L’attractivité territoriale

L’attractivité territoriale n’est pas à rechercher dans des artifices attrape tout comme on l’a souvent vu. Basée sur des conceptions stéréotypées les approches se conçoivent sur des rationalités souvent fictives. La croyance dans Ces rationalités fait rater l’essentiel, les valeurs propres du territoire ou plutôt de la communanté humaine qui l’habite. C’est l’identité originale axée sur la poursuite du bien commun qui va donner une attractivité singulière parlante et non banalisée.

Les décisions d’implantation d’entreprises ou d’activités ne se font pas pour les raisons calculées par les spécialistes mais pour des raisons affectives et subjectives.*

Les auteurs de la thèse insistent sur le problème culturel posé par le fait que les facteurs déterminants échappent aux spécialistes qui compensent alors par un renforcement des modélisations et des calculs portant sur des critères techniques accessoires.

Quelle signification a pour un décideur (Hermès) le fait de s’implanter « en vue du Mont saint Michel « ? Quelle qualité de la vie offre Annecy pour les cadres des entreprises qui s’implantent dans un lieu excentré? Pour quelle raison telle entreprise va s’installer sur le plateau ardéchois ou à Alès ?

Les argumentaires exclusivement fiscaux ou techniques, ceux liés au marché local du travail, aux financements, aux moyens de transports, oublient, qu’au fond, même les entreprises on une âme ou plutôt leurs dirigeants. Seuls ceux qui n’en auraient pas ne seraient sensibles qu’à ces arguments.

De ce fait s’ouvre un nouveau chapitre du marketing territorial quelle « mise en valeur » d’un territoire doit elle être envisagée pour optimiser son attractivité.

A cela deux réponses, l’ancienne et la nouvelle.

L’ancienne, c’est une question d’image. Il faut donc établir la « collection d’image » qui va séduire les investisseurs. Évidemment les spécialistes sensibles à la mode et aux média vont nous sortir la collection complète des stéréotypes du moment, ce qui va très bien avec une tendance grégaire au mimétisme.

C’est ainsi que les communications des territoires se neutralisent et que si des implantations se réalisent ou non c’est « malgré » les efforts d’attraction consentis.

La nouvelle réponse, c’est que les « territoires » on une âme. Cette métaphore est utile ici pour comprendre que ce qui anime, ce qui émeut le cas échéant, ce qui motive et en définitive décide, c’est la rencontre « des âmes ».

Le « coup de foudre » n’est pas rare mais bien évidemment les manuels des experts les ont bien vite recouverts de rationalisations. Ils sont comme celui qui cherchait ses clés perdues sous le réverbère non parce qu’elle y étaient mais que c’était le seul endroit où il y avait de la lumière. Les clés de l’attractivité territoriale ne sont pas sous le réverbère des grilles d’analyses habituelles. Il faut les chercher ailleurs. Reconnaître ce qu’est « l’âme du territoire », la mettre en valeur non seulement en termes d’images mais aussi d’accueil et de perspectives de relations de l’entreprise et du territoire et enfin la faire reconnaître par des stratégies appropriées.

L’âme du territoire : Vocation et cohérence culturelle d’une communauté de devenir.

Supposons que la motivation d’une implantation soit uniquement liée à une sensibilité qui n’est pas celle des habitants du territoire. Les « satisfactions » seront rapidement perturbées par des malentendus culturels avec tous les acteurs locaux. L’intégration ne se fera pas, la « rencontre » aura échoué.

Ainsi il faut considérer d’abord que le territoire est habité par une communauté humaine qui a avec ce territoire et ses ressources une sorte d’alliance « culturelle ». Lorsque cette alliance est au mieux d’elle-même c’est une « vocation culturelle » qui s’en nourri.

La « vocation culturelle » d’un territoire en fait dès lors un lieu singulier, personnalisé, unique, porteur:
– de valeurs patrimoniales culturelles, communautaires,
– de talents et savoir-faire féconds,
– d’ambition et de projets qui portent les promesses de l’avenir,
– d’un « caractère » qui s’exprime dans les relations, l’accueil, les partenariats et la participation de tous au bien commun de la communauté territoriale.

