comme fait – cas de la possession – et comme sentiment – du ressort de l’affectivité).

La culture d’entreprise est d’abord vécue comme sensibilité partagée, et comprise comme valeur et comme sympathie collective. L’intégration des personnes, nouveaux recrutés mais aussi des différents partenaires, se fait par ce partage d’expérience vécue. La cohésion de l’entreprise en dépend.

L’esprit d’équipe, on le sait, vient moins d’une décision volontaire à priori que de l’expérience partagée. Il s’agit, pour l’entreprise, que ces expériences partagées soient spécifiquement significatives de son consensus et de son engagement. C’est donc l’expérience commune de la vie de l’entreprise qui est à la source de sa cohésion et de ses valeurs culturelles partagées.

Conflits, isolements, cloisonnement, traduisent l’échec de cette cohésion en rapport aux problèmes de motivation et de compréhension mutuelle mais aussi de l’absence de vécu commun avec un climat général défavorable. Il n’y a pas d’autre solution, ici, que le partage d’expérience et la communauté d’un vécu c’est-à-dire la convivialité. Il faut pour cela prendre le temps nécessaire, que ce soit dans les relations ou dans les groupes.

D) Dialogue et négociation

La concourance s’établit aussi par des formalisations convenues de l’engagement mutuel des relations comme de la communauté d’entreprise. Cette formalisation s’effectue par la formulation de l’engagement et cette formulation est un travail commun d’établissement des signes visibles de la communauté de concourance. Le dialogue est une recherche de confirmation procédant par un ajustement progressif jusqu’à ce qu’il y ait entente sur une expression, une représentation commune.

Le dialogue est à la fois l’expression d’une parole donnée qui signifie la communauté de motivation et qui aboutit à quelque convention ou contrat verbal ou écrit qui figure l’engagement mutuel.

L’absence de dialogue, l’absence de formalisation traduit le plus souvent, soit une ambiguïté sur les motivations réelles, soit un flou sur la consistance de l’engagement et l’effectivité de la mobilisation des parties.

La formalisation peut aussi servir de masque de dissimulation, de moyen de tromperie. Elle peut aussi quelquefois se présenter comme une loi qui s’impose, méconnaissant alors l’autorité et le libre arbitre des personnes. Ce n’est pas la loi qui engage mais l’engagement qui s’expose dans une formule qui en est le gage.

La négociation est la recherche de l’ajustement précis d’un engagement mutuel dont les termes sont exposés dans une terminologie appropriée.

L’absence de dialogue ou de conclusion de celui-ci dans des formulations communes traduit le refus ou la difficulté de partager une concourance. Les langages techniques, les jargons ont souvent une fonction d’exclusion et d’évitement du dialogue en dehors de la sphère de compréhension mutuelle. L’entreprise comme toute communauté culturelle a à trouver son langage commun ce qui n’exclue pas les langages spécialisés de chaque entreprise particulière qui y concoure.

Le projet d’entreprise, les projets et règles sociales de l’entreprise, les contrats, conventions multiples qu’elle établit, sont autant de marques du consensus établi et de confirmation aux yeux des uns, de l’engagement des autres et de sa consistance. L’animation de l’entreprise passe par ce travail d’officialisation issu du dialogue qui est confirmation de sa conclusion et de l’effectivité des engagements mutuels.

E) La participation active

Sans concrétisation, les relations et la concourance restent velléités. La participation à des activités communes permet la confrontation des personnes et des groupes et constitue l’épreuve du partenariat. Elle réalise l’incarnation de la coexistence et la preuve de la réalité de l’engagement commun et lui donne sa mesure. Les actes des uns prennent leur valeur de leur contribution à un résultat fructueux qui en retour met en évidence les qualités contributives des partenaires.

Dans la coopération, l’utilité de la participation des uns apparaît aux autres et vice versa.

Les résultats obtenus en commun apparaissent comme la matérialisation des biens de la communauté d’entreprise et les confirment. Ainsi la participation active à des questions menées en commun pose la réalité du caractère communautaire de l’entreprise. De même la concrétisation de l’acte de vente, fourniture du produit ou du service et son règlement concrétisent la réussite d’une relation commerciale et marquent en même temps la preuve d’une confiance mutuelle mais aussi présagent d’une possible reproduction de celle-ci.

Les réalisations en commun comme épreuve partagée, même difficile, viennent donc confirmer les autres plans de la dynamique de concourance, en donnent la mesure, la preuve, et constituent un appui pour les relancer.

Lorsque les activités se trouvent isolées ou lorsqu’un absentéisme apparaît, c’est le signe d’un tissu relationnel qui se défait et la caractéristique d’une démobilisation sur les enjeux de l’entreprise. Il arrive que des personnes ou des sous-groupes, déçus par la vie de l’entreprise ou non concernés par sa vocation et l’engagement mutuel, s’isolent en se donnant leurs propres enjeux qu’ils identifient à ceux de l’entreprise. Cela constituent des chapelles qui en arrivent vite au conflit, autre preuve de la nature de leurs relations, c’est-à-dire aussi de l’état de la cohésion du groupe.

Il n’y a de solution que dans le travail partagé et la reconnaissance de la participation mutuelle.

L’entreprise n’est pas une juxtaposition d’opérateurs plus ou moins mécaniquement reliés. L’organisation n’a pas pour but d’imposer des relations. Elle est au contraire l’image de la conjugaison des pratiques, des activités. Rappelons qu’on ne peut définir aucune responsabilité dans l’entreprise sans celles qui lui sont complémentaires, non pas accidentellement mais essentiellement.

Sur ce plan, l’animation consistera donc à favoriser la participation active à des actions collectives et à reconnaître la qualité et la mesure de la part prise par chacun relativement à la valeur du résultat obtenu.

F) Dynamique de l’engagement mutuel

La création des biens interpersonnels et collectifs instaure une histoire commune, c’est-à-dire un mouvement partagé. C’est l’engagement de la concourance, la participation a un mouvement commun qui exprime la vitalité de l’entreprise, co-entreprise, par la communauté ou par les partenaires de la relation.

Cette mobilisation est la résultante de toutes les autres conditions; Elle peut être néanmoins conduite, canalisée. Le problème, pour l’animation, est de lancer ce mouvement et on verra pour cela l’intérêt d’une stratégie d’animation. Elle consiste à faire parcourir par les partenaires un itinéraire préparatoire au cours duquel ils se trouvent progressivement engagés. L’historique de cet engagement entraîne le mouvement ultérieur.

La mobilisation qui permet la poursuite d’une relation ou de l’engagement d’une équipe ou d’une collectivité ne peut s’initialiser brusquement, et il faudra veiller à ces préparations qui en permettent le lancement. De relances en relances, le dynamisme collectif résultant des engagements mutuels constitue la vitalité de l’entreprise qui s’actualise dans ses activités et son développement. Elle engage les investissements personnels dans une concourance où chacun est, à la fois, moteur et activé par les autres.

Le gouvernement de l’entreprise, sur ce plan, consistera à lancer, en tant que de besoin, des stratégies de réactivation, de redynamisation, préparatoires aux concourances ainsi mobilisées sur cette lancée.

Il est important cependant que ces engagements mobilisateurs soient jalonnés d’étapes qui permettent leur reconnaissance et constituent des enjeux qui devront être actualisés dans les projets de l’entreprise; Ces stratégies de lancement ne doivent évidemment pas être conduites à contretemps. Par exemple, il arrive que des opérations de mobilisation soient menées, que des enthousiasmes soient suscités sans que viennent ensuite quelque projet où les investir. Il est évident que les mobilisations tomberont alors rapidement faisant perdre toute crédibilité aux responsables de ces opérations et susciteront suspicions et méfiances. De même, la proposition d’enjeux artificiels, non ancrés dans la culture de l’entreprise, ne peut provoquer qu’agitation stérile. C’est le cas lorsque les enjeux annoncés sont stéréotypés, à la mode, mensongers, ou au mépris des véritables motivations humaines.

