La fraternité et le lien social

Conférence du 10 Novembre 1996 au 50° anniversaire des petits frêres des pauvres.

Le titre veut annoncer trois choses :

1) Que votre action de bénévole s’exerce dans la vie sociale dont les liens sont distendus, sinon coupés

Il faut rappeler que les problèmes des individus sont liés à un problème de société, et il nous faut être au clair par rapport à ce problème sinon ce que vous cherchez à recoudre d’un côté continuera à se découdre de l’autre.

2) Qu’il y a du nouveau dans notre société, qu’il y a à la fois crise et mutation, dégradation et renouveau.

Alors il faut faire attention de ne pas rester dans une attitude de fatalisme et d’impuissance sociale qui s’efforcerait de réparer des misères fatales sans l’espérance qui justifie l’action et sans voir que notre société accouche aussi d’une nouvelle ère encore peu visible mais puissamment à l’oeuvre où les hommes peuvent se reconnaître et s’assumer de plus en plus comme sujets, acteurs de leur devenir personnel et collectif.

Les sociétés, les institutions, les associations, les entreprises se révèlent comme des communautés d’intention , communautés de désir et non pas des machineries juridiques, biologiques ou économiques.

3) Le lien social dans une communauté de personnes majeures ou y accédant est un lien de Sens. Nous avons tous à répondre du Sens dans lequel nous nous engageons et nous engageons les communautés humaines où nous agissons.

Une communauté d’engagement mutuel dans un Sens commun de développement d’évolution, de progrès humain est une communauté de frères.

La fraternité ce n’est pas qu’une question de sentiment, ce n’est pas qu’une question d’entraide matérielle, ce n’est pas qu’une question de reconnaissance réciproque,

C’est aussi et surtout une question de partage d’une communauté de vie, humaine, c’est-à-dire vouée à l’accomplissement humain au travers de la communauté sociale où nous agissons.


La bonne volonté c’est justement la volonté bonne, l’intention orientée vers le bien commun, c’est-à-dire celui de la communauté de destin et de désir auquel participe l’autre, à sa manière.

La fraternité c’est cet engagement de volonté bonne qui concoure à la communauté de destin et cherche à la faire partager à celui qui en est parfois exclu.

C’est pour cela que la fraternité est le nouveau nom du lien social, celui de la relation orientée et engagée :

– qui fonde la communauté de devenir,
– qui concoure de façon active et responsable à ce devenir commun,
– qui exerce ce concours jusqu’à la relation d’aide qui veut faire de l’autre un frère de cette même communauté.

Le bénévolat ce n’est donc pas une activité marginale, un face-à-face isolé, une réparation individualisée des dégâts sociaux.

C’est l’engagement fraternel dans la communauté, l’acte responsable du lien social pour une société qui se reconnaît enfin comme une communauté de nature humaine, d’intentions humaines, de vocation humaine et d’organisation humaine.

C’est être acteur de fraternité pour renouveler notre société et participer à l’espérance qui s’incarne aujourd’hui dans les formes neuves, inattendues d’un âge d’homme, d’un âge du Sens, d’un âge des communautés sociales engagées, entreprenant leur accomplissement commun.