L’agir humain

L’agir humain est inhérent non à un fonctionnement existentiel mais au mode d’exister lui même. Ainsi si la réalité est d’expérience humaine alors c’est aux sources de la dite expérience que se situe le moteur de l’action. Le Sens en conSensus est cette source si bien que l’accès au Sens par la connaissance est en même temps accès au moteur de l’action. Théorie et pratique se rejoignent au coeur de l’homme.

Nous entrons là dans un domaine difficile et particulièrement

important.

Important parce que ce sont toutes les activités humaines

qui en dépendent et que l’on peut s’attendre à un

bouleversement radical de la pensée et des méthodes

de l’action dans tous les domaines.

Difficile parce que justement il n’existe guère de praxéologie

générale qui nous ait habitué à une

pensée générale de l’action de la plus familière

à la plus vaste et, en outre nous pouvons dire que l’action

est bien souvent ramenée:

– soit au pouvoir, plus ou moins magique

– soit au faire, limité à l’action technique

– soit à quelque modélisation qui se prend parfois

pour l’alpha et l’oméga de l’agir.

De ce fait c’est un dépassement des niveaux de maîtrise

antérieure et l’accès à l’âge du Sens

qui permettent de refonder la pensée et les pratiques de

l’agir humain avec l’humanisme méthodologique.

Le terme de méthodologique associé à l’humanisme,

dit bien le lien implicite entre la finalité et les modalités

opérationnelles indissociables.

Les principes

Agir c’est intervenir dans la réalité pour la

changer, la transformer.

Or ignorant que la source de toute réalité est

l’expérience réalisatrice, l’actualisation de Sens

en ConSensus, alors on ne peut que postuler ce qui serait cause

dans la réalité pour agir dessus. Le plus souvent

d’ailleurs ceci n’est l’objet d’aucune analyse soit du côté

des causes soit du côté de l’intervention humaine

sur ces causes.

Le niveau empirique se contente de constater: "si on fait

ceci, dans telles conditions, alors on obtient cela". De

là une pratique aveugle sur les causes mais qui peut être

néanmoins habile dans son champ d’efficacité. L’humanisme

méthodologique nous invite à une autre analyse.

Intervenir dans la réalité, c’est intervenir

dans le processus de "réalisation", dans l’expérience

humaine. Cela suppose donc intervenir sur le conSensus de la réalité

où agir.

Dés lors les variables de l’action se ramènent

à:

– sur quelle Cohérence ou problématique humaine

se disposer? Une pratique de centration le permettra,

– dans quel Sens engager les choses? Une pratique de discernement

y contribuera,

– sur quel consensus agir? Une pratique d’intervention sur

un collectif ou une communauté humaine sera nécessaire.

Nous pouvons alors mettre en évidence trois moments

de l’action:

– celui qui va permettre de prendre une position orientée

vis-à-vis de la réalité sur laquelle agir:

Cohérence et Sens à tenir,

– celui qui va consister à activer un conSensus de façon

à ce que son actualisation se manifeste comme réalité

nouvelle,

– celui qui consiste à travailler le conSensus donc

à le faire évoluer vers ce que l’on en souhaite

et donc envisager l’action comme processus d’appropriation collective,

de réalisation progressive, de changement, de conversion,

etc.

Le premier moment, celui de la prise de position orientée

nous incite à penser qu’un travail personnel est nécessaire.

Une personne en son Instance doit trouver et tenir une position

de Sens dans une Cohérence.

Cela évoque directement la question de la capacité

de maîtrise pour le faire et aussi la question de l’autorité

et la responsabilité pour l’assumer.

Avec l’humanisme méthodologique, nous ne serons pas

confronté d’abord à une question d’outil ou de mécanisme

mais à une question de maîtrise, de responsabilité.

Heureusement que les hommes malgré leurs aveuglements,

ont découvert depuis longtemps quelques principes, même

si beaucoup en ignorent ou en contestent l’intérêt,

surtout s’ils sont animés de motivations régressives.

Dirigeants, responsables, professionnels dans tous domaines

et à tous niveaux ont à tenir ce rôle d’évidence

à l’âge du Sens, lorsque la poursuite du Sens du

bien commun est le critère de toute action.

Poser les problèmes c’est déjà désigner

une réalité où agir. Cela invite à

se centrer intérieurement sur cette réalité,

la faire sienne dans le partage d’un conSensus initial et donc

se retrouver positionné en son Instance sur la problématique

sous-jascente.