La conduite des opérations d’animation doit intégrer toutes les conditions du dynamisme relationnel pour engager véritablement la concourance.

Ce ne sont pas les enjeux artificiels qui mobilisent les gens, mais ceux qui ne font que confirmer la mobilisation en tant qu’ils sont ceux que se sont donnés les partenaires ou qu’ils ont fait leurs, parce qu’ils répondent à toutes les conditions que l’on vient d’envisager.

G) Méthodologie d’animation stratégique

Cette méthodologie peut prendre une ampleur très variée selon qu’il s’agit uniquement de l’engagement d’une relation commerciale par exemple, ou de la mobilisation de toute une collectivité.

Dans ce dernier cas, il est nécessaire de procéder par des relais, c’est-à-dire par une dynamisation progressive telle que les premiers engagés contribuent à l’engagement des suivants jusqu’au plus grand nombre.

Les différentes phases que l’on va envisager sont conçues comme successives.

Cependant, il faut considérer qu’il s’agit d’engager une dynamique progressive qui peut demander une itération et la reprise en parallèle des différentes phases qui, alors, se superposent et se succèdent à la fois.

Première phase :

Elaboration de la stratégie d’animation.

Il n’est pas prudent d’engager une animation stratégique sans que son objet, sa finalité et son déroulement ne soient soigneusement préparés. En effet, toute imprécision sur l’objet peut susciter des incompréhensions, un flou, qui pourrait se traduire par des incompréhensions mutuelles et une mobilisation éclatée selon les interprétations. Toute ambiguïté sur la finalité peut susciter des motivations dispersées et même en divergence avec le projet envisagé. Enfin, si la stratégie n’est pas préalablement définie, la conduite sera aléatoire et peut donner lieu à des erreurs, des impasses ou des réussites hasardeuses.

Une animation stratégique mobilisatrice occasionne un dérangement des routines, des habitudes et peut susciter des oppositions, des résistances qu’il faut prévenir. Les premières étapes sont particulièrement délicates tant qu’un nombre suffisant de personnes n’est pas engagé. La puissance du mouvement initial entraînera d’autant plus facilement le plus grand nombre et c’est pour cela que la clarté des enjeux et de la stratégie sont indispensables avant toute opération pour éviter de soulever des obstacles prématurément. En outre, un dynamisme important doit être conduit, encadré, pour qu’il n’avorte pas ou se disperse et provoque alors plus de dégâts que de bienfaits. Il est nécessaire que l’entreprise assume le mouvement qui a été suscité.

La puissance et la portée de la dynamisation seront fonction de la profondeur et de la justesse de la préparation.

L’objet

C’est la question, le problème, l’enjeu qui justifie l’animation stratégique. Il ne doit pas être posé en termes négatifs mais en termes positifs d’espérance.

La détermination est du ressort des responsables de l’opération. Elle peut demander une analyse ou un diagnostic préalable de la situation. En tout cas, l’objet choisi devra être significatif pour les gens concernés par l’opération pour qu’ils le fassent leur.

La finalité

C’est ce qui donne le sens et détermine la motivation de l’opération. Il importe que cette finalité soit significative, c’est-à-dire qu’elle trouve un écho, une résonance chez les gens qui soient motivants. Pour la déterminer, il peut être nécessaire de préciser au préalable la politique que l’on veut suivre ou de faire une analyse des potentialités de la situation pour y positionner l’orientation choisie.

On pourra pour cela utiliser l’analyse de cohérence des potentialités culturelles de l’entreprise ou de la collectivité concernée. La direction générale doit cependant en dernier ressort assumer l’orientation choisie, liée au type de motivation à susciter.

Il nous faut insister ici sur une erreur grave très souvent commise. Elle consiste à utiliser l’inquiétude ou l’insécurité due à une difficulté, à un risque pour l’entreprise, à des échecs antérieurs, à une menace extérieure.

Il faut savoir que les motivations négatives provoquent des réactions de défense et une mobilisation qui décroît au fur et à mesure de l’éloignement du danger. Elles conduisent, à terme, à la paralysie et à des comportements de fuite malgré des effets immédiats apparemment mobilisateurs.

Même en cas de difficultés, c’est sur une espérance que les motivations alors positives doivent être suscitées. La mobilisation s’accroit au fur et à mesure de l’approche du but et si, leur but atteint, elle s’épuise, elle peut être facilement relancée par un autre but homologue.

La stratégie d’animation

Elle doit être homologue à la situation de départ, envisagée selon l’orientation choisie, autour de l’objet convenu. La créativité générative peut aider à en dessiner rapidement les principes logiques. Elle éclairera le type d’opérations à entreprendre, le mode de participation des gens et le scénario de mise en oeuvre.

Appliqués à la situation réelle, ces principes stratégiques vont permettre d’établir un calendrier et de déterminer particulièrement les personnes qui seront concernées progressivement.

Le principe des relais est en effet important et, à ce propos, il est utile de constituer un petit groupe de base chargé de l’opération. La constitution de ce groupe doit se faire en fonction du rôle et surtout de la personnalité des gens qui doivent être choisis pour leur capacité de compréhension suffisamment profonde de l’opération et leur autorité auprès d’une population importante.

Avant tout lancement de l’opération, ce premier noyau devra étudier très précisément les données de départ et la stratégie qu’il contribuera à conduire et à relayer. Toute défaillance à ce niveau, imprécision, ambiguïté, divergence sera amplifiée par la suite lorsqu’un grand nombre sera concerné. Il est bon que ce premier groupe valide les dispositions prises en fonction de son expérience du terrain et soit lui-même très mobilisé.

Deuxième phase :

Officialisation et lancement de l’opération d’animation stratégique

Selon les cas, on peut envisager une première opération concernant encore un nombre limité de personnes suivi d’une deuxième plus élargie à partir du relais des précédentes.

Il y aura alors deux officialisations et lancements successifs. Il n’est pas bon en effet d’officialiser de telles opérations trop longtemps à l’avance. En particulier, lorsque les participants ont un travail à réaliser dont on ne connaît pas d’avance les conclusions, il faut pouvoir suffisamment avancer pour être en mesure de répondre aux questions de ceux qui ont été interpellés. Par exemple, s’il y a des travaux préparatoires pour élaborer un projet d’entreprise ou un plan de développement quelconque, il faudra attendre des résultats suffisants pour informer valablement ceux qui prendront la suite pour participer à l’opération d’animation stratégique.

L’officialisation de l’opération vise, d’une part, à en communiquer une présentation claire, et, d’autre part, à en marquer l’importance par l’acte d’autorité qu’elle représente. Il faudra, pour cela, l’intervention des principaux gouvernants de l’entreprise, autour du directeur général. Leur assemblée marque le fait que c’est toute l’entreprise qui est concernée et que chacun des grands domaines du gouvernement est présent. On assiste souvent, lorsqu’il y a absence des dirigeants en question, soit à un manque de crédibilité de l’opération, soit à une critique et une mise en question particulière des secteurs non représentés.

Il est évident que tout cela se fait au niveau du gouvernement de l’unité particulière concernée, celui de l’équipe ou, éventuellement, de toute l’entreprise. Il n’est pas mauvais cependant que la direction générale de l’entreprise commune manifeste à cette occasion sa présence pour confirmer l’unicité d’orientation et de politique. Le lancement de la stratégie d’animation en déterminera le contenu.

D’abord l’objet, le quoi.

Il devra être présenté et situé dans son contexte et les circonstances qui justifient l’opération. Il est bon que les participants s’approprient cet objet et il peut être judicieux, alors, de leur permettre de s’exprimer à ce propos par le biais d’une exploration de la situation, de façon à ce qu’il deviennent suffisamment prégnant.

Ensuite la finalité, le pourquoi.

Son expression officielle par les dirigeants et leur présence qui en témoigne ont pour effet d’interpeller les participants. Elle est provocatrice de par le témoignage d’autorité et d’engagement personnel des dirigeants et par le consensus qu’ils manifestent ensemble dans leur différence de rôle.

