Spiritualité humaine
La spiritualité en tant que pratique humaine suppose que l’on donne un Sens à ce terme comme à l’humanité qui s’y réfère. L’Humanisme Méthodologique qui ne cesse de poser des questions incongrues, trouve dans son anthropologie fondamentale des réponses inédites. Son exigence est de chercher à répondre pour ce qu’il en est de l’humain et donc pour ce qu’il en est aussi de différentes réponses humaines à ces questions. La laïcité, thème d’actualité pourrait aussi y trouver des fondements renouvelés.
Le 21° siècle devrait être spirituel dixit Malraux. Qu’il l’ait dit ou non la fréquence de la référence est, elle, significative. Le troisième millénaire – ère de l’Esprit, voilà un autre pronostic autorisé. La montée du spirituel, leitmotiv médiatique, en serait encore un autre indicateur.
Distinguer spiritualité et religions est un exercice devenu fréquent, que ce soit pour s’opposer aux secondes ou pour reconnaître au contraire qu’elles partagent ensemble mais avec d’autres courants ou traditions quelque chose que l’on désigne par spiritualité.
Au moment où le déni d’humanité cherche à réifier toute trace d’esprit en schème neuronal sinon simple phénomène cérébral électrochimique, il est important de reprendre d’une façon directe la question:
Qu’est-ce que la spiritualité, humainement parlant?
Cette dernière précision renvoie alors à trois nouvelles questions:
– Qu’est ce que le spirituel en l’homme, question d’anthropologie fondamentale se rapportant à la nature humaine?
– Qu’est ce que la recherche spirituelle, l’exercice d’une spiritualité au regard de la réponse précédente?
– Quels sont les caractéristiques des pratiques et des enjeux "spirituels" dans le monde qui vient?
Au préalable une première analyse est proposée par l’Humanisme Méthodologique. Elle porte sur quatre versions de la notion de spiritualité et nous permettra de discerner les voies auxquelles renoncer ou à recommander.
1 – Pour l’homme, pour différentes communautés humaines, selon la tendance "animaliste" de l’humanité, alors la spiritualité est question d’accès ou de défense à l’égard de "puissances agissantes", pour le bien ou pour le mal. Bons ou mauvais esprits, cela peut être compris ainsi lorsque l’on est engagé dans cette tendance, dans ce Sens de la "possession" qui nous voit aux prises avec des puissances de tous ordres, en dedans ou en dehors de nous. L’animisme n’est pas la seule forme que cela prend. Les intégrismes et autres manichéismes non plus. Nos sociétés modernes ont aussi recours, par de multiples biais, à cette logique, avec ou sans Dieu et Diable mais avec des pratiques de "possession" et des jeux d’emprise et de "pouvoirs" variés.
2 – Pour l’homme, pour différentes communautés humaines, selon la tendance "naturaliste" de l’humanité, alors la spiritualité est l’attrait d’un sentiment fusionnel, la participation imaginaire à un grand tout. Immanentisme, holisme, refus de toute transcendance laissent un homme entièrement exo-déterminé, un simple canal diront certains, pour d’autres, un agent de circulation et d’interactions dans quelque système et dont le coeur est vide d’être mais plein d’affects ou de métabolismes divers.
L’anti humanisme y fait son lit. L’hédonisme victimaire nous en offre le spectacle des extases et des fureurs au quotidien, des satisfactions et des inquiétudes toujours scellées, de l’accusation de l’homme…
3 – Pour l’homme, pour différentes communautés humaines, selon la tendance idéaliste rationaliste alors la spiritualité est l’idéalisation de la Raison et de sa suffisance. En appeler aux idéaux, identifiés comme valeurs en est un mode d’exercice courant. Cette "spiritualité" a pu être favorisée par une certaine confusion entre un "intellect spirituel" et un intellect mental. Entre l’inspiration spirituelle et le raisonnement en quête d’idéalité. L’idéologie se fait alors volontiers spirituelle et aussi un substitut. La réflexion en effet ne peut réfléchir que ce qui est déjà représenté. Elle accède à la lettre, pas à l’esprit.
Combien de discours "spirituels" sont-ils identifiés au maniement de "formules", de signes et d’images toutes faites qu’il s’agit de "réfléchir" à l’envi dans une ascèse qui vient à en perdre l’esprit.
