L’âge du virtuel, âge d’homme

Depuis la rédaction de ce texte (1996) le philosophe Michel Serres à publié « l’hominescence » et aussi déclaré « le virtuel est la chair de l’homme ». Est donc à nouveau confirmée la relation que l’éthymologie signalait entre la mutation, l’homme et le virtuel touchant non seulement à la compréhension de l’homme mais aussi à celle du monde de l’homme et la réalité en général. Le comble de l’obscurantisme aujourd’hui est tenu par le paradigme positiviste scientiste, la technocratie et le matérialisme gestionnaire qui ignorent tout de leurs propres fondements et nous dessinent un monde où l’homme est dépossédé de lui-même et déjà de tout discernement, laissant grande ouverte la boite de Pandore.

Depuis la rédaction de ce texte (1996) le philosophe Michel Serres à publié « l’hominescence » et aussi déclaré « le virtuel est la chair de l’homme ». Est donc à nouveau confirmée la relation que l’éthymologie signalait entre la mutation, l’homme et le virtuel touchant non seulement à la compréhension de l’homme mais aussi à celle du monde de l’homme et la réalité en général. Le comble de l’obscurantisme aujourd’hui est tenu par le paradigme positiviste scientiste, la technocratie et le matérialisme gestionnaire qui ignorent tout de leurs propres fondements et nous dessinent un monde où l’homme est dépossédé de lui-même et déjà de tout discernement, laissant grande ouverte la boite de Pandore.
Pour beaucoup internet, le virtuel c’est le comble de l’abstraction, de l’irréel, de l’isolement, de l’inhumain.

La presse s’en fait l’écho, avec quelle complaisance : néonazis, terroristes, pédophile et maintenant trafic de médicaments, trafic de drogue, sectes en tous genres, aliénation culturelle. Ceux qui reçoivent ce message, complété par le thème de l’absence de loi, le pillage et l’invasion, nous avons tous les thèmes de la paranoïa ordinaire. Celle-ci témoigne d’un profond sentiment d’impuissance et génère intégrismes, chasse aux sorcières, boucs émissaires.

Malheureusement dans de telles périodes, la conscience collective est souvent obscurcie et ne voit plus ce qui se passe et il lui est arrivé de ne se réveiller qu’après les exterminations, seulement au moment des bilans.

Or, nous sommes dans ce moment charnière où le passage se fait à un nouvel âge de maturité humaine et où beaucoup des puissances d’avant se sentent disqualifiées, impuissantes devant l’avènement d’une nouvelle étape dans la découverte et l’engagement de la liberté humaine. C’est ce qui explique que la pression anxiogène qui aliène s’exerbe plus que l’éclairage pédagogique qui libère.

Nous en sommes à cet extraordinaire moment où l’humanité, lourde de tous ses travers et ses richesses, progresse dans une mutation décisive. Ce n’est pas la fin de quoi que ce soit, ni même du pire mais un franchissement véritable se produit. Il a été tant attendu en ce siècle que lorsqu’il vient, il dérange le confort de l’attente. C’est pour cela que l’issue heureuse est considèrée comme une malédiction par beaucoup.

Or, c’est bien un âge d’homme qui se dessine, rappelons ces racines des mots Worl et Welt dérivés de WIR par WEOR-OLD et WER-ALT, VIR étant à la racine de virtuel. (Dictionnaire des racines des langues européennes de R. Grandsaignes d’Hauterive, Larousse 1948)
Pourquoi âge d’homme ?
Des deux racines homo et vir, la première a prévalu faisant du monde la matrice de l’homme. L’autre racine vir fait du monde la « réalité virtuelle » de l’homme, c’est-à-dire le témoignage de son humanité qui le découvre comme sujet intentionnel, « réalisant » par cela le « monde ».

Si la progression se traduit par cette découverte qui peut enfin être assumée, elle ne coïncide pas avec un quelconque angélisme puisqu’elle révèle aussi la profondeur de l’abime humain et toutes les dimensions qui font la condition humaine. Mais les reconnaître et s’en connaître responsable, c’est déjà le début de la responsabilité.

Mais comment accepter un tel propos qui jette du même coup une interrogation critique sur les humanismes ou sentiments d’humanité qui ont prévalu.

C’est la théorie des âges qui peut nous éclaire à ce propos.