Il s’agit là de faire appel à la détermination des gens. Pour cela l’appel a une certaine forme de volontariat est incitateur en même temps qu’il peut être sélectif, s’il est bien conduit, des personnes qui pourront être les meilleurs relais par leur disposition favorable et le témoignage de leur engagement.

Lorsqu’un certain nombre de personnes participent à l’opération, il faut savoir que leur environnement de travail sera attentif à ce qui se passe et prémobilisé par contagion.

En outre, il peut être utile à ce stade de prévoir un travail de sensibilisation s’il s’agit d’une question ou d’une perspective peu familière (qualité, projet d’entreprise, etc…).

Le déroulement et les étapes.

Tout mouvement inhabituel est susceptible de provoquer des inquiétudes.

Celles-ci seront rassurées par une présentation claire des modalités pratiques et du déroulement de l’opération. La préfiguration des étapes qui permettront à chacun de se situer suffisamment clairement. Il n’est pas utile en effet de tout déterminer d’avance, ce qui pourrait être prématuré, mais quelques repères majeurs sont suffisants pour que les perspectives soient suffisamment claires.

Il sera nécessaire de s’assurer, à ce niveau, de la compréhension des étapes du cheminement et de ses perspectives sans avoir autant à entrer dans les principes de la stratégie.

Troisième phase :

Déroulement de l’animation stratégique

Il est bien entendu fonction de la stratégie conçue. Cependant on veillera à y intégrer trois aspects :

Une participation a un travail en commun en petit groupe. Elle concrétisera et donnera corps à la mobilisation. Il peut s’agir d’analyses de situation, de recherche de solutions, de propositions d’idées. On évitera, par contre, les décisions qui pourraient être prématurées tant que des synthèses ne sont pas faites et validées par les autorités compétentes. Ce travail, principalement consultatif, peut être favorisé par l’utilisation d’outils à la portée des participants. Une formation préalable des groupes ou leurs animateurs a des techniques comme l’analyse figurative ou la créativité générative, permettra une plus grande fécondité du travail dans un temps assez court, valorisant d’autant plus la production réalisée et son impact mobilisateur.

Le vécu partagé de l’expérience renforce les liens et la cohésion, en même temps que s’intensifient la motivation et la vitalité collective. Il faudra veiller à ce qu’un temps suffisant soit passé ensemble et ménager particulièrement des moments de convivialité de nature à renforcer l’implication solidaire des participants.

Enfin il est important que les résultats et les évènements du déroulement soient rendus visibles, manifestes, par des formulations appropriées et une communication qui en renforce le caractère officiel mais aussi implique un achèvement suffisant pour que des conclusions formelles soient possibles. C’est une sorte de contrat, de charte, de convention commune qui en résulte, sanctionnant, à la fois, le travail et l’investissement tout en l’engageant dans l’avenir.

La conduite de l’opération sera marquée par des moments de reconnaissance officielle des résultats, à la fois pour ancrer la mobilisation suscitée et pour la projeter sur les suites dans lesquelles elle doit être engagée.
On arrive, par de telles stratégies d’animation, à lancer des mobilisations très importantes qu’il ne faut pas ensuite stériliser. C’est pour cela qu’elles auront à être investies très rapidement dans les réalisations ou les projets de développement envisagés.

L’oeuvre commune réalisée au cours d’une telle stratégie prépare l’oeuvre qui nécessitait une telle mobilisation préalable.

Cette méthodologie d’animation stratégique peut, bien évidemment, être très simplifiée, à condition d’en conserver les principes, lorsqu’il s’agit d’un petit nombre de personnes. Par contre, elle peut prendre un déploiement important lorsqu’il s’agit de populations plus vastes et s’échelonner même sur plusieurs mois. Il importe, dans tous les cas, de trouver la mesure et le rythme appropriés.

5 – PROBLEMES ET METHODES POUR LA COMMUNICATION

Il n’y a pas d’activité sans expression, sans que des signes visibles en soient donnés, manifestés, communiqués. La communication se caractérise par l’expression d’un langage de signes: langues, images, formes, qui médiatisent, non seulement les contenus de l’existence de l’entreprise, mais, plus essentiellement, son sens.

La communication de l’entreprise ne doit pas être considérée comme une présentation artificielle de celle-ci, un masque qui, lui, est fabriqué mais comme son expression à l’adresse de divers interlocuteurs. Dans la communication l’entreprise parle. Sa parole, exprimée dans différents langages pour différents publics, est le gage de sa vérité et de la confiance que l’on peut avoir dans son expression.

Une parole authentique, une communication authentique permettent, non seulement d’identifier qui parle, mais de se fier à ce qu’il veut dire. On peut capter l’intérêt en séduisant, par la communication de ce que le public veut entendre dire, on ne gagne sa confiance qu’en assumant sa parole propre. La maîtrise de la communication de l’entreprise consiste principalement dans la médiatisation de ce que l’entreprise veut dire à ses publics.

Toute communication doit être ainsi conçue à partir d’une finalité, d’une intention, dont l’expression médiatisée est destinée à interpeller le public. Nous exclurons les conceptions de la communication réduites au transfert objectif d’information et qui s’épuise dans sa forme.

En effet, dans la communication l’essentiel est ce qui veut être signifié pour que l’interlocuteur s’y retrouve, y fasse écho, s’y ajuste et l’accessoire est la médiation, moyen intermédiaire pour y aboutir. Nous laisserons de côté les conceptions magiques ou séductrices qui, au contraire, attribuent à la médiation, la forme de l’expression, un pouvoir abusif quitte à capter l’attention sur la forme de l’expression plutôt que sur son sens.

Autrement dit, c’est toujours l’esprit qui importe plus que la lettre. Cependant la lettre c’est ce qui est indispensable à l’esprit pour se communiquer; elle le fait si elle est expression authentique, juste, dans les langages appropriés.

La maîtrise de sa communication par l’entreprise consiste à en faire l’instrument de ses visées, c’est-à-dire l’accomplissement de sa vocation par la concourance de ses partenaires. Au-delà des communications spontanées, il y aura lieu de travailler, plus particulièrement, aux communications qui permettent aux partenaires et aux publics de l’entreprise de l’identifier en totalité ou en partie et surtout de l’identifier dans ce qu’elle veut signifier, qui est toujours, en quelque sorte, appel à la concourance.

Des opérations de communication particulières seront donc pertinentes, soit pour relancer cet appel à l’adresse des différents publics et à propos des préoccupations de l’entreprise, ou alors pour rectifier une communication mal maîtrisée, insuffisante, faussée ou dispersée.

La maîtrise de la communication portera donc sur des opérations particulières mais aussi sur la préoccupation générale de l’identité, exprimée par la multiplicité des signes que l’entreprise manifeste spontanément.

Ce que l’entreprise a à communiquer, c’est son existence et par là le sens de son engagement.

La communication portera donc sur les aspects suivants :
La politique, sa vocation, sa philosophie, sa position d’engagement.
Son domaine et sa situation autour de son métier.
Son développement, ses projets et réalisations, ses plans et stratégies.
Sa culture, la vie de l’entreprise et son vécu collectif.
Ses produits et services et leur qualité liée au travail dont ils résultent.
Son identité qui la qualifie et constitue son image.

Ce sont les composantes de son cohérenciel.

Tout cela peut être décliné de même, au niveau des unités concourantes qui la constituent en distinguant, là aussi, les composantes du cohérenciel.

Cette communication s’adresse à différents publics toujours dans la même finalité identificatoire et interpellante pour appeler ou renforcer la concourance. On distinguera ici :

Les partenaires engagés dans l’entreprise commune,
Ceux qui y adhèrent, clients, fournisseurs, occasionnels;
Les milieux sociaux environnants, responsables locaux, proches des partenaires, populations.
Les différents acteurs de l’univers professionnel de l’entreprise dans le champ de son métier.
Les entreprises et leurs partenaires, auxquelles l’entreprise concoure.

Là aussi ces publics se spécifient pour chaque entreprise particulière qui concoure à l’entreprise commune et qui ont à maîtriser leur propre communication inscrite dans la communication générale de celle-ci.

