Régions et territoires

Le projet régional est-il la somme des projets locaux? Les projets locaux sont-ils l’application des projets régionaux? Le problème se pose à toutes les échelles, communes et intercommunalités, départements, niveau national, européen.

L’exemple développé ici est transposable. La solution des « compétences » est une conception purement administrative donc complètement hors sujet et préjudiciable au bien commun comme on le voit partout. Il est vrai que c’est d’un modèle de pensée des ensembles territoriaux qu’il manquait jusqu’ici avec des communautés territoriales majeures.

La focalisation de l’attention sur les "nouveaux territoires", pays ou communautés d’agglomérations par exemple, mais aussi la territorialisation des politiques publiques posent aux Régions des problèmes de fond, non sans rapport avec les débats portant sur la décentralisation ou l’autonomie territoriale.

Comment penser ces nouveaux territoires, leurs rapports entre eux et avec la Région ?

Il faut évidemment y inclure les "anciens territoires" départements, cantons, communes et leurs différents groupements ou communautés, mais aussi ces territoires qui ont leurs racines et leur histoire ancrée dans un passé encore plus lointain.

À cela s’ajoutent encore des territoires patrimoniaux comme les bassins hydrologiques, les parcs naturels, le littoral, les sites ou espaces naturels culturellement remarquables, etc.

En outre, la question de l’articulation du territoire régional avec d’autres Régions, avec la nation, avec l’Europe et avec d’autres espaces significatifs est aussi en question.

En fait, c’est la conception même des territoires et de leurs articulations qui est posée.

La réponse purement topologique se heurte à des problèmes de recouvrement et de découpage difficilement gérables.

En effet, si l’on fait du territoire physique et de ses frontières l’unité de base et le principe fondateur de la territorialisation, les conflits de frontières deviennent la principale préoccupation.

L’histoire est pleine de situations de cette nature. La réponse purement administrative débouche sur une complexité inextricable, nécessitant d’ériger des "frontières" juridico-administratives souvent paralysantes et sclérosantes à la longue.

Une autre réponse est de concevoir chaque territoire comme l’espace d’existence d’une communauté de devenir. Cela rend aux frontières physiques leur caractère secondaire et permet de penser des communautés de communautés compatibles aussi avec des multi-appartenances.

Par exemple, un même lieu peut "appartenir" à plusieurs territoires à des titres divers et se trouver impliqué dans des projets de territoires différents.

Dès lors, chaque territoire peut être pensé dans sa cohérence culturelle et sa vocation propre, dans le concours qu’il apporte à d’autres territoires constituant ensemble aussi une autre communauté de devenir, elle-même impliquée par sa vocation dans d’autres communautés de devenir.

Chaque territoire devient donc l’espace d’une communauté de devenir :

ayant ses racines et sa vocation d’origine culturelle propre (définition humaine des territoires),

capable de se projeter dans l’avenir au travers d’un projet de développement rassembleur et mobilisateur (définition politique des territoires),

partie prenante d’autres communautés de devenir auxquelles elle participe, concourant ainsi par sa vocation propre à la vocation commune (définition stratégique des territoires).

 

Propositions pour l’action

La reconnaissance pour chaque territoire de ses racines culturelles et ses potentiels patrimoniaux fondateurs d’une vocation propre est la première étape d’une telle politique territoriale.

La seconde est la "projection" de cette vocation dans le temps (le futur et ses mutations) et dans l’espace, celui des autres territoires dans une relation de "concourance" des vocations particulières à une vocation commune.

C’est comme cela que se forment à toutes les échelles les communautés et les projets territoriaux.

De ce fait, le principe d’unité et de cohérence est préservé à tous les niveaux, mais aussi la possibilité d’une identité et d’un développement différenciés propres à chaque territoire.

Dans quel ordre faire les choses ? Faut-il commencer par les territoires les plus petits pour établir progressivement des consolidations ? Faut-il au contraire commencer par le territoire le plus large pour y référer les projets particuliers ?

Tout est possible.

La seule chose qui importe c’est la question de la responsabilité politique qui s’assume d’autant mieux là où l’identification des racines et la projection dans l’avenir est éclairée (identité et projet).

On peut penser que la Région puisse commencer, si elle a l’ambition d’être elle-même un territoire constituant une communauté de devenir. Cela permettra d’éclairer le sens du devenir commun, facilitant ainsi aux autres territoires régionaux l’expression de leur vocation dans la participation aux enjeux communs.

Il est néanmoins tout à fait possible qu’en parallèle ou antérieurement tel ou tel territoire s’engage dans cette voie.

Cependant, dès lors qu’une politique régionale de ce type est affirmée, qu’une doctrine régionale est posée, tous les problèmes territoriaux régionaux peuvent être systématiquement abordés dans ce sens et la logique de "concourance des territoires" prendre le pas sur les logiques de rivalités offensives ou défensives.

L’autorité territoriale des Régions, mais aussi de tous les autres territoires qui la constituent, est à ce prix.