Cela demande déjà une attitude "d’écoute",

que la recherche intérieure de ce qui anime les autres,

du conSensus dont la réalité fait problème

(ou projet). Consensus de proximité s’il s’agit de "problèmes

personnels", consensus culturel communautaire s’il s’agit

des problèmes d’une organisation, d’une communauté

qui peut être de grande taille, consensus universel s’il

s’agit d’une question qui concerne l’humanité… de tous

les hommes. On voit bien que l’approche sera alors différente.

A cette attitude d’approche, d’écoute on peut opposer

celle là qui consiste à envisager le problème

des autres du point de vue de sa propre problématique familière.

C’est une attitude de non considération qui pose des problèmes

éthiques et pratiques. Sont disqualifiées ici les

prétentions technocratiques de ceux qui font les questions

et les réponses à la place des autres, ramenés

au stade de mineurs et même plutôt d’objets ou d’individualités

impersonnelles.

L’éthique de la considération est un préalable

à l’action responsable, c’est-à-dire qui agit sur

la réalité commune et à plus forte raison

qui sert le bien commun. Il y a là les bases d’une refondation

de la légitimité de toute responsabilité

et de tout exercice d’un quelconque professionnalisme.

Il faut poursuivre l’analyse par la question du discernement

des Sens de la situation du problème et au bout du compte

de la problématique humaine sous-jascente.

Ce discernement aidera d’un côté à élucider

les Sens à l’oeuvre dans le consensus et donc dans la réalité

en problème, d’un autre côté à repérer

le meilleur Sens celui de la résolution de la problématique

donc celui qu’il est humainement favorable de cultiver (sens d’accomplissement).

On peut aussi malheureusement se servir des problèmes pour

aliéner les autres, les rendre dépendants plutôt

que de les aider à les résoudre. Cela revient ainsi

à repérer ce qui est potentiel, source de virtualités

sur quoi prendre appui pour engager l’action.

On peut dire à ce stade qu’il importe pour l’action

de toujours cultiver le meilleur Sens et de ne jamais "entrer

en lutte" contre d’autres Sens, ce qui reviendrait à

leur donner conSensus maladroitement si le discernement des autres

n’est pas assuré.

Évaluer le niveau de maîtrise des personnes ou

communautés humaines dans ce Sens là permettra aussi

de choisir plus tard comment aborder la situation.

Cependant ce qui reste d’essentiel c’est la détermination,

la tenue d’une position: Cohérence (problématique)

et Sens (disposition prise). C’est l’acte même d’autorité

qui a du s’appuyer sur la maîtrise et la responsabilité.

C’est un acte de liberté et d’engagement personnel, souvent

solitaire, que de se poser ainsi pour solliciter le consensus

des autres c’est-à-dire agir dans ce Sens.

Nous soulignons que toute position d’autorité, de responsabilité

et de maîtrise se justifie ici dans ce premier moment de

l’action humaine où le rapport aux autres est engagé.

Le deuxième moment est celui où on se

demande comment agir sur la réalité pour la transformer.

Il est possible de considérer la réalité

finale comme l’actualisation d’un Sens, d’une Cohérence

en conSensus. L’actualisation est ce processus par lequel le conSensus

est source de l’expérience réalisatrice. En tant

que tel il la déploie selon les dimensions et composantes

que l’on connaît (cohérenciel) en même temps

qu’il donne cette impulsion de déploiement, constituant

la "source énergétique" de la réalité

en question.

A l’inverse cela présuppose que ce soit constitué

ce conSensus à partir des Sens des Instances en relation.

Cela revient à dire que ces Sens sont activés en

se trouvant en conSensus. L’activation des Sens en consensus précède

l’actualisation des mêmes Sens en consensus formant l’expérience

réalisatrice, la réalité. Par ailleurs toute

réalité est porteuse de Sens en consensus susceptibles

d’activer ces mêmes Sens pour d’autres Instances. De ce

fait on peut concevoir l’artifice suivant. Une pratique (méthode,

technique, opération…) active un conSensus dont l’actualisation

s’exprime dans une réalité commune (réalisation

recherchée). On pense bien alors que la pratique est une

réalité qui est elle même l’actualisation

de Sens en conSensus.

De ce fait on peut lire les processus de l’action sur le plan

du Sens des Instances comme un effet d’influence, d’animation,

d’extension de conSensus à partir de l’initiative de quelqu’un

ou quelques uns. Sur le plan des réalités, surtout

si on en ignore le Sens, tout se passe comme si la réalité-pratique

était la cause de la réalité-résultat.

Nous voyons là comment peut se construire une théorie

et une pratique de l’action dotées d’un volet portant sur

des artifices dans la réalité et d’un autre volet

portant sur ce qui se joue et se passe à la source, Sens

et conSensus.

Ceci peut se schématiser ainsi.