Il faut insister sur deux remarques. Toute communication spécialisée participe d’une communication générale et l’ensemble doit être maîtrisé. L’autre remarque est qu’une communication atteint souvent plusieurs publics à la fois et, en particulier, les communications adressées au public plus périphérique atteignent aussi le plus proche, c’est-à-dire ceux qui sont engagés dans l’entreprise. On ne peut pas tenir une double langage sinon créer un divorce entre une réalité publique et un réalité interne de l’entreprise, divorce préjudiciable à sa crédibilité.

La communication se présente sous des formes qui peuvent être variées selon les supports, les publics, les langages.

On notera comme expressions communes de l’entreprise :

La publicité portant sur des questions différentes.
La documentation.
Les présentations audio-visuelles de l’entreprise, ses projets, sa proposition.
Le journal d’entreprise.
Les courriers, notes et correspondances diverses.
La présentation matérielle de ses produits (packaging…).
Des manifestations, expositions, etc…
Des signes caractéristiques, logos, couleurs, etc…
La présentation de ses locaux et de tout ce qui manifeste sa présence locale.
Des oeuvres et productions culturelles symboliques.
Des annonces.

Les médias sont aussi nombreux et fonction du milieu où évolue l’entreprise, du coût de leur accès et des contacts avec les publics visés qu’ils établissent.

Les problèmes de communication de l’entreprise sont principalement à deux niveaux :

Celui, général, de l’unicité de la communication globale de l’entreprise.
Ceux, particuliers, à chaque opération particulière.
Nous allons envisager l’un et l’autre.

La communication générale de l’entreprise

La maîtrise de la communication générale de l’entreprise conditionne son identification par l’ensemble de ses publics. L’identification résulte de l’ensemble des signes, formes et images que l’entreprise manifeste.

Il ne s’agit pas d’une identité statique, qui serait valable pour quelque chose d’immobile, mais d’une identité vivante qui témoigne de la vie de l’entreprise.

Or cette identité que l’entreprise communique, comporte une dimension permanente, celle inhérente à sa vocation, à sa politique, qui constitue son originalité, son caractère unique, et une dimension circonstancielle qui correspond à son métier, son domaine et la variété des conditions et circonstances de son activité et celle des acteurs et facteurs à chaque fois concernés.

Ainsi la communication générale de l’entreprise doit comporter une constante et des variables que l’on doit retrouver dans chaque communication particulière.

Toutes les communications particulières de l’entreprise doivent être homologues, c’est-à-dire de même sens. C’est là la constante. Cependant, ces communications doivent être fonction de l’actualité en marche et de ses multiples situations. C’est là la diversité.

Pour maîtriser cela il sera d’abord nécessaire de mettre au clair l’esprit de l’entreprise, sens des messages qu’elle présente et de l’exprimer dans un concept repère ou une image, une idée, une formule fortement symbolique que toutes les communications particulières auront à décliner de façon spécifique.

Ces déclinaisons elles-mêmes, selon ce qu’elles expriment de l’entreprise, seront fugaces ou permanentes.

Ainsi un logo, le nom même de l’entreprise, sa marque, seront des repères symboliques permanents et universellement présents. Par contre, chaque produit, chaque moment de la vie de l’entreprise, chaque espace qu’elle habite portera une expression de celle-ci variable.

Méthodologiquement, la maîtrise de la communication globale de l’entreprise réclamera :

Le repérage de son intention générale (analyse figurative, analyse de cohérence),
Sa traduction dans le domaine qui est le sien en fonction de son métier,
L’expression de l’idée, du concept ou de l’axe de communication qui formule la logique du projet général de l’entreprise et de son développement.

On a ainsi le repère d’inspiration universel à partir duquel toutes les expressions et communications devront être établies par déclinaison.

Tout d’abord des formes permanentes en seront déduites (logo, signes, dénominations, slogan, devise, maxime, etc…). Elles figureront comme identificateur central de toutes communications.

Ensuite, tous les auteurs de communications de l’entreprise, c’est-à-dire toutes les personnes responsables y concourant, devront connaître ces identificateurs et leur signification générique. Pour cela des explications, traductions, illustrations à partir de supports divers, documents, films, etc… pourront être réalisées, constituant une sorte de dossier d’identité général. Il est d’ailleurs indispensable que les partenaires de l’entreprise s’y retrouvent sinon il y aurait divorce entre sa culture réelle et son identité, source de problèmes majeurs.

Par la suite, pour chaque occasion de communication, il faudra veiller, d’une part, à la présence des identificateurs, et, d’autre part, à la déclinaison de leur signification dans la circonstance particulière. Autrement dit, si les messages de l’entreprise sont multiples ils doivent garder la même signification générale marquée par des identificateurs constants.

Un autre aspect méthodologique de la maîtrise de la communication générale de l’entreprise consiste à prendre en compte soigneusement les publics concernés pour adopter langages et formes d’expressions adaptés. En effet, l’identification résulte de leur regard, leur lecture, leur compréhension des messages qu’ils reçoivent et, en dernier ressort, de la signification qu’ils leur donnent pour, éventuellement, s’y retrouver et participer au consensus.

Cette prise en compte des publics consiste à reconnaître leur culture propre, c’est-à-dire les significations qui sont pour eux recevables et les langages qui vont pouvoir les médiatiser. Il s’agit, en fait, de trouver dans la « culture » de chaque public visé, clients, collaborateurs, etc… La signification correspondant le mieux à celle que veut faire passer l’entreprise. Chaque message en sera l’interface, le médiateur par les médias appropriés.

On accède à cette connaissance, notamment par l’expérience, mais aussi par analyse figurative, ou analyse de cohérence s’il s’agit de publics vastes et mal connus.

En fait, concernant des concourants potentiels ou actuels, cela revient à se demander quelle signification l’entreprise a pour les leurs et quelles expressions vont convenir pour que les significations se rencontrent.

L’identité de l’entreprise, construite et reconstruite par toutes ses communications est, en définitive, l’interface de cette rencontre. Le consensus entre les entreprises, ainsi rendu possible par la communication est, on l’a vu, ce qui en fonde la concourance, soit par engagement mutuel, soit par adhésion.

Tout ceci est, bien entendu, valable pour toutes sortes d’entreprises personnelles ou collectives, de production ou politique, etc…

Méthodologie générale de communication stratégique de l’entreprise

Quand communiquer ?

Tout d’abord, il faut remarquer que l’entreprise communique en permanence et que ses communications sont l’expression de la vie quotidienne et de décisions antérieures. Elles rentrent donc dans la maîtrise de sa communication générale qui peut conduire à des réajustements périodiques.

Cependant, au cours de son activité, l’entreprise peut avoir à faire « appel » à un public particulier pour qu’il participe ou concoure à une initiative ou un projet.

C’est le cas pour le lancement d’un produit, d’un service, d’une idée vis-à-vis des « clients potentiels », c’est le cas dans un projet qui réclame la participation d’acteurs multiples collaborateurs, fournisseurs, responsables locaux, usagers, etc…, c’est le cas encore lorsqu’un changement affecte la vie de l’entreprise pour une équipe ou toute une population de ses collaborateurs.

En fait, l’entreprise doit avoir une bonne connaissance des multiples populations qu’elle concerne et savoir en quoi elles concourent ou sont susceptibles de concourir au succès de l’entreprise. Cela fait partie de la maîtrise de son domaine.

L’entreprise aura à élaborer une stratégie de communication chaque fois qu’un de ses projets affecte le concernement de la totalité ou d’une partie de ces populations, soit pour le susciter, soit pour le renforcer, soit pour le réajuster.

De ce fait, c’est toujours à partir d’un projet et dans le cadre de la stratégie de développement de celui-ci qu’une campagne de communication peut s’inscrire, comme une dimension de celle-ci, une stratégie particulière.

