Nouveaux territoires et intercommunalités
Les « nouveaux territoires » sont l’occasion d’une déstabilisation des responsabilités locales ou peuvent être l’occasion d’une réappropriation par la constitution de communautés de devenir. Il faut franchir l’obstacle de la passivité des uns et de la résistance des autres à ce qui limiterait leur pouvoir technocratique.
Les lois Chevènement et Voynet peuvent
être lues de deux façons quant à leur Sens:
– Un surcroît d’emprise sur les territoires par l’enfermement dans
un système ingouvernable au nom de la « simplification » et d’une carotte
fiscale.
– L’ouverture à l’appropriation communautaire de leur devenir par
ces territoires inaugurant une nouvelle conception du politique qui va dans
le Sens du mouvement du monde actuel.
A vouloir sortir du piège tendu aux élus
locaux, il ne faut pas perdre pour autant l’ouverture liée à
une logique de projet fondateur que bien peu malheureusement ont su engager.
C’est cette ouverture que nous voulons souligner avec
les éclairages et les moyens de l’humanisme méthodologique tout
en indiquant les obstacles le plus fréquemment rencontrés.
1) L’OUVERTURE A UNE NOUVELLE APPROCHE DES TERRITOIRES
INTERCOMMUNAUX
1-1 Il s’agit de « fonder » de nouvelles « communautés
territoriales » et il faut les voir d’abord comme des communautés humaines
qui se constituent.
1-2 La caractéristique des communautés
humaines est de n’exister que par les personnes et les groupes différents
qui les composent. Dès lors il n’y a aucune raison pour que les communes,
en tant que communautés elles aussi, disparaissent ou perdent leur
personnalité.
1-3 Toute communauté est un niveau d’intégration
du bien commun y compris pour les communautés de communautés
à toutes les échelles. Chacune peut être légitimement
porteuse de son propre projet dès lors qu’il assume sa concourance
au bien commun à tous les niveaux.
1-4 Les communautés humaines sont à considérer
comme des communautés de Sens (partagé), de devenir, de projet,
d’ambition commune.
– Elles ont à fonder et refonder leur identité collective dans
les racines d’une vocation à élucider (méthode des cohérences
culturelles).
– Elles ont à se doter d’une autorité politique, élue
pour le Sens qu’elle donne à l’avenir commun et capable de formuler
les grandes lignes d’une ambition, d’un projet projetant les potentiels propres
sur l’horizon du futur (prospective).
– Elles ont à mettre en place un dispositif de conduite stratégique
d’une élaboration appropriée du projet communautaire qui est
lui-même plus une dynamique collective qu’un dossier technico-administratif,
un générateur d’initiative cohérent qu’un plan normatif
qui s’imposerait.
Ce sont les trois termes d’une gouvernance à maîtriser.
1-5 Les compétences, inhérentes à
la compréhension des phénomènes humains en jeu et de
la conduite des processus d’identification, de maturation collective, d’appropriation
progressive d’une projection commune, sont dès lors à cultiver
en priorité mais font cruellement défaut le plus souvent.
2) LES OBSTACLES COURAMMENT RENCONTRES
2-1 L’histoire et la pression des pouvoirs technocratiques
on conduit à cultiver une culture de la gestion des choses (technique,
juridique, administrative, fiscale) plutôt que du gouvernement des
hommes, propre du politique qui a vu ainsi souvent disqualifiée sa
raison d’être. La méconnaissance des phénomènes
humains à toutes les échelles est criante en même temps
que la négation des facteurs qui y correspondent assorti d’un pathos
verbal pseudo rationnel sensé représenter la réalité
territoriale. Ex : abus de la notion de solidarité urbaine, débarrassée
de son contenu humaniste et réduite à un traitement statistique.
2-2 Certains élus ont une conception machiavellienne
et opportuniste de leur rôle et ne se retrouvent pas dans ces perspectives
ou s’y opposent alors que d’autres découvrent avec enthousiasme leur
véritable rôle que personne ne leur avait permis de repérer
auparavant.
2-3 Des membres des technostructures de l’Etat, des
collectivités et certains conseillers extérieurs voient là
une perte de leurs pouvoirs sur les élus et s’y opposent : incompréhension
radicale, sabotage des processus, recours et interprétations opportunistes
et idéologiques des textes. La nature et les conséquences du
refus sont gravissimes dès lors que l’ouverture est fragile, que les
élus n’ont pas encore conforté leur position et qu’ils ne trouvent
pas à d’autres niveaux politiques la compréhension et les appuis
nécessaires.
Des responsables des services territoriaux ou de l’Etat trouvent là
au contraire de nouvelles perspectives permettant de dépasser les
blocages actuels
2-4 Il manque aux communautés territoriales (pratiquement
toutes) une culture « entreprenante » nécessitant de différencier
le niveau politique, le niveau stratégique et le niveau opérationnel
de l’action. L’absence quasi générale d’une culture, des compétences
et de l’organisation du niveau stratégique coupe la relation entre
le politique et l’opérationnalité qui a tôt fait alors
de s’autonomiser et d’imposer sa loi du factuel et de l’urgence.
CONCLUSION
Il y a une vision des communautés territoriales
et des moyens et processus de contribution et de développement qui
est à transmettre. Une « parole d’autorité » doit être
délivrée à cet égard et une pédagogie
doit être largement développée y compris avec la formation
de nouvelles compétences de compréhension et de pilotage de
ces processus.
L’humanisme méthodologique apporte les moyens
conceptuels et méthodologiques qui manquent cruellement lorsque l’on
veut travailler dans la compréhension et l’action humaine à
cette échelle, là où domine sans partage le régime
de la gestion des choses et ses nombreuses expertises.