Donner un Sens à la qualité
La notion de qualité est polysémique. L’analyse montre que cette expression ne porte pas que des Sens positifs et entraine des pratiques discutables. Il est donc important de souligner le Sens de la qualité qui justifie nos investissements : la qualité qualifiante.
Bien faire son travail, rendre des services appréciables
et être apprécié pour cela tel pourrait être
le Sens le plus commun de la qualité
. Si cela était si simple, ça se saurait, il n’y
aurait pas eu tous le mouvement français et international
de la Qualité.
J’ai été amené à m’intéresser
aux problèmes de la qualité, il y a plus de dix
ans, à l’époque où la grande vague allait
emporter les entreprises françaises vers des succès
de plus en plus excellents grâce aux découvertes
stupéfiantes des américains et des japonais.
C’est d’abord en tant que phénomène social et donc
phénomène humain que je me suis intéressé
à la question. Avec la théorie des Cohérences
Humaines, j’ai donc été amené à m’interroger
sur les questions de Sens en général et, en particulier,
le Sens de ce phénomène et des comportements et
des pratiques qui s’y rattachaient. Une des pistes était
celle-là. Au fond lorsque le souci de qualité dépasse
le bien faire traditionnel, alors il n’y a pas loin une inquiétude
de disqualification et en réaction un souci de qualification,
authentique ou non.
Depuis, force procédures d’examen et force certificats
ont renforcé l’exigence.
On en est maintenant à se demander s’il y a une vie après
l’ISO 9000. Certains font l’hypothèse que la satisfaction
du client serait le véritable horizon de la qualité,
d’autres trouvant cela insuffisant en appelle à une qualité
totale qui ne laisserait passer sans doute aucune défaillance.
On assiste ainsi à la fois au triomphe d’une forme normative
réservée à des spécialistes et à
l’émergence d’un certain nombre d’interrogations sur le
dépassement de cette étape. L’existence d’une association
telle que Qualifier est bien l’indice que ce n’est pas si simple,
qu’il y a bien d’autres enjeux que ceux d’une quelconque certification.
En fait, la qualité est un phénomène humain
et en tant que tel, il peut lui être donné plusieurs
Sens. A chaque Sens correspond une logique, une conception de
la qualité et un type d’enjeux bien spécifique.
Ce sera mon propos tout d’abord d’indiquer quelques repères
des différents Sens de la qualité.
Ensuite, je proposerai la perspective d’une certaine conception
dans l’un de ces Sens: signifié par l’expression « Qualité
qualifiante » et qui se traduit par une démarche spécifique.
Enfin, je terminerai par le problème de l’évaluation
en matière de qualité et des critères qui
pourraient être pris en compte par le contrôle de
gestion.
J’en resterai dans mon exposé au stade des principes réservant
pour nos échanges quelques explications ou illustrations.
LES SENS DE LA QUALITE
On peut les repérer par la combinaison de deux alternatives
:
La première oppose deux conceptions.
Dans un Sens la qualité, c’est l’absence de défaut.
Zéro défaut, la chasse au défaut, tout le
monde connaît. C’est une logique qui peut aller loin dans
l’élimination de l’imparfait, du faillible. Or chacun
sait que l’homme est faillible. C’est pour cela que cette logique
est réductioniste, réduction de l’humain à
l’opération, réduction au matériel, au quantitatif,
au processus. Automatisons et la qualité devrait être
sans faille!
Malheureusement, il n’y a là aucune référence
aux valeurs humaines.
Il y a un autre Sens à donner à la qualité,
c’est celle d’indicateur de valeur humaine ,
de qui l’offre et de qui la reçoit. La qualité
devient alors un signe de valeur , relatif à
ceux qui l’échangent selon leur caractère, leur
culture, leur personnalité. Nous sommes en plein qualitatif,
en pleine subjectivité humaine, ce dont on a horreur dans
certains milieux. Il est facile d’illustrer cela dans le contexte
ici présent.