On assiste, trop souvent, à des communications lancées à contre temps trop tôt ou trop tard où dont la finalité n’est pas clairement définie. Communiquer est une entreprise qui doit être gouvernée comme telle, dans sa concourance à un projet précis. Ce n’est pas un habillage artificiel fabriqué selon quelque lubie mais l’expression d’une situation et d’un projet affectif dont la communication fait partie de la stratégie.

Les étapes méthodologiques

La communication fait donc partie d’un projet dont elle est l’expression à l’adresse de plusieurs publics. Il s’agit donc, tout d’abord, de déterminer les bases du projet et la nature du concernement espéré pour chaque public, afin de définir le type de communication et de message à élaborer.

Détermination du projet à communiquer

Il s’agit d’en repérer d’abord l’intention et l’objet. Pour cela, il est indispensable de situer l’auteur du projet, le responsable de sa mise en oeuvre. De qui est-ce le projet ? Tant que cette question n’est pas réglée, il n’est pas possible d’avoir quelque garantie sur l’intention de celui-ci qui est toujours une intention humaine portée par quelqu’un qui en répond.

L’objet du projet est la nature du problème de la préoccupation qui réclame une telle entreprise. C’est à partir de celui-ci que l’on va pouvoir déterminer les différents publics et la nature de leur concernement.

Tout ce travail de détermination du projet à communiquer peut avoir été déjà réalisé par ceux qui en sont responsables selon leur rôle dans l’entreprise. Cependant le projet de communication, proprement dit qui s’y inscrit, nécessite une assurance suffisante et justifie un travail particulier si cela n’a pas été déjà le cas. En effet, il n’est pas souhaitable de communiquer une intention floue et de tenir des propos décousus dont l’objet principal n’est pas précis. Les techniques de centration, et d’analyse figurative seront utiles pour cela.
De ces analyses résulte la réponse aux questions : pourquoi veut-on communiquer et à propos de quoi ?

Détermination des publics et de leur concernement.

L’objet du projet concerne toute une population dont il faut pouvoir dessiner les contours. Cependant, cette population n’est pas toujours concernée au même titre, au même moment, ni à propos des mêmes choses. De l’objet principal du projet se déduisent des objets secondaires qui y sont liés.

Ainsi la population peut être répartie en catégories (segmentation) selon leur objet, le moment de leur intervention dans le projet et leur rôle spécifique.

La communication visera ainsi plusieurs cibles auxquelles des messages spécifiques seront à adresser. La connaissance de ces cibles est utile pour discerner les significations que l’objet d’études particulières, études de marché qualitatives, études culturelles, études de motivations, etc…

Ces études peuvent être réalisées par des méthodes classiques d’enquête, de sondage, etc… Cependant on n’accédera à un discernement du caractère significatif de l’objet de la communication que par des méthodes qui dépassent l’étude des réactions et comportements extérieurs pour en saisir le sens. A nouveau, l’analyse figurative et l’analyse de cohérence, complétées éventuellement par des enquêtes quantitatives y pourvoiront.

De ces études, il ne s’agit pas de déduire ce que les publics veulent entendre mais comment ils peuvent recevoir ce qu’on leur propose.

Elaboration du message

Le message est l’expression de ce qui doit être signifié à l’adresse d’un public. Ce n’est pas encore la forme de la communication mais ce qu’elle aura à véhiculer.

Il résulte de la déclinaison d’un concept, d’une idée centrale qui l’inspire et de sa traduction à l’intention des interlocuteurs pour en susciter le concernement.

Nous avons déjà évoqué l’intérêt de la détermination d’un concept ou d’une idée maîtresse qui découlera, ici, de l’intention spécifique du projet. On veillera cependant en outre à ce qu’ils restent en harmonie avec la communication générale de l’entreprise et ses identificateurs.

Le message dépendra encore du type de concernement attendu. On peut, en effet, établir une typologie des messages selon le concernement qu’ils visent à susciter. On distinguera à ce propos :

Les messages d’interpellation, de provocation destinés à susciter des initiatives, des responsabilités. Ce sont des messages du type manifeste, prise de position, déclaration d’autorité.

Les messages d’enseignement, destinés à guider, à indiquer une voie à suivre. Ce sont des messages démonstratifs, explicatifs du cheminement logique.

Les messages de mobilisation, destinés à toucher, à faire éprouver quelque chose, à susciter un rapprochement, un partage, une appréciation. Ce sont des messages évocateurs, scéniques, poétiques, esthétiques, des illustrations par exemple.

Les messages pratiques destinés à favoriser une action, un comportement, une opération particulière. Ce sont des messages techniques, organiques, descriptifs.

Les messages interprétatifs destinés à faire comprendre, à donner une idée, une vue d’ensemble. Ce sont des messages synthétiques, conceptuels, théoriques et symboliques.

Une communication peut porter plusieurs de ces messages simultanément. Cependant, il sera utile d’élaborer chacun de façon différenciée à l’adresse de chaque public avant de les intégrer le cas échéant.

La collection des messages à communiquer consistera la base de l’élaboration ultérieure de leurs formulations.

Ces messages peuvent être élaborés par traduction homologiques à partir d’analyses figuratives portant sur leur objet particulier et selon l’intention générale du projet de communication.

Expression du message : stratégie de communication

Il s’agit là de déterminer les formes d’expression et les langages appropriés. Ils dépendent du public visé et des médias ou moyens de les atteindre. « Le médium est le message » disait Mac Luhan. Nous nuancerons cette affirmation en disant que le médium exprime le message. Les formes d’expression, les supports de communication et les circonstances de la communication, contribuent ensemble à l’expression du message. C’est donc là qu’il est nécessaire d’avoir une stratégie de communication.

Celle-ci détermine ses modalités de mise en oeuvre. Un travail de créativité générative aboutira à une stratégie et à un plan au cours duquel seront déterminées les formes, circonstances, et moyens de la communication.

On peut aller jusqu’à dire que le message est transmis par la mise en oeuvre du plan de communication. Autrement dit, la manière de communiquer est ce qui véhicule le message, ce qui le porte et le contient.

Elle doit être homologue à ce message. La stratégie de communication est l’expression su message et celle-ci est supportée par toutes les composantes de cette stratégie formes, circonstances, supports, situations de communication, contexte, etc…

C’est dire l’importance et le soin à apporter à cette stratégie. En effet, si on réduit la communication à la présentation du message, la transmission de celle-ci peut très bien porter des significations parasites ou contradictoires.

Le principe d’homologie de la stratégie et du message (même sens) est celui qui permet la surdétermination de celui-ci par toutes les composantes de la communications, c’est-à-dire par la stratégie et les dispositions du plan de communication.

La logique de la stratégie de communication doit être la logique même du message à transmettre.

Mise en oeuvre du plan de communication

Elle comporte la réalisation des opérations envisagées: supports, médiations, manifestations, etc…

Nous ne nous étendrons pas ici sur ce qui est du ressort de la conduite de projet et de stratégies de développement. Cependant nous soulignerons que, visant la concourance entre les auteurs du projets de communication et leurs interlocuteurs, ceux-ci doivent à tout moment être mutuellement identifiables.

Autrement dit, il ne faut pas confondre les porteurs de la communication avec les auteurs du projet de communiquer. Ce sont donc les responsables du projet qui doivent être identifiables, ainsi que leurs interlocuteurs, de façon à ce que les uns et les autres puissent se rencontrer grâce à la communication.

Les messages et les communications sans auteurs identifiés et sans interlocuteurs désignés restent stériles sur le plan de la concourance.

6 -PROBLEMES ET METHODES DE MAITRISE DE L’ACTIVITE PRODUCTRICE

La contribution de cette activité à l’entreprise est la production de services, de produits ou d’ouvrages qui répondent au mieux à ce que l’on en attend.

Cette production est le fruit du travail, dont la maîtrise est nécessaire et qui réclame des compétences adéquates.

La qualification des hommes est l’adéquation de leur efficience à la maîtrise de leur travail.

La qualification du travail est l’adéquation de sa maîtrise à la qualité des résultats attendus.

La qualification du produit du travail est l’adéquation de ses qualités aux attentes des clients.