4 – Pour l’homme, pour différentes communautés humaines, selon la tendance qui considère le caractère symbolique des affaires humaines (culturel) alors la spiritualité est l’exercice du discernement et de l’engagement du Sens dans l’existence personnelle et communautaire.
La spiritualité est le recours au principe, à l’essentiel au fondamental pour comprendre et agir dans toutes les affaires humaines, c’est-à-dire tous les domaines de l’existence individuelle et collective. Cela s’oppose à la superficialité comme la considération de l’esprit s’oppose à la suffisance de la lettre. Si la lettre révèle l’esprit, celui-ci peut susciter à nouveau la lettre dans laquelle il s’incarne. Si "la lettre tue et l’esprit vivifie" alors pour l’homme c’est du côté de son esprit qu’il faut chercher le principe de sa vie et du côté de la lettre, de son existence incarnée, les signes révélateurs.
La réduction de l’homme à sa lettre est crime contre l’humanité, contre le principe d’humanité qui est esprit.
Poursuivons dans ce Sens pour envisager notamment ce que l’Humanisme Méthodologique dit de l’homme.
L’homme, en tant que personne est un "Être de Sens", une "Instance spirituelle" incarnés. Il est alors pertinent d’associer, pour le meilleur et pour le pire, Sens et esprits et, au singulier, Sens et esprit.
La quête de Sens est quête spirituelle et ainsi tout travail sur le Sens est travail spirituel.
L’homme est aussi un individu incarné, Sens incarné, esprit incarné. Sa chair il la prend dans celle d’un monde qui est lui même incarnation de "l’esprit-Sens", mais de l’esprit en communion, du Sens en consensus. C’est toujours ainsi le monde d’une communauté humaine.
Si par son existence la personne apparaît comme née d’un monde, celui d’une communauté humaine (aussi communauté de communautés), cette communauté est celle des personnes, en communion d’esprit, c’est dire en communion de Sens (ConSensus).
Cette anthropologie fondamentale montre le renversement de perspective entre la genèse existentielle et la genèse "spirituelle" ou encore le rapport de transcendance entre l’esprit de l’homme c’est-à-dire son Instance de Sens et les réalités qui sont l’incarnation des ConSensus, l’actualisation des Sens en communion (d’esprit).
Bien sûr tout cela prête à méditation, tant sur la vision de l’homme qui surgit de l’expérience personnelle et collective que sur les spiritualités qui en ont toujours été en quête ou qui s’en sont détournées.
Intervient alors la question des enjeux de la spiritualité ou de son exercice.
Il s’agit bien d’un côté de "révélation", c’est-à-dire, avec le discernement des Sens (ou encore des esprits) la reconnaissance de l’humanité de l’homme et en même temps de ce qu’elle est appelée à devenir, pleinement humaine.
Plénitude humaine, d’une humanité accomplie, cela signifie libre responsabilité, autonomie engagée, conscience agissante, justement dans l’ordre du Sens et du ConSensus et dans ses réalités incarnées.
Il s’agit d’un autre côté de "réalisation" ou incarnation de Sens humain en consensus, dans la conscience réalisante, dans l’action réalisante, dans l’existence – réalisation des Sens humains.
Ces deux volets révélation / réalisation articulent les deux moments clés de toute spiritualité.
Le premier c’est l’accès à l’esprit au travers de l’expérience, au travers de "réalités-réalisées" dans notre existence, dans notre monde.
Le second c’est l’incarnation de Sens par consensus dans tel ou tel domaine, telle ou telle affaire humaine.
Toute les situations, toutes les affaires humaines mais aussi toute réalité d’expérience humaine sont susceptibles d’un travail spirituel.
Cependant il manque encore à ce stade à souligner deux choses:
Les Sens de notre Instance nous restent habituellement inconscient, nous n’y accédons pas et ils ne nous sont pas d’emblée révélés. Il y a donc une question de conscience assimilée à une révélation comme enjeu de la quête spirituelle. L’accès au Sens ne va pas de soi encore faut-il le chercher et se disposer au discernement des Sens.
Ensuite cette "disposition" n’est rien d’autre qu’un engagement dans un certain Sens, donc aussi sa "réalisation" existentielle qui permet, médiatise cette révélation.
Il y a ainsi dans les affaires humaines une disposition de Sens, donc une façon de réaliser les choses, qui favorise la révélation des Sens, c’est-à-dire le discernement.
Le discernement des Sens (des esprits), en retour, donne à l’homme non seulement conscience de son humanité mais aussi "libre exercice" de cette humanité dans la participation aux conSensus qu’il incarne.