Le fonctionnement parfait et sans défaut de « Socrate »
n’est pas strictement identifiable à la valeur du service
attendu, ni à la valeur des hommes et de l’entreprise
SNCF. Les questions bien actuelles du service public sont aussi
à considérer, s’agit-il du fonctionnement d’un
système sans défaut ou s’agit-il de servir des
publics selon les valeurs qu’ils y attachent? La perfection de
l’absolu ou bien une valeur relative à ceux qui la fournissent
et à ceux qui l’apprécient? Avec ou sans hommes?
Il y a une autre alternative de Sens :
– Ou bien la qualité n’est qu’une apparence de
forme surajoutée au produit ou au service, quelques
fioritures, un « plus communication » en quelques sortes.
– Ou bien la qualité est ce qui traduit authentiquement
la nature propre , spécifique, originale, intrinsèque
du produit ou service. Celle qui exprime l’art et la maîtrise
authentique de ceux qui produisent et dans laquelle se retrouvent,
se reconnaissent ceux qui l’apprécient.
Est-ce une affaire de look, habile, ou une affaire de position
originale, d’engagement authentique, de responsabilité
mais aussi de considération réciproque.
Ces deux dialectiques dessinent une carte de cohérences
et mettent en évidence quatre Sens.
La qualité qualifiante
Ce ne sont que des évidences mais redoutables par rapport
à nombre d’habitudes et de réflexes.
La qualité :
qualifie le produit,
qualifie le client ou l’usager qui l’apprécie,
qualifie celui qui produit ou rend service.
La qualité est qualifiante
parce qu’elle identifie la valeur propre,
parce qu’elle donne de la valeur,
parce qu’elle potentialise de la valeur.
C’est vrai pour le client
pour son identification, il se sent considéré,
reconnu, valorisé,
pour son bien propre, il reçoit un service significatif,
pour son évolution, il apprend la valeur du service et
s’éduque.
C’est vrai pour le producteur
pour son identification, il se sent considéré,
reconnu, valorisé,
pour son bien propre, il reçoit les fruits significatifs
de son
travail,
pour son évolution, il apprend à mieux maîtriser
la valeur du
service rendu.
La qualité du produit médiatise cette relation
de qualification réciproque. Elle en réalise et
révèle le Sens .
On pourrait pointer rapidement ce qui est disqualifiant :
La non reconnaissance de la personnalité
propre des uns ou des autres pour une « qualité »
anonyme.
L’inéquation du service dont la
mesure ferait abstraction du « bien propre » des personnes
par une qualité mesurée de façon arbitraire,
abstraite ou hors sujet.
La désimplication des uns ou des
autres par rapport à la valeur humaine de la qualité
dont ils se sentent exclus ou disqualifiés.
Alors comment développer
la qualité qualifiante ?
1) D’abord prendre en considération
les hommes et les valeurs humaines , personnelles et
culturelles comme critères de qualité.
Pour cela, il faut discerner, élucider, analyser, identifier
les valeurs propres spécifiques qui donnent Sens
à la qualité, la rendent significative et donc
qualifiante: Qualité propre d’une entreprise, d’un service,
d’une équipe, d’un métier, d’un Sens mais aussi
requis par des clients particuliers.
C’est tout un art du qualitatif qu’il faut développer.
Il existe des moyens techniques et méthodes pour cela
( analyse de cohérences, analyse figurative etc. ).
2) Ensuite, il faut se doter d’une organisation
cohérente avec le système de valeur précédent.
La manière de faire, d’orchestrer l’activité est
elle même significative. C’est une question de management
de l’entreprise ( Management de la qualité ou par la qualité),
comme dans ses relations clients, marchés. C’est tout
l’art d’une stratégie macro-pédagogique qui offre
un cadre et un encadrement qualifiant pour mettre en oeuvre une
politique qualité.
