Prospective à la DATAR

La Datar a été vers les années 60 70 un haut lieu de la réflexion prospective. « La France de l’an 2000 » était son plus beau fleuron. Depuis plus grand chose, là comme ailleurs. Mais à la lecture de différents documents récents il y aurait comme un réveil. il y a du pain sur la planche.

Confié à la présidence de Michel Godet du CNAM un groupe de prospective est chargé de l’opération territoires 2030.

Territoires 2030 programme de travail et d’études prospectives

Une évaluation de l’opération territoires 2020 amorcée en 1995 vient d’être publiée

Evaluation du travail de prospective territoires 2020

On y découvre deux ou trois choses intéressantes.

1) Des analyses réalisées à partir de l’Humanisme Méthodologique sont confirmées.

Voir ce qui concerne l’économie résidentielle et la persistance d’une incompréhension à cet égard malgré les faits. Les territoires virtuels auxquels participent les personnes, par ailleurs soucieuses d’ancrage local. Et bien sûr la fin du modèle industriel mais aussi la remise en question du modèle de concentration technopolitain alors qu’il est posé comme vérité incontournable par d’autres. La notion d’attractivité territoriale et son contenu.

Le problème est que s’il y a une certaine perspicacité pour constater ce qui devient évidence (oui c’est une vertu rare par les temps qui courent) il n’y a ni vision du futur ni éclairage des phénomènes en jeu ni cohérence entre eux.

Cependant ces indications sont méritoires sachant d’expérience la « résistance » des experts de laboratoires et techniciens de terrain à une réalité qui dérange leurs certitudes laborieusement acquises dans le passé et si prisées des consommateurs de discours normatifs rassurants.

2) On lit en direct et surtout entre les lignes l’état calamiteux de la démarche prospective sauf pour quelques thématiques (santé et territoires semble-t-il). On voit bien que ce n’est pas seulement la prospective mais toute une culture de projet (ah les dossiers et l’expertise de guichet!) et même de résolution de problème et de conduite de groupes de travail qui fait défaut. Cela confirme notre expérience de terrain. Hors la reproduction conformiste des mêmes formules et procédures, le nouveau, l’inconnu, l’initiative laissent dans un état d’impotence dramatique.

Il faut lire les analyses du professeur Loinger de Paris 1 concernant l’évaluation des pratiques de prospective territoriale dans les régions pour être édifié. A lire en direct et aussi entre les lignes au-delà du langage diplomatique.

Séminaire de présentation des orientations de territoires 2030 (avril 2004)

On observe à contrario le règne de la langue de bois en ce qui concerne ce type de problématique et tout ce qui concerne les politiques publiques et projets territoriaux dans ce pays.

C’est dire que malgré ses lacunes le réveil de la prospective à la Datar est comme un réveil de la pensée, une bouffée d’oxygène. On apprend ainsi que le polycentrisme maillé n’est plus obligatoire et que la différenciation des territoires fondée sur les cultures qui les habitent leur permet de prendre position dans le contexte de mondialisation (et de simplement faire de la prospective). On apprend que la « métropolarisation » avec ses tailles critiques n’est peut-être pas une vérité si universelle.

Les connaisseurs des positions de l’Humanisme Méthodologique en la matière apprécieront. Ils apprécieront aussi tout le chemin conceptuel et méthodologique qui reste à faire dans l’analyse des potentiels et valeurs des communautés territoriales mais aussi dans les possibilités de l’action que les projets affirment mais dont certains semblent douter. Il est vrai que l’absence de pensée des phénomènes humains en jeu n’éclaire guère sur les ressorts et les voies de l’action publique.

Il reste à la Datar à découvrir l’Humanisme Méthodologique et faire le pari de la lumière plutôt que de l’obscurantisme de référence. Souhaitons à Michel Godet (dont nous avons en son temps partagé l’aventure de création des agences de l’eau) qu’il y contribue.