Ainsi il y a en l’homme des Sens "spirituels" tels que leur incarnation ne permet pas à l’homme d’être révélé à lui-même et donc d’accomplir son humanité. C’est le cas des trois premières "tendances" qui confondent la spiritualité avec ses avatars existentiels.
On voit ici l’enjeu essentiel de toute spiritualité : l’accomplissement de l’homme par l’appropriation de sa nature spirituelle au travers de son engagement dans les consensus (communautés de Sens) réalisateurs de son existence.
Redisons le autrement en deux temps:
– En chaque chose, chaque situation rechercher le meilleur Sens, par le discernement des Sens (conscience spirituelle).
– Engager chaque chose, chaque situation, chaque projet, chaque réalisation dans le meilleur Sens de façon à ce que le discernement en soit rendu possible.
Autant le premier temps est personnel, autant le second passe par le conSensus et la communauté de Sens de telle façon que le "meilleur Sens" est toujours aussi le "Sens du bien commun". Il est néanmoins tout aussi bien le Sens du bien propre pour l’accomplissement des personnes.
A ce stade la question éthique vient à se définir comme de nature spirituelle comme exercice spirituel de recherche et d’engagement du bien de l’homme, personnel et communautaire.
Il est apparu aussi que l’articulation personne(s) / communauté(s) est au noeud de toute spiritualité.
Il apparaît enfin qu’il reste un mystère à éclaircir.
Comment dans l’aveuglement des Sens, de l’esprit de l’homme, peut-on trouver et engager le "bon Sens" et ce dans chaque circonstance d’existence humaine.
C’est là qu’interviennent d’abord les religions. Elles proposent à la fois un "repère spirituel" et une pratique, en général communautaire, de spiritualité. Le "repère spirituel"(Jésus Christ, Mahomet, Moïse par exemple) est considéré spécifiquement comme "témoin de révélation" manifestant ce qu’il en est d’un au-delà de la réalité du monde et de l’expérience existentielle.
Peut-on discuter ici de ces repères? Faut-il scruter leur discours, leur comportement ou leur personne pour y trouver le Sens du bien de l’homme?
Deux choses peuvent être dites ici. C’est par une chaîne de témoignages que nous connaissons l’histoire et les actes de ces "repères". N’y ayant aucune assurance que cette chaîne de témoignages soit toujours et systématiquement fidèle, c’est toujours un travail intérieur, un rapport personnel, à ces "hommes repères" qui est susceptible d’être "révélateur" d’esprit (de Sens). En même temps ce rapport passe par l’histoire communautaire, la réalité commune, la lettre sans laquelle l’esprit ne peut ni être quêté, ni être discerné!
Il y a donc dans les religions à la fois l’enchaînement des témoignages et aussi la génération des pratiques susceptibles d’engager les hommes dans un Sens propice au discernement révélateur d’humanité et à la fois la possibilité de l’enchaînement d’aveuglements prenant toujours des leurres (idoles?) pour le Sens, des formes existentielles pour l’esprit. Elles sont alors affectives ou émotionnelles; mentales, imaginaires ou rationnelles; factuelles, matérielles ou opératoires.
Ces leurres restent cependant incarnations de Sens en conSensus donc toujours susceptibles d’être réinterrogés sous un autre angle, celui du Sens de l’accomplissement humain. Il ne faut pas jeter le bon Sens sous prétexte qu’il y en a de mauvais, c’est toujours dénier l’humanité de l’homme.
Au-delà des religions, inspirées par elles ou non, l’humanité a cultivé un grand nombre de repères de Sens : philosophies, valeurs, morales, "bonnes pratiques", rituels, idéaux, formules, institutions, personnalités aussi. Tous ces repères se font assaut pour l’engagement du bon Sens.
Aident-ils au discernement des Sens, de l’esprit? Proposent-ils des engagements réalisants vecteurs de discernement et donc d’accomplissement d’humanité?
Sont-ils au contraire des attracteurs "à côté du sujet" qui désignent la lettre, la réalité existentielle d’expérience humaine, pour l’esprit ou qui placent l’esprit hors de l’homme, hors sujet, le réduisant au statut d’objet, choses parmi les choses?
C’est au travail spirituel de les réinvestir à la lumière d’un discernement des Sens.