3) Enfin, il faut réhabiliter
la notion de métier , trop souvent réduit
à son aspect technique alors que le terme renvoie à
l’idée de service. Le métier, c’est l’art et la
manière de maîtriser le service.
Au-delà de ces principes, c’est toute une révolution
culturelle qui est à refaire dans un contexte dominé
par les principes industriels où régnaient quantitatif,
mécanismes, rationalités réductrices et
où la considération de l’humain, ses valeurs et
qualités étaient laissées dans l’ombre ou
marginalisées. Il ne faut pas s’étonner qu’on ne
dispose plus des moyens intellectuels et pratiques de maîtriser
ces dimensions et que l’on tende toujours à les réduire
au connu.
Pour terminer, je voudrais parler de l’évaluation de la
qualité et du rôle possible du contrôle de
gestion en la matière.
Qui dit évaluation dit échelle de valeur, vous
voyez la connection avec la qualité, mais aussi la déconnection
d’avec tous les systèmes qui ignorent les valeurs humaines,
personnelles et culturelles.
a) Alors pour évaluer la qualité,
il faut en premier déterminer quel Sens particulier elle
a dans la culture de l’entreprise ou dans la culture de ses clients.
C’est alors une question de pertinence de Sens
. Si la qualité n’est pas significative, alors elle n’a
pas de valeur.
b) Pour évaluer la qualité, il
y a encore à apprécier la cohérence de Sens.
Il ne suffit pas qu’une partie des choses aillent dans le bon
Sens, si le reste s’en écarte. C’est vrai pour la qualité
d’un produit ou celle d’un projet, d’une entreprise, de son management,
etc.
c) Pour évaluer la qualité, il
y a enfin un troisième critère, celui de
performance . C’est la mesure, qui peut alors être
quantifiée, d’un degré de valeur. C’est là
qu’intervient le quantitatif lorsqu’il est une mesure significative.
A quoi sert-il qu’une automobile ait un moteur performant s’il
lui manque une roue ? ou qu’un voyageur dispose d’un excellent
confort s’il rate sa correspondance? C’est incohérent!
Mais tout cela ne vaut que pour un automobiliste ou un voyageur
qui a un projet, une intention qui ait un Sens, sans quoi cela
n’a aucune pertinence.
Que vient faire le contrôle de gestion dans tout ça.
Si le contrôle de gestion s’entend comme certains le voudraient,
en tant que moyen de pilotage de l’entreprise, alors il ne peut
se passer d’évaluer la qualité.
En effet, celle-ci est liée au Sens de l’entreprise sans
lequel il n’y a rien à piloter. Il détermine le
critère de pertinence de l’évaluation de la qualité
à tous les niveaux.
Ensuite, il faut s’assurer que tout va dans le même Sens.
C’est le critère de cohérence dont l’ignorance
permet si facilement de faire un pas en avant et un pas en arrière
sans y prendre garde.
Enfin, il faut prendre la mesure du degré de performance,
forcément sur une échelle de valeur préétablie.
Je vous propose simplement de retenir ceci. C’est que les critères
de pertinence, de cohérence et de performance sont indispensables
pour évaluer la qualité et plus généralement
la marche de l’entreprise. Si le contrôle de gestion s’en
reconnaît la mission alors il peut contribuer grâce
à une démarche appropriée à une meilleure
qualification de l’entreprise.
CONCLUSION
Tous les moyens que j’ai évoqués, techniques, outils,
méthodologies sont développées par l’Institut
Cohérences dans le cadre de l’Ecole du Sens. Je voudrais
conclure sur le fait qu’aujourd’hui on ne doit plus se contenter
de l’idée de qualité. Il faut lui donner un Sens
et pas n’importe lequel sinon la qualité peut être
aussi un moyen de disqualification, j’en connais mille exemples.
C’est à ce type de préoccupation que l’Institut
Cohérences est voué pour proposer des conceptions
et des méthodes qui intègrent cette question si
cruciale du Sens, dans les affaires humaines en général
et la qualité en particulier.