Les apports de l’Humanisme Méthodologique

Mettre l’homme au centre est un leitmotiv dans toutes les affaires humaines. En pratique c’est le contraire qui se fait. Pourquoi? Parce que les sciences humaines et les sciences de la nature éliminent l’humanité de l’homme de leur considération et que les idéologies et les pratiques enseignées par les institutions de nos pays font de même. Qu’est-ce que l’humanité de l’homme et, en conséquence, comment comprendre et aborder les questions et les affaires humaines? Telle est la question ici ouverte. Elle débouche sur une étonnante fécondité.

Devant la carence des grands systèmes explicatifs les oracles modernes ont décrété qu’il n’y en aurait plus, renonçant ainsi à toute cohérence, même provisoire, dans un contexte d’extrême morcellement des connaissances, de perte des repères et de crise de Sens.

L’objectivité se fait objectivisme et positivisme scientiste, la subjectivité subjectivisme et relativisme bavard, la rationalité se fait rationalisme et formalisme aveugle.

La théorie des Cohérences Humaines s’affirme comme une alternative fondamentale qui remet l’homme au centre de toute déclaration, pensée, expérience, action ou connaissance humaine et elle invite tout un chacun à assumer, à la fois personnellement et collectivement, ses déclarations, actes, pensées, expériences, actions et connaissances.

La théorie fondamentale s’accompagne de conceptualisations nouvelles (théories corollaires, concepts structurants, relectures, thèses et éclairages) et enfin de propositions pratiques et méthodologiques.

Dans sa démarche, elle cherche à se tenir simultanément sur trois principes qui servent de repère à son élaboration, son utilisation mais aussi sa compréhension.

– Un principe de pertinence : Authenticité, vérité, justesse, intégrité.

– Un principe de cohérence : Unité et différenciation, diversité et intégration, multiplicité et singularité, complexité et simplicité.

– Un principe de performance : Eclairer, rendre plus maître de soi, aider à l’efficacité dans l’action individuelle et collective dès lors qu’elle sert le bien de l’homme.

Tous ces termes, polysémiques, peuvent être compris en plusieurs Sens et c’est là le coeur des apports de cette théorie.

Pour en donner un aperçu il faut commencer par un noyau essentiel qui fonde la nouveauté radicale de cette anthropologie fondamentale et se décline en trois volets :

– Une épistémologie fondamentale ou théorie de la connaissance

– Une praxéologie fondamentale ou théorie de l’action et des processus de réalisation.

– Une téléologie fondamentale ou théorie de l’éthique et des modes d’évolution et d’accomplissement.

S’en déduisent ensuite de nombreuses conceptions : thèses, relectures, éclairages, assortis de concepts structurants et de moyens méthodologiques et techniques d’application.

On en dressera un inventaire sommaire assorti de quelques indications sur les apports originaux (surtout dans leurs fondements et leur expression commune).

LES APPORTS

Anthropologie fondamentale

Il est difficile d’en faire un descriptif linéaire aussi on utilisera d’abord le tableau suivant :

LA PERSONNE HUMAINE

LES COMMUNAUTES HUMAINES

LES SENS HUMAINS

1 – INSTANCE
ETRE DE SENS

2 – CONSENSUS
(SENS COMMUNS)

LA REALITE
D’EXPERIENCE
HUMAINE

4 – REALITE
INDIVIDUELLE

3 – REALITES
COMMUNES

1 -> 2 -> 3 -> 4

Les principales considérations sont les suivantes :

1 – La personne est d’abord un « être de Sens » ce qui pose toute existence dans le devenir et dans des problématiques de Sens, notamment la question de la liberté (de Sens) et des choix de Sens. C’est dans cette Instance que réside l’humanité de l’homme qui est Sens multiples et problématiques de Sens.

2 – Les communautés humaines sont de nature humaine. Elles sont nouées par un partage d’humanité, c’est-à-dire de Sens (et de problématiques humaines) et forment des ConSensus (Sens communs) habituellement inconscients et porteurs de contradictions.

3 – La réalité (du monde et des choses) est toujours une « réalisation » qui n’est rien d’autre que l’expérience humaine des Autres, c’est-à-dire, celle du conSensus. En définitive la réalité est l’expérience du Sens en conSensus.

4 – En conséquence, la réalité individuelle (l’individu) participe de la réalité commune (interdépendance) dont elle semble émerger (naissance existentielle biologique). Les structures de l’expérience humaine, de l’expérience du Sens sont celles de toute réalité qui est ainsi « réalisation du Sens » (mais pas toujours révélation).