C’est à tout cela que résonnent alors des décideurs qui y retrouvent comme une promesse en écho à leurs propres attentes, à leurs propres motivations, à la vocation profonde de leur entreprise qui échappe aux analyses habituelles des gestionnaires.

Qui ne sait, hormis les cyniques, que les entreprises répondent à des mobiles humains et que leurs dirigeants engagent des motivations personnelles dans leur choix qui ne se réduisent pas exclusivement à la taille du portefeuille de stock options. De toute manière quelles entreprises les territoires ont-ils intérêt à attirer? Celles qui vont se servir du territoire et faire payer très cher les dividendes qu’ils vont y laisser ou celles qui vont y apporter un service en étant partie prenante de la vitalité du dynamisme et du développement du territoire?

Les entreprises qui ont des valeurs recherchent des clients qui apprécient ces valeurs, condition de leur fidélité. Les territoires doivent faire de même et cesser de monter des stratégies attrape tout ou, pire, d’attirer des entreprises qui au bout du compte appauvrissent le territoire.

De ce fait il importe d’investir tous les efforts pour reconnaître et faire valoir authentiquement, la vocation singulière du territoire, propice à attirer justement les entreprises qui s’y retrouvent et d’établir ainsi une rencontre fructueuse pour tous. Alors les arguments « accessoires » trouveront aussi leur utilité à la marge ou au stade des facilitations.

LES PRINCIPES D’UN MARKETING TERRITORIAL PERTINENT

1) Qualifier l’offre de valeurs du territoire

L’analyse

On l’a vu les valeurs d’un territoire sont d’abord et essentiellement la vocation culturelle de la communauté qui l’habite. Après tout c’est à celle-ci que l’entreprise est invitée à participer.

La qualification (identification et mise en valeur) d’une vocation culturelle réclame une analyse qualitative en profondeur (analyses de cohérences culturelles). La méthode d’analyse ici proposée est capitale, en effet de nombreuses approches qualitatives ont sombré dans le quantitatif ou le stéréotype faute de pouvoir accéder à une singularité véritable.

L’analyse de cohérence culturelle permet d’accéder à un premier résultat: La reconnaissance par la collectivité de ses propres valeurs, de l’originalité de sa vocation et aussi l’émergence d’une volonté de la promouvoir qui va de pair. La qualification territoriale ne peut être le fait de quelques spécialistes, elle doit être portée par une communauté qui s’identifie à ces valeurs qui lui sont propres.

Le projet

L’analyse doit être suivi par un minimum de mise en perspective. Ce qui est le plus souhaitable, c’est que la vocation soit le vecteur d’une « projection dans l’avenir » et par exemple d’un projet de développement exprimant une ambition, un dynamisme et une volonté collective. Le projet est porteur de promesses et donc vecteur de motivation pour les décideurs éventuels. Il y a en effet une différence entre attractivité passive et attractivité active. Tout le monde conviendra que la seconde est plus propice à la prise de décision. Encore faut-il que cette dynamique soit portée par les représentants du territoire.

La proposition

Reconnaissant ses valeurs propres, étant capable de les projeter de façon mobilisatrice dans le futur, le territoire doit encore se poser comme une force de proposition à l’implantation d’activités nouvelles. Pour cela il faut que les valeurs et projections dans le futur se traduisent par des dispositions concrètes qui facilitent l’accueil, l’intégration et l’activité des nouvelles entreprises témoignant ainsi que la collectivité s’engage dans une voie où les promesses sont réalisées. L’attractivité du territoire se matérialise par des espaces d’accueil, des facilités de services et surtout des modalités d’intégration à la vie socio-économique et de participation à la dynamique de développement du territoire.

Les trois éléments : qualification de la vocation, projet mobilisateur, proposition matérialisée, constituent l’offre de valeurs du territoire.

2) Cibler, communiquer et promouvoir cette offre de valeur
Il est évident qu’une offre fortement positionnée va à la recherche d’une demande particulière qui s’y retrouve, l’offre provoquera la demande.
Nous sommes donc dans l’esprit d’un « marketing de l’offre » même s’il vient à s’exprimer spontanément des demandes.