Enfin si nous interrogeons notre existence, nous observerons d’une part une multiplicité de rôles-repères, parents, éducateurs, professionnels, dirigeants, responsables, autorités, personnalités, auteurs, personnes adultes, majeures, mâtures dont la responsabilité serait de répondre du Sens dans lequel ils s’engagent et engagent les autres (dans les communautés).
A ce titre ils sont tous potentiellement repères spirituels, indicateurs de bon Sens, Sens du bien commun, co-responsables de l’oeuvre d’accomplissement humain dans leur domaine d’exercice. On peut supposer qu’ils disposent de leurs propres repères, de leur propre chaîne de repères pour assumer, à leur niveau de maîtrise, la transmission du Sens qui permet le discernement des Sens.
Pour cela ils ont donc à exercer une certaine "maîtrise humaine" de leur domaine d’exercice.
Cette maîtrise est soit simplement la capacité de transmettre fidèlement, soit celle de disposer d’un discernement personnel, toujours à cultiver qui confère cette liberté de Sens, caractéristique de l’accomplissement humain et qui engage aux consensus réalisateurs et révélateurs.
De ce fait chaque domaine d’existence, la vie personnelle, l’éducation, la santé, l’économie, la production des biens et services, la politique, la vie collective, la science, les arts sont tous le lieu d’une spiritualité spécifique. Celle-ci est, d’un côté, la culture d’une maîtrise humaine, d’un service d’humanité par le jeu de la recherche du discernement des Sens et de l’engagement du meilleur Sens. D’un autre côté, elle est simultanément un travail de révélation et de réalisation de l’humanité de l’homme en chaque circonstance.
D’ailleurs servir l’homme, "biens et services", ne sont rien d’autre que la contribution à cet accomplissement des personnes dans leurs communautés.
On voit donc ici que : spiritualité, maîtrise des affaires humaines, accomplissement de l’humanité en chacun et en tous, sont une seule et même affaire.
Est-ce diminuer la spiritualité que de la vouer à l’accomplissement spirituel des hommes au travers de leur existence?
Est-ce grandir excessivement les affaires humaines, d’en faire le lieu de l’enjeu spirituel de l’accomplissement?
L’Humanisme Méthodologique propose ce rapprochement là.
Et maintenant, pourquoi aujourd’hui, à notre époque, reprendre à nouveau frais la question spirituelle, en spécifiant qu’il s’agit bien de spiritualité humaine?
L’Humanisme Méthodologique, dans sa connaissance de l’homme, met en évidence comment le Sens de l’accomplissement se traduit dans l’existence par une succession de phases et de seuils d’évolution. Ce sont les âges ou niveaux de maîtrise de l’humanité. Les marches de l’accomplissement sont celles de la conscience, du progrès humain, c’est-à-dire du progrès spirituel, celles de la maturité des personnes mais aussi des groupes humains, cultures et civilisations.
A un âge archaïque, tout entier pris dans une réalité émotionnelle, succède un âge primaire d’apprentissages factuels voué aux enjeux de subsistance et de confortation matérielle.
L’âge secondaire de maîtrise des représentations mentales est celui que nous connaissons depuis l’antiquité avec le rôle de la raison comme instrument d’efficience. Il est aussi celui des déviances idéologiques et des mirages dont ceux de la suffisance de la raison et des idées, ceux d’un monde et d’une réalité humaine réduits à des modèles supposés indépassables, sciences ou idéaux.
Cet âge débouche sur un seuil de maturescence (hominescence dit Michel Serres) où se manifeste une crise des représentations (crise de l’état antérieur de civilisation) suivi d’une crise de Sens où surgissent ainsi massivement les questions spirituelles.
Ce sont les portes d’entrée d’un âge du Sens, âge de l’esprit, nouveau stade de conscience humaine, âge des communautés humaines, communautés de Sens, âge de l’homme et aussi du virtuel… Nous sommes dans cette mutation là.
Voilà ce qui arrive et que le maniement des seules représentations ne permet pas de voir. Voilà ce qui se révèle de l’humain et de l’accomplissement de l’humanité. Voilà l’énorme chantier qui s’ouvre devant nous : humaniser le monde, révéler et réaliser le Sens, l’esprit de l’homme, principe d’humanité, dans toutes les affaires de l’existence. Chaque domaine, chaque profession, chaque culture, chaque communauté a son champ propre de l’enjeu spirituel à cultiver. Tous les héritages de l’humanité sont là comme témoignages à élucider et aussi à réactualiser. Ils sont à mobiliser quant à leurs ressources spirituelles et à la richesse de leurs apports pour l’accomplissement humain.