L’âge initial est l’âge archaïque , prénatal, préhistorique, c’est un âge où règne l’affect et la confusion qui précède toute distinction, toute séparation.

Age de la toute première faiblesse humaine, identifiée au sentiment d’humanité au nom duquel, sans transition, l’abomination peut succéder. C’est la direction des plus grandes régressions où tous les jeux de puissance – impuissance veulent en fait nous entraîner.

Le premier âge véritable, c’est l’âge du faire . Des distinctions acquises viennent les interactions. L’homme y est chose parmi les choses et il n’est pas loin de l’âge archaïque qui se maintient encore par les puissances (énergies ?) attribuées aux choses. Le groupe humain est un groupe de cohabitation entièrement régi par la dépendance économique tout en s’exerçant à une plus grande habileté.

Faire de cet âge le référent absolu, est le lot des divers matérialismes où, l’homme est un produit matériel. Mais une certaine nostalgie ne nous ferait-elle pas prendre cet âge de l’enfance de l’humanité, comme le noyau authentique de l’humain alors que cette humanité est encore loin de s’être accomplie, de réaliser son humanité.

L’âge secondaire , celui dont a, à juste titre, pu être fier au titre de civilisation, est celui des représentations. Le règne de la raison et de l’édification rationnelle du monde (déjà) qui ont tissé toutes les fibres de notre civilisation sur tous les plans, de la science, de la philosophie, du politique, de la technique, du juridique et de toutes les affaires de la cité.

Cet âge des représentations, édification plus rationnelle du monde, projet imaginé pour être réalisé, coïncide avec un plus grand niveau de conscience, une réalisation plus grande de la spécificité humaine et aussi le partage d’un monde mental, c’est-à-dire intériorisé. Comment ne s’est-on pas aperçu que c’est grâce à une plus grande profondeur d’humanité que le progrès des civilisations s’est effectué.

Or déjà pour beaucoup cet âge a-t-il été vécu comme abstrait, non concret, révélant ainsi l’identification matérielle ou affective de l’humain.

Aujourd’hui pour d’autres, c’est la réduction de l’humain à sa raison, à ses représentations qui fait déjà nostalgie et auquel nombre de rationalismes, traditionnels ou modernistes, vertueux ou habiles voudraient nous aliéner.

La crise de maturescence dans laquelle nous sommes inaugure un âge de l’homme dans la mesure où c’est un nouvel approfondissement de l’humanité qui se prépare assurant cette dimension VIR qui en réalité poursuit l’accomplissement déjà engagé.

Non les dimensions précédentes ne sont aucunement le gage et le critère de l’humanité même si elles en sont déjà des expressions. Il est difficile d’abandonner ces confusions, ancrages, identifications comme lieu de la véritable humanité de l’homme et reconnaître que la dimension intentionnelle est plus profonde, plus vraie. Mais comme nous la maîtrisons mal, nous ne nous sentons pas rassurés, ni assurés.
Le « lâcher prise » nécessaire qui n’est pas abandon, ni méconnaissance de ces réalités de l’homme, « homo », nous amène à découvrir que nous qui croyons être seulement portés par le monde nous le portons tous ensemble. C’est ce que veut dire monde virtuel, c’est l’exigence de l’âge d’homme.

Venons-en en conclusion à la question des relations humaines. Quand sont-elles le plus proches, le plus authentiques ? Du côté de la confusion des affects ou du côté de la rencontre des désirs, intentions des sujets humains. Du côté de ce qui est le plus véritablement humain ou du côté de l’archaïque. Quand l’altérité est-elle reconnue ? Dans la réduction de l’autre à l’archaïque, dans sa réduction « économique », dans sa réduction mentale, et idéele ou dans la reconnaissance de la présence de sa personne, sujet d’intentions propres ?

Avec l’âge d’homme s’inversent les critères de proximité et de distance. Ce qui rapproche les hommes, c’est ce qui les implique au coeur. Ce qui les éloigne de leur humanité, c’est ce qui réduit le coeur à l’une ou l’autre de ses expressions.

Le monde du virtuel intègre toutes les dimensions de l’expression humaine, médiations de Sens, multimédiations d’ailleurs. Il fait de l’homme et de l’humanité de l’homme le soubassement de toute réalité et, de toute réalité, la médiatrice de la révélation et de l’accomplissement humain, dans les petites et les grandes choses.