Ces clients sont aussi bien des collaborateurs, s’il s’agit d’ouvrages intermédiaires, que tous ceux auxquels ils sont destinés à rendre service.
Ainsi la qualification d’un produit est relative au service rendu et ses qualités sont ce qui le qualifie pour cela.

La qualification du travail est relative au produit attendu et ses qualités sont ce qui le qualifie pour cela.

La qualification du travailleur est relative au produit attendu et ses qualités sont ce qui le qualifie pour cela.

Par sa qualification, le travailleur peut ainsi rendre un service qualifié à son client. C’est sa profession.

Par sa qualification, l’entreprise répond aux attentes de ses clients. C’est son métier.

Cependant, nous avons vu aussi que l’entreprise avait en premier lieu une vocation et par celle-ci elle détermine l’offre de service sont elle va chercher les clients.

La qualification des clients est relative à l’offre de l’entreprise et de même la qualification du produit est relative à la qualification du travail et la qualification du travail à celle du travailleur.

Ainsi il y a entre le travailleur et son client une qualification réciproque, médiatisée par la qualification du produit, résultant de la qualification du travail.

Ce lien est méconnu par les entreprises qui veulent ignorer que l’homme, travailleur ou client, est l’origine et la fin de toute entreprise et qu’il est l’origine et la fin de toute qualification.

La qualité, qui est tant à l’ordre du jour, n’est pas une notion absolue mais relative. La qualité c’est ce qui qualifie et la qualification se fonde et se mesure en l’homme.

La déqualification de l’un des termes de l’équation de qualification : travailleur – travail – produit – client, est préjudiciable à l’ensemble.

La qualité est, en effet, le critère majeur de toute activité de production en tant qu’elle qualifie c’est-à-dire rend qualifié.

Or, ce qui est qualifié pour répondre à la demande comme ce qui est qualifié pour recevoir une offre c’est ce qui est significatif pour le client comme pour le producteur.

Dans la mesure où les qualifications sont relatives et réciproques, l’adéquation de l’offre et de la demande est fondée sur le fait d’une signification commune et mutuellement reconnue.

C’est comme cela qu’il y a concourance, en tant que chacun, client et producteur, concoure à partager une même signification par la médiation du produit qui en est le médium.

La signification est, on l’a vu, ce qui renvoie au sens, celui commun de l’entreprise de chacun, travailleur ou client, celui de l’entreprise globale et celui que véhicule le produit.

Elle est aussi ce qui se traduit dans les qualités qui sont les modes d’expression du sens.

La qualité est donc un mode d’expression du sens qui qualifie les acteurs et facteurs concourants (production, client, produit, travail…).
Le progrès de l’entreprise va avec l’amélioration des qualifications et donc des qualités.

Or, il se trouve que si la qualité progresse, elle améliore aussi la qualification par l’apprentissage. En effet, l’exigence de qualité, par le travail qu’elle inspire, amène à une meilleure maîtrise du travail, un meilleur ajustement des qualifications, à une meilleure reconnaissance des qualités et une plus grande exigence de la demande.

Ainsi, cela n’est pas simplement une équation circulaire statique qui réunit, qualités et qualification, mais une spirale dynamique qui fait progresser, l’un par l’autre, tous ses termes. L’amélioration de la qualification du travailleur, celle du travail, du produit, du client sont corrélatives.

Ainsi, la maîtrise de l’activité productrice de l’entreprise, elle-même une qualification de son gouvernement, a-t-elle pour enjeu l’amélioration des qualités et des qualifications de production. Il est clair que comme tous les aspects du gouvernement de l’entreprise, cette maîtrise est corrélative de toutes les autres auxquelles elle concoure et sur lesquelles elle s’appuie.

C’est ce qui fait que la question de la qualité, même posée en termes de produits, est liée au gouvernement général de l’entreprise.

Nous allons examiner maintenant quelques uns des problèmes de l’activité productrice et envisager des méthodes qui peuvent contribuer à leur maîtrise.

Nous utiliserons pour la maîtrise du travail la structure cohérencielle pour distinguer les conditions de cette maîtrise et de la qualification de ce travail, impliquant celle du résultat et celle de l’homme au travail qui sont, on l’a vu, indissociables.

A) Signification et ajustement du travail.

L’homme ne peut agir sans volonté et sans que cette volonté soit orientée, intentionnelle. Or, il ne s’agit pas là simplement d’avoir de la volonté mais celle qui convient à la valeur que représente ce travail et son résultat pour l’ensemble des personnes concernées :

L’homme au travail et sa motivation.
La motivation significative de l’attente du client direct qui est celui qui recevra le produit du travail (responsable de production, utilisateur, etc…).
La motivation convergente qui traduit la vocation de l’entreprise et que sous-tend la demande de ses clients.

Pour cela, il y aura un ajustement personnel à effectuer sur cette intention à partager et à assumer et la maîtrise de cet ajustement est la condition de la valeur du travail et de son résultat. Ce repérage est de la responsabilité de chacun et c’est en général en se référant à un responsable du travail collectif qu’elle peut s’effectuer.

Ce repérage peut être réalisé à partir d’une analyse qualitative (analyse fonctionnelle), telle que les méthodes dites d’analyse de la valeur en supposent la réalisation (analyse figurative ou analyse de cohérence).

Cependant dans le travail collectif, l’ajustement de la signification du travail à réaliser, sa valeur, doivent être partagés par le groupe ou l’équipe.

Le responsable de production joue le rôle d’un repère commun s’il a lui-même assumé la responsabilité de ce repérage. Cependant la recherche en commun de cet ajustement, l’entente sur la valeur du travail à partager et sa signification pour chaque personne concernée (entreprise, responsable, travailleurs, clients directs et indirects), favorisera la convergence et la pertinence des efforts collectifs en même temps qu’elle renforcera la volonté individuelle.

Les réunions ayant cet enjeu peuvent être intégrées aux cercles de qualité, groupes de progrès, etc…

De là dépend l’esprit d’équipe mais aussi la responsabilité de chacun, l’intensité et la justesse de son investissement.

La maîtrise de cette première dimension, qui conditionne l’implication des personnes et son orientation, passe par un recueillement, un retour sur soi, personnel et collectif. C’est l’intérêt de périodes de repos que de permettre les « mises en question » nécessaires aux « prises de position » déterminantes dont la volonté sera porteuse.

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B) La détermination des éléments et conditions du travail.

Le travail se décompose en tâches élémentaires qui s’enchaînent et, pour chacune, des ressources sont nécessaires (données, matières premières…) des moyens aussi (lieux, outils, machines) et des objectifs sont à préciser (spécifications, tolérances, contraintes…).

Cette analyse demande à être faite avec rigueur et la connaissance de ces éléments est la condition de la précision du travail.

La maîtrise du travail est en rapport, sous cet angle, avec l’acuïté de l’attention de celui qui l’effectue, portée à chaque élément pour en connaître, en et mesurer l’importance et la significativité. Il se référera pour cela aux informations qui lui seront fournies par le gestionnaire deproductiondans un travail collectif. Dans ce cas, celui-ci aura aussi à prendre en compte les hommes et à leur procurer les fournitures nécessaires (informations, stocks, magasins, etc…).

La maîtrise du travail comme celle de la production collective, sont conditionnées par la rigueur d’attention portée aux facteurs de production. On distinguera tout particulièrement :

Leur détermination qui résulte d’une analyse qualitative et quantitative et telle, que ne sont considérés que les éléments significatifs, fonction de l’intention au travail.
Leur sélection qui ne retiendra que ce qui convient spécifiquement au travail à effectuer.
Leur mise à disposition au moment et dans les conditions opportunes.

Cela implique toute une préparation, une mise en place qui dépend de la précision de l’analyse effectuée et qui conditionne la qualité des résultats en ce qui concerne le respect des spécifications.

Sur tout cela le discernement et le soin de l’homme au travail sont sollicités. Il est cependant important qu’il y ait une compréhension mutuelle de l’ensemble des personnes concernées sur tous ces éléments. L’information mais aussi l’analyse en commun au cours de réunions de groupe ad hoc, conduites par un spécialiste de l’analyse, seront utiles pour éviter la dispersion et le gaspillage qui en résulte.