Une véritable stratégie est donc à concevoir dont on peut pointer ici certaines caractéristiques :

– La cible et les univers de pertinence. Dans quels univers culturels, d’activités, de sensibilités, d’affinités se situent les « clients potentiels »? Comment se présente leur attente et peut se formuler leur demande? Quels modes d’accès, prescripteurs, intermédiaires, cercles d’appartenance sont-ils favorables,

– La communication, les belles images ne suffisent pas. Il faut que cela favorise une « rencontre ». Les moyens d’Internet et du virtuel favorisent l’expression de l’offre et sa communication. La dimension stratégique de la communication est importante. C’est elle qui « entraîne » le mouvement favorisant la rencontre.

– La promotion et la commercialisation de l’offre de valeur. Elle peut emprunter plusieurs vecteurs et il faut penser que les acteurs de la collectivité territoriale en sont les premiers témoins, les premiers ambassadeurs, les premiers promoteurs. Encore faut-il qu’ils y soient préparés sur un positionnement cohérent. Différents modes de commercialisation sont ensuite possibles, en cohérence avec l’offre de valeur. Les pratiques du « commerce des valeurs » sont évidemment recommandées s’agissant de la rencontre et la reconnaissance de valeurs réciproques et de leur traduction dans une démarche d’implantation et d’intégration locale.

3) Recevoir, accueillir et intégrer les décideurs et l’implantation des activités nouvelles.

Faut-il dérouler le tapis rouge, faire des cadeaux extravagants? Il sagit d’accueillir et d’intégrer quelqu’un dans la communauté, les décideurs bien sur, mais aussi toutes les personnes qui participent à l’entreprise.
C’est dans cet esprit que les choses doivent être conçues. En effet c’est cela qui va permettre dès la rencontre initiale de confirmer « l’offre de valeur » au travers des façons d’accueillir, des dispositions prises et du dialogue établi. L’écoute des préoccupations va de pair avec la recherche de facilitations qui confirment la pertinence de la décision prise ou à prendre. Elle prépare en outre à une intégration « culturelle » en même temps qu’économique de l’activité nouvelle.

Les trois volets du marketing territorial nécessitent, on le comprend, une démarche professionnelle en même temps qu’un minimum d’organisation permanente de la collectivité. C’est son propre investissement dans cette action qui rendra crédible et possible l’investissement des décideurs.

Conclusions

L’attrativité des territoires et le marketing territorial amènent aujourd’hui à trois pistes de réflexion:

– La relation avec les projets territoriaux de plus en plus l’expression d’une vocation et d’une ambition propre de la communauté « culturelle.

– L’existence de la collectivité territoriale non seulement dans l’espace physique mais aussi dans l’espace virtuel. C’est là aussi que les entreprises installent une part notable de leur activité. Encore faut-il que les territoires y placent leur « offre de valeurs » en même temps qu’une part de leur urbanité (par exemple les espaces de rencontres inter entreprises, etc…).

– L’existence de situations territoriales où c’est le territoire lui-même qui est l’offre de valeur de par ses patrimoines naturels et culturels singuliers. Dans ce cas le projet territorial se confond presque avec un marketing stratégique. Il devient une véritable « entreprise territoriale » et son offre de valeurs vise non seulement des entreprises mais aussi des activités de tous ordres, des habitants, des visiteurs et aussi des « clients » des richesses qu’il peut offrir, même à distance (produits, services, etc…).

Ces dernière observations montrent que l’attractivité territoriale et le marketing territorial doivent quitter les conventions mécaniques de la création de zones et de la chasse concurrentielle aux entreprises pour s’intégrer à l’émergence de nouveaux projets territoriaux. Ils marquent une mutation de notre époque considérant clairement plus le territoire par la communauté de devenir qui l’habite que par les hectares de zones d’activités aménagés.

*Conclusion majeure de travaux de recherche réalisés avec le concours de la DATAR et l’école des Mines *(article publié dans « La gazette de la société et des techniques » éditée par les Annales des Mines – 20, avenue de Ségur 75007 Paris – n° 5 « Douce France, que fais-tu pour attirer les investisseurs »).