Le Sens (humain) est principe fondateur de toutes réalités par lesquelles l’homme se réalise en réalisant le monde, lui permettant ainsi de se révéler à lui-même comme être de Sens et, de cette façon, cultiver et accomplir son humanité.

Le(s) Sens transcende(nt) la réalité où il(s) s’exprime(nt) notamment sous les différents visages des sens (orientations, significations, sensibilités, valeurs, etc.).

Les structures de l’expérience du Sens sont celles de toute réalité et comportent notamment une dimension subjective ou intentionnelle, une dimension objective ou attentionnelle et une dimension rationnelle ou extensive qui est résultante des deux précédentes (structure cohérencielle).

Elles se retrouvent dans une trialectique, sujet, objet, projet; trois dimensions de l’expérience humaine de soi comme individu et celle de toute réalité.

Ainsi il n’y a pas de sujet, ni d’objet, ni de projet, pas plus qu’il n’y a de subjectivité, d’objectivité ou de rationalité sans Sens et même Sens partagés (conSensus).

De ces quelques principes forts qui soulèvent bien des questions mais proposent aussi bien des réponses essentielles, découlent de nombreux apports et tout d’abord trois volets fondamentaux:

1) Une épistémologie fondamentale : Théorie de la Connaissance.

La réalité est réalité d’expérience humaine. La connaissance est d’abord « réalisation ». Si elle emprunte la voie objective, elle est connaissance objective, si elle emprunte la voie subjective, elle est connaissance subjective, si elle emprunte la voie rationnelle, elle est connaissance rationnelle (la question n’est pas épuisée avec ces seules dimensions majeures). La connaissance peut tourner à l’objectivisme, au subjectivisme, au rationalisme, par réduction ou distorsion de l’expérience (et du procès de connaissance) et de la réalité (le fruit du procès de connaissance).

Il y a corrélation entre les structures de l’existence individuelle, celles de la conscience réalisante, celles des procès de connaissances, celles de la réalité connue (commune) et un lien qui en est au principe : le Sens. Le temps et l’espace naissent aussi de l’expérience humaine de l’autre et sont coextensifs à la réalité ce qui limite à celle-ci tout raisonnement spatio temporel.

C’est comme cela que, au-delà de la connaissance réalisante (celle de toute science), il se trouve la possibilité d’une connaissance de Sens dont la première est médiatrice. Lorsque la philosophie voudra bien y consentir alors elle ne se trouvera plus avec la science sur le mode de la rivalité ou de l’identification mais il faudra qu’elle retrouve pour cela le lieu du Sens.

2) Une praxéologie fondamentale ou théorie de l’action et des processus de réalisation.

Si toute réalité est réalisation, toute réalisation (production, changement, transformation, etc.) procède de ce qui en est l’origine: les Sens des Instances en conSensus.

Quel Sens, quel consensus? Ce sont les véritables enjeux et les clés de l’action. On est loin du « mécaniscisme » ambiant ou de la pensée magique qui submerge nos beaux esprits (que de mains invisibles !).

On retrouvera ces principes praxéologiques jusque dans les démarches méthodologiques qui en sont issues avec ces étapes :

– Quels Sens possibles pour agir et quel est le meilleur Sens (en chaque situation).

– Quelle détermination du Sens (qui assume, en répond, est responsable?).

– Quel consensus réalisateur, coalition des hommes dans un acte commun réalisé par de multiples actions individuelles.

Tout cela réclame des artifices existentiels :

– pour le discernement : analyses révélatrices.

– pour le choix déterminé : repères, maîtrise de soi, autonomie, etc.

– pour le déploiement réalisateur : selon les dimensions de la structure de toute réalisation (et notamment : sujet – objet – projet).

Tout ce qui se réalise est manifestation de Sens humain, tout ce qui doit se réaliser réclame un travail de Sens (qu’est-ce que diriger ?).

3) Une téléologie fondamentale ou théorie de l’éthique et des modes d’évolution et d’accomplissement.

Pas de discernement de la pluralité des Sens et de la liberté humaine sans question de choix de Sens. Pas d’action sans engagement dans un Sens à choisir. La question du meilleur Sens ou de la direction à prendre et celle de toute orientation (personnelle, collective) se posent alors.

L’éthique se révèle comme une question de Sens même si elle se trame dans la réalité, dans chaque situation. C’est la question du « bon » Sens qui est à comprendre comme le « Sens du bien de l’homme ». Or cette théorie, en tant qu’anthropologie de l' »homme en devenir », éclaire cette question, du moins en ce qui concerne l’accomplissement de l’humanité de l’homme.

Tout Sens qui tend à révéler l’homme à lui-même (être de Sens) est le Sens du bien de l’homme et ce en chaque circonstance de l’existence.

