Internet, la culture du virtuel

Internet, le virtuel sont souvent synonymes de fiction, d’irréalité. C’est tout le contraire qui se prépare si bien qu’avoir les pieds sur terre, d’ici quelques années, consistera à savoir se situer et agir dans cet espace d’activité humaine qui se dessine aujourd’hui.

Pour beaucoup Internet est un réseau de télécommunication
caractéristique d’une société de l’information,
annoncée par le développement de la télématique. Il
n’en est alors qu’une sorte de développement anarchique dont on peut
craindre une dégradation dans la fiabilité de l’information et la
sécurité de ce qui y circule. C’est un argument courant qui ne
s’appuie que sur la matérialité du réseau.

Pour
d’autres, Internet c’est le multimedia, le media qui supporte ou va supporter
toutes les formes de communications. C’est en définitive un nouveau
support qui réclame une nouvelle écriture médiatique que
les professionnels de la communication vont devoir développer pour
maîtriser le Web. Dans cette optique la libre expression de n’importe qui
sur le web est vue comme un laxisme insupportable qui pollue le réseau
comme la presse nous en a abondamment entretenu depuis des mois.

La
réalité d’Internet est essentiellement autre. La nouveauté
avec Internet c’est que tout ce qui s’y produit ne résulte que de
l’expression de libres intentionalités humaines, de libres initiatives.
C’est un tissu d’intentions humaines et pas seulement un réseau
matériel de transmission et de communication.

Il faut pour cela
la rencontre d’un moment de mutation historique où la
responsabilité individuelle peut commencer à s’assumer, avec le
développement de moyens techniques, individuellement maniables. Cette
liberté fait très peur particulièrement au pays de la
liberté qui se découvre d’une étonnante frilosité.
Le phénomène Internet est là étonnement
révélateur de l’état de nos sociétés.

C’est quelque chose de tout nouveau, à cette échelle, et qui
remet sur le chantier la pensée politique, la pensée juridique,
la pensée économique etc. non pour les annuler mais pour les
faire progresser et sortir de leur endormissement.

Un monde
fondé sur le tissu des intentions est un monde différencié
selon les multiples intentions humaines avec tous les problèmes que cela
soulève (inhérents à la problématique de la
liberté et celle de la responsabilité humaine).

Un tel
monde se nourrit de virtualités humaines, naît de Sens
partagés et remet l’accessoire matériel à sa place. Par
exemple on ne peut plus penser l’économie comme gestion de la
pénurie ou de la rareté matérielle mais comme engagement
de l’abondance des potentialités humaines, des richesses
humaines.

Le Sens partagé lorsqu’il se trouve au principe du
rassemblement des hommes les dispose dans une perspective, dans un engagement.
Ils sont mis ainsi en disposition d’entreprises. Le lien social dès
qu’il est reconnu comme constitué d’intentions partagées et un
lien d’engagement mutuel dans un devenir commun, un lien de
« concourance ».

Bien sur il y a en l’homme toutes sortes de
Sens qui supportent toutes sortes d’intentions. C’est le principe même de
la liberté humaine. C’est celui de la responsabilité de renoncer
à certains d’entre eux et de choisir ceux qui accomplissement
l’homme.

Alors les intentions engagées sont vertueuses. Elles
sont régies par des valeurs communes. Elles structurent les actions,
favorisent les créations, développent les entreprises,
accomplissent les virtualités humaines. On aura reconnu les
caractéristiques de la culture du virtuel. En fait Internet est à
la fois un révélateur et un support de réalisation de
cette culture du virtuel.

Un tel discours paraîtra à
beaucoup extravagant, un tel monde extraterrestre. Or, il ne s’agit que de
repenser un monde humain, certes conditionné par les contingences qui
sont les siennes mais engagé et dirigé par les intentions
humaines.

Il s’agit de remettre la fatalité à sa place,
les systèmes à la leur, c’est-à-dire celui de la
contingence et non pas celui de la direction des affaires humaines comme on l’a
fait. Il s’agit en quelque sorte de remettre l’homme sur ses pieds. Qu’y a-t-il
de plus concret, de plus réaliste, de plus urgent ? Internet ce n’est
pas le monde de l’abstraction qui se prépare mais celui où
l’essentiel redevient le critère du concret et l’accessoire redevient
secondaire. Par de nombreux aspects et malgré les déviances
inhérentes à l’humain, c’est la dignité de l’homme qui se
tisse sur la toile du web.

Il nous faut apprendre à le voir…
et à le faire.