Le lien social lien de concourance
Le lien de concourance est le lien qui structure les groupes et communautés humaines dès lors qu’elles sont engagées dans le Sens du bien commun.
Lorsque se défait le lien social, lorsqu’on s’interroge sur la motivation du personnel dans les entreprises, lorsque l’on veut évaluer de justes rémunérations, lorsqu’on cherche sur quel principe les nations et les régions européennes peuvent s’accorder, lorsqu’on s’interroge sur la part de chacun dans la cité et celle des entreprises ou organisations à la vie commune, alors on peut avoir recourt au principe de concourance.
Sur le fond, il découle de la théorie des Cohérences Humaines qui montre que le lien constitutif de toute communauté est un lien de nature humaine et en l’occurrence un lien de Sens.
Le consensus, essentiellement inconscient, est ce qui donne sa cohérence à l’exister ensemble dans tous les aspects de la vie collective qui en résulte. Bien sûr, cela se traduit par des rapports, des relations dans cette vie collective mais ils sont plus l’effet que la cause ou, plus exactement, ils en sont le révélateur et la réalisation.
Le consensus se réalise dans la vie commune et celle-ci révèle (à qui peut le discerner) le Sens en consensus.
Cependant, les Sens humains sont multiples autant que de dispositions d’être des personnes humaines et toute la sagesse de l’histoire et celle tirée de l’expérience nous montre qu’il y a en l’homme le pire et le meilleur.
Il y a des consensus dont la manifestation est le nationalisme. Il y a des consensus dont la manifestation est passive. Il y a des consensus qui s’expriment par des modèles d’organisation sociale aliénants.
Or, il nous faut aujourd’hui une idée directrice pour penser une relation qui soit fructueuse.
Si, sur le fond, on peut l’exprimer par la recherche du partage d’un Sens qui soit d’accomplissement de l’homme, comment peut-il se traduire en tant que principe structurant des groupes et sociétés humaines.
C’est là que le principe de concourance trouve toute sa pertinence.
Il s’agit d’un néologisme utilisé dès 1987 dans un ouvrage « La civilisation de l’entreprise » ( par Roger NIFLE) et, plus récemment, dans certains travaux relatifs à la conduite de projets.
Il vient du verbe concourir, non pas au sens de compétition mais celui d’apport de compétence, celle-ci étant comprise comme un concours efficient apporté à un enjeu commun.
La concourance est alors ce qui justifie, qualifie et donne sa mesure à la participation d’une personne ou d’un groupe humain à une communauté plus large.
Le principe de concourance réclame, pour être appliqué, que le « bien commun » soit identifié ou du moins repéré.
Pour qu’il y ait concourance il faut, sur le fond, (mais il n’est pas visible en général) partager un Sens, le meilleur Sens possible pour la communauté.
Dans la pratique cela se traduit par :
Une finalité commune et acceptée par tous même dans des termes différents,
Des conditions partagées où chacun a sa part de préoccupation dans un ensemble cohérent.
Un but et une démarche particulières intégrés dans un projet commun qui donne une cohérence à l’ensemble.
SCHEMA : DIMENSIONS ET CONSISTANCE DU LIEN DE CONCOURANCE
A partir de là, la consistance d’une concourance comporte :
Un rôle et une responsabilité spécifiés par le tissu relationnel institué,
Une identité participant d’une vision commune où chacun trouve sa place en fonction du rôle et de la responsabilité assignés et consentis…
Une activité ordonnée à l’organisation et au fonctionnement de la collectivité.
Tout cela est susceptible d’évaluation mais c’est le projet commun qui seul donne les critères de valeur et ce, sur les différents plans précédents.
Tout cela est susceptible de négociation, d’ajustements, ne serait-ce que parce que les conditions de la vie commune sont changeantes, aléatoires.
Par contre on peut souhaiter que la finalité et plus essentiellement le Sens restent fermement assurés une fois qu’ils ont été déterminés et acceptés. C’est là le rôle des dirigeants notamment.
Il y a toute une science des structures de concourance et, si le principe paraît simple, son application est plus complexe qu’elle n’apparaît.
En effet, elle résout par exemple le problème de la conciliation entre une unité (de direction) et la liberté responsable des personnes ou des groupes. Par cela, c’est la nature du contrat social, du contrat de travail mais aussi du contrat européen par exemple qui en découlent.
Le principe de concourance résout aussi le problème de la multi appartenance. On peut concourir à l’entreprise d’une communauté humaine et à celle de plusieurs autres. On peut poursuivre un projet personnel tout en concourant à un projet collectif. Cependant, cela réclame une grande rigueur sur les principes. En effet, le conflit entre l’individuel et le collectif n’a jamais été correctement résolu, ni dans les églises, ni dans les collectivités de tous ordres. Les modèles en vigueur sont à remettre en question et le principe de concourance ne peut être compris qu’à ce prix.
Il résout aussi la question du travail humain dans son rapport avec le bien commun et avec le bien particulier de chacun.
La concourance définit dans ses trois dimensions et ses trois plans, le type d’apport de ce travail au bien commun, référé au projet partagé. Elle définit par les mêmes dimensions et les mêmes plans le mode d’investissement de la personne et donc ce sur quoi elle peut atteindre un bénéfice proportionné.
Cela suppose que l’on sorte bien sûr de la réduction quantitative qui ampute la réalité de ses parties les plus essentielles.
De ce fait le principe de concourance suggère et réclame de nouveaux moyens d’évaluation.
En conclusion, c’est une piste tout à fait prometteuse que de chercher à comprendre et à tisser le lien social autour d’un principe de concourance qui donne toute sa valeur à cette relation et ses critères de légitimité à toute activité au sein de la société. Le personnel des entreprises mais aussi bien d’autres partenaires trouvent une motivation consistante en concourant à un projet dont la référence honnête au bien commun légitime sans difficulté les biens particuliers.
Les rémunérations seront plus justes et significatives si elles sont la mesure d’une concourance intégrant dans leur nature et leur évaluation les différentes dimensions et plans de concourance. De là une issue aux débats sur le travail, l’emploi et le lien social.
Si le lien entre européens est un lien de concourance alors il exprime le meilleur Sens de la culture européenne (cf. étude de cohérences de la Culture Européenne).
Quel est le concours spécifique de chaque nation au projet européen ? De quoi se reconnaître pour chacune dans ses valeurs propres investies dans un bien commun. Le principe de subsidiarité évoque le côté subalterne de la participation de chacun alors que le principe de concourance évoque la part prise au bien commun. L’intérêt n’est évidemment pas le même, ni la motivation, ni la reconnaissance espérée.
Lorsqu’on parle de citoyenneté plutôt que d’en rester au « droit de cité » souvent revendicatif pourquoi ne pas penser concourance, tant pour les entreprises que pour les personnes?
Cependant, il n’y a pas de concourance possible sans référence au bien commun identifié. C’est cela l’issue d’un libéralisme autrement condamné par une telle négligence. C’est cela l’issue d’un certain socialisme autrement condamné par la méconnaissance des concours particuliers au bien commun.
Le rôle et la noblesse du politique y retrouvent tout leur fondement.
Donner le Sens et favoriser les concourances, l’un par l’autre, tel est le rôle des dirigeants y compris dans la dimension politique de toute responsabilité.