C) L’organisation du travail.

La maîtrise du travail personnel consiste ensuite à relier entre eux les éléments à prendre en compte selon l’orientation et la signification de l’ouvrage.

Mettre en rapport, matériaux, instruments, mais aussi les tâches entre elles revient à les mettre en jeu en vue de leur arrangement, de leur combinaison. Il y aura lieu aussi pour chacun d’assurer les relations avec les différentes personnes concernées par le travail, à l’amont, à l’aval, et en coopération. La maîtrise du travail ne peut pas, en effet, être dégagée de cette charge d’assumer les relations de travail dont chacun est co-responsable.

C’est pour cela qu’un opérateur isolé, aussi habile soit-il, qui n’en tiendrait pas compte, ne pourrait être tenu pour compétent, ni qualifié. Il en va de sa maîtrise professionnelle.

Il est clair que la division du travail, la parcellisation des tâches, mais aussi une analyse trop cloisonnée de celles-ci, fait perdre au travailleur la maîtrise de son travail.

Au niveau collectif, le responsable de la production doit assurer la coordination de l’ensemble, établir les liaisons et correspondances, c’est-à-dire organiser et ordonnancer le travail collectif.

Cependant, il faut souligner que cette organisation collective du travail n’a pour but que de compléter et intégrer les organisations individuelles que chacun a à maîtriser.

Il y a aussi plusieurs niveaux d’organisation :

Celui, général, de la production qui intègre les responsabilités des six dimensions du cohérenciel. Il prévoit et définit les responsabilités et leurs articulations et l’ordonnancement général de la marche de la production.

Celui, spécifique, des unités de production pour lequel il y a lieu de définir les qualifications des hommes, leur ouvrage et l’articulation de la coopération, intégrant les facteurs de production selon la finalité propre de l’équipe ou de l’atelier.

Celui de chaque opérateur dont la maîtrise implique cette coordination des choses, leurs assemblages et les relations avec l’environnement et l’entourage.

Si l’organisation prétend intégrer à un même niveau l’ensemble des relations et des rapports, les travailleurs sont dépossédés de leur maîtrise et réduits au stade de rouages et de moyens d’un système mécanique. C’est une des conséquences du taylorisme, incompatible avec la vocation de l’entreprise humaine et civilisée.

Sur le plan méthodologique, l’organisation implique la combinaison des éléments selon la finalité du travail en fonction de leur valeur relative et de leurs conjonctions significatives. Elle peut être facilitée par l’analyse figurative qui permet de mieux comprendre les relations entre les acteurs et les facteurs et d’en rationaliser l’arrangement.

Au niveau collectif, elle implique la participation des collaborateurs dont elle est la consistance même. Des réunions pourront y préparer où chacun peut apporter l’originalité et la spécificité de sa contribution personnelle et où pourront se négocier les articulations entre les travaux des uns et des autres. La souplesse de l’organisation, sa mobilité et son optimisation en dépendent directement. Le concert des compétences est infiniment plus efficace que la juxtaposition formelle d’éléments en réalité hétérogènes.

Cette participation opérationnelle fait la force de la production, la qualité de ses réalisations et constitue son potentiel de progression et d’évolution.

D) Conception et programmation du travail.

La maîtrise du travail ne peut aller sans représentation, à la fois du résultat attendu et de la manière de l’atteindre. Ils sont indissolublement liés. En effet, le procédé de production et le produit attendu sont conditionnés l’un par l’autre et c’est une même représentation qui les intègre. La présentation du produit et la façon de l’obtenir sont pour la production une seule et même représentation avec, éventuellement, des niveaux de détail différents. Projet, plan d’ensemble, programme de réalisation, procédés, correspondent à des degrés différents de représentation du travail à effectuer, indispensable à la maîtrise de celui-ci.

Il est nécessaire pour le travailleur de visualiser son travail, de le concevoir, pour s’en approprier le dessein et le dessin, c’est-à-dire en être auteur. Cela fait appel aux capacités de conception, de créativité, mais aussi de représentation rigoureuse. Il aura pour cela à se référer à des modèles ou des schémas, non pour s’y conformer à la lettre, mais pour s’en inspirer.

Dans un travail collectif, il lui faudra en effet se représenter non seulement son travail mais aussi l’intégrer dans une vision d’ensemble auquel il prend part. C’est à celle-ci qu’il se référera. Les responsables de la production collective auront à l’élaborer.

Ainsi, projets, modèles, plans, procédés, programmes ont à être conçus et représentés (visualisations, dessins, images de synthèse, etc…).

Cependant, là aussi, la représentation générale de la production ne peut être que l’intégration des représentations partielles en même temps qu’elle aide celles-ci à s’établir.

Il est donc nécessaire qu’un travail d’imagination et de représentation collectif soit réalisé pour arriver à une intégration homogène. Que ce soit au niveau projet, plan, procédés ou programmes, les méthodes de créativité sont forts utiles, complétées par l’effort de formalisation et de représentation qui ressorti de la maîtrise des langages et des expressions qui peuvent en être faites.

Ces représentations d’ensemble, comme les représentations propres à chaque ouvrage particulier, permettent à chacun d’identifier son travail en lui-même et sa contribution au travail collectif, lui aussi identifié.
Substituer à la contribution de chacun des modèles tous faits et impératifs, aliène l’intelligence, la créativité et l’identité de chacun ce qui conduit à une activité aveugle. Inutile d’insister sur la précarité des résultats et la déqualification qu’elle provoque, qu’on a cherché à compenser aussi par l’atomisation des tâches et leur répétitivité qui robotisent l’homme en s’épargnant le besoin d’intelligence et de conscience.

La représentation du travail est aussi une idéalisation de sa signification et, sans idéalité, sans idéal même, on ne peut espérer de motivation et de désir de progression.

E) L’efficacité du travail.

Sur le plan personnel, l’efficacité résulte de l’intensité de l’engagement de la personne dans son acte et de son habileté. C’est donc par une concentration de la personne sur son objet que s’effectue l’opération du travail. Il est bien évident que l’acte de travail, cette opération, varie selon les activités. Cela veut dire qu’à chaque fois l’engagement de la personne est différent ainsi que son objet. Dans son travail l’homme met son humanité et la part de celle-ci qui convient, en l’appliquant à son objet et au fruit qu’il en espère. C’est cette application de soi-même qui constitue l’habileté lorsqu’elle est maîtrisée. Le « savoir faire » est un « savoir être », appliqué à quelque chose.

Les outils, les moyens, on l’a vu, viennent pour médiatiser cet investissement de soi, et leur emploi participe de l’habileté de l’opérateur de sa maîtrise. La performance de l’opérateur est celle de l’opération, et non pas celle de l’outil dont seule la pertinence y contribue.

La maîtrise de l’efficacité du travail dépend de ce que l’opérateur y met de lui-même, non pas uniquement physiquement, mentalement ou affectivement selon le cas mais, plus profondément, de son Instance et de son sens. C’est ainsi que si son travail répond à sa vocation propre, la personne développera une efficacité et une habileté beaucoup plus grande que s’il n’y correspond pas.

C’est par la culture de cette vocation, culture de soi-même, que cette capacité opératoire se développe. Elle peut se faire par l’expérience et par une discipline qui, avant d’être maîtrisée, peut être proposée et accompagnée par quelqu’un qui maîtrise déjà ce travail.

Au niveau collectif, la maîtrise du travail résulte de la co-opération. Chacun alors s’engage, non seulement vis-à-vis de son objet, mais d’objets communs et des autres eux-mêmes. Autant l’homme qui maîtrise son travail fait corps avec lui, autant l’équipe de travail fait corps, dans sa concentration et sa confrontation à son opération.