Un Sens (dans une cohérence) s’actualise dans une réalité-action

(expression, méthode, opération, scénario,

etc…). Cette réalité-action active la même

Cohérence et le même Sens pour d’autres visant à

en étendre le consensus. Cette activation pour les autres

s’actualise alors dans une réalité-réponse-résultat.

SCHÉMA DE LA COMMUNICATION ET DE L’ACTION

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BOUCLE D’AJUSTEMENT DU CONSENSUS

ET DE RÉALISATION

On comprend aisément trois phénomènes:

– La réponse-résultat peut servir de régulation

du consensus initié et si quelque maîtrise est exercée

là alors un réajustement permettra d’approcher du

résultat espéré.

– On voit la place et le rôle de maîtrise professionnelle

pour tenir le bon conSensus sinon très vite d’autres influences

vont faire diverger le processus (non maîtrisé).

– On devine que la position à priori de ceux qui sont

visés par l’extension du conSensus peut faciliter ou non

cette extension et donc la réalisation attendue. Sur ce

dernier point le troisième moment apportera des éclairages.

A ce stade il y a encore deux observations capitales à

faire.

La première c’est que ce schéma de l’action est

aussi un schéma de toute communication, communication de

Sens au travers de médiations existentielles. C’est là

un fait capital à l’âge du Sens. Toute communication

est action et toute action est communication. Gageons qu’un "agir

communicationnel" y trouvera son compte. Cela renvoie aussi

à des questions de maîtrise et de responsabilité.

La seconde est le fait que c’est la réalité actualisée

qui semble activer le Sens du consensus au travers de ses différentes

dimensions et composantes. Cela implique que toute opération,

toute pratique maîtrisée, doit intégrer l’ensemble

de ces dimensions et composantes même si elle privilégie

telle ou telle. Cela implique aussi que toute réalisation-résultat

doit s’appréhender et même s’évaluer dans

toutes ses dimensions et composantes. Dans certains milieux économiques

on parle de la "gestion de l’immatériel". Il

s’agit sans doute d’un renversement de perspective d’un matérialisme

exacerbé et d’un pragmatisme peu éclairé

qui régnait antérieurement.

A lire : Sens

de la gestion

Le troisième moment est celui où on considère

le travail sur le consensus des autres et donc le processus d’évolution

et de transformation de la réalité par ce travail

même.

On fera un parallèle entre ce qui se passe dans la réalité

(d’expérience commune) et ce qui se joue dans le consensus

et qui s’actualise dans cette réalité comme transformation.

Prenons les deux dimensions premières de la réalité.

La variable intentionnelle est celle du Sens.

Nous pouvons avoir là comme question le changement ou

le repérage d’un Sens déterminé. L’action

est alors comme une action de "communication" par l’activation

du Sens au travers de repères symboliques, en général

repères d’autorité, pour qu’ils soient crédibles

et efficients. La question du changement de Sens peut s’associer

soit à une dispersion soit à la dominance d’un autre

Sens.

Le changement de Sens dans un groupe, une communauté

(et donc les personnes qui y participent) est des plus délicat.

En effet, pour qui n’a pas conscience du Sens, changer de Sens

c’est mettre en question la réalité actualisant

le ou les Sens habituels et auxquels les intéressés

se sont plus ou moins identifiés. Leur individualité

est alors partie prenante de cette réalité, leur

identité et tout ce qu’ils reconnaissent comme valeur et

stabilité de soi. Changer de Sens, c’est aller vers l’effondrement

de cette expérience qui peut être vécue comme

aussi menaçante que la mort. Il est vrai que ce le sera

d’autant plus qu’il y aura eu attachement fondamental à

une dimension de la réalité : les affects, la corporéïté,

les représentations de soi le tout étroitement inscrit

dans l’environnement mis en question.

Il faut connaître cela pour en deviner tout de suite

que la construction d’une réalité nouvelle dans

un nouveau Sens doit précéder toute mise en question

des réalités anciennes. C’est fort de nouvelles

identifications, de nouvelles situations que les anciennes réalités

pourront être "lâchées".

L’expérience du changement collectif montre à

l’évidence comment les uns après les autres s’inscrivent

dans une réalité de nouveau Sens et laissent se

"dissoudre" les réalités anciennes.

Il faut des populations d’une maturité suffisante pour

assurer prématurément les remises en question avant

d’avoir bâti les nouvelles conditions d’existence.

Appliquons le à un pays qui a identifié la réalité

aux formes, modèles et représentations sacralisées

sous les auspices de la Raison. Ce pays est d’autant plus irréformable

que les formes deviennent la seule réalité identificatoire

et même auto-référente (coupure d’avec les

plans factuels et affectifs, régression factuelle et affective

des comportements non formalisés).