Inversement toute action, tout projet, toute perspective est justifiée éthiquement lorsqu’ils cultivent et accomplissent un tel Sens. C’est là la responsabilité et la liberté de l’homme.

Or il se trouve que toute réalité est structurée par l’expérience de Sens en ConSensus y compris dans son étendue spatio temporelle. De ce fait le Sens du bien (la disposition éthique) est aussi celle d’une histoire de l’évolution humaine individuelle et collective.

Il se traduit donc à la fois comme procès de réalisation (l’éthique retrouve l’action) et comme procès de révélation (l’éthique retrouve ici la connaissance).

Les trois volets fondamentaux sont comme trois dimensions d’une même position théorique et en réalisent en quelque sorte le Sens, sa position ontologique: paradigmatique, pragmatique et éthique.

Les apports secondaires

Ils sont très importants mais découlent des grands principes fondamentaux. On en fera ici une simple énumération.

Les cultures : Chaque communauté humaine est une culture, elle repose sur un consensus d’humanité et sa vocation est d’accomplir son meilleur Sens, de le « cultiver » et progresser.

La cité : C’est l’incarnation spatio-temporelle d’un consensus, le lieu du lien.

L’économie : C’est le mode habituel de fonctionnement et d’interaction d’une communauté humaine.

Le développement : C’est le déploiement d’une communauté qui doit se réaliser dans le Sens de sa vocation. Son Sens comme ses modalités, méthodes et enjeux, sont culturels.

Les entreprises humaines : C’est la réalisation d’un consensus structurant, une démarche organisée vers un but (projet).

Communication : Partage de Sens par la médiation de réalités communes selon les dimensions de l’expérience humaine.

Vocation : En chaque situation, pour chaque personne, une collectivité (entreprise, culture, religion, nation…), la vocation consiste à trouver et cultiver le meilleur Sens et, le cas échéant, en faire profession.

Santé : Loin d’être un état, c’est la qualification d’une démarche d’accomplissement humain dans les circonstances de l’existence en société. La santé est une démarche salutaire, ce qu’on pourrait rapprocher de l’idée d’une « vie saine ».

Diriger : C’est donner le Sens, cela suppose : discerner, décider, développer.

Le politique : C’est l’élection du meilleur Sens dans une communauté, le rôle du politique c’est d’en être le repère, de l’incarner. Seule la communauté peut, l’homme politique propose son vouloir à l’élection.

La raison : Elle est ordonatrice de l’expérience du Sens et de ce fait intrinsèque à la réalité réalisée (ni plus, ni moins).

Les âges de la vie : Ce sont les phases et les seuils d’évolution de l’homme, des groupes humains et de toute réalité d’expérience humaine lorsqu’est envisagé l’accomplissement d’une vocation humaine.

La « nature » ou « l’environnement ». C’est la réalité commune au sein de laquelle se situent les individus, le « milieu périphérique ». C’est pour chaque personne le mode de présence existentiel des autres humains y compris d’autres temps. Le respect de la nature, c’est le respect des autres et donc de l’humanité. Respect ne veut pas dire conservation immobile mais considération engagée.

Le « virtuel » : de « VIR » qui veut dire homme, dans sa dimension intentionnelle (force, courage, valeur, vertu…). L’homme « homo » se vit produit de la réalité (la terre). L’homme « vir » se reconnaît être de Sens, co-auteur de la réalisation du monde. Pour lui toute réalité est strictement virtuelle. C’est l’enjeu de la mutation actuelle de le découvrir et l’assumer.

Un mot du spirituel selon la théorie des Cohérences, l’esprit (bon ou mauvais), c’est le Sens (bon ou mauvais). L’esprit est à la lettre comme le Sens est à la réalité. Le monde est comme une bible à lire et à écrire par l’homme avec son (ses) Sens. L’homme est donc de nature spirituelle qui n’existe pas autrement que dans la réalité à laquelle il participe (réalisation et individualité) et dont il est transcendant par son Instance. Il est le réel spirituel (voilé) d’une réalité psycho-physique.

Les éclairages

De nombreux apports dérivent donc des principes fondamentaux mais aussi des relectures dont il y a là un exemple. En fait toute question, tout problème peut être examiné à la lumière de cette théorie. Cela conduit à de nouvelles lectures, de nouvelles théories et aussi des propositions et des engagements pratiques.

Les méthodes de discernement, de centration, de créativité générative aident à ces éclairages comme aux applications pratiques.

Au passage sont élaborés de nouveaux concepts « structurants » et des disciplines, méthodologies et stratégies d’action. Les exemples en sont nombreux et le site de l’Institut d’Humanisme Méthodologique en est rempli.