Ne pouvant ignorer le lieu spécifique de la France et de son histoire, il reste à envisager la question du rapprochement entre spiritualité et laïcité.
La laïcité repose-t-elle sur un déni du spirituel (donc du principe d’humanité), ou bien est-elle la voie d’une libération spirituelle de l’humanité? L’Humanisme Méthodologique propose un certain discernement de la notion de laïcité?
La laïcité pose, au fond, le problème du rapport entre la conscience individuelle et la conscience collective. La notion de laïcité va prendre alors différents Sens (travail d’élucidation issue d’une analyse de cohérence).
D’abord elle veut assurer la liberté de conscience individuelle contre l’imposition d’une conscience collective, considérée comme la pratique abusive des églises à certains moments par exemple. Elle est ici le support d’un humanisme qui valorise la conscience humaine comme principe supérieur de dignité.
A l’inverse la laïcité veut s’imposer comme norme sociale de conscience avec son cortège d’injonctions (idéaux – valeurs) qui s’opposent à toute velléité d’altérité de croyance, considérée comme un mal intrinsèque. C’est très exactement la caricature de ce qui était recherché plus haut au point de faire de la laïcité une religion avec tout son appareillage de conditionnement social.
Ensuite une seconde opposition de Sens se révèle.
D’un côté une laïcité du refus, de l’opposition, de la lutte contre toute autorité de conscience, un anticléricalisme étendu à tous les clercs, religieux ou non et ce de façon autoritaire.
D’un autre côté une laïcité de la régulation qui cherche à établir des conventions, des règles de comportements collectifs.
De là quatre versions de la laïcité
· L’intégrisme laïc, totalitarisme idéologique qui veut imposer une croyance sociale d’autorité, à l’encontre de toute altérité en la matière. Il prend modèle sur tous les intégrismes religieux ou idéologiques en sacralisant ses propres signes et rituels.
· La laïcité libertaire individualiste. Elle considère que doivent être tenues séparées (clivées) une sphère du privé et une sphère du public.
Chacune doit se garder d’intervenir ou se manifester dans l’autre.
L’idée de "neutralité" réciproque entre les deux sphères suppose une schizophrénie. Elle interdit l’expression d’une intériorité de conscience dans la société, c’est-à-dire l’engagement personnel en société et à la société d’influencer la vie intérieure, la conscience privée, donc de prendre une quelconque position, morale par exemple. C’est la supposée neutralité de l’Etat qui s’y organise contre la conscience de ses propres fonctionnaires et toute autre conscience personnelle dans la gestion des affaires publiques.
· A l’inverse l’imposition de la conscience collective conjuguée avec une laïcité de la régulation se traduit par l’organisation de ghettos sociaux communautaristes. Ici sont enfermés ceux qui sont sous la coupe de telle religion, de telle croyance, là ceux qui relèvent de la religion laïque.
Cette laïcité sectaire organise les territoires de l’aliénation des consciences individuelles par le jeu des appartenances, par exemple avec le clivage privé ou public (dans tous les domaines).
Enfin, conjuguant liberté de conscience individuelle et régulation sociale, la laïcité est un régime de médiation sociale des voies et engagements personnels.
La liberté de conscience individuelle doit se conjuguer avec l’exigence de la vie collective et donc avec l’altérité des autres consciences qui constituent une même communauté.
C’est comme cela que la laïcité, définie par le respect de l’exigence de liberté personnelle de conscience et le partage communautaire des règles de vie collective, conduit à la question du Sens du bien commun, celui aussi de l’engagement personnel dans la cité. Comment faire société commune à partir des différences de conscience tel est l’enjeu de la laïcité.
A une laïcité du refus il faut répondre par la négociation sociale. Ce qui ne serait pas négociable n’aurait alors pas droit de cité. A une laïcité de la norme de conscience imposée il faut répondre par la liberté individuelle.
C’est donc la discussion entre des consciences qui se respectent qui peut déboucher facilement sur des solutions communes, viables dénuées d’intégrisme, de sectarisme, et de neutralité schyzophrène qui ne sont pas respectables.
Alors pour le voile "islamique" par exemple, faut-il se voiler la face sur le Sens de la laïcité au nom duquel traiter le problème?
La laïcité n’est plus alors un obstacle à la spiritualité mais sa condition même. Cela ne s’oppose en rien au principe des religions.