Cependant nous voyons là que réformer est la

plus mauvaise méthode. Il faut créer de nouvelles

réalités, de nouveaux Sens jusqu’à ce que

cela soit attractif pour le plus grand nombre et que cela dissolve

ou épuise les consensus anciens Évidemment les méthodes

formelles de conception de l’action sont incapables de penser

cela et donc de le faire.

Une autre variable de la réalité c’est le changement

des "conditions objectives" facteurs et acteurs, objets

symptomatiques de l’altérité dans le consensus,

de la présence des autres, aléatoire. Il y a une

approche consistant à penser ces conditions comme un état

figé se traduisant par une réalité partagée

aussi figée.

Le "changement d’état" au niveau des conditions,

se fait par une rupture qui peut être vécue durement,

moins que celle qui met en question les sujets, mais suffisamment

pour dé-ranger conforts, habitudes, postures et identifications

mineures.

L’action ne met pas en question le Sens en consensus mais le

partage de ce Sens qui change les conditions. La bonne méthode

est dans celle du partage que l’on peut appeler concertation.

Si les parties prenantes sont appelées dans les mêmes

consensus mais avec des conditions nouvelles à réactualiser

leur environnement, leurs réalités, alors le changement

se fera aisément et "l’appropriation" aussi.

L’appropriation c’est l’élaboration d’une réalité

nouvelle bien adaptée notamment aux nouvelles conditions

mais c’est aussi faire de cette réalité une réalité

propre à laquelle les personnes et les groupes peuvent

s’identifier.

Il y a encore à considérer que les conditions

dans un monde humain non figé sont changeantes et même

aléatoires, c’est-à-dire objectivement imprévisibles.

Le changement là ne peut se faire par opérations

banales d’appropriation mais par une sorte d’appropriation permanente

considérant que le changement aléatoire fait partie

des conditions même de la réalité.

Alors c’est la structure de maîtrise qui peut l’assumer.

Il faut un niveau de maîtrise suffisant pour tenir d’un

côté le Sens (politique) et le traduire en fonction

des circonstances infiniment diversifiées et aléatoire.

Une structure hiérarchique et une définition des

compétences comme ayant à leur niveau (d’évolution

et de maîtrise) à intégrer cette variation

constante de la réalité en cessant de se fixer sur

des fausses stabilités. Ce qui est stable en effet c’est

ici le Sens et l’intentionnalité personnelle et collective

qui l’exprime. Les nouvelles structures virtuelles sont fondées

sur ce principe où ce ne sont plus les cadres géographiques,

juridiques, matériels, factuels qui fonde la réalité.

Là où on commence à s’intéresser

à l’immatériel au-delà du matériel

familier, on aura à découvrir que le stable est

du côté de l’immatériel, la détermination

des sujets.

Envisageons le troisième type de changement, l’évolution

des situations dans un Sens de réalisation et de plus grande

maîtrise.

Nous nous situons maintenant sur l’axe de l’historicité,

du développement. Si nous nous trouvons engagés

dans un Sens du bien commun, dans des conditions nouvelles actuelles

ou futures (prospective ou projet par exemple) alors le changement

est progression. Progression vers un but ou différents

buts hiérarchisés. Nous avons alors à considérer

deux séquences.

– Celle d’abord d’un processus de réalisation progressive

dont nous reverrons les phases et les étapes comme démarche

méthodologique pour l’action.

– Celle ensuite d’un processus de maîtrise que nous connaissons

maintenant comme un processus de progression dans le niveau de

maîtrise donc de connaissances comme de compétences.

Le changement collectif est alors une progression pédagogique

en même temps que la culture d’un chemin d’accomplissement.

Il n’est pas exclu que le second précède le premier

ou qu’ils s’accompagnent l’un l’autre.

Dans tous les cas il s’agit de cultiver le Sens de l’accomplissement

dans la problématique par un processus de développement

qui est à la fois réalisation et révélation

progressive.

L’action est alors, pour le collectif en consensus, à

la fois réalisatrice de son monde et révélatrice

d’humanité, vectrice de l’efficacité et de l’accomplissement;

Aucun projet, aucune démarche, aucune activité

humaine ne peut être conçue comme exclue de ce processus.

Aucune action humaine qui a des buts à réaliser

existentiellement parlant ne peut être comprise autrement

qu’un parcours d’accomplissement des personnes et des communautés.

On trouvera là aussi on le verra le véritable Sens

du travail humain. Il n’y a que dans les autres Sens que cette

cohérence se défait et qu’action et efficacité

se dissocient des valeurs d’accomplissement humain, y compris

dans l’art, bien sûr.