On peut parler proprement de « membres » de l’équipe de travail comme ceux d’un corps investi dans l’action, chacun avec sa fonction. Il s’agit néanmoins de membres autonomes, co-responsables de la cohésion de l’action. Dans d’autres contextes, on a pu penser que la constitution du corps de travail ne pouvait résulter que de l’exercice d’une pression extérieure par un commandement autoritaire par exemple, ou d’autres moyens de pression.

C’est considérer l’homme comme de la matière, une pâte à modeler selon la réaction que l’on attend (principe de conservation de l’énergie). L’efficacité, alors directement liée à l’énergie de l’exercice de la pression est infiniment moindre que dans l’auto-coopération dont chacun assume la maîtrise en ce qui le concerne.

La maîtrise de la co-opération n’implique que l’aide à la concentration collective et à l’articulation collective des moyens éventuels. La performance de l’équipe de travail résulte de cette concentration collective et de cette articulation commune. Elles sont le fruit de la contribution de chacun, appuyée sur celle de celui qui condense l’ensemble, c’est-à-dire l’initialise, l’accompagne ou l’achève. C’est le rôle du chef d’équipe que de contribuer, par cette intégration du travail commun, à son efficacité et sa performance, directement fonction de la qualification des hommes.

F) La maîtrise des fruits du travail.

Les fruits du travail sont, on l’a vu, la production d’un produit qualifié mais aussi la qualification même de ceux qui le produisent, potentialisant une amélioration de la qualité.

La maîtrise des fruits du travail est le contrôle de leur élaboration, celui de leur qualité et celui enfin de la qualification qui, personnelle et collective, en résulte. On aura donc à examiner ici ces trois points :

Le contrôle de processus

Chacun intégrant toutes les dimensions de la maîtrise de ce que l’on a déjà envisagé, doit encore suivre le déroulement de l’élaboration de son ouvrage. A tout moment, il doit savoir où il en est et si les choses se présentent comme prévu. Cette vigilance peut s’assortir de méthodes de contrôle, tant pour vérifier le déroulement du travail que pour s’informer de son état d’avancement, afin d’en guider la progression. Cette maîtrise personnelle du processus de production ne va pas sans la recherche d’un changement optimal. Le contrôle de processus contribue à l’optimisation du travail et donc à son amélioration progressive. Il s’agit évidemment d’un contrôle régulier, continu ou aléatoire, qui permet de bien suivre les différentes péripéties du déroulement du processus. Le contrôle est maîtrise et la maîtrise optimisation.

Au niveau collectif, le problème est tout à fait le même. Il s’agit d’un contrôle d’un autre niveau que celui de chaque opérateur qui doit avoir le sien.

En effet, une fois encore, substituer le contrôle général au contrôle personnel fait perdre la maîtrise du travail et, ici particulièrement, la possibilité de progression et d’optimisation du processus personnel. Elle coupe l’homme des fruits de son travail dont il se trouve dépossédé. Il faut donc bien distinguer les deux niveaux de contrôle. Inversement le contrôle personnel ne peut pas s’effectuer sans la référence à un contrôle collectif, intégrant les différentes contributions de chaque opérateur.

Sur le plan pratique, il y aura lieu de déterminer les indicateurs qu’il convient de suivre à chacun des niveaux, là où le responsable du contrôle est directement concerné. Par le jeu de contrôles individuels et d’un contrôle général, c’est toute l’équipe de travail qui contrôle son processus de production et progresse ainsi dans sa compétence.

Le contrôle qualité et la qualité qualifiante

Le contrôle qualité est l’appréciation et la mesure des qualités et donc de la qualification du produit. Il se fait, là aussi, au niveau personnel et au niveau général, en référence l’un à l’autre, mais sans substitution, si l’on veut, là encore, que chacun développe la maîtrise de son travail et que la qualité soit, elle aussi, optimisée, améliorant ainsi la qualification du produit.

Participant de la maîtrise du travail personnel et collectif, il en assure la qualification et celle de ses fruits. Il y aura lieu, là aussi, d’effectuer un contrôle régulier tout au long du processus de production à partir d’indicateurs et d’évaluations appropriées. Il est bon de considérer ici les différents types de critères à contrôler qui caractérisent la qualification d’un produit, c’es-à-dire sa qualité globale, relative à l’attente de celui qui en est client (direct ou indirect).

Le schéma suivant présente la structure cohérencielle des qualités d’une production et du mode d’évaluation.

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Les méthodes de contrôle sont directement de la compétence de celui qui travaille et participent obligatoirement de sa maîtrise, aussi bien que de celle de celui qui est responsable du travail collectif, chacun à son niveau.

Elle sont aussi variées que les compétences et les métiers. En outre, nous avons vu que la qualité est toujours une notion relative, si bien que le contrôle qualité ne peut se passer d’une validation par autrui et, de préférence, celui qui est le client direct du travail.

Ainsi, un travail collectif, même s’il est effectué par l’opérateur lui-même, il est validé par le responsable du groupe de travail comme par les coopérateurs et, en dernier ressort, par le client final.

Le contrôle qualité, personnel et partagé, participe de la maîtrise du travail mais aussi il revient à en tirer des enseignements. Il participe de l’apprentissage de la qualification. La production contrôlée de la qualité est qualifiante. Elle intègre, ne l’oublions pas, toutes les dimensions de la maîtrise du travail de production et en est l’accomplissement. Il est préjudiciable à la maîtrise du travail et à celle de la qualification de ses fruits, de considérer la qualité comme un attribut supplémentaire, un complément, un habillage ou une simple apparence.
Il n’y a pas de dissociation entre la consistance du travail et du produit et leur qualité, c’est pour cela que le contrôle qualité est contrôle même du travail et de ses fruits et que, par ailleurs, il participe de l’apprentissage et du développement de la qualification professionnelles.

G) La formation professionnelle qualifiante.

C’est en forgeant que l’on devient forgeron.

C’est donc par l’exercice du travail que s’effectue la formation professionnelle. En particulier dans l’entreprise, le travail collectif et le rôle de repère des responsables de production permet l’apprentissage et le développement des qualifications. Le travail est formateur. La formation professionnelle n’est pas une activité annexe de l’entreprise humaine. Dans la mesure où l’activité de production est traitée comme nous venons de le voir, la formation professionnelle des hommes en est directement l’un des fruits.

Elle s’effectue par la participation à chacune des dimensions du travail qualifiant. L’exercice de sa maîtrise par chacun est l’accomplissement d’un travail qui ne s’achève pas seulement dans la qualification d’une production mais qui cultive sa qualification propre.

Il est alors possible que cette maîtrise s’acquière dans le contexte d’un travail collectif maîtrisé. L’apprenti aura à se confronter à chacune des dimensions du travail avec l’appui de ses partenaires qui ont déjà cette maîtrise. Cette confrontation est le contenu même de l’expérience formatrice dont le contrôle final permettra l’intégration.

Cela n’empêche nullement que des dispositions favorables soient nécessaires. Elle dépendent des dispositions personnelles liées à la vocation de chacun, à ses talents mais aussi de la « culture générale » qu’il reçoit de son éducation.

On ne peut s’étonner du manque de qualification de personnes qui viennent directement d’une école ou de l’université et il serait judicieux de distinguer la fonction éducative de la fonction formatrice qui ne peut être que celle de l’entreprise pour son propre bénéfice et sa propre qualification.

Il est vrai que l’expérience professionnelle et la qualification acquise dans une entreprise peuvent faciliter une nouvelle qualification, déterminée par la collaboration à une autre. Les deux ne peuvent être confondues et c’est ce qui fait que l’excellence d’un homme dans une entreprise ne peut être immédiatement transposée dans une autre, sans qu’un apprentissage soit nécessaire.

la formation professionnelle reste cependant le fait des entreprises par la maîtrise même de leur activité productrice.

L’entreprise humaine a comme fruit le progrès des hommes, non pas comme une activité supplémentaire de celle de production mais, directement, comme conséquence de sa maîtrise.

la qualité qualifiante est le principe logique et dynamique de la spirale de progression de la qualification de l’entreprise, des hommes et de leur production. Elle est aussi leur richesse.